ESSAI SUR EE MOUVEMENT. ESSAI SUR le mouvement, Psir J. B. CHJMBOISSIER, Docteur en Médecine de la j acuité de Montpellier} delà Société Royale des Sciences, Arts & Bdles-Lettres de C lcr mont-Ferrand. Jgnuto motu ignulâ pariter & naturâ AR’.sr. A LONDRES, Et fe trouve a PARIS, Chez ÎOMBERT, jeune , Libraire * me Dauphine, Et à LYON , Chez GRABIT, Libraire, rue Merciere. M. D C C. L XXX V. I P RE FA C E. IL E s hommes doivent - ils s’ap- plaudir du progrès qu’ils ont fait dans les fciences oc dans les arts 5 ou plutôt y ne feroient-ils pas en droit de fe plaindre de l’ignorance dans laquelle le genre-humain vit enco- re h chacune de ces deux opinions a les partifans, & peut, en effet 5 être défendue 5 parce que cette queilion préfente différentes faces fous lesquelles on peut la conddérer. Si nous n’avions en vue que les befoins préfents & les néceffités de la vie, ou même une curiofité rai- fonnabîe 5 il n’eft pas douteux que les fciences & les arts n’aient été portés à un point de perfeélion ca- pable de nous procurer tous ces biens, on pourroit même dire que les hommes n’ont que trop bien réuili en cela, ou , au moins, qu’ils ont abufé des avantages que les fciences & les arts leur ont procu- rés , puifque ces avantages n’ont fait qu’accroître leurs maux en fa- vorirantla mallefîe, le luxe & l’am- bition. PRÉFACE. Mais l’efprit de l’homme, tou- jours inquiet , a encore un objet de délir; témoins des merveilles de la nature , il délirerait s’élever à la connoilTance des moyens qu’elle employé , ou des caufes qui opè- rent les miracles qu’il admire6c c’eft-là le point de perfection au- quel les fciences n’ont pas encore été portées , & duquel je foutiens qu’elles font bien éloignées, contre l’opinion de quelques emhouli ailes, qui font un éloge outré de la phy- fique moderne ; s’il faut les en croi- re , les derniers iiscles ont été allez- heureux pour avoir vu naître de vaftes & puiflants génies, qui mar- chant avec toutes les forces réunies l’efprit humain y ont dévoile les myfteres les plus fecrets de la na- ture y3c ne nous laident prefque rien à délirer. PRÉFACE. Il convient de remarquer que ceux qui parlent de la phyüque mo- derne d’une maniéré îi avantageu- fe 5 ne ceflent de déclamer contre les anciens ; ils ne trouvent qu’obfcu- rité, erreur ou même abfurdité dans leurs ouvrages ; tandis que ceux des modernes ne contiennent rien qui ne loit démontré d’une maniéré évi- dente & lublime. Il y a certainement de l’ingra- titude de la part des modernes d’ac- culer les anciens d’ignorance : fans les grands hommes qui vécurent y il y a environ deux ou trois mille ans, les fciences ne feroient peut- être pas encore parvenues au point de perfection qu’elles reçurent dans ces temps-là ; fi leur philofophie éroit pleine d’obfcurité y celle d’aujour- dhui n’eft guere plus lumineulé > fi nous avons découvert plufieurs erreurs des anciens 5 la pofiérité les vengera lorfqu’elle mettra en évi- dence le ridicule des opinions mo- dernes: foyons donc plus équitables dans le jugement que nous porte- rons fur les anciens philofophes, afin de mériter que les fiecles à ve- nir nient envers nous de la même indulgence. PRÉFACE L’importance des découvertes qui ont été faites dans les derniers temps font fans doute le fondement fur lequel eft appuyé l’éloge pom- peux que l’on fait de la phyfique moderne, ces découvertes font en effet très-belles & très - utiles 3on ne fauroit le contefter ; mais qui eil-ce qui ignore que nous devons les plus belles de ces découvertes au hafard feul, & que l’on n’eft parvenu à la découverte des au- tres que par le moyen des premiè- res , & par le tâtonnement ; ce qui fuffit pour prouver que les hommes ne font pas encore fortis de l’état de ténèbres dans lequel ils ont tou- jours vécu. préface. A la vérité les modernes paroif- fent avoir tiré tout le parti poflTible de ces découvertes pour la perfec- tion des arts & de certaines théo- ries ; mais il femble qu’elles au- roient dû les conduire plus loin & leur faire entrevoir les reports fe- crets de la nature 3 ce qu’elles n’ont pas fait: c’eftdonc un reproche qu’on peut leur faire , & cela avec d’au- tant plus de raifon, que ces décou- vertes ont été jufqu’ici entièrement inutiles à cet égard, puifqu’elles ne font exactement que des phénomè- nes nouveaux qui , comme ceux qui ont été connus de tous temps , doivent être regardés comme au- tant de problèmes dont on n’a pas encore donné la folution. Pour être convaincu de ce que je viens de dire 5 il fuffira de par- courir les découvertes des derniers F R È F A C E, temps : on lait que l’aiman attire le fer , & que lorfqu’il eft libre, il tourne afîez exa&ement deux de les points vers les pôles de la terre ; on fait auflî que cette pierre com- munique aifément les mêmes pro- priétés au fer, & Ton n'ignore pas la déclinailon & i’inclinaifon de l’ai- guille aimantée i mais la caufe de tous ces phénomènes eft inconnue. Il fembloit que la connoilfance de la poudre à canon devoir nous découvrir la nature du feu & no plus nous laiiïer ignorer la caufe de la propagation 5 cependant nos con- Boiflances fur ces matières n’ont fait aucun progrès, &, nous ignorons de plus la caufe des effets lurprenants de la poudre à canon. Torricelii a reconnu la pefan- teur de l’air, & cette découverte efttrès-intéreffante, puilqu’elle nous a appris la caufe commune d’une infinité d’effets que les anciens attri- buoient mal-à-propos à l’horreur du préface. vuide ; mais combien cette con- nohTance eft-elle imparfaite , puif- flne nous fommes forcés d’avouer nous ignorons la caufe de la pefanteur de l’air comme celle des autres corps, à moins que nous n& Soyons affez crédules pour regarder l’attraétion comme un principe de la nature. On a découvert la loi fuivanC laquelle les rayons de lumière fe refraélent lorfqu’ils paffent oblique- ment d’un milieu dans un autre de différente denfité ; mais on ignore la caufe de ce phénomène, &, ce paroîtra encore plus furprenant, c qu’on a fait l’analyfe de la lu- mière 3 & qu’on a porté l’optique à un très-haut degré de perfection % fans qu’on puifle fe flatter de con- noître ce que c’eft que la lumière. On peut porter le même juge- ment fur la découverte des phof- pnores, des phénomènes de l’élec- trmité &de tant d’autres dont la PRÉFACE. connoifîance n’a fait qu’exciter en nous un ardent defir d’en connoître la caufe ; on a fouvent efpéré que de pareils phénomènes dévote- roient le myftere de la nature , mais inutilement, ceux qui ont entrepris d’en donner une explication , étant tombés dans des contradictions 6c des erreurs étonnantes. Pour abréger, je joins enfembîe toutes les découvertes qui ont été faites dans certaines fciences, 6c je remarque que, quoiqu’on ait décou- vert la circulation du fang , 6c que l’anatomie ait été portée tout récem- ment à un point de perfection au- quel la potérité aura de la peine à ajouter foi, nous n’avons cependant pas une idée plus diftincte de l’éco- nomie animale , que celle qu’en avoient les anciens ; nous ignorons le méchanifme des fecrétions, la caufe du mouvement mufculaire, la maniéré dont le corps animal eft affecté dans les fenfations, la géné- ration aufli bien que faccroiftement & la nutrition, font toujours pour n°us autant de myfteres. H en eft de même de l’aftrono- mie dont les progrès paroiifent; étonnants ; on connoît la route des aftres avec une précifion à laquelle on n’auroit pas efpéré de pouvoir parvenir y tant eft grande l’irrégu- larité apparente de leur mouve- ment ; mais la phyfique célefte ne reçoit aucune perfeéiion 5 nous ne connoiftbns pas les caules dont la combinaiion réglé le mouvement des aftres 6c les tient fufpendus au déf- ais de nos têtes ; on ne fait pas encore fi les planètes 6c les cometes fe meuvent dans des efpaces im- mentes, vuides de matière y. ou dans préface. un plein parfait j enfin nous ignorons par quel moyen la lumière des aftres parvient jufqu’à nos yeux. Il eft certain que les philofbphcs ne nous ont donné fur toutes ces Matières que de vaines conjectures-j PRÉFACE. appuyées lur des principes obfcurS' ôc incertains y Ôc que leurs fyftêmes font en contradiction , fmon avec eux-mêmes, au moins avec les plié- nomenes j d’où il efi permis de con- clure que lés hommes ignorent le fond de la nature , ôc que leurs con- noifiances font trop imparfaites pour qu’ils puiflènt fe glorifier des décou- vertes qu’ils ont faites. Cependant, lorsqu’on fait atten- tion à l’induflrie avec laquelle les hommes ont fu tirer parti des biens que la nature a fi libéralement ré-* pandits autour d’eux,, on doit con- venir qu’ils ont droit de fe féliciter des connoifiances qu’ils ont acqui- fes, puifqu’ils en favent afiez pour fe conduire ôc fe rendre heureux fans les connoifiances qui leur man- quent : ils doivent être perfuadés que l’efprit humain doit être borné r ôc qu’il efi plus que vraifemblable qu’ils ne parviendront jamais à une parfaite connoifiance des merveilles de la nature ; mais c’en eft allez pour leur faire connoître & glori- fier l’auteur de la nature auquel ils doivent toutes leurs pofleflions ôc leurs connoiflances. P R ÈFA C E, L’état d'ignorance dans laquelle on peut dire que les hommes lont encore 5 ne doit donc pas les empê- cher d’être contents du progrès de leurs connoilTances ; mais doivent*- ils en demeurer là & refpeéfer le voile qu’il femble que la nature a mis fur tous Tes ouvrages ; ne doit- on pas craindre avec quelques phi- lolophes de dérober à la nature Ton lècret, &, que fi on réulïiflbit dans cette entreprife 3 ce ne fût un crime qui dût être expié par tout le genre humain 5 compie le vol du feu du ciel par Prométhé. Cette crainte paroît tout-à-fait frivole ; s’il eft des chofes que Dieu ait voulu cacher aux hommes 5 fans doute il les a mifes hors de leur portée ; il eft donc permis à un P R È FA C E. chacun de travailler à l’avance* ment des fciences que je crois fort éloignées, de la perfection à laquelle les hommes peuvent les porter; il n’y aura que les fiecles les plus reçu- lés qui pourront lavoir ce dont eft capable l’effort réuni de tout le genre-humain; la feule précaution qu’il y ait à prendre eft de fe ren- fermer dans les bornes du refpeét qui eft dû à l’auteur de la nature * en ne fe livrant à la contemplation de fes ouvragesque dans le deffein de mieux connoître le prix des bien- faits que nous en recevons tous les jours. TABLE des chapitres. Préface. page j Ejfai furie Mouvement , page 1 CHAPITRE PREMIER, Proposition première. Tous les corps qui exifient dans la nature y ceux au moins qui ont un volume tant f° t peu fenfible , font autant de ma fies compofées d'une infinité de petits corps tous différents les uns des autres , (j CHAPITRE IL Proposition seconde. T action d'un corps y qui prefiè ou qui cho» que un autre corps , ne fi pas portée en un infiant d'une extrémité a Vautre de ce corps, ou en général r d'un terme à. autre TABLE CHAPITRE 111. Proposition troisième. îl exifie un tourbillon autour d'un corps qui, ayant lté, mis en mouvement dans un mi- lieu quelconque , continue de fe mouvoir après que la puiffance motrice a cejfe d'agir, 32 CHAPITRE IV. Proposition quatrième. Le mouvement cTun corps qui continue de fi mouvoir dans un milieu quelconque , après que la force motrice a cefjé d'agir, ejl dû à un tourbillon qui s'ejî formé autout de ce corps , 42 CHAPITRE Y. Proposition cinquième. Tous Us corps qui font partie d'une majfe qià fe meut circülairement, doivent continuel de fe mouvoiry 53 CHAPITRE VI. Proposition sixième. Les corps font purement pafjîfs, ou la m#' tien ef inerte 7 < 6» DES CHAPITRES. GHAPITRE VII. Proposition septième. a erechon du mouvement d’un corps dé- fend principalement du même me auquel ejl du le mouvement de ce corps • 74 CHAPITRE VIII. Réflexions fur la définition du mouvement, Jur Le plein, le vuüe y &c, £ CHAPITRE ix. Réflexions fur la toi du choc , tlj CHAPITRE X. Réflexions fur la réfifiance des m CHAPITRE XI. 171 CHAPITRE XII. EXtaT n‘S P^nomenesqui font l'effet de ‘“Prejfiondes co'ps, U jg, xyj TABLE DES CHAPITRES. CHAPITRE XIII. Examen des phénomènes qui font l effet de l'atraction des corps , ic/’y CHAPITRE XIV. Examen des phénomènes qui font l'effet de La pereuffion des corps , 10% CHAPITRE XV. Examen du principe général de t équilibre 9 218 CHAPITRE XVI. Réflexion fur le mouvement perpétuel, 237 CHAPITRE XVII. Proposition huitième. Il exiffe dans la nature un fluide fuhtil ca- pable de faire graviter les corps vers le cen- tre de la terre avec une force proportionnelle a leur piaffe 244 Fin de la T able. ESSAI SUR IE MOUVEMENT. 00 A Près trois ou quatre mil ans de dilpute fur les caufes & la nature du gouvernent , fur le lieu, i’efpace ou ilétendue, fur le plein & le vuid?, fur i edence , la divifibilité & l’impénétra- bilité de la matière ; la plupart des Phy- siciens ont enfin abandonné ces quef- tlons , pour s’en tenir aux principes fui- Vants, fur lefquels ils font allez d’accord. (a) Les quatre premiers chapitres, Sc le fixieme üe cet ouvrage , ont paru dans un ordre différent i?Bît chez DelcroS, à Clermont-Ferrand , , 1 ouvrage entier eft tiré de plufieurs mémoires lus dans les affemblées particulières de la Société Royale des Sciences, Arts & Bdles-Lettrcs de 2 'Ejjai fur le Mouvement, Ces principes font que la matière eft inerte, ou que les corps n’ont aucun principe d’aéfivité, aucune force en eux- mêmes ; d’oii ils ont conclu qu'ils dé- voient être indifférents pour l’état, foit de repos , foit de mouvement, & qu’ils dévoient perfévérer dans celui de ces deux états, dans lequel ils fe trouvoient. Nous allons voir que ces principes font très - certains , puifqu’ils peuvent être prouvés de maniéré à ne laiffer aucun doute ; mais nous verrons aufîi, dans la fuite, que les premières conféquences qu’on en a tirées, font très-fauffes ; tant il eft Vf ai qu’un principe , quoique cer- tain, devient le plus fouvent inutile , quand il n’eft pas mis dans tout ion jour. Ces principes ne font pas le feul fon- dement de la phyfique moderne : les loix du choc & de l’attra&ion en font la prin- cipale bafe ; loix qui, dans le fens qu’on leur donne communément, ne font pas méchaniques, & que pour cette raifon , on feroit en droit de rejetter ; mais les partifans de ces loix les défendent avec opiniâtreté; ils difent que, fans elles, foit à caufe de l’impénétrabilité de la matière, foit à caufe de fon inertie, les corps, après la création, feroient de- meurés d’eux-mêmes dans un éternel re- Effai fur le Mouvement, ?°s, li Dieu n’y avoit pourvu , & que , pour i accomplillement de les delïeins , avoit été forcée (£) d établir eiyS .x ’ qll’^s ont eu témérité de -terminer eux-mêmes , & qu’ils préten- . ent qu’on doit refpeder, comme étant f tsrme des connoiflances humaines, au* du quel on ne fauroit aller. Malgré tout ce qu’ils ont dit, je ne crois pas quonfoit obligé de regarder ces îoix comme étant d’inftitution divi- ne> & que ce foit un crime de les attaquer ; je penfe plutôt que ç’a été un attentat de leur part, lorsqu’ils fe font attes d avoir pénétré les delïeins de tsu, de 1 avoir trouvé dans l’embarras après la création , & forcé d’établir les ,lx qu’ils ont imaginées ; l’Etre fuprême n auroit-il donc d’autre moyen que ces *°ix pour l’exécution de fes delïeins, & cesMeffieurs peuvent-ils le flatter de con- uoitre les bornes de la puiffance. Il efl; vrai que les phénomènes de la nature femblent prouver qui! exifte une gravitation générale & réciproque entre tous les corps, & qu’on peut appeller attraction avec M. Newton ; mais ce C*o Voyez les Inftiu neut.de M. Sieorene, Effal fur le Mouvement. philosophe ne l’a pas donné pour im principe de la nature ; il convenoit quelle pouvoit être l’effet d’une caufe générale , à la connoiffance de laquelle il défefpéroit de pouvoir parvenir , & le contenta d’affurer que toute la nature y eft alfujettie : recevons donc cette loi telle que l’a donnée ce grand phüofophe, puisqu’elle s'accorde 11 bien avec les phé- nomènes céleftes , & SuSpendons d'ail- leurs notre jugement. Quand à la loi du choc qui veut qu’un corps choqué par un autre corps , reçoi- ve du mouvement proportionnellement à la mafSe, & qu’il continue, Si rien ne s’y oppoSe, de Se mouvoir éternelle- ment, uniformément & toujours en ligne droite , elle èft très-fauffe ; ce n’eft que dans certains cas & par accident, qu’un corps qui en choque un autre, lui com- munique du mouvement proporîionelle- ment à la malfe ; le plus fouvent les chofes fe pafl'ent autrement, le corps choquant peut communiquer tout Son mouvement au corps choqué , ou le con- feryer tout entier, Suivant les circonstan- ces : d’ailleurs le mouvement éternel, en ligne droite, n’exide point dans la na- ture , l’imagination ne fauroit le conce- voir, il répugne. E(fai fur le Mouvement. Si, comme je le penfe, le mouvement eft, dans tous les cas, FelFet d’un mé- chanifme que l’Etre fuprême a fu varier vec une magnificence qu’on ne fe lat- i6ra jamais d’admirer, il efl certain que la connoiffance de ce m échanifme n eit pas facile à acquérir ; car fi l’on traite cette comme un problème général, en trouvera les plus grandes difficultés, & j avoue fans peine qu’une pareille en- tteprife eft au deffus de mes forces ; fi on fe contente de traiter féparément, les queftions particulières auxquelles peut fe réduire la queltion générale du mouve- ™eptpoornr trouvera qu’elles tiennent en- lemblefi etroitement, que ce n’eftqu’avec la plus grande peine qu’on peut en ve'nir à bout : ce dernier parti étant celui que j’ai pns, on ne doit pas être furpris de me voir quelquefois répéter une même cho- fe » & de ne trouver , qu a la fin de cet ouvrage , les preuves de ce que j’avance au commencement , ou au moins une partie de ces preuves; ces inconvénients auxquels j’aurois déliré de pouveir re- médier , m’ont paru inévitables. 6 EJJai fur le Mouvement, CHAPITRE PREMIER, Proposition première. Tous les corps qui exigent dans la nature, ceux au moins qui ont un volume tant fait peu fenjibli, font autant ce majjes compofées d'une infinité de petits corps tous différents les uns des autres. fluides étant tous divifés en une infini' é de molécules, oneftbien en droit de regarder ces molécul s comme autant d>. corps différents les uns des autres : à l’égard des folides , il eff certain que la caufe qui lie enfemble leurs parties ne les identifie pas , puifqu’ils peuvent être divifés , foit par les inffruments mé- chaniques , foit par le feu & les diffol- vants ; mais les parties des folides ne font divifées que parce qu’elles font mifes en mouvement féparément les unes des autres ; donc, lorfqu’il ed quedion du mouvement, on doit regarder les folides ainü que les fluides, comme des maff s compofées d’une infinité de petits corps ; il femble donc que cette proportion n’a pas befoin de preuves. Chapitre premier. Î1 fembîe auffi que ce n’ed quune fim~ pie queftion de nom, & qui par cette raifort, ne mérite pas d’être traitée fé- rieufement ; mais on va voir quelle tient inséparablement à une queftion de fait des plus intére(Tantes ; ceft pourquoi Ie vais tacher de la traiter avec tous les toins dont je fuis capable. Avant de traiter la quedion du mou- vement, il eft efienriel de déterminer ce qn’on doit appeller un corps , parce que ce terme eft tellement générique, qu’on le donne à l’univers entier & à chacune de Tes parties , jufqu à la plus petite mo- lécule de matière , & que le lens du dif- cours ne fait pas allez connoitre ce qu’on veut qu’il lignifie toutes les fois qu’on s’en fert : il ed vrai qu’on fait auffi nTage des termes de corpufcuîes , molé- cules , pour défigner les parties infini- ment petites qui compofent un corps ; & de celui de maffe pour exprimer un corps compofé de plufieurs corps, ou auffi , un corps compote d’une infinité départies ou molécules; mais je ne vois pas pour- quoi on regarde fi fouvent toutes les parties qui compofent un folide, com- me ne faiîant qu un feul & même corps ; le principe dont il va être fait mention 5 me paroit y avoir beaucoup de part. Efcii fut le Mouvement, Si on frappe une pierre d’un coup de marteau, on penfe que l’adion du mar- teau eft portée en un inftant ( indivili- ble) d’une extrémité à l’autre de cette pierre ; or il eft certain que fi cela étoit, on ne pourroit pas dire que les parties , ou molécules dont eft composée cette pierre , font autant de corps différents les uns des autres , & on feroit forcé dé regarder cette pierre , comme un feul corps, ou. comme l’unité , ainfi qu’on le va voir. Pour prouver ce qui vient d’être dit, voici de qu’elle façon je vais m’y pren- dre ; je dirai qu’un corps ne fauroit en choquer un autre fans le toucher ; prin- cipe fi évident que je ne crois pas qu’on foit tenté de me le contefter, puifque c’eft la définition du choc lui-même : cela pofé. Soient plufieurs corps, pîufienrs bou- les , par exemple , miles dans une même file , de maniéré qu’elles fe touchent toutes, & que la première foit frappée d’un coup de marteau ; alors fi ces bou- les font des corps différents les uns des autres, le marteau qui ne touche que la première, ne choquera que la pre- mière , la fécondé ne pourra être cho- quée que par la première * la troifieme Chamtn vnmïcr. parla fécondé, ainfide fuite; mais la première ne peut choquer la fécondé , qu’après avoir été choquée par le mar- îeau, & }a feConde ne choquera la troi- sième qu après avoir été choquée par la première, &c. ce qui demande néceffaire- ment une fuccefïion de temps ; d’où l’on doit conclure que l’aâion du corps cho- quant ne peut parvenir que fucceffive- ment, d’une extrémité à l’autre , d’un Syftême quelconque de corps. Mais sil étoit vrai que l’aftion du marteau fut portée en un indant jufqu a la derniere boule , on ne pourroit plus dire que ces boules font choquées les unes par les autres , & il faudroit qu’el- les fuffent toutes participantes à l’aélion immédiate du marteau ; d’où il fuit qu on ne pourroit plus dire que ces boules font des corps différents les uns des autres ? parce qu’alors il s’en fuivroit qu’un corps peut en choquer un autre fans le tou- cher , ce qui feroit contre le principe que nous avons établi ci-deffus. Ce que nous venons de dire de pludeurs boules qui fe touchent, doit s’entendre des molécules qui compofent un folide quelconque ; une pierre , par exemple, ü l’a&ion du marteau étoit portée en un inftant d’une extrémité à l'autre de cette Ejjai fur h Mouvement 3 pierre, on ne leroit pas libre de dire que les molécules qui la composent, font autant de corps différents les uns des autres , & on feroit forcé de regar- der toutes ces molécules comme ne faiiant qu'un feul corps , c’elt-à-dire , de confidérer leur affemblage comme l’unité , ou plutôt, comme un corps Am- ple ; conféquence qu’on doit regarder comme abfurde. Nous verrons dans le chapitre fuivant que l’a&ion d’un corps, de quelque ma- niéré qu’il agiffe, n’efi pas portée en un infiant d’une extrémité à l’autre d’un autre corpsou en général, d’un terme à un autre , & par conféquent qu’il n’y a là aucune raifon qui puifie autorifer ceux qui, lorfqu’il eft queftion du choc des corps, regardent les foiides comme l’unité, ou comme un feul corps ; ce qui ne peut être permis que dans cer- tains cas où l’on peut fe difpenfer de remonter jufqii’aux premiers principes des chofes : mais ceux qui entreprennent de traiter la grande quedion du mou- vement, doivent continuellement faire attention que tous les corps qui exifient dans la nature, au moins ceux qui ont un volume tant foit peu fenfibie , font autant de malles compofées d'une infinité de parties, qui font elles-mêmes autant de petits corps différents les uns des au- tres *• je n’ignore pas qu’on avoir déjà compris la nécefiité d’en ufer ainfi pour l’explication de plufieurs phénomènes, mais il reftoit encore beaucoup de con- fusion & d’incertitude fur cette matière, & on n’avoit pas fait l’application de ce principe à tous les cas qui le deman- dent. Ckavltre premier. Pour ne rien innover dans la nomen- clature , j'appellerai corpufcules, molé- cules, ou corps fimples, les parties infi- niment petites , ou les éléments d’une maüe quelconque ; & je donnerai le nom de maffe , corps compofés , ou finale- ment de corps , à l’affemblage du ne in- finité de petits corps fimples ; & s’il en eft: befoin, je regarderai les corps fimples comme des maffes compofées d’une infinité de particules, qui feront elles-mêmes des corps fimples, ou infi- niment petits du fécond ordre. La divifion des corps en corps flui- des , mous, durs & élafliques, a fon uti- lité , parce que ces corps n’agiffent pas tous de la même maniéré j mais la di- vifion des corps en corps fimples & compofés , eft encore plus effentielle, parce que l’a&ion d’une maffe eft totale- Eiïai fur te Mouvement, ment différente de celle des corps (im- pies. Nous aurons dans la fuite de fré- quentes occafions de remarquer la né-- ceflîté & l’avantage d’envifager la ma- tière fous ce point de vue , & com- bien cela feul eff capable de répan- dre de lumière fur tous les phénomènes de la nature ; les réflexions fuivantes fuffiroient pour lever tous les doutes qu’on pourroit former là-deffus. • Premièrement y fi on regardoit une fphere qui fe meut circulairement fur un de fes axes comme un corps (impie ou comme l’unité, quelle idée pourroit- on avoir de fon mouvement ; ne feroit- on pas tenté de croire que le mouve- ment de cette fphere n’efl: pas un mou- vement local, ou de diflinguer entre le mouvement de tranflation & le mouve- ment circulaire, ( itio & circuitio ) & même ne feroit-on pas en droit de dire que cette fphere ne fe meut pas du tout, ou qu’un corps peut fe mouvoir en mêr me temps vers l’orient & vers l’occi- dent. Il faut remarquer que ce font aiir tant d’abfurdités qui ont été dites , & qui doivent leur origine à la maniéré d’envifager les corps. Mais fi on confldére cette fphere comme une maffe ou comme un aüéov blage d une infinité de petits corps dif- férents les uns des autres, on verra clai- rement que ces petits corps , fans fortîr de l’état de repos relatif ou ils font les "«ns par rapport aux autres , fe meuvent tous enfemble circulairement, & avec des viteffes proportionnelles à leur dif- tance de l’axe. Chapitre premier. Secondement 5 foit un corps péfant fufpendu à un point fixe ; ce corps pren- dra la fituation qu’exige l’équilibre, & dans ce cas il eft clair que chaque mo- lécule qui le compofe, exerce une a&ion différente des autres ; il n’y en a pas une qui n’aie fon antagonifle fituée de l’autre côté de la verticale qui paffe par le centre de la gravité de ce corps , & 1 aélion que ces molécules exercent les unes fur les autres, étant oppofée, on voit bien qu’on ne peut pas fe difpenfer de regarder ce corps comme une maffe compofée d’une infinité de petits corps fimples. Troifiemément, s’il étoit vrai que fac- tion d’un corps qui en choque un autre, efl portée en un inftant d’une extrémité a l’autre du corps choqué ; on feroit forcé de regarder celui-ci comme l’unité , ou comme un corps fimpîe, puifque nous avons,yu que çes deux chofes font liées r JJ J 7 enfemble ; mais aîors la fraâure , on la didocation des parties d’im corps, ou d’un folide quelconque , ne fauroit avoir lieu , c’ed-à-dire , qu’un phéno- mène qui arrive à chaque indant dans la nature , feroit impoffible ; car foit, par exemple , une boule de verre qui feroit frappée d’un coup de marteau , quelque violent que fut le coup , s’il étoit porté en un indant d’une extré- mité à l’autre de cette boule , toutes les parties qui la compofent feroient cho- quées dans le même indant, & d’ailleurs il n’y auroit aucune rai Ton de dire quelles n’ont pas toutes été choquées de la même maniéré, c’eft-à-dire , avec la même force & dans la même direc- tion ; d’où il fuit que cette boule devroit fe mettre en mouvement, fans que fes parties fuflent féparées les unes des au- tres : & d elle étoit frappée de pludeurs coups à la fois, il femble quelle devroit prendre une dire&ion qui pût fatisfaire à toutes les irapredions qu’elle auroit reçue , fans éprouver de fra&ure. Mais d l’a&ion du corps choquant n’ed pas portée en un indant d’une extrémité à l’autre du corps choqué, on pourra regarder celui -ci comme une made compofée d’une indnité de petits Effai fur te Mouvement. corps fimples, qui pourront être choqués Séparément les uns des autres ; condition eiTentielle , fans laquelle la divifion des corps ne fauroit avoir lieu , & on con- noîtra facilement quels font les cas dans lefquels un corps peut être divifé : ce que je trouve de merveilleux, c’eft de voir que les artifies, conduits par l’ha- bitude & par une inftinâ: naturel, exé- cutent la divifion des corps avec autant de fuccès, que s’ils avoient des réglés fondées fur la théorie la mieux éclairée ; ils fa vent, fans qu’on le leur ait appris , que quelque grande que foit l’adhéren- ce de deux molécules de matière, elles font deux corps différents l’un de l’au- tre , & qui peuvent être choqués & mis en mouvement, féparement l’un de l’au- tre. Chapitre premier. Il eft évident que fi toutes les molé- cules , ou tous les corps fimples qui com- pofent une mafle , font follicités à fe mouvoir dans le même inflant par des forces égaies & dans la même direc- tion , ou des dire&ions parallèles, la maffe totale fera mife en mouvement fans éprouver de fra&ure ; mais fi quel- ques-unes de ces molécules étant cho- quées , les autres ne le font pas, ou fi elles ne le font pas toutes ~ mais avec des Eiïal fur le Mouvement, forces inégales , dans des temps diffé- rents , & des dire&ions oppofées, on voit bien que dans ces cas , & dans tous ceux qu’on pourroit former par la com- binaifon des temps, des forces & des dire&ions , la maffe pourra être divifée. Mais il eft intéreffant de favoir qu’il n’eft pas toujours facile d’employer une force qui n’agiffe que fur certaines mo- lécules déterminées d’un folide , & c’eft ce qui rend la dlvifion des corps très- difficile dans certains cas, ainfi qu’on le verra dans l’exemple fuivant. Si un ouvrier entreprend de polir avec la lime une petite maffe de métail, il n’en viendra pas à bout, fi cette maffe n’eff pas arrêtée fixement, & cela parce qu'indépendamment de l’aéHon immé- diate des dents de la lime fur les molé- cules qu’elles touchent, il exifte un mé- chanifme qui follicite toute la maffe de métail à fe mouvoir , & par ce moyen, les molécules que l’ouvrier s etoit pro- pofé de détacher, fe trouvent dérobées à l’aêlion de la lime. Le méchan’ffme dont je viens de par- ler , confifte dans un courant d air qui forme autour de la lime un tourbillon imparfait, ou fi l’on veut, c’efi: une eipece d’atmofphere de la lime,, qui tend à devenir l’atmofphere commune de la lime, &de la mafîe de métail. On remédie en partie à de pareils inconvénients , non feulement en arrê- tant fixement les corps qu’on fe propofe de divifer , mais encore en donnant k-aucoup de vîtefie à l’infirument qui doit opérer cette divifon , en le conf- tnfifant avec une matière dure , & en lui donnant une forme qui foit telle que oet infiniment ne touche que les feules parties ou molécules qu’on fe propofe de détacher ; il n’en faut pas davantage pour voir quel doit être l’effet de la fcie, de la lime, du foret, du burin , &c. On remédie aufîi au même inconvé- nient , lorfque pour divifer un corps, on employé des forces qui attaquent fes parties ou molécules dans le même inf- tant, & dans des directions oppofées ; c’efi ainfi que pour divifer un petit corps uur , on le place entre deux tables de matière dure & compaCte , en faifant enfuite gliffer ces tables l’une fur l’autre, les petites parties du corps à divifer fe trouvent choquées dans le même inftant &: dans des directions oppofées, ce qui rend très-facile leur divifion ; c’efi en cela que confifte tout le méchaaifme de la trituration. Chapitre premier. Eiïai fur h Mouvement, Voici , je penfe, l’idée qu’on doit avoir de Faêtion du feu ; un corps expo- fé à FaéHon du feu, efl un co• ps dans les pores duquel ce fluide fubtil forme un nombre prodigieux de petits ruif- feaux qui fe meuvent avec beaucoup de vîtefle , & dans toutes les dire&ions imaginables ; il doit donc arrivera cha- que inflant que deux molécules de ce corps . voifines l’une de l’autre , fe trou- vent choquées dans le même inflant & dans des direélions différentes ou même oppofées , ce qui rend leur féparation très-facile ou même inévitable. Il faut pourtant remarquer que fi les directions, dans lefquelles deux molé- cules qui fe touchent, étoient tellement oppofées que ces molécules ne puffent pas fe mouvoir fans fe faire obflacle, alors leur adhérence mutuelle augmen*- teroit. Chapitre 2. 19 CHAPITRE IL Proposition seconde. L'action d'un corps, qui prejfe ou qui cho- que un autre corps , nejl pas portée en un infiant (c') dune extrémité à L'autre de J ' / / J fy y ce corps, ou en générai, aun terme a un autre. I_»A nature conduit Tes opérations , tantôt avec une lenteur qui tient de 1 immobilité , fou vent avec une Viteffe qui paroit infinie, & dans tous les cas elle nous cache avec le plus grand foin les refforts dont elle fait ufage : il n’eft donc pas étonnant fi nous payons fi fou- vent & fi long-temps tribut à l’erreur avant de parvenir jufqu’à la vérité , & fi au lieu de principes fûrs & évidents, nous n’avons le plus fouvent que des préjugés qui nous éloignent de plus en plus du but où nous tendons ; nos pre- miers jugements étant fondés fur le rap- port des fens , ne peuvent être que très- (0 II fera toujours queflion d'un infiant indi- 'Vifible. 20 incertains , puifque nos fens eux-mêmes font fi fouvent dans l’illufion ; malgré cela il faut convenir que nous n’avons pas de guide plus fur que nos léns pour nous conduire dans l’étude de la nature; ils font faits pour nous inftruire de ce qui fe paffe autour de nous, & s’il eft des phénomènes capables de nous trom- per , il en eft: d’autres qui peuvent nous aider à re&ifîer nos jugements , qu’il eft par conféqiient effentiel de favoir fuf- pendre, fur-tout pour traiter avec fuccès la queftion préfente. Si l’on pouffe l’un des bouts d’un bâ- ton avec la main , on penfe que l’aftion de la main eft portée en un inftant juf- qu a l’autre bout : de même fi l’on frap- pe une pierre d’un coup de marteau, on penfe que faction du marteau eft portée en un inftant d’une extrémité à l’autre de cette pierre ; on donne même beau- coup d’étendue à ce principe ; on penfe qu’un coup de marteau feroit porté en un inftant dîme extrémité à lautre d’un Ejfai fur le Mouvement, fyftême de corps durs qui fe touche- roient. Ce principe, ou plutôt ce préjugé, qu; n’eft fondé que fur l’illufton des fens , a été fi généralement reçu, que je ne connois aucun phyficien qui fait con- tefté; ceft pourquoi je citerai M. Def- cartes feul , parce que c’efl là - deflus qu’eft fondée la fameufe hypothefe par laquelle ce philofophe a voit tenté d ex- pliquer la propagation de la lumière qu’il croyoit infiantanée ; voici fes pro- pres paroles, (d) fachant que les parties du fécond élément fe touchent & fe prejfent toutes les unes les autres, autant quil ejl pojfîble ; on ne peut auffi douter que Vaction dont les premiers font poujfées , ne doive pajjer en un infant jufqu aux dernieres ; tout de même que celle dont on pouffe tun des bouts i£un bâton, paffe jufqu à Vautre bout en un infant ,ou plutôt, &c. 11 elt bon d’avertir que ceux qui firent des obje&ions contre cette hypothefe, conve- noient que Talion du foleil pourroit être portée en un inftant jufqu a nos yeux , fi l’éther étoit une matière dure. Chapitre il 21 On voit par-là que M. Defcartes, au tftoyen de la dureté & de la contiguïté des globules de fon fécond élément , cherchoit à remédier à l’inconvénient qui lui paroiffoit réfulter de la fluidi- té de l’éther ; mais il étoit grandement éloigné de la vérité, aufîi bien que ceux 00 Defcartes, traité de la lumière, chap. 24. Ejjai fur le Mouvement, qui lui firent des objedions : une matière dure feroit tout ce qu’il y a de moins propre pour tranfmettre au loin l’adion d’un corps lumineux, ou même en géné- ral l’adion d’un corps '.tâchons donc de combattre , par tous les moyens pofii- bles, ce préjugé qui efi; de fi grande con- séquence, qml feroit Seul capable de rendre la quefiion du mouvement éter- nellement inacceflible aux recherches des philofophes. Il feroit plus que difficile que l’aétion d’un corps qui choque ou qui prefie un corps dur, ou un folide quelconque , fut portée d’une extrémité à l’autre de ce corps par le déplacement fuccefiif des molécules qui le compofent, ainfi qu’il arrive dans les fluides ; mais je foutiens qu’on s’eft trop hâté d’en conclure qu’il falloir néceflairement que cette adion fut portée en un inftant d une extrémité à l’autre du corps choqué ou comprimé, qu’on devoit plutôt en tirer une confé- quence oppofée, & affurer quelle n’y efi: pas portée du tout *. les preuves fui van- tes, en faifant voir la faufieté de ce prin- cipe , feront connoître , en même temps, que dans le choc & la prefiion des corps, les molécules touchées font les feules qui foient immédiatement participantes à cette adion. Première preuve, lorsqu’un corps dur eft frappé d’un coup def marteau , ft ce ce corps eft fragile , il eft fouvent mis en pièces ; or, fuivant ce que nous avons vu dans la proportion précédente , ce phénomène eft une preuve évidente que l’a&ion du marteau n’eft pas portée en un inftant d’une extrémité à l’autre de ce corps ; que la fra&ure ait lieu ou non , on ne peut pas s’empêcher de croire que les molécules du corps qui ont été tou- chées par le marteau , n’ayent été cho- quées les premières, & foliieitées à fe mouvoir avant le refte de la mafîe ; la compreftion que fouffre un corps choqué dans la partie qui a été touchée par le corps choquant , ne permet pas d’en douter , quoique fouvent il n’en refte Aucune trace. Chapitre 2. La caufe de l’erreur où l’on eft à ce ùijet, vient de ce qu’il arrive fouvent , qu après le choc , le corps choqué fe tttet en mouvement , de maniéré que toutes les parties ou molécules qui le compofent, partent dans le même inf- tant ; d’où l’on a conclu qu’il falloit qu’elles enflent été choquées toutes dans même inftant : ce raifonnement pè- che en ce qu’il fuppofe qu’il faut nécef- aùement que toutes les molécules qui Êffaî fur te Mouvement, compofenr un corps foierft choquées, pour que ce corps fe mette en mouve- ment, ce qui eft faux ; le mouvement du corps choqué n’eft pas l’effet de Fac- tion immédiate du corps choquant, il eft celui d’un méchanifme què je ferai connoître plus bas. Lorfque Ton pouffe l’un des bouts d’un bâton avec la main toutes les mo- lécules qui compoferit ce bâton partent, à la vérité, dans le même inftant ; mais il ne s’enfuit pas que FaéHon de la main a été portée en un inftant d’une exîfê- mité à l’autre du bâton ; pour s en con- vaincre , foit un autre bâton de cire molle , & qu’on le pouffe avec la main , ce bâton fouffrira une compreflîon qui prouve fans répliqué que l’aftion de la main n’a pas été portée en un inffant d’une extrémité à l’autre de ce bâton ; or, Taâion de la main eft la même dans les deux cas , puifqu’elle n’eft pas portée en un inftant d’une extrémité à l’autre du bâton dans Je fécond cas , pourquoi voudroit-on qu’elle y fut por- tée dans le premier. Tout ceci fait comprendre que le mou- vement du bâton eft l’effet d’un mécha- nifme auquel l’aftion lente de la main donne le temps de fe fonder, & qu’il eft Chapitre 2'. facile de découvrir ; car puifqu’on fait qu’un bâton , que je luppofe en repos dans l’air , eff preffé dans tous fes points par une force égale , de manière que les différentes colonnes d’air qui preilent la iurface du bâton, font en équilibre en- tr’elles, il s’enfuit qu’une force ajoiîtée à l’une de ces colonnes, par exemple, la preffion d'une main , doit rompre, l’équilibre , & le bâton doit le mettre en mouvement ; c’eftauïïl ce qui arrive : on voit par-là què Faction de la main pas-la feulé caufe du mouvement du bâton ; nous verrons ailleurs com- ment les chofes fe paffent dans de fem- blables occafions. Seconde preuve : on fait que les flui- des agiffent en raifon des furfaces des corps qui leur font obffacle ; par exem- ple ; ff on enfonce un pieu dans le lit d’une riviere , l’adion de l’eau de la ri- vière fera proportionelle à la fur face du pieu qui lui eff oppofée ; or ce phéno- mène prouve invinciblement que l’eau de la riviere n’agit que fur cette fur- face, ou plutôt furies feules molécules qui forment cette furface ; & par con- séquent , que fon aélion n eff pas portée un inffant d’un côté à l’autre du pieu . Ejjaî fur le Mouvement} ou que toute fa maffe n’eft pas choquée dans le même inflant, fans quoi ce phé- nomène feroit inconcevable. Les expériences qui prouvent que les fluides agiftent en raifon des furfaces des corps qui leur font obftacîe , ne concer- nent que les fluides greffiers , tels que Teau & l’air ; il fuit de ce que je viens de dire, &la chofe eft: évidente par elle- même , qu’un fluide aflêz fubtil pour pé- nétrer dans les pores d’une malle , doit exercer une adion toute différente, & même que cette adion peut être propor- tionelle à la maffe ; ce que nous aurons occalion de remarquer en fon lieu , parce qu’il eft certain qu’il exiffe dans la nature un pareil fluide. Quelques Phyficiens peu fatisfaits de tout ce qui a été dit fur cette matière, ont attribué le mouvement & la commu- nication du mouvement des corps au fluide fubtil dont je viens de parler; fui- vant eux , ce fluide abondamment ré- pandu dans la nature, & doué d’adivité, peut mouvoir les corps dans les pores defquels il eft logé , & fi ces corps en ren- contrent d’autres & qu’ils les choquent; ce même fluide en paffant de l’intérieur du corps choquantj dans l’intérieur du Chapitre 2, corps choqué , peut mouvoir celui-ci, ou l’emporter avec lui. (^) Sans être entièrement de l’avis des auteurs de ce fyflême, je pente que ce fluide a beaucoup de part au mouvement des corps *. je dirai en deux mots mon ten- timent fur ce fluide , après avoir remar- qué que fi ludion du corps choquantefi tranfmite d’une extrémité à l’autre du corps choqué par fon moyen, elle n’y eftpas évidemment portée en un inflant ; ainli ce fyflême ne porte aucune atteinte à la proportion prétente. Il me paroit que fi ce fluide efl logé daps les pores d’un corps en repos, il demeurera lui-même en repos ; fi ce corps ed en mouvement, il te mouvra d’un mouvement commun avec lui ; mais dans ces derniers cas , fi lè corps dans les po- res duquel il efllogé, rencontre un obfla- cle qui l’arrête, ce fluide continuera de te mouvoir ; & en paffant de l’intérieur du corps choquant dans l’intérieur du corps choqué , il pourra exercer fur lui une adion plus ou moins forte, & cela , (e) Je ne connoîs pas ies auteurs de ce fyftême qui eft rapporté dans le traité du mouvement iocal du pere de Chaies , livre premier, propor- tions troifierae Si quatrième. Effai fur le Mouvement, évidemment, fans qu’il foit nécefîaire de lui fuppofer de Fadivîté: il eft d’ailleurs évident que l’adion de ce fluide fur le corps choqué , n’efl: que momentanée ; & je ne crois pas qu’elle foit fuflifante, pour que ce corps fe mette en mouvement, à moins que quelqu’autre caufe n’y contri- bue en même temps ; il faut aufli favoir que tous les corps ne font pas également perméables , & que la vîteffe avec la- quelle les chofes fe paiTent dans le choc des corps , ne permet pas que ce fluide paffe facilement de l’intérieur du corps choquant dans l’intérieur du corps cho- qué ; voici quelques phénomènes qui me paroiffént entièrement dépendre de l'ac- tion de ce fluide. Si on frappe à coups de marteau un don à demi enfoncé clans une piece de bois, le clou entrera plus avant dans le boi ; or, pour que ce phénomène arrive , il faut que le clou foit choqué fans que la piece de bois le foit, ou au moins avant qu elle le foit ; car fi le clou & toute la piece de bois étoient choqués dans le môme inflant, on ne voit pas que le clou put fe mouvoir féparément de la piece de bois, ce qui eft cependant néceffaire pour qu’il paille y entrer ; d’un autre côté , U eh certain que le marteau n’agit Chapitre 2, cyaélement que fur la tête du clou ; il 11 y a donc qu’un fluide fubtil qui, en Portant du marteau , & paffant dans Fin- terieur du clou , puiiTe le forcer d’entrer dans le bois ; ce qu ' la grande poroiité du fer rend très-croyable. 5 La commotion , & même la frafhire d un rocher que l’on frappe à coups de niaffe font dues à ce même fluide ; ainli que la commotion qu’éprouve une pièce de bois que l’on frappe à coups de mar- teau ; dans ces cas le corps choquant n'a- gn immédiatement que fur la furface du corps choqué; mais le fluide fubtil qui fort du corps choquant, porte fon aclion jufques dans l’intérieur du corps choqué ; au relie, je ne crois pas qu’il foit néceffaire que ce fluide le meuve d’un mouvement de tranflation dans Fin- térieur du corps choqué ; une fimple preflion qui fs communique de proche en proche avec beaucoup de force, fuiSt pour cela. Troifieme preuve ; û le principe cme je combats étoit vrai, il ne feroit plus pofTible de découvrir la caufe de la ré- flexion du mouvement des corps : en ef- fet , lorfqu’une bille d’ivoire va choquer lln bloc de marbre , fi fon action étoit portée en un inftanî d une extrémité à F ffai furie Mouvement l’autre du bloc de marbre , elle feroit dis- tribuée également à toute fa maffs ; & alors comment concevoir que fou mouve- ment pourrait lui être rendu afin qu’elle put le réfléchir; mais fi le bloc de mar- bre refufe (/) de recevoir le mouvement de la bille , dès-lors on comprend qu’elle pourra fe réfléchir. Ccfl un-.principe qui me paraît puifé dans la nature elle-même ; (avoir que la propagation du mouvement ne peut être que fuccefîxve : un corps qui fe meut ne parvient pas en un inftant d’un terme à un autre , fans quoi on pourrait dire que ce corps exifte en plufieurs endroits dans le même inftant, ce qui répugne ; &fi l’adion d’un corps étoit tranfmi e en un inftant d’une extrémité à l’autre d’une made quelconque ; ce feroit la même chofe que fi elle étoit portée en un inf- tant d’un terme à un autre , ce qui répu- gne de même ; parce qu’il s’enfuivroit que c ne aélion exifte en plufieurs en- droits à la fois. (/) M. Defcartes clifoit qu’iin corps en mouve- ment" te réfléchit iorfqu’il rencontre un obftadc » c’efl à-clire, un autre corps qui refufe de rece- voir fon mouvement; il femble que ce philofophe aureii du faire connoître la caufe de ce refus. Chapître i. Les anciens difoient qivun corps ne fauroit agir fur un autre corps fans le tou- cher ; ( corpus non agit in difians ) mais ies modernes qui ont obfervé que les a lires agident les uns furies autres , prétendent qu’un corps peut agir fur un autre corps, même à de très-grand s didances : que penfer d’une fi g ande diverfité d’opi- nions , fur-tout lorfqif on fait attention que celle des anciens ed puifée dans la nature même , & que celle des modernes ed prouvéepar l’expérience; & quel parti plus convenable à prendre que celui de s’occuper de nouvelles recherches , qui font d’autant plus néceffaires , que ni les anciens ni les modernes ne fe font pas allez expliqués fur cette matière ; or les principes que j’ai établis ci-dedus, nous conduiront à la foîutionde cette difficul- té ; nous verrons que fi l’aflion d’un c orps qui choque ou qui preffe un autre corps, n’ed pas portés en un indant d’une e xtré- mité à l’autre de ce corps , c’ed parce que d’un côté, le corps choqué ou comprimé ed compofé d’une infinité de parties ou molécules qui font elles-mêmes autant d’êtres on de petits corps différents les uns des autres , & que d'ailleurs un corps ne fauroitagir fur un autre corps fans Retou- cher ; car ce dernier principe ed pxacte- Effai fur h Mouvement, ment vrai; il faut feulement favoir qu’il ne doit s’entendre que de Faâion immé- diate des corjsfimpîes ; je dis de l’aciion immédiate » parce que ces petits corps ainii que les maflfes qui en font compo- sées , peuvent par différents moye s por- ter leur a£Hon à de très-qran des difian- o( t ces*, tout ceci deviendra évident, tori- que je parlerai de la p refît on & du choc des corps. C HAPIT R E I I L Proposition troisième. Il exijjte un tourbillon autour d'un corps qui > avant été mis en mouvement dans un mi- lieu quelconque , continue de fe mouvoir après que la puijjance motrice a ceffé d'agir,. A Riftote, Platon , Defcartes & pla- ceurs autres célébré - pbiîofopbes anciens & modernes , ont attribué la continua- tion du mouvement des corps , au milieu même dans lequel iis fe meuvent ; ils ont penfé que le fluide qui environne un mo- bile en circulant, formoit un. tourbillon autour de lui, & était par ce moyen ca- pabie de le conferver dans l’état de mou- vement ; mais foit parce qu’ils n’ont pas prouvé l’e'mdence de ces tourbillons, foit parce qu’ils n’en ont pas bien connu la nature, leur opinion eü tellement tom- bée dans l’oubli, qu’à peine en efl-il fait mention dans les ou'-'rage s des Phyliciens les plus modernes : cette queilion ell trop intérefiante pour être abandonnée , elle mérite d’être traitée de nouveau , & c efl ce que je vais entreprendre. Commençons par remarquer qu’il ne le forme point de tourbillon autour d’un petit corps que l’on voudroit mettre en mouvement dans l’eau , & c’eft par cette raifon qu’il ne continue pas de le mou- voir lorfque la puiffaiice motrice 1 a aban- donné ; mais fi ce corps a un volume un peu confidérable, fi c’efl une barque un peu grande, par exemple , il eft aifé de s appercevoir , après que la pmifance motrice a celle d’agir, que l’eau qui efl devant cette barque fuit pour ainü dire devant elle , fe détourne par côté , & va la rejoindre par derrière , ce qui forme un tourbillon dont il importe de décou- vrir la nature. Si la puiffance motrice n’eft pas trop forte , & dans tous les cas , lorfqu’elle a ceffé d’agir ? on ne remarque aucune dit- Chapitre 3. férence fenfible clans la hauteur del’eaiî, {oit en avant , Soit en arriéré de la bar- que ; ce qui prouve que l’eau , tant celle qui eft devant, que celle qui eft derrière cette barque , a une vîteffe égale à celle de la barque elle-même & dans la même direélion : en effet la choie ne Souffre aucune difficulté par rapport à l’eau qui eft derrière la barque , puisqu'elle la tou- che continuellement ; & elle n’en doit pas Souffrir non plus à l’égard de l’eau qui cft devant cette barque , puisqu’elle ne s’élève pas au deffus du niveau ; d’a- près cette remarque , je penSe qu’on doit avoir l’idée Suivante du tourbillon. Ejjai fur le Mouvement, Si on Suppofe l’eau qui eff devant la barque diviSée en plufieurs lames paral- lèles à la Surface antérieure de la bar- que , la première lame , celle qui tou- che immédiatement la barque , & qui eff la Seule qui puiffe lui faire obffacle, a une vîteffe égale à celle de la barque, ou pour éviter toute difficulté , qui n’en différé que d’une quantité infiniment pe- tite , & cette vîteffe eft dans la direétion de celle de la barque ; quant aux lames Suivantes , leur vîteffe diminue à pro- portion de leur éloignement de la bar- que , juSqu’au point où Se termine le tourbillon -, mais cette viteffe eft tou- Chapitre 3. jours dans la dire&ion de celle de la barque ; il faut remarquer de plus que l’eau qui forme ces lames fe détourne continuellement, & qu’il fe forme fans celle de nouvelles lames. * En fuppofant de même l’eau qui eft derrière la barque divifée en plufieurs lames, on pourra dire que celle qui eft immédiatement derrière elle, a une vî- teffe égale à celle de la barque, ou qui n’en différé que d’une quantité infini- ment petite , & cette vîteflé efi dans la direélion de celle de la barque ; les la- mes fuivantes ont auffî une vltefle dans la même direction , mais qui diminue à proportion de leur éloignement de la barque, jiifqu’au point où fe termine le tourbillon : on voit de plus que ces la- mes fe renouvellent fans celte aux dé- pens de l’eau qui reflue latéralement : on conçoit déjà que l’eau qui efl; devant la barque , foit parce quelle a un mouve- ment dans la direction de celui de la barque, foit parce qu’elle fe détourne continuellement , ne doit lui oppofer qu’une très-foible réfiflance ; & fans al- ler plus loin , je pourrois prouver que cette barque doit continuer de fe mou- voir en vertu de ce feul méchanifme ; niais il importe de faire voir qu’il exifle E.iïac fur h Mouvement un'pareil tourbillon autour d’un corps: qui continue dé fe mouvoir dans l’air, après que la puiffance qui l’a mis en mouvement a ce fie d’agir. En fuppofant l’exiftence d’un tour- billon autour d’im corps qui fe meut dans l’air, ced-à-dire, en fuppofant que ce corps ed au milieu d’une mafle d’air qui fe meut avec lui & dans la même di- redion ; on trouve une explication de la maniéré d’agir des corps fonores , fi heu- re ufe , qu’il ne me paroît pas podible qu’on puîfle contefter lexidence de ce tourbi lon : en voici la preuve. Le ion n’ed qu’un mouvement de l’air qui a été choqué ; mais la grande lubri- cité de ce fluide-, fait qu’il ne peut l’être que très-difficilement; par exemple, un corps en mouvement dans l’air, à moins qu’il ne dev enne rétrograde , ne fau- ro’t exciter le fon , s’il ed vrai que l’air qui ed devait lui fe meut avec lui dans la même direction Si avec une vîtefle fenftblement égaeà la fie une ; en effet, ce corps n’agit fur l’air qui eft devant lui que oar fa viteiT: refpeclive , laquelle étant égale àfa propre vîtelTe, moins celle de i air qui eft devait lui, peut être égalée à zéro ; d’où il fuit que lac- tion de ce corps fur l’air qui le précédé ? Chapitre 3. doit être égalée à zéro , & qu’il ne fau- roit exciter le fon : mais fi ce corps de- vient fubitement rétrograde , il cho- quera l’air fortement dans ce cas , parce qu’il le choquera avec fa vit elfe respec- tive ; qui étant pour lors égale à la vi- teffe qu’il a en revenant fur les pas, plus la vîteffe de l’air , laquelle ell fenfible- ment égale à celle qu’il avoir lui-même dans fon premier mouvement, peut être regardée comme infiniment grande , & par conféquent il doit exciter le fon. Tous les phénomènes viennent à l’ap- pui de ce que je viens de dire ; on en fera convaincu fr on fait attention qu’il n’y a de corps vraiment fonores que ceux qui, étant affez durs pour pouvoir choquer l’air , font des vibrations , ou dont les furfaces font capables de frémir ; & il ne faut pas croire qu’une corde vibrante ex- cite le fon , feulement parce qu’elle fait des vibrations ; mais parce qu’en fai- fant des vibrations elle revient fur fes pas, ce qui la met en état de choquer l’air , qui fans cela éluderoit fon aêtion ; l’expérience fuivante prouve cette vérité de la maniéré la plus fenfble. Si on pince une corde d'infiniment, & qu’on lui op- pofe un mouchoir ou un autre corps mou,. Çû puiiTe ralentir fon mouvement ? on verra que cette corde n’excitera aucun ion , ou n’excitera qu’un fon très-foi- ble , ce qui fait voir qu’uns cordre vi- brante n’excite le fon que dans le moment auquel, après avoir fait une vibration, elle revient fur fes pas pour en commen- cer une fécondé. Effai fur h Mouvement y Il feroit affez inutile d’avertir que le tourbillon qui exifte autour cTun corps en mouvement, doit avoir la forme du mobile lui - môme ; ainfi autour d’une corde vibrante, il a une forme allon- gée ; autour d’un boulet de canon, il doit avoir une forme approchante de la fphérique ; cela ne met aucune différen- ce dans la nature de ces tourbillons. Il eff plus effentiel de remarquer qu’un corps qui fe mouvroit d’un mouvement uniforme, ne feroit pas plus en état d’ex- citer le fon en revenant fur fes pas , après avoir parcouru l’efpace d’un pied , qu’après avoir parcouru une ligne , ou même la centième partie d’une ligne, parce que la vîteffe de l’air dans ce cas efl la même pendant toute la durée du mouvement de ce corps, & que la force avec laquelle il peut être choqué, dé- pend de cette vîteffe , & de celle que le mobile a en revenant fur fes pas : mais li ce corps avoit un mouvement accéléré, il eft évident, par les mêmes raifons, qu’il pourroit exciter un fon d’autant plus fort, qu’il auroit parcouru un plus grand efpace : il y a apparence que les cordes vibrantes font dans ce dernier cas, c’eft- à-dire que leur vitelfe augmente de plus en plus jufqu’au moment où elles revien- nent fur leur pas. Il paroît, & c’eft aujourd’hui l’opi- nion commune , que l’aûion des corps fonores connde dans un mouvement de vibration des parties infenfibles de ces corps ; or voici comment on peut con- cevoir la chofe : une corde qui, après avoir fait une vibration , revient fur fes pas pour en commencer une fécondé, éprouve de la part de l’air une réMance fi grande , qu’il ne lui feroit pas polîible de devenir rétrograde dans toute fa lon- gueur à la fois ; il faut donc que quel- ques-unes de fes parties, celles du mi- lieu , par exemple, reviennent les pre- mières fur leurs pas, & foient Suivies fuccedîvement par les autres jufqu’aux extrémités de la corde ; d’où il fuit que les parties infenfibles de cette corde doi- vent frapper l’air fucceffivement les unes <*près les autres ; & on voit qu’il doit en etre à-peu-près de même des parties inféo- dés de la furface des corps qui frémif- Chapitre. Puifque les parties d’une corde vi- brante reviennent fur leurs pas fucceiïï- ment les unes après les autres ~ il s’enfuit que cette corde peut faire pluiieurs vi- brations dans le même infiant , c'eft-à- -dire. qu’elle peut commencer une fé- condé , une troiiieme vibration , &c. avant que la première, la fécondé, &c. refpectivement foit finie, & c’efi vrai- femblablement la raifon pour laquelle cette corde fait entendre plufieurs fous à la fois. Effai fur le Mouvement, Quoique les corps fonores faffent des vibrations, il ne s’enfuit pas que le fon , de la part de l’air qui le tranfmet, con- fifte dans de pareilles vibrations , ainli que le penfe la plupart des phyficiens : fi les différentes tranches , ou lames d’air qui tranfmettent le fon, faifoient des vibrations femblables à celles du corps fonore ; il eft clair que le fon fe refléchi- roit du milieu de l’air lui-même, ce qui eft contre l’expérience ; d’ailleurs il eft des cas où le fon eft excité fans aucune vibration de la part du corps fonore, comme lorfqu’on fouftie dans la cavité d’une clef ; dans ce cas le fon eft excité par la collifton des deux colonnes d’air, dont l’une entre dans la cavité de la clef, tandis que l’autre en fort. Quand on fait attention que le fon fe propage , à la ronde , à partir du corps lonore comme centre, V qu’on 1 entend dans le même inftant à des diftances éga- les de ce corps ; on ne eut pas s’em- p cher de croire, avec plu eurs phyfi- ciens , que le fon ne conhhe, de la part de l’air, dans des ondes aérien es qui peuvent avoir différentes éparffeurs , & qu c’eft dans la différence de l’épaiffeur des ondes , qu il faut chercher la caufe des di ërents fons ; iî eh même probable peut fe former une onde dans fé- paifteur plus grande d’une autre onde , & que c’eh la caufe de la perception Simultanée de différents fons. Je reviens à mon principal objet , %s m’arrêter à faire voir pourquoi les s d’une mouche ou le bout du fouet d un charretier, excitent un fon très-fen- , tandis qu’une bombe qui traverfe : atr , n’en excite aucun ;il eh trop faci- Ie d’en trouver la raifon dans la théorie hue j’ai expofée. Chapitre 3* Il eh donc prouvé par le phénomène du fon, &il faudroit n’avoir point d’o- lGlUes pour en douter, qu’il exifte un to»rbiiion d 1 air autour d’un corps qui fe rïleiît dans ce fluide ; d’un autre coté,, a°us avons vu qu’il fumroit d’avoir des yeux pour s’affu er de l’exillence d’un pareil tourbillon autour d’un corps qui, ayant été mis en mouvement dans une malle d’eau, continue de le mouvoir ; d’ou je conclus généralement , qu’il exifte un tourbillon autour d’un corps qui continue de lé mouvoir dans un mi- lieu quelconque, & qu’il faudroit le re- fuler au témoignage des fer.s pour mé- connoître cette vérité. Effai fur le Mouvement, CHAPITRE IV. Proposition quatrième Le mouvement d’un corps qui continue de fe mouvoir dans un milieu quelconque , après que la force motrice a cejjé d’agir, ef dû àun tourbillon qui s'ef formé autour de ce corps. P Uisqu’il exilie un tourbillon autour d’un corps qui continue d : te mouvoir dans un mi ieu quelconque, & que * par conféquent, ce corps le trouve pla- cé à chaque inliant au milieu d’une malle fluide qui te meut avec lui, dans la mê- me diredion , & avec une vîteffe terri- blement égale à la Tienne ; il s’enfuit que ce corps n’eb pas dans un état bien dif- férent de celui d’une barque qui defcend librement le long d’une riviere ; il im- porte donc d’examiner ce qui doit arri- ver à cette barque. Lorfqu’une barque defcend librement le long d’une riviere, l’eau qui eft de- vant & derrie e , a une viteffe préci- fément égale à la tienne ; d’où il fuit que cette barque n’a aucune réfibance à vain- cre, ni par conféquent aucun effort à faire pour continuer de fe mouvoir; donc elle doit continuer de fe mouvoir. Chaplin 4. Si quelqu’un trouvoit cette conséquen- ce peu jufte, je le prierois de remarquer qu’il faut néceffairement que celte bar- que fe meuve, ou qu’elle ne fe meuve pas ; & que dans le cas prêtent , pour rie pas fe mouvoir , elle auroit befoin d’une force , au moyen de laquelle elle put rétitier à l’action de l’eau qui eil derrière elle, & qui ne manqueroit pas de la choquer; or, puifque cette barque suroit befoin d’une force pour ne pas fe Pouvoir, tandis qu’elle n’en a pas be- foin pour continuer de fe mouvoir, il manifetlement quelle doit con- tinuer de fe mouvoir. Il y a plus , quand même l’eau qui eff uevant la barque, auroit moins de viteffe que la barque elle-m me , & que par co féquent elle lui oppoferoit une réfif- tance ; cette barque ne continueront pas moins de fe mouvoir , pourvu que la force , dont elle auroit befoin pour vaincre cette réfiftance , fut moindre que celle qui lui feroit néceffaire pour ne pas fe mouvoir, ou ce qui revient au même , pour réfider à Faction de 1 eau qui ed: derrière elle, ce qui efb em- core évident. Effaî fur le Mouvement, Quoiqu’un cops placé au milieu d’un tourbillon tel que je l’ai décrit, ne foit pas exactement dans le cas de la barque dont il vient d’êt e fait mention ; il n’eff pas moiiv évident que ce corps doit con- tinuer de fe mouvoir ; en effet, comment pourroit-il ne pas fe mouvoir, puifque le fluide , qui eff devant lui, ayant une yitefle fenfiblement égale à la tienne , & dans la même direction , ne peut lui oppofer qu’une très-foibie réfiffance, & que par conséquent, il n’a befoin que d’une très-petite force pour vaincre c tte réflftance & continuer de fe mouvoir, tandis qu’il lui en faudrait une bien plus grande pour ne pas fe mouvoir, puif- qu alors il auroit à foutenir tout l’effort du fluide qui eff derrière lui ; que s’il refloit quelques doutes là-defuis , ils Chapitre d. leront îeves dans le chapitre dixième, °u il fera queilion de la rétiilance des milieux. Lorfqn une pniffance metnn corps en Mouvement, elle ne lui communique pas eJ‘1111 leul indant tonte la vîteffe dont elle ed capable; or cela feul devroit faire soupçonner que l’effort de cette puif- lance ed employé à préparer un moyen qui put conierver le mobile dans l’état üe mouvement, après que la pniffance motrice cédé d’agir; on auroit ûon-C dû chercher ce moyen que l’on auroit trouvé, fi on eût fuivi la nature l;S 2 pas clans fes opérations, & onau- olt évité de fuppofer des loix dont il u impoihbîe de démontrer Vexiftence, e moyen qui peut conferver un mo- lle dans l’état de mouvement, après la puiffance motrice a cc-flé d’aû- ml*1 j. évid£®ment flans le méchanif- fnr ' un tourbillon , qui ne peut pas fe „ 'f.ff tout-ci un-coup , à caiife de la Wobil.te des flu des, qui a des limites, ‘3U elles ne leur perm ttent nas de Ce Ppter à toute forte de vîteffe dans leur rudatipn autour du mobile ; c’eft pour fo;fe le tourbillon que ion voit Ce en Zr autollr d l'ne b^ae q«o l’on met aouvemenî dans 1 eau, ne fe forme 46 Ejjai fur le Mouvement que très-lentement ; fur quoi il importe de remarquer que fi on pouffe brufqwe- ment & avec beaucoup de force cette barque , pour l’abandonner enfuite à elle-même , après lui avoir fait parcou- rir l’efpace d’un demi pied , ou d’un pied , l’eau quelle aura déplacée, & qui n’aura pas eîi le temps de fe détourner pour former un tourbillon , s’accumule- ra devant elle , & la repoufîera fur le champ en arriéré ; ce qui fait voir que ce feroit affez inutilement qu’on em- ployeroit une force pour mouvoir un corps, s’il ne fe formoit point de tour- billon autour de ce corps. S’il faut un temps plus ou moins long pour qu’il s’établifle un tourbillon autour d’une barque que l’on met en mouvement dans l’eau, en revanche ce tourbillon ne fe difiipe que peu à peu ; c’efi: pour cela qu’il conferve aflez long-temps la barque en mouvement, après que la puifiance motrice a ceffé d’agir. Puifque la mobilité de l’air efl: incont* parablement plus grande que celle de l’eau, il n’eft pas douteux qu’un tour- billon d’air ne doive fe former avec la plus grande vîtefîe : celui que forme la vapeur enflammée de la poudre à canoa autour d’un boulet ? fe forme à mefui^ Chapitre 4* que cette vapeur te dilate , &■ on fait avec quelle promptitude elle fe dilate ; on doit faire attention que fi un tour- billon d’air fe forme très-vite , il fe dif- fipe de même , & par conféquent ce feroit prendre une peine inutile , fi on employoit une force lente pour met- tre un corps en mouvement dans l’air, parce que le tourbillon qui fe formeroit autour de ce corps , fe dlfïiperoit à fur & mefure qu’il fe formeroit. Voici une obje&ion qui a été faite : en admettant les tourbillons dont il vient d être fait mention ; on a dit (g) que le fluide ne pouvait refluer qu avec La vitejjc que le mobile lui a communiqué , vî- te(Je precifhnent égale à celle que le mobile a Confervé, & que par conféquent , le fluide ne pouvait faire aucune im leffîon jur le mo ile9 n’- lui rendre la vîtejfe qu'il lui a ravie. Je répons à cette objedion, premiè- rement , que ce feroit fans fondement fi on difoit que le fluide a ravi au mobile Une partie de fa vxtefle ; la vîtefle du fluide & du mobile eft due à Ja puiflance Motrice qui n’a pu mettre le mobile en Mouvement , fans mouvoir en même (g) Voyez les inü. neut. de M, Sigorgne, n. 33. Effal fur h Mouvement. temps le fluide qui l’environne ; fecon- dement, le mobile que Fou fuppofe en mouvement, &qui n’a d’autre réfiftance à vaincre que celle du fluide qui efl: de- vant lui , & quon peut, pour chaque inftant, regarder comme infiniment pe- tite , doit vaincre cette réfiflance & continuer de fe mouvoir , fans qu’il foie néceflaire que le fluide , qui efl: derrière lui, fafle impreflion fur lui : il efl: vrai que la réfiflance du fluide qui efl devant le mobile, doit diminuer infenfiblement fa vitefl'e , ainfi que celle du fluide qui forme un tourbillon autour de lui , & c’efl la raifon pour laquelle le tourbillon fe diflipe peu à pçu , & que le mobile parvient enfin au repos. Mais fl le mobile rencontroitun obfla- cle qui lui ôtât toute fa v teffe , ou qui la diminuât fubitement, il n’efl pas dou- teux que le fluide, qui efl derrière lui, ne fît alors impreflion fur lui, & ne lui aidât à vaincre cet obflacle, fi toutefois il n’étoit pas infurmonîable ; dans ce dernier cas, le mobile parviendroit en- core plutôt à l’état de repos. Après avoir prouvé que le mouve- ment d’un corps qui continue de fe mou- voir dans un milieu quelconque , efl dû à un tourbillon ; il nous refte à faire Chapitra 4» connoître plus particulièrement la na- ture de ce tourbillon ; cette recherche nous fera utile, en ce quelle nous ap- prendra la différence qu’il y a entre ce même tourbillon , & îefpece de mou- vement dont il fera fait mention dans le chapitre fuivant : pour cela, nous regar- derons le mobile , que j’appelle aufli corps central , & le fluide qui circule autour de lui , comme une malle dont toutes les parties fe meuvent en- femble d’un mouvement commun, (a) & pour en avoir une jufte idée, nous rapporterons le mouvement des diffé- rentes parties de cette maffe à une ligne , à laquelle il convient de donner le nom d’axe du mouvement : il elf facile d’en imaginer une, puifqu’on peut prendre pour cela la ligne que décrit le centre de gravité du corps central, ligne qui vifiblement paffe par le milieu du tour- billon ; & pour plus de fimplicité , nous fuppoferons que le corps central n’a au- cun mouvement de rotation fur fon cen- tre , & qu’il fe meut en ligne droite , ce (a) J’appelle mouvement commun celui d’un fyftême de corps qui Te meuvent enfeaible , de Maniéré que le mouvement quelconque de l’un de Ccs corps, eft dépendant du mouvement des au- tres. ( Voyez le chap. 8. ) Effai fur le Mouvement, qui eft le cas le plus ordinaire ; ceia pôle. Je remarque, 19. que le fluide qui fait partie de la tnaffe en mouvement dans le tourbillon, le meut circulaire- ment, de maniéré que chaque molécule fluide décrit une courbe qui a pour axe, l'axe même du mouvement, ou une ligue parallèle à cet axe ; car cela varie un peu dans quelques circonftances, mais le corps central fe meut progreffivement le Ion" de Taxe du mouvement, quelque- fois avec beaucoup de viteffe, tandis que la viteffe du fluide varie ; les molécules qui font immédiatement devant & der- rière le corps central, ont une viteffe égaie à celle de ce corps , au lieu que la viteffe des autres,diminue de plus en plus îufqu’anx limites du tourbillon : ami? le corps central A ( figure première ) étant fuppofé fe mouvoir dans la direction C A B, les molécules du fluide qu’il dé- place du côté de B fe détournent, & vont en circulant de droite & de gauche fe rejoindre par derrière en , leur route eff repréfentée par les lignes ponc- tuées , BMC, BNC. 2°. Le fluide qui reflue de droite ne fe meut pas dans le même fens que celui aui reflue de gauche ; leurs diredions , qui varient continuellement, font telles Chapitre 4~ que fur le point de rejoindre le mobile par derrière en C, elles font oppofées, & ces fluides fe choqueroient, s'ils ne continue lent de fe détourner fans celle. 3°. Le corps central déplace conti- nuellement une nouvelle quantité de flui- de, qui fait enfuite partie de ia mafle en mouvement , & repaae par ce moyen la perte de celui qui dem ure en arriéré, ce qui fait que cette mafle fe renouvelle fans celle, fi on en excepte le corps central. Maintenant, foit parce le corps cen- tral déplace continuellement une nou- velle quantité de fluide , (oit parce que tout celui qui fait partie de 1 * malle en mouvement , ne fe meut pas dans le même fens, on voit qua caufe du frot- tement , cette mafle doit flore des pertes continuelles de mouvement, que la na- ture du tourbillon eft par conféquent de fa difliper facilement, & que le mouve- ment d’un corps qui fe meut par ce mé- chanifme, ne peut pas être d’une lon- gue durée. Cependant, îorfque le tourbillon efl formé, fi la puiffai.ee motrice continue d’agir ; par exemple , fi après avoir mis en mouvement un vaifTéau par le jeu des tames , ou par le moyen du vent & des voiles, fi les rames continuent d’agir 9 Ejfai fur h Mouvement, ou le vent de fouffler, ce vaifleau pourra fe mouvoir très-long-temps , les pertes que fait le tourbillon, étant, par ce moyen, continuellement réparées. 11 ne fera pas inutile de placer ici une remarque qui peut répandre quelque lumière fur ce que j’ai dit : ft un milieu, en formant un tourbillon autour d’un corps, eft capable de le conferver dans l’état de mouvement, de même ce corps doit conferver le fluide qui forme le tourbillon dans l’état de mouvement ; il eft en effet évident que fans le mobile, ou le corps central, le fluide antérieur en refluant, fe mêîeroit avec le fluide poftérieur, & que le tourbillon fe difli- peroit promptement ; il y a apparence que c’eft ainfi que les choies fe paffent, lorfqu’on tire un coup de canon avec une Ample charge de poudre & fans baie » l’air ou la vapeur, produite par l’inflammation de la poudre, prodigieufe- mentcondenfée, forme, en fortant du ca- non avec une vîteffeétonnante, un cou- rant qui ne peut pas être porté bien loin; mais fi on met un boulet dans le canon, ce courant devient un tourbillon capable d’emporter le boulet à de très-grandes diflances. Un corps folide placé au milieu d’un Chapitre, 4. tourbillon, fait la principale piece de la maffe en mouvement, & doit être conhdéré comme faifant les fondions d’un coin deffiné à divifer le milieu, & à vaincre les obftacles qui peuvent fe rencontrer fur îâ route du tourbillon , & c’eff parce qu’il n’y a point de corps foîide au milieu du fluide qui forme le tonnerre , que cc formidable météore fe trouve fouvent arrêté dans fa courte par l’air 5 qui, en lui oppofant une réfiftance immenfe, le force à changer de route, ou à ferpenter. CHAPITRE V. Proposition cinquième. Tous Us corps qui font partie d'une majfe qui fe meut c rculairement, doivent continuer de Je mouvoir. Les tourbillons que j’ai décrits dans les deux chapitres précédents, tiennent feulement de la nature du mouvement circulaire ; Fefpece de mouvement dont va être fait mention dans celui-ci, cft plus exactement circulaire ; tel eff celui d’une fphere qui fe meut autour d’un de fes axes , ou celui d’une maffe fluide que Ton fait mouvoir circulaire- ment dans un vaiffeau ; le mouvement commun de la terre, de fon atmofphere5 de îa lime & de toute îa matière édic- tée qui s’étend jufqu’au delà de la lune, eft encore un mouvement de cette e'pece; ainfi que celui de tout le fyftême folaire, c’efl-à-dire du foleil , des planètes & de toute la matière étherée qui s’étend depuis le foleil jufqu’aux limites du fyf- téme folaire : j’excepte les cometes, parce quelle s me paroiffent être des corps étrangers au fyftême folaire. Or cette derniere efpece de mouve- ment différé fi notablement du tourbil- lon , qu’il m’a paru néceflaire, pour ne pas les confondre, de lui donner un rom différent, & je me détermine à lui donner le nom de vortice dont je vais tacher de faire connoître la nature, afin qu’on puiffe le diftinguer du tourbillon ; ce q i efl d’autant plus effentiel , que je fuis intimement perfuadé que toute fo te de mouvement peut être rapporté à du e ou l’autre de ces deux efpeces, &eu M. Oefcartes , que l’on regarde comme l’auteur du fyûême des tourbil- lon- , ni ucuîT phyficiens que je fâche , n’ort fai' cette diftindion, ni traité cette matière ayec tous les foins qu’elle mérite. Effai fur h Mouvement, Chapitre S. Je remarque donc I°. que dans îe vortice, toute la maffe en mouvement fe meut autour d’un axe , que l’on doit regarder , comme l’axe du mouvement, & auquel il convient de rapporter celui de tous les corps qui font partie de cette maffe. iQ. Qu’il y a louvent un corps central d’une nature différente de celle du reffe de la maffe en mouve- ment, mais qui n’a aucun mouvement progrenif le long de l’axe du mouvement. 3q. Que toute la maffe fe meut dans le même fens. 40. Quelle ne fe renouvelle pas : faifons l’appücation de tout ceci à quelques exemples , pour avoir une idée de la maniéré dont cette efpeçe de mouvement peut varier fans changer de nature. Une fphere qui fe meut autour d’un effieu, efî un vortice, fi on fait atten- tion qu’elle ed: compofée d’une infinité de molécules qui font autant de petits corps fimpîes, lefqueîs décrivent des cer- cles dont les diamètres font perpendi- culaires à l efîieu , ou à l’axe du mou- vement ; qu’ils fe meuvent tous dans le même fens , & que la méfié en mou- vement ne fe renouvelle pas. Il faut remarquer que cette derniere condition fouffre quelques exceptions : F # —JJ J ' 7 on voit fouvent fur le bord des rivières des vortices formés par une veine d’eau qu’un obftacîe détourne & fépare de la riviere ; cette eau, après s’être mue cir- cuîairement, va rejoindre la riviere avec i’eau de laquelle elle fe mêle pour re- prendre ainli mêlée la même route qu’elle avoit parcourue auparavant. Il efl encore plus effentiel de remar- quer , que dans le mouvement d’une fphere folide autour d’un axe , toutes les molécules de cette fphere ont une même viteÆe angulaire, ou qu’elles dé- crivent toutes des arcs femblables en temps égaux, mais que leur vîtelTe réelle ell proportionebe à leur diftance de l'axe. Il efl facile de reconnoitre les proprié- tés du vortice dans le fyllême foiaire, puifque les parties de cette mallé énor- me fe meuvent toutes autour d’un axe, qui eft en me me temps l’axe de rota- tion du foleil, & qu’on doit regarder comme Taxe du mouvement ; on fait auffi qu’elles fe meuvent dans le même fens, & que la maiTe en mouvement ne fe renouvelle pas ; à la vérité les pla- nètes ne décrivent pas des cercles dont les diamètres foient perpendiculaires à l’axe du mouvement, mais elles décri- vent des ellipfes peu excentriques, & Effai fur le Mouvement l Chapitre S. le plan de leur orbite s’écarte peu de l’écliptique, qui lui-même ne fait qu’un angle de fept à huit degrés avec l’équa- teur du foleil, lequel eft perpendiculaire à Taxe du mouvement. Dans le vortice foîaire il y a un corps central, c’eft le foleil lui-même qui n’a aucun mouvement progreflif le long de l’axe du mouvement, mais qui fe meut autour de cet axe dans le même fens que le relie de la maffe ; & il eft clair que le foleil , comme corps central, contribue , par fa feule pofition , à con- ferver le mouvement de tout le fyftême folaire ; ce corps d’une nature différente de celle de la matière éthérée, en em- pêchant la partie fupérieure de ce fluide de fe mêler, avec la partie inférieure , prévient la confufion qui en feroit une fuite néceffaire : nous verrons ailleurs que le foleil, par fon aftion, fur tout le fyftême folaire, eft le principal agent de cette harmonie que nous admirons dans l’univers. A l’égard de la viteffe, on voit bien que toutes les parties d’une maffe com- pofée de folides &: de fluides qui fe meu- vent enfemble & circulairement, corn- ue l’efl; ie fyflême folaire,ne fauroit avoir «ne même vîtefl'e angulaire ; aufli la vi- telle des différents corps qui compoferît le fyilême folaire varie-t-elle fmguiié- rement ; on ne peut juger de la vîîeiïe de la matière éthérée , que par celle des planètes, laquelle efl néceffairement égale à celle de ce fluide, ainfiqui! fera prou- vé dans îa fuite ; or le mouvement des planètes , & celui de la furface du foîeil nous apprennent que la vîteffe angulaire des Corps, qui font partie du vortice folaire, diminue depuis la furface du ib- leil jiifqu’aux extrémités- du vortice ; mais que la vltelle réelle de ces mêmes corps augmente depuis îa furface du foîeil iufqu’à l’orbite de mercure, pour dimi- nuer enfuite de plus en plus , julqu'aux extrémités du vortice folaire. Effai fur le Mouvement, Puifque les obfervations agronomi- ques nous apprennent que les vîteffes- des planètes , clans leur didance moyen- ne , font comme. les racines de leur dldance inverfe au foieil, il faut que la vîteffe des couches , dans lefquei- les elles fe trouvent , fuivent la mê- me loi , & fi la vîteffe d une même pla- nète , dans les différents points de fou orbite , eff en raifort inverie de fa dif- tance au foieil, il faut qu'il en foit de même du fluide qui compofe la couche dans laquelle fe trouve cette planete; Chapitre 3*. je ne vois en cela rien d’incompatible, & qui ne puiffe s’accorder avec les loix de Kepler, fi on fuppofe que les couches de la matière éthérée font elliptiques. Enfin pour mieux faire connoître la différence qu’il y a entre le tourbillon & le vortice, qu’on faiTe attention qifim corps qui fe meut par le méchanifrne d’un tourbillon, fe meut dans un milieu , piiifqu’ii n’y a que le fluide qui l’envi- ronne immédiatement, qui fe meuve avec lui ; tel eft le mouvement d’une pierre que l’on jette dans l’air, ou celui d’un vaifleau qui navige en mer ; & qu’un corps placé dans une maffe fluide qui fe meut circulairement , fe meut avec le milieu même dans lequel il efl placé; ce corps efl: dans le même cas où fe trouve une barque qui defeend libre- ment le long dîme riviere , & qui fe meut d’un mouvement commun avec l’eau de la riviere. Maintenant il efl: aile de prouver que dans le vortice , eu dans une maiTe qui fe meut circulairement, tous les corps, qui font partie de cette maffe , doivent continuer de fe mouvoir ; il fuffit pour cela de fuppofer l’inertie de la matière que personne ne contefle ; en effet, ima- ginons une molécule prife dans une fphe- re foîkle qui fe meut circuïairement fur un de fes axes ? il eft clair que cette molécule auroit befoin d’une force pour n - pas fe mouvoir , ou pour fe tirer de 1 état de repos relatif oti elle eft par rapport aux autres molécules ; donc puisqu'elle n’a pas la force qui lui feroit néceffaire pour cela , elle doit demeu- rer dans cet état de repos relatif, & par conféquent continuer de fe mouvoir avec toute la malle, parce qu’il n’y a pas une feule molécule prife dans cette maffe qui ne foit dans le même cas. Nous avons déjà remarqué que û on regardoit une fphere qui fe meut circu- lairement fur un de tes axes , comme un corps fimple ou comme l’unité, il fe- roit difficile d’avoir une jufte idée de fon mouvement, &il en feroit de mê- me d’un corps quelconque de quelque maniéré qu’il fe meuve, parce qu’on s’éloigneroit dû feul point de vue du- quel on peut appercevoir la vérité ; mais fi on confidere un corps en mouvement comme une maffe compofée d’une infi- nité de petits corps différents les uns des autres , & qu’on cherche la caufe de la continua ion du mouvement de cha- cun de ces petits corps , on îa trouvera aifément, en faifant attention, ainfi que Effai fur le Mouvement i tjôus l avons dit, qu’ils auroient befoin d’une force pour ne pas fe mouvoir ; l’ayant trouvé, on ne pourra plus igno- rer la caiife d,‘ la continuation du mou- vement de la mafïê entière : mais la pro- portion préfente peut être prou vée dans l’exemple fui vaut, fans avoir befoin de recourir à cette remarque. Soit le vaiffeau cylindrique , M , N , P,Q, ( fîg. ide. ) plein d’eau , dans le- quel on aura mis plusieurs petits corps allez légers pour qu’ils puiffent flotter, ou demeurer fufpendus dans l’eau ; fi on imprime un mouvement circulaire à cette malle , & qu’on l’abandonne enfuite à elle-même, on verra que le mouvement qui lui a été communiqué, fe diflribuera allez uniformément à toutes les parties de cette malle, qui continueront de fe mouvoir ; & fi on me demande quelle od la caufe de la continuation du mou- vement de cette malle ? je répondrai qu’il n’y a pas un feul des pet ts corps que l’on y a mis , qui ne foit placé au mi- lieu d\m fluide qui fe meut avec lui dans le même fens, & avec une vîtefle égale a la fienne ; d’où je conclus qu’ils doi- vent tous continuer de fe mouvoir , Puisqu’ils n’ont pas la force dont ils Croient befoin pour ne pas fe mouvoir ? Chapitre 5, JJ J 7 & qu’ils n’en ont pas befoin pour con- tinuer de fe mouvoir : ce que j’ai dit de chacun de ces petits corps , a lieu auflï pour chacune des molécules qui corn- poient la maffe d’eau en mouvement, il n’y en a pas une qui ne foit fenfible- ment en repos relativement à celles au mi- lieu desquelles elle eft placée; donc elles doivent toutes continuer de fe mouvoir. Effai fur le Mouvement, Ces principes quoique fimples, peu- vent nous donner une idée du mouve- ment des planètes , pourvu qu’on ne fuppofe pas les efpaces célefles yuides de toute matière ; car alors il ne feroit plus poflible de comprendre quelle pour- roit être la caufe de leur mouvement, ni de découvrir par quel moyen Faction bienfaifante du foleil ponrroit être por- tée jiv.qu’à nous ; ] aimerois autant croire qu’un fquelette efl: capable de tous les mouvements , qui s’exécutent dans le corps de l’animal vivant : mais fl on fuppofe clans les deux un fluide capable d’action & de réflftance, qui fe meut avec les planètes , dans le même fens , & avec une vîteffe égale àla leur, on voit que ces corps auroient befoin d’une force pour ne pas fe mouvoir, & qu’ils n’en ont pas befoin pour fe mouvoir d’un mouve- ment commun avec ce fluide, en-un mot on voit la caufe de leur mouvement. Je ne fuis entré jufqu’ici, dans aucu- ne difcuffion fur le plein & le vuide, parce que j’ai cru pouvoir donner une idée du mouvement fans cela , & que d’ailleurs j’ai été bien aife de ne pas atta- quer un trop grand nombre de difficul- tés à la fois ; mais je ne puis m’empêcher de remarquer , que quand on fuppofe- roit la matière éthérée infiniment rare, li elle avoit une force éladique , auffi confidérable que le fuppofent les Newto- niens , elle feroit par cette feule raifon capab'e d’oppofer au mouvement des planètes une réfidance infurraontabîe , d elle n’étoit pas elle-même en mou- vement , & fi elle n avoit pas une viteffe égale à celle des planètes & dans le même fens ; mais j’aurai occafion d’en parler ailleurs. Chapitre 5, Lorfque je confidere une barque qui defcend librement le long d’une riviere, & que je fais attention que cette barque n’a pas la moindre réfillance à vaincre pour continuer de fe mouvoir, & qu’il lui faudroit une force pour ne pas fe ptouvoir, je ne conçois pas qu’elle dût jamai. ceffer de fe mouvoir , <-’il étoit poffibîe que la riviere eut un courant in- fini, ou qu’elle pût décrire une courbe rentrante ; or toutes les parties d’une maffe qui fe meut circulairement étant dans le même cas , puifqu’elles n’ont aucune réftfiance à vaincre pour con- tinuer de fe mouvoir, j’en conclus que cette efpece de mouvement eft étemelle par fa nature , & qu’il n’y a que les obf- tacles toujours inévitables, fur tout pour de petites malles, qui puiftent réduire un pareil fyftême de corps à l’état de repos ; par exemple, la fphere dont nous avons parlé , fe mouvroit éternellement fans le frottement de fon axe contre les jeux de la chafe, dans lefquels il tour- ne , & fans la réftftance de l’air dans le- quel elle eft fuppofée fe mouvoir , & malgré ces obftacles, on a vu une fphere fe mouvoir pendant quatre heures au tour de fon axe. Effai fur le Mouvement, Mais on ne doit pas être furpris de ce que le mouvement diurne de la terre foit éternel ; il femble qu’il doit l’être, puifque dans fon mouvement de rota- tion , fon axe n’éprouve aucun frotte- ment , & que fon atmofphere , ainfi que toute la matière éthérée qui forme le vortice terreftre , fe meuvent avec elle d’un mouvement commun : par la même raifon , le mouvement du foleil & de tout le fyftême folaire , femble Chapitre 6. devoir être éternel ; en effet quoique les différentes couches dont on peut concevoir que ces malles font compo- fées , n’aient pas toutes une même vî- teffe angulaire , elles fe meuvent toutes dans le même fens ; ce qui fuffit, parce que la réfiflance qu’elles peuvent s’op- pofer, eff infiniment petite * & que d’ail- leurs la vîteffe que peut perdre une cou- che , efl gagnée par l’autre, de forte que la malle totale n’y perd rien ; il ne peut y avoir de difficulté que par rapport aux dernieres couches ; mais la vîteffe de ces couches allant en diminuant de plus en plus, pour s’aller anéantir vers les li- mites de la maffe en mouvement, on Voit*bien que la perte de vîteffe qu’elles peuvent faire , peut être réputée nulle, ou prefque nulle. Voye?K Le chap. iC. J’ai dit que le mouvement d’une maffe qui fe meut circuîairement étoit éternel par fa nature , & qu’il n’y avoit que des obflacles, toujours inévitables pour de petites maffes , qui puffent détruire ce mouvement; il efl en effet évident que de très-petits vortices , tels que les ont décrit Malebranche & Privât de Mo- dérés , fous le nom de tourbillons, ne fauroient fe foütenir long-temps, parce que les dernieres couches de ces petites niafTes, fe feraient cbûacle les unes aux autres , n’étant pas pofllble qu’elles piu- fent toutes fe mouvoir dans le tneme fens. F. [fai fur le Mouvement. CHAPITRE VI. Proposition sixième. Les corps font purement pajffs , eu la ma- tière eji inerte. Les phyficiens fuppofent l’inertie de la matière fans en avoir jamais apporté de preuve évidente , & cela parce qu’ils n’avoient aucune idée du mouvement : je vais donc tacher de prouver cette vé- rité de maniéré à ne laiffer aucun doute ; c’eft d’ailleurs de toutes les queftions qu’on peut faire fur cette matière, celle qui eft la plus propre à répandre de nou- velles lumières fur les proportions précé- dentes , & m me fur ce qui fera dit dans la fuite : par ces moyens nous éviterons une foule d’erreurs dans lesquelles font tombés tous c ux qui ont voulu traiter cette matière. L’expérience prouve qu’un corps en repos perfévere dans cet état de repos , Chapitre. C. par exemple : une barque en repos au mi- lieu d’une maffe d’eau aufîi en repos, per- févere dans cet état de repos ; il en efl de même d’un grain de fable en repos au milieu d’un tas de fable aufîi en repos : en général un corps en repos perfévere dans l’état de repos. Or la persévérance d’un corps dans l’état de repos, ne prouve-t-elle pas que ce corps n’a en lui-même aucune force, & feroit-il raifonmible de lui en fuppofet une, tandis qu’il ne donne aucun indice qui puiffe le faire foupçonner ; il faut donc conclure que ce corps n’a aucune force en lui-même, ou qu’il efl pure- ment pafîif. S’il fufüt de remarquer qu’un corps en repos perfévere de lui-même dans l’é- tat de repos, pour en conclure qu’il n’a aucune force en lui-même , il lufliroit de fuppofer qu’il n’a aucune force en lui-même pour en conclure qu’il doit de lui-même demeurer en repos ; en effet, imaginons un corps placé dans le milieu le moins réfidant, quelque petite que foit la force qui lui feroiî néceffaire pour Vaincre la réddance de ce milieu , il lai en faut une ; donc s’il ne l’a pas , il demeurera en repos. A la vérité , fi ce corps devoit fe Effai fur le Mouvement, mouvoir dans le vuide , il n’auroit au- cune réfiftance à vaincre ; mais je ne crois pas pour cela qu’on piaffe penfer qu’il pourroit fe mouvoir de lui-même ; il faut une force pour mettre un corps en mouvement, & cependant fi ce corps devoit fe mouvoir dans le vuide , cette force paroit inutile ; tout cela me fait penfer que le mouvement dans le vuide eft imaginaire. De très-petits corpufcules , tels que que les atomes d’Epicure ou les monades de Leibnitz, doivent, à raifon de leur petiteffe, avoir beaucoup de mobilité ou de facilité à être mus ; mais quelle raifon pourroit-on avoir pour leur fup- pofer un principe d’aOivité , plutôt que de les regarder comme étant au fi paffifs que les maffes les plus lourdes ; fi une mo- lécule fluide en repos, au milieu d’une maffe fluide suffi en repos, fait un effort pour fe mouvoir en tous fens ; ce n’eff pas par elle-même qu’elle fait cet effort, il y auroit de la contradiction ; c’eft pa ce que cette molécule eff preffée en tous fens par les molécules voifmes , ainfi que cela doit être, & que l’exige l’équilibre des fluides. ïl faut s’abfenir de conficlérer ici cer- tains automates & les corps animés, qui Chapitre 6. paroiffient avoir en eux-mêmes le principe de leur mouvement ; ces cas préfente- roient trop de difficultés pour ceux qui lont à peine initiés dans les myfteres de la nature, & peut-être auffi pour ceux qui en ont fait l’objet principal de leur étude , pendant toute la vie. On n’a pas de peine à croire quun corps en repos n’a aucune force en lui- même , il paroît purement paffif; mais il n’en eft pas de même d’un corps en mouvement, il femble qu’en paffant à ce dernier état, il a acquis une force > & que c’eft en vertu de cette force qu’il con- tim e de fe mouvoir : il efl cependant facile de fe détromper, & de faire voir une c’eli le manque de force qui l’oblige à continuer de fe mouvoir ; il luffiroit même de fuppofer qu’il n’a aucune force en lui-même, pour en conclure qu’il doit continuer de fe mouvoir, tout comme il fuffit de remarquer qu’il continue de fe mouvoir, pour en conclure qu’il n’a au- cune force en lui-même. On fera convaincu de cette vérité, fi on confidére une barque qui defeend librement le long d’une riviere, puif- que cette barque ne donne aucun indice qui puiffe faire foupçonner qu’elle a une force en elle - même ; en effet , elle Eiïai fur le Mouvement 1 n’exerce aucune action fur l’eau de la riviere, & ne fait aucun effort pour fe tirer de l’état de repos relatif où elle eff , par rapport à l’eau de la riviere ; en un mot, elle fe comporte comme fi elle n’a- voit aucune force en elle-même ; donc elle n’a réellement aucune force en elle- même , & on voit clairement qu’il lui faudroit une force pour ne pas fe mou- voir. Il en eff de même d’un corps placé au milieu d’un tourbillon ; s’il refufoit de fe mouvoir , s’il faifoit quelqu effort pour fe tirer de l’état de repos rélatif où il eff , par rapport au fluide qui l’en- vironne , & qui fe meut avec lui, ou qu’il réfiffât au méchanifme du tourbil- lon qui l’entraîne , on pourroit dire qif 1 a une force en lui-même ; mais il con- tinue de fe mouvoir, donc il n’a aucune force en lui-même. On doit en dire autant d’un corps qui fait partie d’une maffe qui fe meut cir- culairemetst, par exemple, ff après avoir imprimé un mouvement circulaire àla malle d’eau renfermée 9 le vaiffeau M N P Q , ( figure fécondé ) on y jette un corps qui puiffe flotter ; ce corps rece- vra de la part de l'eau une impuîfion qui le mettra en mouvement, & même qui Chapitre 6. ne ceffera que lorfque ce corps aura ac- quis une vitelfe égale à celle de la tran- che d’eau où il fe trouvera placé ; après quoi, ce corps 8c l’eau continueront de e mouvoir d’un mouvement commun , l'a ris que l’eau fa/Te imprelîion fur ce corps, ni ce corps fur l’eau; or il eft clair que dans tout ceci, le corps dont il s’agit fe comporte comme s’il n’avoit aucune force en lui-même , car il cède d’abord à l’impuliion qu’il reçoit de la part de l’eau, & lorfqu’il a été mis en mouvement, il ne fait aucune impreffion lur elle; d’où il eü aifé de conclure qu’il n’avoit aucune force avant d’être mis en mouvement, 8c qu’il n’en a pas acquis après avoir palTé à l’état de mouve- ment. 11 y a apparence que les pîanetes font dans ce dernier cas ; elles font partie d’une madequi fe meut circulairement, & par conféquent elles n’ont hefoin que leur inertie pour continuer de fe mouvoir ; on doit donc penfer que fî elles fe meuvent perpétuellement, ce n’eft pas feulement en vertu d’une im- pulfon quelles ont reçues dès l’origine des temps, c’eft auffi parce que la ma- tière éthérée , & tout le fyftême folaire, °nt reçus une pareille impullion , & que Efîai fur U Mouvement. / —JJ J 7 par ce moyen elles fe trouvent placées au milieu d’un fluide qui fe meut avec elles , dans le même fens , & avec une vîteffe égale à la leur : je fais que le mouvement de quelques cometes femble contrarier cette théorie , mais ne feroit- il pas pofîibîe qu’il dépendit d’une caufe particulière : nous verrons ailleurs ce qu’on peut en penfer. Il faut avouer qu’il n’efl pas facile de comprendre comment il efî: poffible qu’un corps qui n’a aucune force en lui- même , peut cependant en exercer une contre un autre corps : il femble donc qu'en fuppofant l’inertie de la matière , la nature devroit demeurer dans un en- gourdiflement abfolu ; cependant fi on y fait attention , un corps follicité à fe mouvoir, & qui rencontre un obflacle , pourra vaincre cet obflacle , fans avoir aucune force en lui-même , fi la force qu’il éprouve efî: fupérieure à la réMan- ce de l’obftacle : on doit donc penfer, en général, que le corps B n’exerce une force contre le corps A, que parce qu’il en éprouve une lui-même de la part du corps C , & que le corps C n’exerce une force contre le corps B, que parce qu’il en éprou- ve une de la part du corps D ; & ainfi de fuite , fans qu’on puiffe jamais remonter â un corps qui tienne fa propre force de lui -même ; fi un corps pouvoit commen- cer le mouvement, c’efl>à-dire, s’il pou- voir fe mouvoir lui-même, & mouvoir d’autres corps , il produiroit le mouve- ment ; mais la plus faine partie des phi- lofophes penfent que ce feroit un aâte de création qui n’appartient qu’à Dieu feul. Chapitre C. Mais fi quelqu’un infifioit fur cette difficulté, & qu’il voulût favoir à quoi s’en tenir, au fujet de cette force mu- tuelle que les corps exercent les uns fur les autres ; je pourrois lui répondre que le mouvement des corps étant feulement rélatif, leur force ne peut être de même que rélative ; d’où il uit qu’on peut dire, avec une égale vérité , qu’un corps eil en mouvement, & auffi, qu’il efi eu repos ; qu’il a une force, & encore , qu’il n’en a pas : je pourrois dire auffi que cette force réfulte, dans tous les cas , d’un méchanifme qu’on doit tâcher de découvrir , en examinant tomes les cir- confiances qui accompagnent l’a&ion que les corps exercent les u s fur les au- tres ; mais, malgré tout ce qu’on en a dit, cette matière df entièrement neuve. 74 Ejjai fur le Mouvement, CHAPITRE VI I. Proposition septième. La direction du mouvement d’un corps dé- pend principalement du même méchanif- me auquel ejl dû. le mouvement de ce corps. Si la matière eft inerte, fi les corps n’ont aucune force en eux-mêmes, s’ils font purement pafîifs, non feulement ils doivent être indifférents pour l’état, foit de repos, foit de mouvement, mais en- core pour toute forte de direction : c’efl donc fans aucune preuve & fans appa- rence de vérité , qu’on a prétendu qu’un corps en mouvement devoit, par lui- même , continuer de fe mouvoir, & mê- me fe mouvoir éternellement, unifor- mément & toujours en ligne droite; cette perlévérance d’un corps dans l’état de mouvement, fans aucune caufe qui l’y oblige ; cette préférence pour le mou- vement en ligne droite lur le mouve- ment en ligne courbe, ne s’accorderoient pas avec l'on indifférence pour le mou- vement en général ; il e|î vrai que ce Corps n’a rien en lui-même qui piaffe s’y oppofer ; mais ce n’eff pas affez, il ne fe fiiffit pas à lui-même, il a befoin d’un fecours étranger pour continuer de fe mouvoir : fi j’ai dit qu’un corps placé Su milieu d’un tourbillon , devoit conti- nuer de fe mouvoir, c’eff parce que ce corps éprouve l’effet dun méchanifme qui le tient en mouvement ; fi j’ai dit qu’un corps qui fait partie d’une maffe qui fe meut circulairement devoit con- tinuer de fe mouvoir, c’eff parce que ce corps éprouve de même l’effet d’un mé- chamfme qui exige de lui qu il fe meu- ve ; j’ai donc fait connoître les circotff- tances dans lefquelles un corps devoit continuer de fe mouvoir ; il importe niaintenant d’indiquer celles qui doivent déterminer la direûion que ce corps doit fuivre : cette queftion eff affez int:ref- fante pour être traitée féparéœent. Il eff évident qu’un corps qui fe meut par le méchanifme d’un tourbillon doit, toutes chofes d’ailleurs égales , fe mou- voir en ligne droite ;en effet, fi ce corps a une figure régulière ou fymmétrique , le fluide qu’il déplacera aura une égale facilité pour refluer de. tous côt's; il *\y aura donc aucune raifon pour qu’il fc détourne à droite plutôt qu’à gauche; Chapitre y. aujfîi l’expérience prouve -t-elle, qu’une pierre de forme arrondie, un boulet de canon, une flèche, & en général, que tout mobile, de forme régulière, ou fym- métrique , fe meut en ligne droite. Mais fi le mobile a une forme irrégu- liere , ou sil le trouve quelque angle faillant ou rentrant d’un côté ou d’autre de fa furface , le fluide qu’il déplacera , ne pourra pas refluer de tous côtés avec la môme facilité , & par conféquent la direflion de ce corps doit changer fans celle , & c’eft encore ce que l’expérience nous apprend ; ces fortes de corps ne fuivent pas la ligne droite ni dans l’eau ni dans l’air, & c’efl: par ceîte raifon que le nautonier, à l’aide d’un gouvernail, des rames & de la voile, peut changer la dire&ion de fa barque, ou même la diriger à volonté , ce qui fait voir que l’inertie de cette barque permet, ou plu- tôt exige , quelle foit obéiflante à toutes les impreflions qu’elle reçoit, & par con- féquent qu’elle efl indifférente pour toute forte de direction. EJfal fur le Mouvement, Lorfqu’un corps paffe obliquement d’un milieu dans un autre, le nouveau milieu dans lequel entre le mobile ne peut pas refluer autour de lui également de tous côtés dans le premier inflant de IChapitre y. ion paÆage , puifqu’il y a une des faces du mobile qui y eiî plongée avant 1 au- tre ; donc fi le milieu, dans lequel entre ce corps, lui onpofe plus ou moins de rélidance que celui duquel il fort, la dire&ion de ce corps fera changée dans le moment de fon immerfion dans le nouveau milieu ; c’eil aulîi ce que l’ex- périence confirme ; elle nous apprend qu’une baie de moufquet s’écarte de la perpendiculaire, lorfqu’elle paffe obli- quernenî de l’air dans l’eau, parce qu’elle éprouve plus de réfifiance de la part de l’eau que de la part de Pair ; fi les rayons de lumière s’approchent au contraire de la perpendiculaire, en payant oblique- ment de l’air dans l’eau, c’efi, comme on l’a toujours penfé , qu’ils éprouvent moins de réfifiance de la part de l’eau que de la part de l’air ; je ne vois pas pourquoi on a eu recours à l’attra&ion pour l’explication de ce phénomène. Il ya, àla furface de la terre , une autre caufe qui détourne les corps en mouvement de la ligne droite , Si qui les oblige à décrire des courbes conca- ves du côté de la terre ; c’efi la péfan- teur qui, comme on fait, fait parcourir aux corps des efpaces qui font entr’eux coinme les quarrés des temps employés Ejj'ai fur le Mouvement, à les parcourir, & qui, par ce moyen , fer oit parcourir aux corps projettes des paraboles , fi leur vîteife de projedion étoit uniforme ; mais cetîe démit re condition n’a pas lieu, la vîteffe des corps projettés diminue continuellement julqu’au moment de leur chute. Si un corps qui fe meut par le mécha- nifme d’un tourbillon, doit, toutes cho- it s d’ailleurs égales , fe mouvoir en li- gne droite ; celui qui fait partie d’un vortice, ou d une maffe , qui fe meut ciçculairement, doit aufîi , toutes cho- fes d’ailleurs égales , fe mouvoir circu- lairement ; & il faut bien que les chofe» foiciît ainli pour que le mouvement cir- culaire fort éternel par fa nature, com- me nous l’avons alluré : il eil en effet évident que fi toutes les parties d’une maffe qui fe meut circulairement, par exemple, fi chacune des pièces qui com- pofent le fyflême folaire , tendoit à fe mouvoir en ligne droite, bientôt le mou- vement de toute la maffe feroit altéré au point de changer de nature : mais il n’en eft pas ainfi, il n’y a que les circonffan- ces toujours inévitables à la furface de la terre, & même dans les deux , qui polirent le troubîer,&quile troubleroient €ii eileî, fi cette même fagefle, qui pré- Chapitre 7. ïide à toutes choies , n’avoit combiné ces circondances, de maniéré que l’effet de Tune fut détruit par l’autre , & que par ce moyen les choies relia dent tou- jours dans l’état d’équilibre. On va m'objecter que j’avance une proportion insoutenable , que j’entre- prend de lutter contre l’autorité de tous les phyliciens, contre l’évidence , con- tre l’expérience même : contre l’autorité de tous les phyliciens, on me fera re- marquer qu’il n’en ed aucun qui ait ofé dire qu’un corps devoir fe mouvoir cir- cnlairement ; contre l’évidence , on m'adiirera que le mouvement uniforme &en ligne droite, ed le plus fimple & le plus naturel de tous , & qu'un corps doit toujours de lui-même affeéler cette direélion ; contre l’expérience, on me d;ra qu’a e pierre que l’on fait mouvoir dans une fronde, que les gouttes d’eau que l’on répand fur une roue en mou- vement, & généralement, que tous les corps qui fe meuvent en ligne courbe tendent à s’échapper par la tangente à la courbe qu’ils décrivent, c’ed-à dire, àfe mouvoir en ligne droite. La crainte d’effiiyer tous les traits de ba critique ne m arrêtera pas , parce que 1 intérêt de la vérité demande que je m’y Efjai fur h Mouvement, expofe ; s'il ne sert trouvé aucun phy- sicien qui air dit qu’un corps devoit fe mouvoir circulairement, c’elt parce qu’il ne s’en eft vu aucun qui ait examiné cette quefiion avec tous les foins qu’elle mérite : la première conféqucnce qu’on a tirée de l’inertie de la matière eft très- faufTe, elle ne s’accorde pas avec le prîncique duquel on l’a déduite ; cette conféquence eft que l inertie des corps exige qu’ils perféverent dans l’état où ils fe trouvent , par conféquent, s’ils font en repos , qu’ils demeurent en re- pos ; s’ils font en mouvement, qu’ils continuent de fe mouvoir ; or il eft facile de prouver que l’inertie des corps n’exi- ge pas qu’ils perféverent dans l’état où ils fe .trouvent; elle exige feulement qu’ils foient fournis à toutes les imprefiions qu’ils reçoivent ; & par conféquent, fi les caufes qui font imprefiion fur- un corps , exigent que ce corps demeure en repos , par exemple , s ils fe trouve placé entre deux ou plufieurs forces égales & oppofées, linertie de ce corps permet qu’il demeure en repos ; fi ces mêmes caufes exigent qu’il fe meuve, l’inertie de ce corps demande qu’il cède à leur ac- tion ; enfin, fi ces mêmes caillés tendent à faire palier ce corps de l’état de repos a l’état de mouvement, ou réciproque- ment, fon inertie exige qu’il ne s’y op- pofe pas ; d’ailleurs je pourrois dire qu’un corps en mouvement change con- tinuellement d’état, & par conséquent que fon inertie feule, qui n’eft qu'une privation de toute force, ne fufiit pas pour le conferver dans l’état de mou- vement : d’où je conclus que l’inertie des corps ne contribue à leur mouve- ment que par la feule raifon qu’elle n’y met point obùacîe, & c’eft tout ce qu’on doit en attend"e. Chapitre y. Si l’inertie d’un corps en mouvement n’exige pas que ce corps continue de fe mouvoir, elle exige encore moins qu’il fe meuve dans une direélion plutôt que dans une autre : quel feroit donc le fon- dement de cet autre principe qui veut qu’un corps en mouvement tende par lui -même à fe mouvoir en ligne droite, & qn’ii fade effort pour s’échapper par la tangente au point de la coube où il fe trouve , lorsqu’il fe meut en ligne courbe ; je ne le connois pas : on me dira que le mouvement en ligne droite eft plus fimple & plus naturel que le mouvement en ligne courbe ; mais fi cela étoit, il femble qu’il devroit fe foutenir Plus long-temps, & l’expérience y efî E[[ai fur le Mouvement, contraire ; le mouvement en ligne droite eir toujours dune courte durée, tandis que le mouvement circulaire eft d’une bien plus longue durée; il y a même dans les deux plusieurs exemples de mouve- ment ciculaire qui dure (a) éternelle- ment. -11 fera facile de faire voir l’incohé- rence de ces principes, & l’abfurdité de toute cette théorie, que le fonde feul de la réflexion auroit dû faire abandon- ner, lorsqu’on aura une jufte idée de l'état des corps , parce qu alors on com- prendra facilement ce qu’on doit atten- dre de leur inertie ; or pour l’avoir cette idée, il faut favoir qu’il n’y a pas un feul corps dans l’univers qui ne foit en mouvement ; on fait en effet que tout le fyftême folaire fe meut circulairement ? & iln’eft pas douteux qu’il n’en foit de même du fyftême de chaque étoile fixe* on (ait aufti que Vénus, la Terre, Mars, Jupiter, & vraisemblablement les autres Planètes, ont un mouvement de rota- tion autour dim de leurs axes; d’où il fuit 00 Pour abréger je ne mets point de différence entre le mouvement circulaire & le mouvement elliptique, qui en effet ne différent pas «{Ternie!- kment l'un de l’autre. Chapun y. qu’il n’y a pas un feul corps dans lTuHi- vers qui ne l'oit en mouvement, & mê- me qui ne le meuve circulairemenî ; d’un antre côté, on ne peut pas cou- telier que les corps qui font à la furface de la terre, ne Ibienî en repos les uns par rapport aux autres ; car quoique ce repos ne ibk que relatif, il n’en eft pas moins auffi. réel qu’il puiffs 1 être; donc il y a des corps dans l’univers qui font en même temps dans l’état de repos, & dans l’état de mouvement, cela pôle. Conlidérons les corps qui font à la 1 tir- face de la terre : le vrai état de ces corps elt d’être en repos relativement les uns aux autres, &de fe mouvoir tous circu- lairement autour de Farte mobile de la terre : or quelques foient les caufes qui les condiment dans l’état où ils font, il elt clair que leur inertie demande qu’ils per- févereut dans cet état , & par conlé- quent qu’ils demeurent dans l’état de repos relatif où ils font les uns par rap- port aux autres, &en même temps qu’ils continuent de fe mouvoir autour de l’axe de la terre ; mais s’ils faifoient ef- fort pour s’échapper par la tangente à la courbe qu’ils décrivent, il eft manifelle qu’ils tendroient, à tous égards, à for- tir de l’état où ils font, puifqu’ils ten- droient à quitter le repos relatif où ils font par rapport aux autres, & auffi à abandonner leur mouvement circulaire autour de Taxe de la terre, ce qui ne s’accorderoit pas avec leur inertie ; d’où |e conclus que l’effort que font les corps qui fe meuvent en ligne courbe pour s’échapper par la tangente à la courbe qu’ils décrivent eff une chimere. C’eff à l’aide des principes dont il vient d’être fait mention, que M. Dei- cartes avoiî promis de faire connaître par quel moyen l’univers pourroit être conftrnit; mais il eff clair qu’il ne nous a appris que le moyen par lequel il pour- roit être détruit ; effeffivemerrt, les gran- des maffes dont eff compofé l’univers fe meuvent toutes circulairement, & par conféquent ff toutes les pièces qui corn- pof ut ces maffes tendoient à s’échap- per par la tangente à la courbe qu’elles décrivent, elles tendroient à fortir de l’état où elles font, & bientôt celte fur- prenante harmonie que nous admirons dans l’univers difparoîtroit ; ce ne feroit plus qu’une horrible confufion d’élé- ments , un vrai cahos : mais voyons ce que l’expérience doit nous faire penfer fur cette matière. Ejjai fur le Mouvement, Lorfqu’onfait mouvoir circulai rement une pierre dans une fronde, il ed fûr qu’elle fait effort pour s’échapper par la tangente à la courbe qu elle décrit ; mais ce phénomène vient de ce que cette pierre le meut par le méchanifme d’un tourbil- lon qui tend à lui donner une diredion en ligne droite , mais dont l’effet ed con- tinuellement contrarié par la fronde juf- qu au moment où elle s’en échappe ; on voit par-là que le mouvement de cette pierre n’a rien de commun avec celui d’un corps qui fait partie d’une maffe qui fe meut circuîairement. Pour ce qui concerne les gouttes d’eau qui s’échappent delà circonférence d’une roue que l’on fait mouvoir autour d’un edieu, & pludeurs autres phénomènes qui parodient dépendre d’une tneme eau Ce , comme la figure de la terre qui ed rendée versfon équateur, & applatie vers fes pôles ; il faut fa voir que li la pefanteur & d’autres caufes peuvent alté- rer le mouvement en ligne droite ; de même la pefanteur & d’autres caufes peu- vent altérer le mouvement circulaire ; lorfqu’on fait mouvoir une roue avec beaucoup de rapidité autour d’un eflieu, il ed fur que les gouttes d’eau que l’on répand fur la circonférence de cette roue , s’échappent par la tangente à la Chaplt "e y. courbe qu elles décrivent ; & il en feroit de même des différentes pièces dont cette roue eft compofée il elles étoient mal liées enfemble ; mais qui ne voit pas que dans cet exemple le mouvement circu- laire eff totalement dénaturé par la pe- santeur & peut-être par d’autres enufes , & que l’effet de la pefanteur eli- -mime , eff tellement altéré , qui! Semble que les coups ctffenî d’être dirigés vers le centre de la terre , & qu’ils tendent à éloigner du centre de leur mouvement toutes les parties de la roue ou de la maffe qui Se meut circulairement : dans d’autres circonffances le mouvement cir- culaire & la pefanteur peuvent être com- binés de maniéré à produire des effets analogues à la figure de la terre , Sans avoir befoin pour cela de SuppoSer que les corps qui font partie d’une maffe qui Se meut circulairement, tendent par eux- mêmes à s’échapper par la tangente à la courbe qu’ils décrivent: l’expérience Sui- vante me paroît plus propre pour réfou- dre cette difficulté. EJJai fur h Mouvement, J’ai dit que l’eau du vaiffeau M, N, P,Q, ( fig. ide. ) ayant reçu un mouvement circulaire, chaque molécule de cette eau devoit continuer de fe mouvoir , parce qu’étant en repos relativement à celles Chapitre y. qui l’environnent, elle devoit perfévérer dans cet état de repos , & qu’elle ne pouvoit y perfévérer fans continuer defe mouvoir ; j’ajoute ici qu’elle doit con- tinuer de fe mouvoir circuîairement, ce qui eft évident, puifque fi elle tendoit à s’échapper par la tangente à la courbe qu’elle décrit , elle féroit effort pour lortir de l’état de repos relatif où elle eff par rapport aux molécules qui l’en- vironnent : l’expérience prouve en effet que les molécules dont cette mafTe d’eau eft composée, ne font aucun eiiort pour fe mouvoir en ligne droite & s’éloigner du centre de leur mouvement ; fi cela étoit, elles auroient toutes une force centrifuge qui, dans le cas préfent, ne fer on pas détruite parla pefanteur dont l’aéfion n’eff pas dirigée en fens con- traire ; & par conféquent l’eau devroit fe porter vers les bords du vaideau , & s’y élever au defTus du niveau , ce qui n’efl pas , la furface de l’eau demeure par- tout horizontale ; il eff vrai que cette eau corrode les bords du vaiffeau , & qu’elle fe répandroit il ces bords étoient fup- primés ; mais on verra clairement que ces effets ne proviennent pas de l’effort qu’elle fait pour s’éloigner du centre de fon mouvement, lorfqu’on fêta attention quelle corrode également la furface de la colonne qui eil au milieu du vaiffeau , & qu elle fe porîeroit vers le centre de ce vaidéau, fi cette colonne étoitfupprimée. Il fuit de ce qui vient d’être dit , que les corps n’ont par eux-mêmes aucune tendance au mouvement, aucune pro- pen lion pour cet état, plutôt que pour celui de repos , & qu’ils font indifférents pour toute forte de direction ; s’ils fe meuvent, c’efî; parce qu'ils éprouvent l’adion d’une ou de pliuieurs caufes qui le demandent ; s’ils fe meuvent en ligne droite ou courbe , c’eff parce que ces mê- mes caufes l’exigent ; s’ils changent de di- redion , ou s’ils font quelque effort pour en changer , ce n’efl pas par eux-mêmes qu’ils font cet effort,c’efl encore l’effet d’u- ne caufe particulière qu’il faut chercher. M. Dcfcar tes , après avoir long-temps diîferté fur le plein & le vuide , fur fef- fence de la matière , fur le choc & la communication dumouvement des corps, enfin fur la confervation de la même quantité de mouvement dans l’univers , s’étoit perfuadé à lui-même qu’un corps en mouvement devoit continuer de fe mouvoir fans avoir befoin d’aucun fe- cours étranger , & qu’il tendoit par lui- même à fe mouvoir en ligne droite ; ce E(Jal fur h Mouvement, n’efî: pas que ce Philosophe n’admit le méchanifme des tourbillons, mais il ne l a jamais bien connu , puifqu’il ne Ta conlidéré que comme un moyen capa- ble de conserver aux corps leur mouve- ment , & qu’il a attribué au mouvement lui-même une autre origine , en le regar- dant comme une qualité que les corps fe communiquent par le choc : ce Phi- lofophe qui avoit en vue de traiter la phyfique céîefte, croyoit avoir trouvé dans ces principes tout ce qui lui étoit nécefiaire pour cela ; il favoit que tout le fyflême folaire fe meut circulaire- ment ; mais il croyoit que chacun des corps qui compofent cette mafîe ten- doit à le mouvoir en ligne droite, & à s’éloigner par ce moyen du c ntre de lon mouvement; de-là la force centri- fuge ; mais, difoit ce Philofophe, toutes les parties du fyftême folaire n’ont pas une égale force centrifuge ; la matière éthérée en a plus que les corps terref- tres & greffiers , elle doit donc , àcaufe que tout eft plein , forcer ceux-ci de fe porter vers un ou plusieurs centres; de-là la pefanteur ou la force centripète, qui, comme on voit , n’eft dans ce fyhême qu’une moindre force centrifuge. La nouveauté & la hmpliciîé de ce Chapitre y. îyffiême lui attirèrent d’abord beaucoup de partifants ; mais il étoit trop éloigné de la vérité pour fe Contenir long-temps ; bientôt on s’apperçut qu’il ne s’accor- doit pas avec les phénomènes ; pour que la pefanteur des corps fublunaires ne fut qu’une même force centrifuge , pour qu’elle fut due à rimpulfion qu’ils re- çoivent de la part de la matière étké- rée, il faudroiî que ce fluide pût exer- cer fur les corps pefants une aciion pro- portionnelle à leur mafTe , puifque leur pefanteur effi proportionnelle à cette maffe ; mais féther ne peut agir que fur la furface des corps , ( a ) donc fou ac- tion fur ces corps ne peut être la canfe de leur pefanteur ; d ailleurs l’impulfion que ce fluide pourroit donner aux corps pefants, ne feroit dirigée que perpen- diculairement à Taxe , & non dirècle- ment vers le centre de la terre , ainfi que l’exige le phénomène de la pefanteur. On a fait encore une autre difficulté : la pefanteur des corps qui font à la fur- Eiïai furie Mouvement, (a) Nous avons déjà remarqué qu’un fluide afTez fubtil pour pénétrer dans l’intérieur d’un corps, pouvoir exercer fur lui une aflion proportionnelle àla inalu.1; mais ce ne peut être que dans un cas dont il fera fait mention dans la fuite, face de la terre leur fait parcourir quinze pieds dans la première fécondé de temps ; or pour que la matière éthérée put pro- duire un pareil edet, on trouyoit par le calcul qu’il falîoit que la circulation de cette matière, fût dix-fept fois plus grande que celle de la terre elle-même ; ce qui ne pouvoir être, parce qu’avec une pa- reille circulation la matière éthérée au- roit été capable d’entraîner tous les corps qui font à la furface de la terre dans le fens de la diredion. Chapitre y. Toutes ces raifons firent abandonner le fyfiême de M. Defcartes ; il n’y eut plus que quelques zélés parafants de ce Philofophe qui entreprirent de le défen- dre; Maîebranche & Privât deMoîiere, aux tourbillons (impies du fyfiême car- théfien , fubftituerent des tourbillons compofés : dans ce dernier fyfiême toute la matière éthérée efi divifée en un in- finité de petits tourb.lions, qui fe meu- vent tous autour de leur centre, & anfii autour d’un centre commun : mais on leur a fait voir qu’ils avoient pris une peine inutile, parce qu’ils laifibient fub- lifier les mêmes difficultés : d’ailleurs, nous avons remarqué q!ie ces petits tour- billons , que j’ai appeîlé vordces, fe- tQxsat diffipés dans i'infiant. Je ferois moins furpris , fx on avoit abandonné entièrement le fyitême de M. Defcartes; mais on en a confervé une partie ; on penfe encore aujourd’hi que les corps qui Te meuvent en ligne cour- be , font un effort continuel pour s’échap- per par la tangente à la courbe qu’ils décrivent, & c’efolàla caufe de la force centrifuge , ainfi que nous l’avons dit, & à laquelle il a fallu oppofer l’attrac- tion : on fait que la combinaifon de ces deux forces forme la théorie des forces centrales , qui s’accorde merveille ufe- ment avec les phénomènes céleftes. L’accord de la théorie des forces cen- trales avec les phénomènes céleifes, la rend précieufe aux ailronomes, elle leur fuffit ; mais le phyficien ne s’en conten- tera jamais ; il demandera toujours ce que c’eil que i’attraüion , ou qudle efl la caufe de la tendance des corps vers les corps : il aura encore plus de rai- fon de rejeter cette théorie , îorfqifil faura que la force centrifuge ne pro- vient pas de l’effort que font les corps qui fe meuvent en ligne courbe pour s’échapper par la tangente à la courbe qu’ils décrivent : & que diront les para- fants de cette théorie, fi on leur prouve un jour que le foleil au lieu d attirer Effai fur le Mouvement, à lui les planètes, les repoufle au con- traire , & que la caufe qui tend à les rapprocher du foleil ed toute différente de celle qu’ils ont imaginée. Si on rejettoit en même temps l’at- tradion & la force centrifuge qui réfulte de la tendance qu’ont les corps qui fe meuvent en ligne courbe , pour s’échap- per par la tangente à la courbe qu’ils décrivent , il faudroit nécedairement chercher d’autres caufes dont la combi- naifon pût tenir les adres lufpendusau deflûs de nos têtes , & auxquelles on pût rapporter la régularité de leur mou- vement ; or voici une expérience qui m’a toujours réuffi , & qui peut donner de nouvelles idées fur cette matière. Chaplin 7. Après avoir imprimé un mouvement circulaire dans le fens M, N , P, à l’eau contenue dans le vaiffeau de la figure 2de. fi on y met un corps qui puiffe flotter , on remarquera que ce corps fe mouvra circulairement , fans paraître faire le moindre effort pour s’approcher ou pour s’éloigner du centre de ion mouvement ; & s’il arrive qu’il s’en éloigne ou qu’il s’en approche , on verra que ce n’eft pas condamment, & que c’ed l’effet de quel- que canfe particulière comme un léger fouffle de vent : mais fi ce corps, outre le mouvement qui lui eft commun avec toute la maffe d’eau, a encore un mou- vement propre & circulaire autour d’un axe vertical , on s’appercevra que ce corps s’éloignera ou s’approchera du cen- tre de Ton mouvement : par exemple, le corps X s’éloignera du centre de fon mouvement, s’il fe meut dans le fens A, B, C, c’eft-à-dire, fi la partie la plus près du centre fe meut dans le fens oppofé à celui de la maffe d’eau ; il s’en approchera au contraire s’il fe meut dans dans le fens C,B ,A, c’eft-à-dire ,li la partie la plus près du centre fe meut dans le fens oppofé à celui de la maffe d’eau : il eft clair que cet effet vient de ce que le mouvement de ce corps , dans le pre- mier cas , détermine une plus grande quantité de fluide à paffer entre lui & le centre du mouvement; & dans le fé- cond , de ce que le mouvement de ce Corps détourne une partie du fluide qui devoit paffer entre lui & le centre du mouvement. EJfai fur ie Mouvement 9 Les planètes font dans le fécond cas , elles fe meuvent toutes d’occident en orient dans leur partie fupérieiire, & d’orient en occident, c’eft-à-dire , con- tre le fens de la matière éthérée dans leur partie inférieure ; elles doivent donc toutes détourner une partie du fluide qui auroit du palier entre elles & le foleil , centre de leur mouvement, & par conféquent elles doivent être con- tinuellement poufîees vers ce centre ; je ne doute pas que la force centripète des planètes ne foit due à cette caufe , tout comme je penfe que leur force centri- fuge provient de l’impulfion qu’elles re- çoivent de la part des rayons folaires ; & que fans la première de ces deux cau- fes, la fécondé les relegueroit au delà des limites du fyftême folaire ; & que fans la fécondé , la première les préci- piterait dans le foleil même ; & que c’efl: de la comÎDinaifon de ces deux for- ces , jointe à d’autres circonflances, que dépend la régularité de leur mouvement. 11 efl fur que la force centrifuge & centripète des fatellites , par rapport à leur pîanete principale , ne peut pas dépendre de ces deux caufes ; mais cela ne s’accorde que mieux avec l’admira- ble fécondité des reflburces de la na- ture : dans la fuite je dirai encore quel- que choie fur cette matière. Chapitre y. EJfai fur le Mouvement } CHAPITRE VIII. Réflexions fur la définition du mouvement f fur le plein, le vuide, &c. O N trouve à la tête de tous les ou- vrages de phyfique une définition du mouvement qui, à mon avis , feroit mieux placée àla fin, parce qu on pour- roit alors la déduire des phénomènes de la nature obfervés avec attention ; il efi: vrai que le phyficien, pour fe con- duire dans fes recherches , a befoin de principes , & que ceux qui feroient tirés de la nature du mouvement connu par une bonne définition , fembîent être ab- solument nécefiaires pour cela ; ce qui fait voir qu’il y a des difficultés à vain- cre, quelque parti que l’on prenne , puif- qu’ilfaut ou fuppofer des principes pour defcendre enfuite à la contemplation de la nature; ou s’occuper premièrement de la contemplation de la nature, pour re- monter enfuite à ces principes ; ce qu’il ya de fâcheux, c’efi: qu’on a pris l’une & l’autre route fans fuccès jufqu’ici. L’opinion de ceux qui ont dit que le mouvement étoit une fubilance diffé- tente de la matière, un être particulier, permanent félon quelques-uns, fuccef- fif fuivant d’autres , ne mérite pas d’être examinée t je pourrois même dire qu’elle ne lauroit être foumife à aucun exa- men , n’étant pas poftible de concevoir ce qu’ont voulu dire les auteurs de cette définition , qui a le vice d’être plus obf- cure que la choie définie elle-même. D’autres ont alluré que le mouve- ment étoit une qualité des corps , qualité qu’ils fe communiquent par l’aélion mu- tuelle qu’ils exercent les uns fur les autres , & que pour cette raifon , on a appellé qualité imprefle; mais parce qu’ils n’ont jamais pu faire connoitre ce que c’eft que cette qualité, on doit la regarder comme étant aufîi occulte qu’aucune de celles dont il eft fait mention chez les anciens, & penfer que ce feroit perdre fon temps, que de s’en occuper. Tout le monde convient que le repos & le mouvement ne font que des modi- fications de la matière , qui ne tiennent en rien à fon effence ; mais il eft évident qu’en difant que le repos & le mouve- ment ne font que des modes, on n’en fait pas connoitre la nature, & par con- séquent cette définition, li c’en eft une, Pft défedueufe : fans nous arrêter à celle Chaplin ême après le choc : à la vérité on a dit qu’il n’y avoit point dans la na- ture de corps parfaitement durs & fans élaflicité , & que s’il y en avoit, ces corps fe commimiqueroient le mouve- ment tout comme les corps mous ; mais Cette aflèrtion, qui ne fauroit être fon- dée fur l’expérience , n’efl appuyée par aucune preuve. Pour ce qui concerne les corps élas- tiques , on fait qu’ils fe communiquent le mouvement d’une maniéré qui varie Singulièrement ; quelques fois le corps choquant communique tout fon mouve- ment au corps choqué, d’autres fois il lui communique plus de vitefie qu’il n’en avoit lui-même avant le choc & cpfil n’en conferve après le choc ; il arrive auffi fou vent qu’a près le choc il revient fur fes pas ; & voici de quelle façon on s’y prend pour accorder ces phénomènes avec la loi du choc qui demande que le corps choquant com- munique du mouvement au corps cho- qué en raifon des maffes. On penfe qu’un corps éîaflique qui en choque un autre , dans le premier mflant de fon a&ion lui communique mouvement proportionnellement à fa , mais que la compreffion que fouf- "Effal fur h Mouvement, JJ J 7 fre le corps choqué le met en état 9 en déployant fon reflbrt, de réagir con- tre le corps choquant, qu’il lui dérobe encore, par ce moyen , une partie, dit mouvement qui lui reliait, & que c’eüî la caufe de î inégalité de mouvement des deux corps après le choc ; par exemple : fi une bille d’ivoire , fufpendue par un fil, va en choquer une autre de même maiîe & fufpendue de même par un fil, elle lui communique d’abord la moitié de Ton mouvement ; mais la bille cho- quée , par la reditution de fon relîbrt, lui dérobe en fui te l’autre moitié, & par ce moyen la bille choquante demeura en repos , & la bille choquée lé meut avec toute la vîtelîe qu’avoit la bille choquante avant le choc. On a railbnné à peu près de même pour le cas où la bille choquante auroit plus ou moins de maffe que la bille cho- quée ; pour celui auquel ces d.nx billes léroient en mouvement dans la même direction ou des direèlions oppofées , & on a donné des formules qui s’accordent allez bien avec l’expérience , ma s qui laiflént fubfiller toute l’obicurité qui régné dans cette matière , en ne faifant connoitre que ce qui arrive dans le choc des corps qui font entièrement libres > Comme le font des billes fufpendues par des fils ; il fera plus utile d’examiner en général ce qui fe pafTe dans îc choc des corps, réîativement à la commu- nication du mouvement, & pour cela il efi; convenable de faire connoitre ce qu’on doit entendre par les termes de choc ou percufiion , de prefiion & d’irn- pulfion , &c. Chapitre p). Le choc peut avoir lieu de pluficurs façons; iQ. lorfqu’un corps en mouve- ment , diftant d’un autre en repos , va le toucher après avoir parcouru i’efpace qui Fen féparoit avec une vîtefîè quel- conque ; 2C>. îorfque a s deux corps étant en mouvement dans la même dire&ion , l’un peut atteindre l’autre ; 30. lorfque ces mêmes corps étant en mouvement dans des directions oppofées ils vien- nent à fe rencontrer ; dans ce dernier cas le choc eft réciproque, & dans tous les cas , Faction d’un corps qui en cho- que un autre eft appeilée choc ou per- cuflion. Mais fi un corps agit fur un autre corps qui le touche, & qui étant devant lui s’oppole au mouvement qu’il tend à ac- quérir , on dit qu’il le preffe , & fon aftion efi appellée prefiion ou com- prefiion : le choc peut être très-fort, Effai fur U Mouvement, mais aufîi la durée eft très-courte ou momentanée ; à la rigueur même elle ne dure qu’autant de temps qu’il en faut pour l’entiere application de îa furface du corps choquant contre celle du corps choqué ; que A après cette application le corps choquant continue d’agir, fon a£Hon n’eft plus évidemment qu’une Am- ple preffioiv, & fi cette pre/îion n’eft pas d’une longue durée , j’appellerai choc laftion totale du ;corps choquant ; à l’égard de la preffion , elle eft: en géné- ral moins forte que la percuftion ; mais en revanche elle eft: d’une bien plus lon- gue durée ; celle qu’exercent les corps pefants peut être regardée comme éter- nelle ; elle eft aufli uniforme. Si un corps tient à un autre corps par une corde, une verge ou par tout autre lien , & qu’il ne puifte pas s’éloi- gner de ce corps fans le , traîner après lui, ou fans rompre le lien par lequel ces deux corps tiennent enfémble ,il pourra exercer fur ce corps une a&ion que j’appelle traftion ; par exemple ,un corps fufpendu à un point Axe au moyen d’une corde, exerce une force de trac- tion contre ce point; dans ce cas la trac- tion eft: uniforme, & peut être regardée comme éternelle ; mais il eft des çirçonf* Chapitre tances dans lefquelles l’intenfité de cette force peut varier. L’aélion d’une main qui pouffe un corps tantôt avec plus, tantôt avec moins de force , tient en même temps de la preflîon & de la percuffion ; l’a&ion d’un fluide en mouvement qui choque une furface, eft dans le même cas, elle peut être uniforme & d’une durée plus ou moins longue , ce qui la rapproéhe de la nature de la preffion plutôt que de la percuffion : je me fervirai du terme d’impulffon, ou d’impulfion continue , pour exprimer l’a&ion des corps qui agiffent d’une maniéré analogue à ces cas : cela pofé. Je remarque que la preffion & la per- cuflion qui, dans les ouvrages des phyfi- ciens ne différent que de nom , & qu’ils ont tellement confondus, qu’ils ont fait l’une & l’autre égales au produit de la maffe par la vîteffe , ne font pas une même chofe ; ces deux maniérés d’agir des corps différent en un point effentiel, qui eft la durée de l’aftion, ce qui eft caufe qu’il en réfulte des effets entière- ment diffemblables, ainfi qu’il fera prou- vé avec toute levidence défirable , lorfque nous parlerons de la preffion & du choc des corps ; mais fans cela Éffai fur le Mon ventent, il fera facile de s'adorer de cette rité, pour peu qu’on fe rende attentif aux phénomènes de la nature les plus communs ; en effet, fi on en excepte un- cas dont il- fera fait mention plus bas, on verra que ce n’efl pas tout d’un coup, & par le moyen du choc , qu’on peut faire paifer un corps de l’état de repos- à celui de mouvement ; ce n’eft que peu. à peu, & par le moyen de la prsiîion ou de l’impulfion qu’on y réuÆit; cefî pour cela que cent coups de canons, tirés contre un vaifleau ne le mettront pas en. mouvement , tandis qu’un léger foufie de vent, ou le jeu des rames en vien- dront à bout facilement : des ouvriers, qui veulent remuer une maffe lourde & pefante ne la frappent pas à coups de marteau , ils emploient contre elle l’ira- puifion , en fe fervant de leviers on de cordes & de chaînes qu’ils font mouvoir par le moyen du tour, des poulies, &c, îorfqifon veut jeter une pierre avec la main , on commence par l’éloigner du point duquel on veut quelle parter pour l’y ramener enfuite par une im- pulfion qui lui donne une vîteffe accé- lérée. On ne doit pas être furpris de cela ; un boulet de canon qui frappe un vaif- <Ühapître s}. fëan, ne choque que la partie du vaif* feau qu’il touche ; & il eft.clair que, pour le mettre en mouvement, il faut une caiife qui exerce fon aêtion fur toute la mafî’e ; on doit en dire autant d’un coup de marteau qui frappe un corps d’un vo- lume confidérable ; ce qui fait voir que le choc eft plutôt fait pour réduire un corps en pièces ou pour l’écrafer que pour le mettre en mouvement ; effecti- vement dans un très-grand nombre de cas que je ne citerai pas, parce qu’il eft facile de les imaginer , le corps cho- quant perd toute fa v teffe ou tout fon mouvement fans en communiquer, au moins fenfibîement, au corps choqué; & s’il étoit permis de faire ufage des caufes finales , je dirois que ce n’eft qu’en perdant tout fon mouvement que le corps choquant peut produire le plus grand effet pofïible. Il n’en eft pas de même d’un corps qui prefle un autre corps ou qui exerce fur lui une irapulfion continue, parce qu’il eft clair que, à caufe de la durée de fon action , il doit vaincre les obf- tacles qui soppofent au mouvement du corps fur lequel il agit, & cela doit arriver de quelque nature que foient ces obflacles, à moins qu’ils ne fufTcnt invin- Efai fur h Mouvement, cibles ; en effet, l’expérience prouve non feulement qu’un corps qui preffe un au- tre corps ou qui exerce fur lui une im- pulfion continue, le met en mouvement, mais encore qu’il lui donne enfin , ou qu’il tend à lui donner une vîteffe égale à la tienne : c’eff ainfi que le vent tend continuellement à donner aux voiles d’un vaiffeau une vîteffe égale à lafienne ; il en eff de même de l’eau d’une riviere par rapport aux ailes d’un moulin ; & fi on jette dans une riviere un corps qui puiffe flotter , ce corps aura bientôt acquis une vîteffe égale à celle de l’eau de la riviere ; or on voit aifément la rai- fon de ce phénomène , un corps qui preffe un autre corps ou qui exerce fur lui une impulüon, ne ceffera d’agir fur lui oh -de le pouffer devant lui , que lorfque celui-ci ne lui fera plus obffacle, ce qui arrivera lorsqu’ils auront l’un & l’autre une égale vîteffe. il feroit bien difficile de faire atten- tion à ce qui précédé , fans comprendre que le mouvement des corps n’eff pas dû à une loi ;fi cela étoit, il fuffiroit, comme le difoit M.Defcartes,qu’un corps en mouvement en touchât un autre , pour que celui ci fût mis en mouvement; mais les chofes ne fe paffent pas ainfi ; le corps choqué ne fe met pas toujours en mouvement, & s’il reçoit quelques fois du mouvement proportionnellement àfa maffe, ce n’eft qu’accidentellement, ainfi qu’il a été dit en parlant des corps mous : dans tout autre cas l'aftion du corps choquant eft d’une trop courte durée, pour que fon mouvement fe dif- tribue en raifon des maffes : h un corps ne pafle que peu à peu de l’état de repos à l’état de mouvement, & par le moyen de la preftion ou de 1 impulfion ; c’eft évi- demment parce que le mouvement de ce corps eft l’effet d’un méchanifme , & que ce méchanifme ne peut pas fe former tout d’un coup. Il faut conclure de tout ceci que la loi du choc eft tout ce qu’on a pu imaginer de plus mal, puifqu’elle ne s accorde pas avec l’expérience ; & que cette loi que l’on a regardé long-temps comme un dogme in- conteftable, avec les conféqusnces qu’on en a tirées, ne peuvent qu’égarer un Phy- licien ; fi le mouvement des corps eft l’ef- fet d’un méchanifme, il eft clair que ce- lui d’un corps qui a été mis en mouve- ment , ne durera qu autant de temps que durera le méchanifme qui l’a mis en mou- vement , & qu’il ne peut être éternel, qu’autant que ce méchanifme feroit éter» Chapitre <5. Effat fur h Mouvement, nel ; on voit auiïi que (adireûion dépend de ce même méchanifms ou du concours de plufieurs caufes , &c. Lorfqu’on veut frapper une boule d’un coup de mail, on commence par agiter le mail quelques infants dans l’air, pen- dant lefquels il fe forme un tourbillon au- tour du mail, lorfqu’enfuite le mail frap- pe la boule , il fouffre ainfi que la boule une légère compredion, & lon mouve- ment ed un peu retardé, ce qui fait que le tourbillon laide le mail en arriéré , s’em- pare de la boule & l’emporte avec lui : c ’ed le cas de l’exception dont il a été fait mention plus haut ; dans cette occafion la boule pade tout d’un coup à l’état de mouvement, & par le moyen du choc , mais ce n’a été que peu à peu & par le moyen de l’impuldon , que le mail a ac- quis cette force & cette vîteffe avec lef- quelles il choque la boule , & la boule ne part avec beaucoup de vîteffe initiale, que parce quelle fe fubditue à la place du mail : il ed évident que cet effet aura lieu toutes les fois que le méchanifme qui tient en mouvement le corps choquant pourra , en l’abandonnant , s’emparer du corps choqué ; ce qui demande que ces corps foient entièrement libres ou ifolés : les exemples fuivants fe rapportent au même cas. Lorsqu’une petite bille d’ivoire en mou- vement va en choquer rrne glus grande &en repos, elle perd toute fa vitefie dans le premier inflant de fon aélion , parce que le raéchanifme qui la renoit en mou- vement l’abandonne, & met en mouve- ment la grande bille qui fe meut avec moins devîtefle que la petite, ce qui doit etre une même caufe , ne pouvant pas donner autant de vîtefîe à une grande qua une petite mafle ; dans ce cas la petite bille fe réfléchit à caufe de la com- prefllon que ces billes ont fouflerts dans lems parties qui ont été en conta cl, & & de la reflitution du reffort de ces parties. Chapitre 0. Si c’efl une grande bille qui en choque directement une petite, elle la met en mouvement, & continue de fe mouvoir elle -même dans fa première direction, parce qu’à caufe du peu de réflflance de la petite bille , le méchanifme qui tenoit la grande en mouvement, ne l’abandonne pas tout à fait ; dans ce cas îe méchanifme fe partage , ou le tourbillon auquel efl dû îe mouvement de la grande bille fe divife en deux. Lorfqu une bille en rencontre directe- ment une autre de même mafle & en re- P°s y elle lui communique tout ion mou- Effai fur le Mouvement, vement, parce que le méchanifme qui tenoitla bille choquante en mouvement, a dans ce cas le temps de l’abandonner entièrement, & de s’emparer de la bille choquée qui, par ce moyen, doit fe mou- voir avec toute la vîteffe qu’avoit la bille choquante avant le choc. J’ai déjà remarqué qu’un tourbillon fe formoiî quelquefois avec une vîteffe éton- nante , & j’ai apporté pour exemple ce- lui que forme autour d’un boulet la va- peur enflammée de la poudre à canon ; ici il convient de dire que ce n’eff pas en choquant le boulet, c’eff en exerçant fur lui uneimpulfion continue, que cette vapeur le chaffe avec une force prodi- gieufe ; l’impullion eff en effet un moyen bien plus convenable que le choc pou? mettre un corps en mouvement. Je vais terminer ce chapitre par rap- porter mi phénomène qui prouve direc- tement que le mouvement des corps n’efl pas dû à une loi. Un yaiffeau en mouve- ment qui rencontre un écueil, s’arrête & même recule un peu -9 mais bientôt après, comme fi le fort s’en mêloit, il revient àla charge, choque une fécondé, une troilieme fois, &c. l’écueil, & achevé de fe brifer ; or il efl clair que ce vaiffeau qui a perdu tout fon mpuvement dans le premier choc, l’auroit perdu fans retour s’il étoit dû à une loi ; mais û c’eû le mé- chanifme d’un tourbillon qui le tient en mouvement , il continuera de fe mou- voir ou fera foliicité à fe mouvoir, juf- qu’à ce que le tourbillon d’eau fera dif- Ûpé, & nous avons vu qu’un tourbillon d’eau fe fbutient allez long-temps avant d’être entièrement diffipé. Chapitre. 10. CHAPITRE X. Réflexions fur la réfijlance des milieux, JL M AIS les erreurs ne fe font tant mul- tipliées en phyfique que depuis qu’on s’eft occupé de laréfiftance des milieux ; le calcul qu’on a employé dans cette recher- che étoit un très-bon moyen pour y réuf- fir, mais il ne fuffifoit pas , il falloir des principes que l’obfervation & l’expé- rience feules pouvoient donner , & c’eil parce qu on a mal obfervé & mal inter- rogé l’expérience, qu’on eil parvenu à des résultats qui fe font trouvés peu d’ac- cord avec l’expérience même. La théorie la plus généralement reçue fur cette matière, eil celle qui fait la ré- hilsnçe des milieux proportionnelle, ï°. Effai fur h Mouvement, à leur vifcofité , 2°. à leur denlité , 3e» àla furface du mobi’e , 40. au quarré de fa vîteffe : mais en fuppcfant, conformé- ment à la loi du choc , qu’un corps qui en choque un autre, lui communique du mouvement proportionnellement à fa fiiaffe , il s’enfuivoit qu’un corps ne pou- voit déplacer une quantité de matière égale à fa propre maffe , fans perdre la moitié de fa vîteffe ; & par conféquent, que , dans le fydême du plein, un cylin- dre ne pouvoit parcourir un efpace égal à fon axe, & une fphere , un efpace égal aux deux tiers de fon diamètre, fans per- dre la moitié de leur vîteffe. Cette conféquence ne s’accordant pas avec l’expérience qui fait voir qu’un bou- let d canon parcourt plus de mille fois fon diamètre avant d’avoir perdu la moi- tié de fa vîteffe ; on a pris le parti de prof- crire le plein ; & en jugeant de la quantité de matière des corps ou de leur denfité , par le rapport de leur poids à leur vo- lume, on a dit que l’air étoit huit ou neuf cents fois moins denfe que l’eau , & l’eau plus de dix - neuf fois moins denfe que l’or ; par ce moyen on a conhdérable- ment diminué la réhilance que les milieux oppofent aux corps qui fe meuvent à la fui face de la terre ; à l’égard des meuve- Chapitre /». fcients céleftes, après avoir remarqué que ks a (Ires fe meuvent avec une régularité Surprenante, fans que leur vîteffe ait di- minué , au moins fenfiblement, depuis S origine du monde ; on en a conclu que S“s efpaces céleftes étoient vuides de toute Matière, ou qu’on ne devoit tout au plu» Ses confidérer que comme des milieux ex- trêmement rares & incapables de réftf- tance ; on a même pouffé les chofcs juf- qua dire que torts la matière éthérée, renfermée dans refpace compris depuis Se loleil jufquau delà de faturne, pour- roit être contenue dans un boiffeau , li elle étoit réunie en un feul corps parfai- tement denfe. Qui ne feroit pas furpris de voir les PSiyficiens lé permettre le droit de faire un fi grand nombre de fuppolitions, dans lui temps où ils fe flattent d avoir banni Je goût des fyftêmes ? ces fuppolitions ne Sont-elles pas elles-mêmes autant de fyf- temes ? ont-ils jamais prouvé le vuide au- trement que parce que le plein neVac- corde pas avec leur théorie ? fur quel fondement peuvent-ils affurer que la quantité de matière des corps eft pro- portionnelle à leurs poids ? & quelles °ut les expériences qui prouvent qu’un £°rps qui çn choque un autre, lui con^ Efjai fur U Mouvement, mimique du mouvement proportionnel- lement à fa maffe ; avant d’aller plus loin , commençons par prouver que cette théo- rie ne s’accorde pas avec l’expérience. Une barque qui a été mile en mouve- ment dans une malTe d’eau, & enfuite abandonnée à elle-même , continue de fe mouvoir & parcourt plufieurs fois fa longueur avant de perdre la moitié de fa vîtelle ; mais en admettant les principes dont il vient d’être fait mention , cette barque ed dans le cas d’un corps qui fe meut dans un milieu dont la denfité ed égale à la fienne ; donc ce qui a été dit d’un cylindre ou d’une fphere qui fe mou- vroient dans un milieu dont la denlité feroit égale à la leur , ed deditué de fon- dement : il ed vrai que cette barque ne fauroitparcourir un efpace égal à fa lon- gueur , fans qu’une mafle d’eau égale à la denne ne foit déplacée ; mais il faut fe rappeller ici cç qui a déjà été dit, le déplacement de cette eau ed d’abord dû à la puidance motrice qui n’a pu mettre la barque en mouvement, fans mouvoir en même temps l’eau qui l’environne & faire attention qu’il n’y a que l’eau qui ed immédiatement devant & derrière cette barque, qui ait une vîteffe égale à celle de la barque même j le furplus de Chapitre 10. c2tte eau en acquière beaucoup moins ; eUe ne fait, pour ainfi dire , que fe ran- ger par côté , pour reprendre à peu près ta même place , après avoir laiffié paffer barque. Nous avons déjà remarqué qu’il y avoit llne très-grande différence entre le mon- ument d’un corps qui fe meut, avec le même dans lequel il eft placé , ou dun mouvement commun avec lui, & ce- lui d’un corps qui fe meut d’un mouve- ment propre dans lin milieu : nous al- lons voir qu’il y a aufîi la plus grande différence dans la réfiftance que les mi- lieux peuvent oppofer au mouvement des corps dans ces deux cas : cette re- cherche fouffire plus de difficultés dans le lecond ; commençons par le premier, qui paroît n’en fouffrir aucune, c’eft pour- voi je ne m’y arrêterai point, je ne fe- î?1 même preique que répéter ce que ‘ eccafion m’a obligé de dire d’avance. Un corps placé dans un milieu, & fe meut d’un mouvement commun avee lui, ne doit éprouver aucune ré- hffance de la part de ce milieu ; dans ce chs le mobile & le milieu ne font qu’une maffia dont toutes les parties font 5n fepos, au moins fenfiblement, rela- -1 vement les unes aux autres ; & puif- Ejfai fur h Mouyement # qu’elles doivent demeurer d’elles-mêmes dans cet état de repos relatif, il ed clair qu’elles ne peuvent pas fe faire obdacle ; tel ed l’état d’une barque qui defcend li- brement le long d’une riviere, elle n’é- prouve aucune réddance de la part de l’eau qui ed devant elle, & n’en oppofe aucune à celle qui ed derrière elle ; dans ce cas on ne peut pas dire que le milieu fade la moindre réddance , pas même une réddance que l’on puide fuppofer infiniment petite. Remarquez que d cette barque , par quelque caufe que ce foit, avoit plus de vitedeque l’eau de la riviere, alors l’eau qui ed devant elle lui oppoferoit une réddance ; & d au contraire elle avoit moins de vîtede que l’eau de la riviere, ce feroit la barque qui oppoferoit une réddance à l’eau qui ed derrière elle ; mais alors elle auroit un mouvement propre , & ne feroit plus dans le cas que nous nous fommes propofés d’examiner; cette barque & l’eaii de la riviere étant conddérées comme une feule made, û on me demandoit quelle ed la réddance quelle éprouve , ou quels font les obl- tacles qui s’oppofent à fon mouvement, je dirois qu’il faut les chercher vers les limites de cette made * mais ce n’ed Chap, / JJ J % 7 la réiiilance du milieu croiffimt comme le quarré de la viteffe du cylindre, & la force motrice étant confiante, il efl difficile de comprendre comment la for- ce motrice demeure toujours égale à la aréliflance du milieu. Effaî fur le Mouvement - Pour réfoudre cette difficulté , il faut faire attention qu’il ne s’agit ici que de la vîteffe du cylindre par rapport aux deux lames d’eau qui font immédiate- ment appliquées contre fes deux bafes, étant évident que fi eette eau avoit une vîteffe égale à celle du cylindre, la ré- fiflance du milieu feroit nulle ; or l’eau qui preffe les deux bafes du cylindre acquiers une vîteffe qui s’accélère avec celle du cylindre ; d’où il fuit qu’il faut non feulement que le cylindre fe meuve, ainfi que nous l’avons déjà dît, mais en- core que fa vîteffe s accéléré, pour que la réfiffance du milieu demeure égale à la force motrice. On voit par ce qui précédé, qu’on ne fauroit réfoudre d’une maniéré fatis- faifante les difficultés qui nous occu- pent , fi on ne fait pas attention qu’il fe forme néceffairement un tourbillon au- tour d’un corps qui fe meut dans un mi- lieu; £ eft pour cela que je dirai encore quelque chofe fur .cette matière ; d’ail- leurs c’efl ici le lieu de faire voir de quelle maniéré ce tourbillon fe forme. Puifque la réfiflance du milieu efl comme le quarré de la vîtelTe du cylin- dre , & que la force motrice eft égale à la réMance du milieu, il s’enfuit que la force motrice eft comme le quarré de la vîtefîe du cylindre , ou que cette vlteffe eft comme la racine quarrée de la force motrice, & par conféquent que le rap- port de la viteffe du cylindre à la force motrice eft d’auîfent plus grand , que cette force eft elle-même plus petite ; ce qui fait voir qu’il y a toujours une partie de la force motrice de perdue, ou plu- tôt , qui n’eft pas employée à mouvoir le cylindre. Il ne faut pas conclure delà que la force motrice, qui n’efl: pas employée dire&ement à mouvoir le cylindre , foit toute en pure perte : fi on fe rend atten- tif à ce qui fe paiTe dans cette occafion- ci, fi on ne ferme pas les yeux , enverra que la force motrice ne met le cylindre en mouvement , fans mouvoir en même Chapitre to. temps l’eau qui l’environne , & fans qu’il le forme un tourbillon plus ou moins parfait, qui contribue à mouvoir le cy- lindre , & peut même lui feul continuer f°n mouvement, ce qui efl conforme à Effal fur le Mouvement, l'expérience, qui fait voir que le cylin- dre continue de fe mouvoir après que la force motrice a cefle d’agir. Il importe fur-tout de remarquer que, lorfque la force motrice a cefle d’agir, on ne voit plus de différence entre la hau- teur de l’eau qui preffe la bafe B , & celle qui preffe la bafe C du cylindre ; ce qui prouve que la réfiflance du milieu efl nulle par rapport au cylindre, lorfque la force motrice a ceffé d’agir : on ne doit pas être furpris de cela ; le cylindre n’a alors d’au- tre mouvement que celui qu’il tient du mé- chanifmedutourbillon:maisflla réfiflance du milieu efl: devenue nulle par rapport au cylindre, ou s’il n’éprouve pas de réfiflan- ce en particulier, il tait partie d’une mafle qui en éprouve une ; le cylindre & l’eau qui a formé un tourbillon autour de lui, fe meuvent d’un mouvement commun , & cette maffe éprouve une réfiflance de la part de l’eau qui efl fur la route du tourbillon , & qu’il faut fans cefle dé- placer; réfiflance qui diminue infenfi- blementla viteffe du cylindre , ainfi que celle de l’eau qui forme le tourbillon, & réduit enfin l’un & 1 autre au repos. On voit par-là que le mouvement du cylindre, pendant tout le temps que la force motrice agit, efl l’effet de deux c«ufes ; la première eff l’aélion immé- diate de la force motrice que nous avons ftippofée confiante; la fécondé eff le mé- chanifme du tourbillon qui fe perfec- tionne de plus en plus, à compter du Moment auquel la force motrice com- mence d’agir ; & que le concours de ces doux caufes doit donner au cylindre une accélérée , fans que la réfiffance du milieu, par rapport au cylindre , ou la différence de preffion de fes deux ba- *es, augmente ; parce que la viteffe de 1 eau qui preffe les deux bafes du cylin- dre s’accélère aufîî ; & c’eft feulement Parce que la force motrice tend à don- ner à chaque inffant plus de viteffe au cylindre, que n’çn a l’eau qui preffe ces deux bafes , que la réfiffance du milieu , Par rapport au cylindre , demeure conf- tante ; d’où il fuit qu’on pourroit dire que cette réfiffance eft comme le quarré de viteffe que la force motrice tend à ajouter àla viteffe déjà acquife par le cylindre. Lorfque la force motrice eff conf- iante, non feulement la viteffe du cy- lindre doit s’accélérer , à compter du moment auquel cette force commence üagir, mais même s’accélérer unifor- mément , & cela parce que le tourbillon Chapitre 10. doit fe perfectionner uniformément ; ce& aufîi ce que es expériences que j’ai faites ne me permettent pas de révoquer en doute, quoiqu’il ne m’ait pas été pot' fibîe de les varier & réitérer autant qu’d auroit été convenable.ce qui ne m’empê' chera pas d’aiTurer que îa chute accélé- rée des corps graves vers la furface de la terre dépend d’un pareil méchanifme'- voici ma penfée fur cet objet. La pefanteur étant une force confiait' te, un corps qui éprouve fou aûion ? en reçoit à chaque inflant un degré d’im' pulfion proportionnel à la maffe, & d ce corps efr placé dans un milieu & libre de fe mouvoir , il fera mis en meuve' ment ; mais le milieu lui-même fe mettra aufîi en mouvement, & en formant u# tourbillon autour du mobile, unira fort aélion à celle de la pefanteur , & par ce moyen la vitefîe du mobile fera accélé' rée ; fuppofons donc que ces deux force* réunies aient fait parcourir au mobile» avec une vîteffe accélérée, un quelconque , dans un premier inflant» qu’il n’ed pas nécefîaire de fuppofer & ■finiment petit ; à la fin de cet inflant» le tourbillon aura acquis un degré à 6 perfeélion, ou de force, capable de co& fer ver le mobile en mouvement ave? Effai fur le. Mouvement, Chavître /o. vlteffe qu'il a acquife progressivement pendant la durée du premier inflant ; il lui fera donc parcourir dans un fécond indant , égal au premier , un efpace double de celui qu il avoit parcouru dans le premier inflant ; & la pefanteur qui continue d’agir, avec le méchanifme du tourbillon qui continue de fe perfection- ner , feront encore parcourir au mobile , dans le fécond inflant, un efpace égal à celui qu’il avoit parcouru dans le pre- mier; donc le mobile doit parcourir dans le fécond inflant un efpace triple de ce- lui qu’il avoit parcouru dans le premier ; àla fin du fécond inflant, le tourbillon aura acquis deux degrés de force, capables chacun de faire parcourir au mobile un ef- pace double de celui qu’il avoit parcouru dans le premier ; donc dans le troifieme inflant, le tourbillon fera parcourir au mobile un efpace quatmple de celui qu’il avoir parcouru dans le premier inflant ; & la pefanteur qui agit fans celle avec le méchanifme du tourbillon qui fe per- fectionne de même i lui feront encore parcourir dans ce même inflant un efpace égal à celui qu’il avoit parcouru dans le premier; donc le mobile, au troifieme mirant, parcourra un efpace cinq fois Plus grand que celui qu’il avoit pa*> couru dans le premier , &c. Les efpaces parcourus par le mobile pendant les ins- tants fuccefîifs de fon mouvement feront donc comme la fuite des nombres im- pairs l ? 3 , 3,7, &c. les degrés de vîteffe acquis par le mobile, feront com- me les temps pendant lefquels ils ont été acquis , & les efpaces parcourus , à compter depuis le commencement, fe- ront comme les quarrés des temps em- ployés à les parcourir. Le mouvement d’un corps qui tombe à la furface de la terre, eff donc com- me celui du cylindre, dont nous avons parlé, l’effet de deux caiifes, dont l’une eff confiante, & l’autre acquière de 1 in- tenfité; celle-ci eft le méchanifme du tourbillon ; mais le mouvement accéléré que ces deux caufes réunies donnent à un mobile, doit-il s’accélérer éternelle- ment , ou enfin devenir uniforme ; pour favoir à quoi nous en tenir, revenons fur nos pas, & rappelions-nous que le cylindre que nous avons pris pour exem- ple , éprouvoit pendant tout le temps que la force motrice agit, deux fortes de réfifbmces ; la première efl celle qu’il éprouve en particulier , & qui efl tou- jours égale àla force motrice, fans que cette réfiftance puiffe empêcher la vîteffe EJfai fur le Mouvement, Chapitre 10. du cylindre de s’accélérer ; la fécondé ed; celle que la maffe commune du cy- lindre & de l’eau qui forme un tourbil- lon autour de lui, éprouve ; or quoi- qu’il ne foit pas facile d’avoir une jufte *dée de la réliflance qu’éprouve cette parce que les différentes lames d eau qui la compofent n’ont pas toutes Une égale vîteffe, on conçoit cepen- dant , pourvu qu’on ait une idée de la réfxftance dont les milieux font capables, due celle qui s’oppofe au mouvement de la maffe dont il s’agit, doit augmenter a mefure que le tourbillon fe perfetf ion- Ue, foit parce que la vîteffe de cette augmente, foit parce que la quan- bté d’eau qui en fait partie, augmente la force motrice dont l’effet fe réduira alors à réparer les pertes continuelles du tourbillon, & par conféqnent à con- ter le cylindre dans un mouvement llUiiorme : dans ce cas la réfiflance qu’é- Prouve la maffe commune du cylindre de l’eau en mouvement, efl égale à CeUe que le cylindre éprouve en parti- culier, & l’une & l’autre font comme quarré de la vîteffe du cylindre deve- nue uniforme. Pour faire l’application de ce qui a E[fai fur h Mouvement, été dit dans ce chapitre, à toute forte de milieu & à toute forte de mobiles, il fan- droit entrer dans les plus longs détails ; il faudrait déterminer le degré de vif- coûté de chaque milieu, & c’eû une connoifTance de laquelle nous fommes encore fort éloignés ; il faudrait aulTj avoir égard àla furface du mobile, & on fait que les plus habiles géomètres ont travaillé inutilement fur cette ma- tière, puifque leur théorie leur a donné des réfultats contraires à ceux que don- nent les expériences que l’on a faites pouf éclaircir cette queüion; ces expériences étant elles-mêmes très-difficiles à faire, je prends le parti de m’en tenir à ce que j’ai dit : d ailleurs une plus longue dif cuffion fur la réiiftance des milieux n’en- tre pas clans le plan de cet ouvrage, def- tiné uniquement à la recherche des pre- miers principes de la nature. Remarque fur le point d'appui dans les fluides. La découverte que viennent de faire MM. Montgolner, d’un moyen pour s’é- lever dans l’air à l’aide d’un ballon pleh* d'air inflammable, ou Amplement d’ait atmosphérique , dilaté par la chaleur, a Chapitré to. éveillé l'attention des phyficiens ; la c°lombe d’architas & quelques autres temples , leur ont fait penfer qu’on Pouvoir imiter le vol des oifeaux & le gouvernent des poifîbns, & déjà ils ont Paginé des ailes , des rames & d’autres foit pour augmenter la force . es ballons , foit pour les diriger ; mais ll od clair que l’on n’y réufîira qifautant dll on découvrira un moyen de trouver point d’appui dans les fluides : en , la facilité avec laquelle les oifeaux î,e meuvent dans l’air & les poiffons dans * eau, ne nous permet pas de douter que Ces animaux ne trouvent un point d’ap- Ni , chacun dans l’élément refpeftif oans lequel il vit, & que c’efl dans ce Point d’appui qu’il faut chercher la cau- de leur mouvement : mais quand on attention au peu de réflflance que 1 eau & l’air oppolent aux corps qui ten- ant à les divifer, on ne conçoit pas en peut confifter ce point d’appui, \Ur-tout fi on fait que ces fluides fuyent lovant un corps qui les preffe , avec une greffe qui augmente à mefure que celle ce corps lui-même augmente. Ala vérité, fi un corps pôuvoit avoir lme grande vîteffe initiale , le fluide qui devant lui n’auroit pas le temps de Ejfai furie Mouvement, fuir ou de fe détourner, & dans ce cas ? il lui oppoferoit une grande réfiftaiice ? c’efi-à-dire, un point d’appui ; mais nous avons vu que ce n’eft que peu-à-peii & par degrés infenfibles qu’un corps peut acquérir une vîteffe finie , & par consé- quent il faut chercher un autre moyen : fi on fe rappelle les propriétés du tour- billon, dont j’ai tâché de donner une idée dans cet ouvrage, & principale- ment ce qui a été dit des corps Sonores, il fera facile de découvrir par quel moyen les oifeaux trouvent un point d’appui dans l’air, & les poiffons dans l’eau , fur-tout fi on fait, en même temps , at- tention aux manœuvres que ces ani- maux font pour fe mouvoir ; un oifeau qui veut s’élancer dans Fair & voler, déployé Ses ailes en les élevant, & fi la force qu’il employé pour cela efi conti- nue pendant le moindre intervalle de temps , quelque petite que foit d’ailleurs ceîte force ? la vltefie des ailes s’accélé- rera promptement, aufii bien que la vF* telle des colonnes d’air qui font fous les ailes de Foifeau ; que fi cet oifeau baifie alors les ailes prefiement & avec beaiu coup de force , il trouvera beaucoup du réfiftance, un vrai point d’appui dans les colonnes d’air qui font fous fes ailes. Pour donner une idée de l’avantage que donne ce méchanifme , fuppofons que la force avec laquelle l’oifeau éleve fes ailes continue d’agir pendant dix tierces de temps , ou dix minutes troisiè- mes , alors la vîteffe des ailes, qui s’ac- célérera uniformément, fera au bout de ce temps dix fois plus grande qu’après la première minute troifieme, & il en fera de même des colonnes d’air qui font fous les ailes de l’oifeau, leur vitefîe s’accélérera de bas en haut, & fe trouve- ra après dix minutes troifiemes dix fois plus grande qif après la première ; donc fi l’oiiéau dans ce moment, par une for- te & foudaine contraédon des mufcles abaiffeurs des ailes, frappe de haut en bas les colonnes d’air qui font fous fes 'ailes, il trouvera la plus grande réfif- tance, puifque cette réfiflance fera cent fois plus grande que celle qu’il auroit trouvée, fi après la première minute troi- sième il avoit frappé, &de la môme ma- niéré ces mêmes colonnes. Ce que je viens de dire fuppofe le principe fuivant que perfonne ne con- tefte : un corps, fuppofé en repos, pour foutenir l’effort d’un fluide qui vient à fifi avec une vîteffe déterminée, a befoin la même force qui lui feroit nécef- Chapitn io. faire pour fe mouvoir avec la même vlîefîe dans ce fluide fuppofé en repos ; or dans ce dernier cas il éprouveroit une réfiflance qui feroit comme le quarré de la viteffe : donc, &c. EJfai fur le Mouvement, La forme des ailes des oifeaux un peu convexes par-deffus, légèrement conca- ves par-deffous favorife grandement ce méchanifme, leur convexité facilite à Fair que les ailes foulevent en montant, le moyen de fe détourner, & leur conca- vité empêche Fair, que les ailes frap- pent en baiflant , de s’échapper avec trop de facilité : on voit aifémenr quel a été le but de la nature, lorfqu’elle a donné aux ailes des oifeaux des mufcles abaifleurs très-forts , tandis que les muf- cles releveurs de ces mêmes ailes font très-foibîes. Le méchanifme , par lequel les poif- fons fe meuvent dans Feau, efl le même : un poiffon qui veut s’élancer, retire la queue par côté avec une vîteffe accé- lérée , & Feau qui efl: derrière le poiffon, fuit le mouvement de la queue & forme une colonne , ou un courant dont la vî- teffe efl: aufli accélérée, le poiffon frap- pe enfuite fubitement & avec beaucoup de force ce courant, qui devient pour lui un point d’appui, à l’aide duquel il s’élance avec la plus grande facilité. Chapitre //. CHAPITRE XL Réflexions fur la nature & le mouvement des cometes. M , Defcartes penfoit que les cometes été originairement des foîeiîs qui occnpoient le centre d’un vortice, (tourbillon félon M. Defcartes) mais que s’étant obfcurcis par une croûte for- cée à la furface qui leur avoit enlevé toute leur force , ils avoient été dans la néceffité d’abandonner le vortice dans lequel ils avoient été placés, & d’errer Cnfuite de vortice en vortice dans l’im- îîienlité des deux. Cette opinion que l’on a fortement combattue, & qu’on a même regardée comme ridicule, me paroît avoir acquis de nouveaux degrés de probabilité depuis que , par l’obfervation & les plus fortes indu&ions, oned parvenu à découvrir que la terre , & vraifembîablement tou- tes les planètes , ont été des foleils : en effet, la figure fphéroïdique de la terre prouve quelle a été dans un état de fu- fton , fans lequel elle n auroit pu pren- ne cette figure ; d’ailleurs le verre ou / JJ J 7 les matières yitriüables dont elle efl prefque entièrement compofée , attef- teot la même chofe ; on peut ajouter à ces preuves le degré de chaleur dont elle jouit encore , & que quelques Phi- lofophes regardent comme un refie de fon ancienne effervefcence. Effal fur le Mouvement, Or fi la terre a été un fbleil, elle n’efl pas devenue planete fans paflér par queîquétat intermédiaire; mais par quel état auroit-elle pu paffer, avant d’être ce qu’elle efl aujourd’hui , fi ce n’efl par l’état de comete : nous devons donc penfer que les cometes ont été des fo- leils , & quelles deviendront un jour des planètes ; il importe donc d'exami- ner cette queflion fans prévention , d’a- jouter ici ce que M. Defcartes n’a pas dit, &de répondre aux objeêlions qui ont été faites contre fon opinion. L’obfervation nous apprend que les cometes fe meuvent, tantôt du nord au fud, tantôt du fud au nord , quelles font quelquefois dire&es , d’autres fois rétro- grades ,en général, qu elles fe meuvent dans toute forte de dire&ions ; or cela feul prouve , ainfi que je l’ai déjà dit 9 quelles ne font pas partie du fyfleme folaire ; û elles en faifoient partie, elles fe mouvroient toutes d’occident en Chapitre //. orient, c’efl-à-dire , dans îe même fens que fe meuvent les planètes & la ma- tière éthérée, & alors elles continue- roienî de fe mouvoir fans avoir befoin d'aucune force ; mais puifqu’il y en a beaucoup qui fe meuvent contre l’ordre des lignes , ou dans un feus oppofé à celui de la matière éthérée , & que celles qui fe meuvent félon l’ordre des lignes , ont fouvent plus de viteltc que la ma- tière éthérée elle - même , on doit en conclure qu’elles ont une force qui les met en état de vaincre la réüftance de ce fluide , & de traverfer les efpaces cé- lefles dans toute forte de fens ; iî impor- te donc de découvrir d’où leur vient cette force : voici ma penfée fur cet objet. Snppofons un foleil qui s’éteint, ou dont la furface commence à fe refroidir; cette furface deviendra bientôt une croû- te folide ; mais l'intérieur de ce foleil fera encore long-temps dans un état de fufion, &il pourra facilement fe faire que la matière qui forme le noyau de ce foleil , fe fafle jour à travers la croûte dont il eft revêtu , qu’elle fé répande a.vec impétuolité par l’ouverture faite à cette croûte, & que fe divifanf en un nombre inombrable de parties, il en réfnlteune longue traînée de petits corps qui accompagneront le foleil , devenu comete par ce moyen , & formeront au- tour d’elle une efpece de queue ? de barbe ou de chevelure. Effai fur h Mouvement, Il eit clair que la matière éthérée, voiline de l’ouverture par laquelle s’é- chappe la matière en fufion, s y portera, & que fe raréfiant prodigieufement, elle doit donner à la comete une impuîfion capable de lui faire parcourir les efpaces célefies dans tous les fens , malgré la réfijftance de cette même matière éthé- rée, qui étant forcée de céder, fe dé- tournera par côté & formera un tourbil- lon qui pourra conferver long-temps la comete dans l’état de mouvement, puis- que ce méchanifme peut, par ce moyen, être d’une très-longue durée. En fuppofant, avec M. Newton , que la lumière efl: un fluide prodigieufement élaftique qui émane du foleil, je pour- rois dire que ce fluide , ou la lumière , que la comete lançoit jadis de tous les points de fa fnrface , lorfqu’elle étoit un foleil, ne peut plus, à caufe de la croûte dont elle eft revêtue , s’échapper que par la même ouverture, par laquelle a été lancée la matière en fufion qui for- moit le noyau de la comete ? & que c’efl: à l’élafiiclté de ce fluide qu eü aue la for- ce avec laquelle la comete lurmonte tous les obflacles qui s oppolent a fon. mouvement. r On voit par-là qu’une comete peut le mouvoir, même contre 1 orure des lignes, fans être entraînée par le fluide du vor- tice folaire, dont la reliflance ne peut pas être bien grande , & que c elî ma - à-propos quon a tiré delà un argument: contre le plein, auquel on a fubfhtue Un vuide prefque parfait : par un sem- blable méchanifme , nous voyons tous les jours les oifeaux fe mouvoir uans Pair, contre la direction du vent, oî ifis poilfons dans l’eau, contre le courant d’une rivière, enfin ce mécnanume qu. encore mieux répréfenté, quoique toiu~ jours en petit, par les fufees que ara- ficiers lancent dans i air Les modernes difent que la queue des cometes n’efi; qu’une vapeur enflammes ; quelques-uns la regardent comme une portion de ratmofphere folaire attirée par la comete ; mais cela ne tient-il pas un peu de l’opinion des péripatéticiens qui reeardoient les cometes comme de limples météores, & a-t-on jamais vu un feul exemple d’une vapeur qui de- meure long-temps enflammée ; d ailleurs Chapitre n. Efjfai fur le Mouvement, • JJ J s fi cette vapeur efi allez épaiffe pour être Vifible à des difiances immenfes , ne devroit-elle pas l’être allez pour nous cacher les étoiles fituées derrière la queue des cometes. Dans Fhypothefe que je propofe , la queue des cometes doit fon origine à la matière qui forme le noyau de la comè- te , c’efi: un verre en fufion que la comete jette hors de fon fein » & qui fe divifant en un nombre prodigiéux de parties , forme autant de petits corps lumineux par eux-mêmes avant de fe refroidir , & capables de réfléchir la lumière après s’être refroidis ; & on voit aifëment que dans cette fuppofition, les étoiles fituées derrière la queue d’une comete doivent être vifibles , lorfqu1 elles fe trouvent dans les interfiices que laifient entr’eux ces petits corps ; on voit aufii que, dans ce cas , les étoiles qui font derrière la queue d’une comete , peuvent être fou- vent éclipfées par ces petits corps ; les obfervaîions pourront nous infini ire là- defiiis. Les exploitons dont je viens de parler peuvent être fouvent réitérées , & il me paroit vraifemblable que la matière des premières explofions, après s’êîre re- froidie , pourra retomber fur la comete. percer fa croûte encore tendre, & fe porter vers 1 intérieur de la malTe pour être de rechef mife en fulion ; & il eft clair que, par ce moyen, le refroidiflé- taent de la comete fera accéléré de pin- heurs milliers d’années, ce qui s’accorde avec les moyens que la nature employé dans Tes grandes & longues opérations. Mais lorfque la croûte de la comete aura acquis plus de folidité, il pourra fe faire que la matière des dernieres ex- plorons en retombant ne pourra plus percer cette croûte, & qu’elle reliera àla ûirface de la comete ; il pourra auffi arri- ver que cette matière retombe fur quel- ques planetes,liellefetrouve dans le voi- finage de la queue de la comete : on voit par-là que ce qui a été dit par les an- ciens , d’une pluie de pierre, n’efl pas inipoffible. Je ne doute pas que les pierres de for- pie arrondie , qu’on appelle cailloux rou- lés , parce qu’on penfe qu’ils ont acquis cette forme en roulàïit, ne foient la ma- tière des dernieres explorons dont j’ai parlé ; ils font trop durs pour s’être ar- rondis en roulant ; ces pierres ont été dans un état de fiifion , & il me paroît vraifemblabîe qu’elles étoient plongées dans un fluide qui les prefîbit dq Chapitre //. Effai fur le Mouvement, toutes parts, lorlquelles ont pris leuf forme arrondie ; & qu’elles fe font re- froidies dans ce même fluide : d’ailleurs il s’en trouve une très-grande quantité qui font applaties, ce qui prouve qu’elles n’étoient pas encore allez dures pour être à l’abri d’une compreflion dans le mo- ment de leur chute : un auteur, dans le Journal de Phylique, après avoir remar- qué que les cailloux qu’il avoit trouvés dans un ravin , avoient une forme d’au- tant plus approchante de la fphérique, qu’ils approchoient du lieu le plus bas du ravin, en avoit conclu que c’étoit au roulement que le caillou devoit fa forme arrondie: cette conséquence ne meparolt pas jufle, parce qu’il fembîe plutôt que cela vient de ce que les cailloux les plus arrondis ont dû rouler plus facilement que les autres , & par conféquent fe trouver en plus grande quantité dans le bas du ravin , que ceux dont la forme étoit plus éloignée d’être fphérique. On obje&era contre l’hypotnefe que je viens de pçppofer, que les cometes font des corps qui appartiennent au fyf- tême folaire tout comme les planètes, avec cette feule différence qu elles dé- crivent des ellipfes fort excentriques qui ont le foleil pour un de leurs foyers, ce qui fait qu’elles ne font yifibles que lors- qu'elles font proches de leur périhélie , mais que d’ailleurs elles parcourent leurs orbites avec autant de régularité que les planètes. Je répons que la théorie des cometes, qu’on a établie à grand; frais , n’eft rien moins que fondée fur l’obfervation ; qu’il n’y a qu’une feule comete , celle de dont la marche puiffe fervir de preuve au fyftême qu’on a embraüe , & que quand même il y en auroit plu- lieurs, (a) cela ne feroit pas fufêfant, parce qu’il peut fe faire qu’une même comete faffe plufieurs révolutions dans le ciel en fuivant toujours la même rou- te , & la parcourant dans des intervalles de temps à-peu-près égaux, fans qu’on puiffe en conclure qu’elle eft dans un état permanent, & qif elle fera éternel- lement la même révolution ; je conclus donc que c’ell fans fondement qu’on a voulu affimiler les cometes aux planè- tes ; leur marche dans les deux diffé- rente de celle de tous les autres affres, & leur queue, barbe ou chevelure , font Chapitre 11. (a) Il y a encore quelques cometes que l’on 5roit avoir un période réglé, mais cela efi ir|§» ~ JJ J 7 des phénomènes bien faits pour les cliflin- guer des autres corps céleftes : au relie le grand nombre de cometes, qui ont été obfervées avec le plus grand foin, dans ces derniers temps , apprendront plus politivement aux îiecles à venir ce qu’on doit en penfer. Remarquez que fi la terre & les autres planètes ont été des foleils qui ne font devenues ce qu’elles font, qu’après avoir paffé par l’état de cometes, on doit pen- fer que le foleil, les cometes & les pla- nètes font des maffes vitreufes , les unes en fufion, les autres dans 1 état de foli- dité ; mais fi cela efî, comment feroit-iî pofiible qu’il y eût entre ces corps une fi grande différence de denlité, que la terre fût quatre fois plus denfe que le fo- leil , & Mercure vingt fois plus denfe que Saturne , ainli que le difent les Newto- niens ; les calculs par lefquels ils ont voulu le prouver, étant fondés fur la théorie des forces centrales, qui fuppofe elle-même des principes dont nous avons prouvé la faulfeté ; nous pouvons nous difpenfer de croire tout ce qui a été dit fur çette matière. E[jai fut le Mouvement. Chapitre ni CHAPITRE XII. Examen des phénomènes qui font léeffet de la prefjion des corps. Une maffe pefante étant portée par un fupport , le fupport foutient à cha- que mitant un poids égal à la fomme des poids de toutes les molécules quicom- pofent cette maffe ; mais il ne s’enfuit pas que le poids ou la preflion des molé- cules fupérieures de cette maffe eit por- té en un inftant jufqifau fupport; com- mençons par examiner ce phénomène dans une maffe fluide. Soit le vaiffeau MN, (fig. 4meo plein d’un fluide pefant & homogène , que l’on fuppofera divifé en plufieurs tran- ches égales AA,HH, CC, D D, .... VV ; cela pofé, on fait par l’expérience que le fond X de ce yaiffeau foutient à chaque inflant un poids égal à la fom- me des poids de toutes les tranches du fluide contenu dans ce vaiffeau; mais d’un autre côté , il eff clair que les tran- ches fupérieures ne peuvent tranfmettre leur action au fond du vaiffeau, que par le moyen des tranches inférieures, puiff Ejfal fur h Mouvement, qu’il fuffiroit de fupprimer celles - ci, pour que le poids des tranches fupé- rieures ne fût plus foutenu par le fond du vaiffeau ; or fi Faédon ou la preflion des tranches fupérieures n’eff portée jufqu’au fond du vaiffeau que par le moyen des tranches inférieures , elle ne fauroit y être portée en un infant > parce qu’il faut néceffairement une fucceflion de temps pour cela , les tranches infé- rieures ne pouvant tranfmettre jufqu’au fond du vaiffeau la prefîon des tranches fupérieures , qu’en fe la faifant paffer fuccefivement des unes aux autres : mais ceci peut être prouvé d’une autre façon. Si l’expérience prouve que le fond X du vaiffeau fondent à chaque infant un poids égal à la femme des poids de toutes les tranches du fluide contenu dans le vaiffeau MN, elle prouve aulH que chaque tranche fondent de mime à chaque inffant un poids égal à la fomme des poids de toutes les tranches qui font au deffus d'elle ; or ces deux chofes ne fauroient s’accorder, li le poids des tran- ches fupérieures étoit porté en un inf- tant jufqu’au fond du vaiffeau ; en ef- fet , li le poids de la tranche A A étoit porté en un inftant jufqu’au fond du vaiffeau , il ne feroit pas foutenu par Chapitre n. la tranche H H , ou s’il l’étoit, il feroit Soutenu en même temps par le fo.,d X du vaiffeau & par la tranche H H ; ce qui répugne ; dans ce dernier cas lapref- fion foufferte par le fond du vaiffeau à chaque inffant, feroit égale àla preffion de la tranche A A , qui exerceroit un de- gré de force contre ce fond ;plus celle de la tranche H H qui foutient la preffion de la tranche AA, & qui par ce moyen exerceroit deux degrés de force contre ce même fond ; plus la preffon de la tranche C C qui foutient les tranches A A & HH, & qui par conféquent exerce- roit trois degrés de force contre le fond X du vaiffeau , &c. la preffion foufferte par le fond du vaiffeau feroit donc re- prcfentée par une progreffon arithmé- tique des nombres naturels, dont le pre- mier terme feroit l’unité, &le dernier feroit égal au nombre des termes ou des tranches contenues dans le vaiffeau M N ; or une telle progreffon exprimeroit une force beaucoup plus grande que celle que foutient effe&iveraent le fond du vaiffeau. Tâchons donc de découvrir de quelle façon les chofes fe paffent dans cette °ccaflon-ci ; & pour cela fuppofons que tranches du fluide contenu dans le r jj J ~ - - 7 vaiffeau M N n ont aucune pefanteur ; imaginons enfuite qu’elles font toutes animées par la pefanteur clans le même inlfant, de maniéré qu’à chaque inffant elles en reçoivent toutes un degré d’im- puliion ; il eft évident que dans le premier inffant, la tranche A A ne preffera que la feule tranche HH, & qu’elle la preffera avec un degré de force ; au fécond inf- tant la tranche H H preffée par la tran- che A A preffera la tranche C C avec deux degrés de force ; un troilieme inftant la tranche C C preffée avec deux degrés de force par la tranche H H , preffera la tranche D D avec trois degrés de force, &c. de maniéré qu’en continuant de fuivre ainfi l’aélion de ces tranches , on voit qu’a près un nombre d’inffants égal au nombre des tranches, le fond X du vaiffeau fera preffé par la tranche V V avec un nombre de degrés de force égal au nombre des tranches contenues dans le vaiffeau M N. Effal fur le Mouvement, Après cette époque, il eff évident que la preffion foufferte par le fond du vaif- feau n’augmentera plus , parce que la tranche A A n’excercera jamais qu’un degré de force contre la tranche HH , & la tranche K H deux degrés de force contre la tranche C C, &c, la preffion que fouflrira le fond du vaiflean fera donc confiante. En fuppofant la malle fluide , conte- nue dans le vaiflean MN, divifée en une infinité de tranches , on aura une idée plus jufte de la maniéré dont les choies fe paflént , parce qu’alors on pourra regarder le mouvement par le- quel la preflion des tranches fupérieu- res efl: portée jufqu’au fond du vaiflean, comme continu ; d’ailleurs chaque tran- che ne preflera, comme dans toute autre fuppofitiorî 5 que celle qui efl: fous elle, & la tranche V V fera la feule qui pref- fera le fond du vaiflean. Chapitre /£• Jaurois pu fuppofer le fluide du vaif- feau MN, divifé en une infinité de pe- tites colonnes verticales , compofées de molécules pofées les unes fur les au- tres , & alors jaurois trouvé que dans chaque colonne les molécules fupé- fieures ne transmettent pas leur preflion jufqu’aiî fond X du vaiflean en un inf- tant, parce que cette preflion ne peut y parvenir qu’au moyen des molécules in- termédiaires , & que les molécules infé- rieures de toutes les colonnes, lesquel- les formentune tranche infiniment min- ce, font les feules qui preflent le fond Au vaiflean, & qu’elles le preflent avec EJJaI fur le Mouvement, une force égale à la fomme des preffions ou des poids de toutes les molécules qui composent la maffe fl: ide contenue dans le vaiffeau M N. On voit maintenant en quoi différé l’adion médiate de l’aâdon immédiate des corps ; cette derniere ne peut avoir lieu , ainfi que je l’ai déjà dit, qu’en- tre les parties infiniment petites de la matière , & c’eft dans ce fens qu’on peut affluer qu’un corps ne peut agir fur un antre corps fans le toucher. ( Corpus non agit in dijîans. ) Dans le cas dont il s’a- git * chacune des tranches fupérieures du fluide, contenue dans le vaiffeau M N, ne peut agir immédiatement que fur la tranche qui efl fous elle ; fon. aélion con- tre le fond du vaiffeau n eft que mé- diate , elle ne peut y parvenir qu’au moyen des tranches intermédiaires , & après un temps proportionnel à fa dii- tance de ce fond ; au lieu que la tran- che VV agit par elle - même contre le fond du vaiffeau, & fon aftion y em- portée dans l’inftant même : on pour- roit dire à la rigueur que les tranches fupérieures ne preffent pas le fond du vaiffeau ; mais en ne peut pas en dire de même de la tranche VV, elle agit immédiatement fur ce fend quellepreh te avec une force égale à la fomme des préfixons de toutes les tranches , quoi- qu’on puiffe dire d’ailleurs que ce n eff Pas en vertu de fa propre force qu’elle te preffe. Si on fuppofoit que la tranche V V a aucune force , aucune pefanteur, il n’en eff pas moins évident quelle pref- leroit le fond X du vaiffeau avec une farce égale à la femme des prenions ou des poids de toutes les tranches qui font su deffus d’elle ; donc un corps qui n’a Aucune force en lui-même, peut cepen- dant en exercer une contre un autre corps : on voit que tout le merveilleux de ces vérités , qu’on avoit à peine foup* Çoimé , n’ell rendu fenfible que par la théorie qui y conduit. Lorfque je pouffe tin corps avec un bâton que je tiens à la main , on ne peut pas dire que ce foit ttja main qui pouffe ce corps , ni que c eff en vertu de fa propre force que le hâton le pouffe; il le pouffe parce qu’il eff pouffé lui-même. Si le fond X du vaiffeau M N fouffre a chaque inftant une preffon égale à la Arrime des profilons de toutes les tranches du fluide contenu dans ce vaiffeau , c’eft parce qu a chaque inffant il reçoit un C e§té d’impuliion qui lui vient de la part Chapitre t 2. de chacune de ces tranches; maispuiT- que la prefflon ou l’aclion des tranches fupérieures ne parvient jiifqu’au fond du vaiffeau , qu’aprês un temps pro- portionnel à la diffance de ce fond > il s’enfuit quels preffion foufferte par le fond du vaiffeau n’eff pas la réfultante de faction fimultanée de toutes les tran ches ; elle eff l’effet de îa force acquit par la tranche V V , ou , ce qui eff la même chofe , ce font les profilons de toutes les tranches précédemment réu- nies dans cette derniere tranche ; de ma- niéré que les prenions qu’exercent les tranches fupérieures dans un inffant donné, n’ont aucune part à la preffîon que la tranche V V exerce contre le fond du vaiffeau dans le même inffant ; & pat conféquent on doit dire que la preffioU foufferte par le fond du vaiffeau eff du® à la feule tranche VV. Efïai furie Mouvement, Il fuit de ce qui précédé que fi, et} fupprimant les tranches fupérieures ,ou pouvoir conferver à la tranche V Y tout® la force qu’elle a acquife par îa preffioU de ces mêmes tranches fupérieures , ell® continueroit d’exercer fur le fond X dit vaiffeau la même force qu'auparavant: c’eft pour cette raifon qu’une maffe d’aif. renfermée dans un vaiffeau qui n’a ait” Chapitré, il* Citne communication avec l’air exté- rieur, agit contre les parois de cevaif- feau avec autant de force que la colonne entière de ce fluide : c’eû aufii par la ttîême raifou que dans un vaiffeau coni- que plein d’eau , les petites colonnes de ce fluide prelTentle fond du vaifTeau avec Autant dé force que les colonnes les plus hautes. Mais il l'aclion des tranches fupé- tieures éîojt portée en un inffant ]uf- qii’au fond du vaiffeau , ou fi la preffioa foufferte par ce fond, étoit la réfultanîe de raélion f multanée de toutes les tran- ches , en fupprimant les tranches fupé- rieures ,on fupprimeroit en même temps hne partie de la charge que fondent le fond du vaiffeau , & par conféquent le phénomène dont il s’agit ? n’auroit ja- mais lieu : on voit par là que les expli- cations qu’on a données de ce phéno- mène imaginé par Stevin , & confirmé par les expériences que Pafcal, Ma- riette & d autres ont faites, n’en ont pas fait connoître la vraie caufe; & c’eft fans doute la raifon pour laquelle il exer- ce encore la fagacité des Phyficiens. On dit, & avec beaucoup de vérité jm’une maffe pelante travaille continuel- lement ; en effet, cette maffe étant por- tée par un (apport, quand même elle n ’auroit d’autre effet que celui de pref- fer le (iipport avec une force confiante ? on pourroit dire qu’elle travaille conti- nuellement ; mais iaclion de cettemaiTe ne fe borne pas là ; le fupport qui la fondent tratsimet cette aftion au fol fur lequel il repofe, &le fol à toute îa maffe de la terre. Eflal fur le Mouvement, Non feulement une maffe pefante tra- vaille continuellement, mais encore cha- cune de fes parties travaille continuel- lement ; & c eff par cette raifon que les effets de la pefanteur s’accumulent & fe modifient de différentes façons dans une maffe pefante : par exemple, nous avons vu que le fond du vaiffeau M N foutenoit à chaque infant une preflon, ou un poids égal à la fomme des poids de tou- tes les tranches contenues dans ce yaif- feau , & que chaque tranche foutenoit de même à chaque infant un poids égal à la fomme des poids de toutes les tran- ches qui font au deffus d’elle ; donc l’ef- fet total de la pefanteur fur cette maffe eff, pour chaque infant, égal àla pref- fion foufferte par le fond du vaiffeau? plus à la prefhon que fouffre chacune des tranches du fluide contenu dans es vaiffeau, encore faut-il ajouter à cela la preffîon foufferte par les parois du Vaiffeau, laquelle n’eff pas dirigée de haut en bas. Si on fuppofe le fluide contenu dans le vaiffeau M N , divifé en plufieurs co- lonnes verticales ; chacune de ces co- lonnes non feulement preffera le fond du Vaiffeau avec une force égale à la fomme des poids de toutes les molécules qui la compofent , mais encore ces colonnes Agiront toutes les unes fur les autres en fe preffant mutuellement de bas en haut, & finiront par fe mettre en équilibre, ou par acquérir une force égale, quand même elles n’auroient pas toutes la mê- me hauteur, comme dans le vaiffeau co- lique plein d’eau dont nous avons parlé ; dans ce cas les petites colonnes foule- Vent la voute du vaiffeau avec une force égale à l’excès de force qu elles exercent contre le fond du vaiffeau, fur celle Qu’elles exerceroient contre ce même fond , fi elles n’avoient d’autre force que Celle qui eff due à leur hauteur ; c’eff Pour cela qu’il faudroit une plus grande force pour foutenir le fond du vaiffeau ? %>pofé mobile, que pour foutenir la f°mme des poids du vaiffeau & de l’eau cpù y eff contenue. •fai pris pour exemple une maue flui- Chapitrc 12. de, parce qu’il eil facile de concevoir comment les tranches fupérieures d’une telle maife peuvent transmettre l’aêHon qu’elles exercent jufqu’au fond du vaif* feau par le moyen des tranches infé- rieures : ce phénomène eü plus difficile à comprendre dans une maffe pefante & folide : examinons ce dernier cas. Ejjai fur le Mouvement, Soit PQ ( fig. émî. ) une maffe ib- lide & pelante que Ton fuppofera di- vifée en pluiieurs tranches ; ou , ce qui revient au même , foient A A y H H 7 CC,DD,....VY, pluiieurs corps fo- lides , pluiieurs pierres, par exemple » pofées les unes fur les autres & foute-* nues par le fupport X ; il s’agit de fa* voir iil’aéHon qu’exerce à chaque mitant le corps A A eii portée en un inftant juf* qu’au fupport ; j’ai dit ailleurs qu’un coup de marteau n'étoit pas porté en un inl* tant d’une extrémité à l’antre d’une pief* re; le phénomène dont il eil ici quef* tion eft à peu près le même , & fe pré* fentera encore pluiieurs fois ; il importa donc de l’examiner dans toutes les cir' confiances, parce qu’elles peuvent noUs conduire à la folution de cette difficulté; L’expérience prouve que le fupport > Soutient à chaque inilant un poids éga* à la femme des poids des corps A A » H H, CC, DD....V V; elle prouve aufti que chacun de ces corps fondent de même à chaque inftant un poids égal à la fomme des poids de tous les corps qui font au deftus de lui ; or je viens de le dire , & je îe répété encore, la chofe feroit impoftlble s’il étoit vrai que Fac- tion des corps fupérieurs fût portée en un inftant jufqu’au fupport : il eft vrai qu’on ne voit pas facilement comment î’aftion du corps A A pourroit être tranf- mife jufqu’au fupport, au moyen des corps intermédiaires, parce qu’il femble qu’il faudroit pour cela que ces corps puftent fe tranfmetti e fucceflivement des uns aux autres la prellion qu’ils fouftrent, ce qui demanderoit qu’ils puftent fe mou- voir fucceftivement les uns après les au- tres , & il ne paroît pas , dans le cas prê- tent, que cette condition puifte avoir lieu ; mais je n’en conclurai pas que la preftion exercée par le corps A A eft portée en un inftant jufqu’au fupport : ce phénomène me paroît prouver évi- demment qu’il faut chercher la caufe de la pefanteur ailleurs que dans la matière propre qui conftitue les corps pefants. En fînifîant ce chapitre , i! importe de remarquer que, quoique la tranche du fluide V V ( fîg. 4 ) foit la feule qui agifte I Chapitre iz. EJJ'ai fur U Mouvement, immédiatement fur le fond X du vail- feau, ce fond n’en foutient pas moins la totalité des préfixons ou des poids de toutes les tranches contenues dans ce vaifTeau : de même , ( Hg. 6 ) quoiqu’il n’y ait que le feul corps Y V qui agiüè immédiatement fur le fupport X, ce Sup- port n’en foutient pas moins la totalité des poids AÂ, H H , C C , DD, &c. & même ce phénomeneauroit lieu, quel- que fût la hauteur du yaiffeau M N , ( fg. 4 ) ou du fyifême de corps repré- senté , ( fg. 6 ) fans qu’on puiffe déter- miner à quelle diflance cet effet ceffe- roit d’avoir lieu : d’oû il faut conclure non feulement qu’un corps peut agir fur un autre corps difant de lui, mais encore que fon aclion peut être portée à de très-grandes difances , fans fouf- frir la moindre diminution , quoiqu’elle ne foit que médiate , c’eft-à-dire, portée d’un terme à un autre, au moyen des corps intermédiaires ; il ne doit donc pas paroitre furprenant fi les aftres agif- fent les uns fur les autres , quoiqu’il de très-grandes difances. Chapitre /J. CHAPITRE XIII. Examen des phénomènes qui font l'effet de la traction des corps. Une malle pelante étant foutènue par Un fupport, le fupport foutient à cha- que inflant un poids égal à la forame des poids de toutes les molécules qui com- pofent cette maffe : cette même malle étant liifpendue à un point fixe par quel- que moyen que ce foit, le point fixe foutient de même à chaque inflant la fomme des poids de toutes les molécu- les qui compofent cette malle ; & de même que dans le premier cas, faélion des molécules fupérieures nefl pas por- tée en un inflant jufquau fupport ; ainfi dans le fécond, l’aêlion des molécules inférieures n’efl pas portée en un inflant jufqu’au point fixe. Pour concevoir de quelle façon les chofes fe paffent, foit RS, ( £g. y ) une maflé foutenue de quelque manié- ré que ce foit par Fobflacle fupé- rieur X, & fuppofons que cette maffe efl diyifée en pliifieurs tranches éga- les & fans pefanteur A A , H H s Ejjai fur h Mouvement, C C, DD VV , lefquelles adhé- rent les unes aux autres par leur vifco- fité ou par tout autre moyen , & ima- ginons que ces tranches font toutes ani- mées par la pefanteur clans le même inf- tant, de maniéré qu’elles en reçoivent toutes un degré dimpulfion à chaque infant ; il eft clair qu’au premier infant la tranche A A ne tirera en bas que la feule tranche H H fur laquelle elle exer- cera un degré de force ; au fécond inf- tant la tranche HH, chargée du poids de la tranche A A, tirera en bas la tran- che C C avec deux degrés de force ; au troif eme infant la tranche C C chargée des poids des tranches A A & H H tire- ra en bas la tranche D D avec trois de- grés de force, ainf de fuite ; de forte que ce ne fera qu’après un nombre d’inf- tants égal au nombre des tranches , que la tranche V V tirera en bas l’obf acle X avec un nombre de degrés de force égal au nombre des tranches, & à cette épo- que les chofes parviendront à un état permanent , c’ef-à-dire, que la force qui tirera en bas l’obf acle X , fera conf- iante. Il ef évident que la tranche V V ef la feule qui foit foutenue immédiate- ment par l’obftacle, puifque fi elle étoit fupprimée , l’obdacle ne fond endroit ni fon ni celui des tranches infé- rieures ; ce n’ed donc que parce qu elle fondent elle-même les tranches inférieu- res , que l’obdacle, en la foutenant, fon- dent un poids égal à la fomme des poids de toutes les tranches : il en ed de mê- me d’une tranche quelconque prife dans le milieu de la maffe, cette tranche fon- dent le poids de toutes les tranches in- férieures , & ed foutenue elle - même, ainfi chargée, par la tranche qui ed im- médiatement au deiTus d’elle ; mais puil- que l’addon des tranches inférieures n’ed portée jufqu’à l’obdacle , que par le moyen des tranches intermédiaires, elle ne fauroit y être portée en un indant, mais feulement après un temps propor- tionnel à fa didance de l’obdacle, puif- qu il faut que les tranches intermédiaires fe la fa dent paffer fucceffivement des unes aux autres , pour qu’elle puide par- venir jufqu a l’obdacle. D’ailleurs, d l’expérience prouve que l’obdacle fiipérieur fondent à chaque indant un poids égal à la fomme des poids de toutes les tranches, elle prouve midi que chaque tranche fondent de mê- me à chaque indant un poids égal à là fomme des poids de toutes les tranches Chaplin 13, qui font an de/Tons d’elle ; par confé- quent s’il étoit vrai que î’a&ion de l’une des tranches inférieures fût portée en un infrant jufqua l’obfiacle, le poids qui réfulte de cette aftion feroit foutenu en même temps par l’obilacle & par la tran- che qui efl immédiatement au defïlis d’elle ; ce qui répugne, parce qu’il s’en- fuivroit que la charge de l’obflacle feroit repréfentée, comme dans le cas de la prelllon , par une progreffion arithméti- que des nombres naturels dont le pre- mier terme feroit l’unité , & le dernier le nombre des tranches ; or une telle progreilion repréfénteroit une charge beaucoup plus grande que celle que fou- tient l’obflacle. Effai fur h Mouvement, Il eft vrai que û la maffie R S elf un corps dur, on ne conçoit pas facilement que les tranches inférieures puiffent por- ter leur aélion jufqu’à l’obftacle par le moyen des tranches intermédiaires , parce qu’il fembîe qu’il faudroit pour cela qu’elles puffent fe mouvoir féparé- msnt les unes des autres ; c’eft donc ici encore la même difficulté que nous avons déjà trouvée, mais qui ne doit pas nous toi'cer à croire que l’aéHon des tranches inférieures eft portée en un milan t jufqua l’obffiicle , ce qui ne s'accorderait pas avec les phénomènes. il fuit delà que la force avec laqueJe l’obflacle X eft tiré en bas par la tran- che VV, ne fi; pas la réfutante i ac- tion fimultanée de tontes les tranches, & qu’elle eit due à la force acquits par la tranche V V ; de maniéré que l’action qu’exercent les tranches intérieures eans un inftant donné, n’ont aucune part a •l’aaion que la tranche Y V exerce contre lobftacle dans le même inftant. On dit qu’un corps n’agit fur nn au- tre corps , que lorfque cslni-ci s oppole â fon mouvement, ou au mouvement qu’il tend à acquérir; & ce principe que î adopte , parce qu’il me paroît généra- lement vrai, doit s’entendre des corps, foitfimples ou infiniment petits, ioit coin* pofés ou enmaffe; c’eft pour cette rauon que lorfqu’un corps repofe furunfupport, il agit contre ce fupport, parce qu’il s'op- pose à fon mouvement, tout comme les molécules fupérieures de ce corps agif- fent fur les molécules inférieures qui s’oppofent à leur mouvement, ou au mouvement quelles tendent à acquérir; dans le cas de ia futpenfion d’un corps , ce font les molécules inférieures qui ti- rent en bas les molécules fupérieures, parce qu elles s’oppofent a leur^rnouve- Chapitre /j. ment ; donc fi un corps fe meut libre- ment de haut en bas 5 les molécules fu- périeures de ce corps ne prefferont pas les molécules inférieures, ni les infé- rieures ne tireront point à elles les fupé- rieures ; & il en fera de même fi ce corps fe meut de bas en haut, ou dans une direction horizontale, les molécules pof- térieures ne prefferont point les molé- cules antérieures, & n’en feront pas ti- rées : en général les molécules d’une maffe qui fe meut librement n’exercent aucüne aélion les unes fur les autres ; & cela doit être , piiifquelles nefe font point obflacîe les unes aux autres : je fuppofe dans tout ceci que la mafïe pe- fante efl homogène , ou que toutes les parties ont une égale tendance au mou- vement. EJjai furie Mouvement, On déduit facilement de ce qui pré- cédé l’explication d\m phénomène qui paroit d’abord furprenant, le voici :fi dans un vaifiéau plein d’eau on fufpend par un fil un corps dont la pefanteur fpécifîque foit plus grande que celle de l’eau, le fil foutiendra l’excès de la pe- fanteur de ce corps fur la pefanteur d’un volume d’eau égal au volume de la partie de ce corps qui y efl p’ongé , &le fond de ce yaiÔeau fera preffé avec la même force que s’il étoit feulement plein d’eau, parce que les molécules du corps plongé tranfmettent au fond du vaiffeau îa même preffion , & de la même manié- ré que le feroit une maffe d’eau qui feroif à fa place ; mais fi on coupe le fil, & que le corps defcende librement, le fond du vaiffeau fera moins preffé qu’auparavant, & cela parce que les molécules inférieures de ce corps n’étant plus preffées par les fupérieures, elles prefieront les molécules d’eau qui font fous elles avec beaucoup moins de force , & la preffion que fouf- frira le fond du vaiffeau fera moindre qu’ayant la defcente du|co>rps. -.v- • On doit faire ici la même remarque qui a été faite dans le chapitre précé- dent : quoiqu’un corps fufpendu à un point fixe par une chaîne, une corde, &c. n’agiffe pas immédiatement contre ce point, le poids total de fa maffe n’eft pas moins foutenu par le point fixe ; par exemple, une maffe étant fufpendue à un point fixe par une corde, quelque lon- gue que foit la corde , le point fixe fon- dent tout le poids de cette maffe ; donc un corps peut agir contre un autre corps, quoiqu éloigné de lui, fans que fou ac- tion foudre la moindre diminution. Chapitre ip~. EJjal fur le Mouvement, CHAPITRE XIV. Examen des phénomènes qui font teffet de la percufjion des corps. avons vu que lorfqiùm corps fe meut librement, les molécules dont îl ef compofé n’exercent aucune action les unes fur les autres , & cela parce qu’elles ne fe font point obdacle les unes aux autres ; que lorfqiùme malfs pefante eû foutenue par un fupport, les molécules fupérieures de cette maile exercent une aétion contre les molécu- les inférieures , parce que celles-ci s’op- pofent au mouvement qu’elles tendent à acquérir, & que ces mêmes molécules inférieures exercent une afrion contre le fupport qui s’oppofe à leur mouve- ment ; nous avons aufli remarqué que le fupport foutenoit à chaque infrant un poids égal à la fournie des poids de tou- tes les molécules qui compofent la maffe pefante ; or dans le choc des corps il arrive quelque choie de femblable qu’il importe d’examiner. Pour comprendre plus facilement ce qui fe patte dans le choc des corps 3 fuppofons que le corps choqué X ( hg. 5 ) eft un obflacle invincible , & ima- ginons le corps choquant MN, P Q divifé en plulieurs tranches VV, GG, F F , E E ~... HH, AÂ, perpendicu- laires à la dire&ion de fon mouvenlenî ; cela pofé , voici de quelle façon les phénomènes indiquent que les choies fe paffent. Dès l’inftant que la tranche VY du corps choquant MN, P Q aura atteint l’obftacls X qui s’oppofe à fon mouve- ment , elle agira contre cet obflacle avec toute fa force : par la même raifon la tranche qui s’oppofe au mouvement de la tranche G G en foutiendra tout l’ef- fort Finflant fuivant ; cette tranche V V agira donc dans ce fécond inflant con- tre l’obflacle avec la fomme des forces des tranches V V & G G , parce qu a caufe de l’obilacle que Ton fuppofe in- vincible , elle a confervé toute fa force ; au troifieme inflant, toujours par la mê- me raifon , la tranche G G foutiendra l’effort de la trarche H & exercera con- tre la tranche V V une force égale à la fomme des forces de G G & de FF; 6 par conséquent cette tranche V V agi- ra contre PobUacle avec la fomme des forces de VV, G G & F F , & ainfi de Chapitre 14. fuite ; de foi te qu’au bout d’un nombre d'inftants égal au nombre des tranches , l’obflacle foutiendra l’effort de toutes les tranches, & il n’y aura, comme dans le cas de la preffion, que la feule tran- che V V qui agira immédiatement con- tre l’obffacle. Efjal fur le Mouvement, Il eff clair que l’aftion du corps M N, P Q fur l’obftacle X doit ceffer dès le moment qu’il aura perdu toute fa vîtef- fe ou tout fon mouvement, & que la durée de fon aâtion fera très-courte ; mais auffi cette aèlion fera plus forte que h ce corps agiffoit fur l’oMacle par fon poids feulement , parce que la vîteffe qu’il ayoit avant le choc , & qui fe perd pendant la durée de fon aèlion , doit en augmenter l’intenfité ; c’eft pourquoi, pour avoir l’expreffion de fa force, il faut multiplier fa malle par fa vîteffe ou par une fon&ion de fa vîteffe. On fera convaincu que les chofes fe paffent comme il vient d’être dit, ou au moins d’une façon approchante, fi on fait attention qu’on tire de cette théo- rie l’explication la plus fimple des phé- nomènes qui arrivent dans la pereuffion des corps ; par exemple , fi le corps cho- quant efi mou, il fouffre une compref- fion de maniéré que les tranches anté- Chapitre 14» Tieures, celles qui font les plus près de l’obftacle, font d'autant plus fortement comprimées qu’elles font plus près de î’obftacle ; ce qui doit être , puifque cha- que tranche foutient l’effort de toutes celles qui font derrière elle. Il faut remarquer que fî on met une maffe molle & pçfante fur un fupport, cette maffe s’affaiffe , ou eft comprimée par fon propre poids , de maniéré que les tranches dont on doit concevoir qu’elle efl compofée , font d’autant plus fortement comprimées, qu’elles font plus baffes ou plus proches du fupport ; & que h on jette cette maffe de bas en haut contre une voûte , elle fera de mê- me comprimée de maniéré que la com- prefllon foufferte par les différentes tran- ches de cette maffe fera d’amant pins grande que ces tranches feront plus hau- te* ou plus proches, de la voûte : le phé- nomène eft: donc le même dans les deux cas ; feulement dans le. premier, l’aélion du méchanifme qui le produit eft diri- gée de haut en bas ; & dans le fécond , •de bas en haut. Il y a pourtant une différence qui mé- rite qu’on y faffe attention , la com- preftlon des tranches d’une maffe molle, que Von met fur un fupport & qui — JJ J 7 s’aiFaifle par fon propre poids , n’arrive que très-lentement, au lieu que les tran- ches de cette même malle font compri- mées prefque dans l'infant, lorfqu’on la jette contre un plan dur. Si le corps choquant ell éiallique, la tranche V V ell comprimée avec une force égale à la fomme des forces de toutes les tranches, ou ce qui revient au même, fur la lin du choc , toute la force du corps choquant fe trouve con- centrée dans la feule tranche V V qu’on doit regarder comme un reffort bandé entre l’obfacle & le refte de la malfe du corps choquant ; donc , lorfque celui-ci aura perdu tout fon mouvement, la tranche V V, en déployant fon reffort, doit , s’il eff parfait, le renvoyer en arriéré avec une vîteffe éga!e à celle qu’il avoit lorfqull a rencontré i’obf- tacle. Effai fur le Mouvement, Il ne faut pas croire que ludion du corps choquant foit tranfmife à toute la malfe du corps qui fait obfaclc, elle ell trop prompte pour cela; & li cela étoit, on ne voit pas, ainli que je l’ai dit ail- leurs , que la réflexion pût avoir lieu ; mais li l’obllacîe ell éiallique, & en le fuppofant divifé en plulieurs tranches, la première tranche, celle qui fera tou- Chapitre 14. chëe par le corps choquant, fera compri- mée , & déployant enfuite fon reffort, contribuera à la réflexion du corps cho- quant , ou même fi celui-ci eft dépourvu d’élafticité , toute fa force fe réunira dans la première tranche de l’obftacle, qui alors, en déployant fon reffort, l’o- bligera à fe réfléchir. Ceux-là fe font trompés qui ont dit que le choc ou la pereuflion eft plus forte au commencement que fur la fin ; c’eft tout le contraire, l’inftant auquel commence la réflexion , lorfqu’elie a lieu, peut être regardé comme éiant le même que celui auquel finit la pereuf- fion ; or il eft évident que c’eft pendant ce même inftant que l’obftacle fondent tout l’effort du corps choquant, ou plu- tôt de la tranche V V dans laquelle toute fa force eft réunie à la fin du choc. Si le corps choquant eft dur & fra- gile , & fi en même temps le choc eft violent , l’obftacle étant toujours fup- pofé invincible, & par conféquent dur 5 ce corps eft le plus fouvent mis en piè- ces , & cela, parce que les parties an- térieures de ce corps parviennent au re- pos avant les parties poftérieures qui continuent de fe mouvoh ou font effort pour fe mouvoir , & fe fépareat par ce moyen des parties antérieures : l’adion d’un corps dur qui choque un obdacle , ed à la vérité d’une très-courte durée; mais elle n’ed pas indantanée , ainli que l’aflùrent un grand nombre de Phy- ficiens ;fi cela étoit, la fraélure du corps choquant nauroit jamais lieu ; par exem- ple , lorfqu’on lance avec force une pierre contre un rocher ; fi toutes les molécules qui compofent cette pierre exerçoient leur a&ion contre le rocher dans le même indant , elles éprouve- roient toutes la réfidance du rocher dans le même indant, & parviendroient audî au repos dans le même indant ; d’où il fuit qu’elles ne devroient pas fortir de l’état de repos relatif où elles font les tmes par rapport aux autres , ni la pierre être mife en pièces , ainii qu’il arrive le plus fouvent. Il faut convenir que 10-fque le corps choquant MNPQed dur, il ne paroît pas podible que les tranches A A H H,&c. les plus éloignées de i’obdacle,puidem lui transmettre leur aélion par le moyen des tranches intermédiaires ; parce qu’il ne paroît pas qu’elles pniffent être mues fucceilî vernent les unes après les autres ; ce qui paroît cependant n-écedaire : c’ed donc ici la même difficulté que nous avons Effet fur U Mouvement, trouvée pîufieurs fois, & notamment lorf- qu’il a été queftion de la preftion des corps pefants ; il feroit donc temps de faire connoître comment cette adion eft portée jufqu’à l’obftacle ; puifqifil eft sûr qu’elle y eft portée , & qu’elle n’y eft pas portée en un inftant ; voici ce que je penfe fur cet objet, en atten- dant que je puiiïe entrer dans un plus long détail. Lorfqu’im corps dur, ou , en général, lorfqu’un folide en mouvement rencon- tre un obftacle, s'il n’eft pas mis en pièces , s’il ne foufxre point de compref- fion fenfibîe , en nn mot, s’il ne paroit point de phénomène qui puiffe faire con- noitre de quelle façon les ehofes fe paf- fent lorfqu il rencontre l’obftacle ; au moins eft-il facile de s’appercevoir que toute fa malfe eft tourmentée , ou que toutes les parties dont il eft compofé font un effort pour fe mouvoir ; & il me paroît évident que l’effort qu’elles font eft dû à un fluide fubtil qui eft logé dans les pores de ce corps ; fluide que l’on doit regarder comme fai Tant malle com- mune avec lui, mais qui peut continuer de fe mouvoir, fi les parties folidss de cette maffe ne le peuvent pas à caufe de leur adhérence mutuelle ; il fuftit donc* Chapitre 14. pour l’explication des phénomènes qui arrivent dans le choc & la preffion des corps , d’avoir, ége •: d au mouvement de ce fluide; c’efi- à-dire , qu’on peut fuppofer que les tranches V V, G G, F F, E E A A l'ont compofées de ce flui- de ; & alors on comprend ailement com- ment les tranches les plus éloignées de l’oblfacle , peuvent lui tranfmettre leur aaion par le moyen des tranches inter- médiaires , de la maniéré qu’il a été dit lorsqu’il a été queilion de la prefîion des fluides. Ejjal fur le Mouvement, Si le corps M N P Q efl élaflique ; par exemple ,fi c’eû une bille d’ivoire ,il eft clair que le fluide fubtii quiefl logé dans les pores de cette bille , en fe por- tant vers la tranche VV qui efb com- primée , doit exercer toute fa force con- tre cette tranche , &: écarter les unes des autres , les fibres & lames offeufes dont elle eft compofée ; ce feroit donc fans raifon qu’on attribueroit la reflitution du reffort de cette tranche à une autre caufe , à moins qu’on ne l’attribue auflî à la partie de ce fluide qui s’efl trouvée dans fes pores & qui y eft comprimée ? ou à quelques bulles d’air qui s’y trou- yeroient de même dans l’état de com- preffion ; il y a apparence que ç’eft à Chapitre 14. cette derniere caufe qu’il faut attribuer l’effort que fait un arc bandé pour fe redreffer; ce qu’on n’aura pas de peine à croire, lorfqu’on faura que M. de R.o- berval a confervé pendant quinze ans une malle d’air qui avoit été compri- mée dans un fufil à vent, fans que fon reffort eût été affoibli ; & qu’on fera attention que de petites bulles d’air font en état de faire équilibre avec des malles considérables de ce même fluide. Quelques partiians de î’attraéHon ont voulu que l’élafticité des corps en dé- pendit ; mais cette opinion n’a aucune Vraifemblance; car , (bit que l’attradion fuive la raifon inverfe du quarré ou du cube de la diflance , il eft clair que les molécules de la partie convexe d’un arc qui a été bandé, étant plus écartées les Unes des autres qu’ellesne l’étoientavant que l’arc fût bandé , elles doivent moins s’attirer qu auparavant ; & que les mo- lécules de la partie concave ayant été rapprochées, elles doivent s’attirer plus fortement qu’ayant que 1 arc fût bandé ; d’où il luit qu’il devroit en réfulter un effet contraire, e’eft-à-dire , que l’arc au lieu de faire effort pour fe re dre/Ter de hii-rmême, oppoferoit plus de réûi~ JJ J 7 tance pour être redreffé, qu’il n’en avoit oppofé lorfqu’f a été courbé. On ali peu connu la différence qu’il y a entre la preffion & la percuffion , qu’en comparant enfemble ces deux ma- niérés d’agir des corps , on a fait l’une & l’autre égales au produit de la maffe par la vitelïe , quoique dans la prefiion la vîteffe foit exa&ement nulle ; la rai- fon pour laquelle on en a nié ainii, c’eff parce qu’on a cru qu’on devoit avoir égard à l’effort que fait une maffe pelante pour fe mouvoir , dans le temps même qu’elle en eff empêchée par un obffacle ; & parce que cet effort, que quelques-uns ont appelle vîteffe virtuelle , ne peut être regardée que comme une vîteffe in- finiment petite, on en a conclu que la percuffion étoit infinie par rapport àla preffion : pour prouver la juileffe de cette conséquence , on a fait remarquer que fi après avoir enfoncé à demi un clou dam une piece de bois , on appuyé un marteau fur la tête de ce clou, il n’en- foncera pas, mais que fi on frappe le clou âcoup de marteau , ce clou entrera alors dans la piece de bois avec la plus grande facilité. Il fuivroit de là que la preffion d’une montagne fur fa bafe feroit nulle, en corn- Eff ai fur le Mouvement, Chapitre 14, parailon de la percuflion produite par la chute d’un grain de fable ; conséquence abfurde, & qui a obligé plulieurs Phyfi- ciens à former des doutes fur la jufteffe de cette théorie ; en effet on connoît a priori, ou par l’expérience la force de la prefîion d’un corps pefant ; & li cette force ne produit pas toujours fon effet , elle n’en eft pas moins réelle : fi on plan- toit un clou dans de la terre molle, & qu’on appuyât deffus un marteau, le clou enfonceroit , & par conséquent la prefîion du marteau n’efl pas nulle ; d’ail- leurs h on entreprenoit d’enfoncer une bille d’acier dans une enclume à coups de marteau , on n’en yiendroit pas à bout , fans qu’on pxit en conclure que la percufSon du marteau efl nulle, ce qu’on pourrait cependant faire, fi on fe régloit fur l’effet de fon aélion. M. de Léibnitz fut un de ceux qui ne voulurent pas admettre cette théorie , il entrevoyoit trop de différence entre la pereuffion , qu’il appeîla force vive, & la prefîion à laquelle il donna le nom de force morte ; pour exprimer l’une & l'au- tre par uns même formule, il affura que la force vive , celle d’un corps qui cfî déjà en mouvement, devoit être faite égale au produit de fa maffe par le quarré de fa vitelfe ; quant à îa force morte , celle d’un corps qui agit par fa feule pe- fanteur , il penfa qu'on de voit la faire égale au produit de fa maffe par fa vî- telle initiale, ou par l’effort qu’il fait pour fe mouvoir. Ejjai fur Le Mouvement, La nouveauté de cette dodrine excita une difpute des pins vives parmi les fu- yants , difpute à jamais mémorable dans l’hifloire de la phyfique, foi t parce qu’elle a duré près de cent ans, foit parce que les plus célébrés Phyficiens & Géomètres y ont pris part, fans que la multitude d’écrits qui ont paru fur cette matière, & le grand nombre d’expériences qui ont été faites dans la vue de l’éclaircir, aient pu y jeter le moindre trait de lumière : fi le feu de cette difpute s’eft un peu ra- lenti , fi les Phyficiens femblent aujour- d’hui être d’accord fur cette queilion , ce rfefl pas , comme ils le difent eux-tnê- mes , parce qu’ils font enfin parvenus à s’entendre , c’efl plutôt parce qu’ils ont fini par ne plus s’entendre du tout. L’opinion de M. de Léibnitz fur l’efH- maîion de la force vive étant fondée fur l’expérience, qui prouve que les effets de cette force font comme le quatre de la vîteffe du mobile, je ne vois pas pour- quoi un li grand nombre de Phyficiens du premier ordre ont refufé d’adopter fa doctrine. Ceux-ci difent que la force d’un corps, ou l’effet qu’il produit, eff en raifon compofée de fa vîteffe & du temps pendant lequel il fe meut; &que pour avoir la juffe mefura de deux for- ces, il faut comparer enfemble les effets qu elles produifent dans des temps égaux ; par exemple, fi les balles A& B égales en malle tombent, A pendant une fécondé , & B pendant deux fécondés ; la première ne parcourra que quinze pieds, tandis que la fécondé en parcourra foixante;mais quoique l’efpace parcouru par la balle B foit quadruple de i’efpace parcouru par la balle A , la vitefle de la balle B n efl que double de celle de la balle A , puif- qu’elle a m:s deux fécondés pour par- courir cet efpace ; d’où ils concluent que les forces de ces deux balles n,1 font entr’eiles que comme leur vîteffe , & non pas comme le quarré de leur vîteffe. Les Léibnitiens raifonnent tout diffé- remment ; ils difent que la balle B en tom- bant pendant deux fécondes, non feu- lement a acquis une vîteffe double de celle de la balle A ; mais encore que fou mouvement doit perfévérer le double de temps, & par conséquent que la for- ce de la balle B eff quadruple de celle de Chapitre 14. Ê Ifai furie Mouvement, la balle A ; ce qu’ils prouvent par plu- sieurs expériences , entr’autres5 par celle qui fuit. Faites tomber les deux balles A & B fur de la terre molle , la première de quinze pieds de hauteur , la fécondé de foixante pieds de hauteur ; Fimpref- fton que la première fera fur cette terre ne fera que le quart de celle que la fé- condé fera fur cette même terre ; donc l'effet de la fécondé eft quadruple de ce- lui de la première ; donc les forces de ces deux balles font comme les quarrés de leur vîteffe, & non pas comme leur limple vltefte. Pour réfoudre la difficulté préfente, dans laquelle il eft queftion de favoir fi on doit avoir éga»d au temps pendant lequel un corps fe meut pour avoir la m fure de fa force , ou plutôt de l'effet qu’il produit, & même en général pour avoir une idée de la force des corps , il faut fe rappeller qu’un corps en mouve- ment fs meut par le méchanifrae d’un tourbillon , ou qu’il fait partie d’un vor- tice , c’eft-à-dire , d’une maffie qui fe meut circulairement, & faire attention qu’un corps en mouvement eft toujours une maffe compofée d’une infinité de pe- tits corps qui fe meuvent enfemble d’un mouvement commun, parce qu alors on verra qu’ils doivent exercer leur force en commun , cela pofé. Un boulet qui fe meut par l'inflam- mation de la poudre à canon, efl: un corps qui fe meut par le méchanifme d’un tourbillon ; &il n’cfl pas douteux qu’une charge de poudre qui peut lui donner une vitefle de deux cents toifes par fécondé, ne doive aufli le confer- ver en mouvement plus long - temps qu’une autre charge de poudre qui ne pourroit lui donner qu’une viteffe de cent cinquante toifes par ieconde ; donc , fi on veut comparer enfemble les forces de ce boulet dans les deux cas, il faut non feulement avoir égard à fa vîtefle , mais encore au temps pendant lequel ii pour- roit fe mouvoir; je dis qu’il faut avoir égard au temps pendant lequel il pour- roit fe mouvoir, & non pas au temps pendant lequel il fe meut ; parce qu’il efl: clair qu’un boulet de canon a tou- jours la même force, foit qu’il rencon- tre une muraille, après s’être mu pen- dant la dixième partie d’une fécondé, foit qu’il ne la rencontre qu après s’être mu pendant fix fécondés ; quoique dans les deux cas l’exercice de fa force ne foit pas la même , dans le premier, cette forqe efl; prefque toute employée à bat- Chapitre 14. EJJai furie Mouvement, tre la muraille ; dans le fécond , elle l’efl à divifer une plus grande mafîe d’air ; d’où il efl facile de conclure que M. de Léibnitz a eu raifon de faire la force vive , celle d’un corps en mouve- ment , égale au produit de fa maffe , par le quarré de fa vîteffe. Il ne pourroit relier de doute là-def- fus que pour ceux qui penferoient que ce boulet doit fe mouvoir éternellement ; mais alors fa force feroit infinie , & il efl clair qu’elle ne l’efl pas. Un boulet doit néceffairement perdre toute fa for- ce , fi ce n’efl pas par la rencontre d’un obflacle , ce fera par la réfiflance du milieu qu’il efl obligé de divifer ; ce qui efl également conforme à l’expé- rience & à la raifon. Un corps qui fe meut par le mécha- nifme d’un tourbillon , forme avec le fluide qui circule autour de lui, une maffe dont toutes les parties fe meuvent enfembîe d’un mouvement commun , & qui, pour chaque infiant, font fenfible- ment en repos les.unes par rapport aux autres ; cette maffe confidérée en elle- même n’a aucune force , & fi elle en exerce une contre les obfiacles qu’elle rencontre , c’efi parce qu’elle efi en mou- vement relativement à ces obfiacles i mais parce que ces obffacles font eux- mêmes en mouvement relativement à la maffe dont il s’agit, il s’enfuit que la force de cette maffe n’eff que relative , & qu’on pourroit dire qu’elle confifte dans la réfiffance qu’elle oppofe aux obffacles qui tendent à détruire fon mou- vement , ou dans l’effort qu’elle fait pour vaincre ces obffacies ; il faut pourtant remarquer que cette maffe a un mouve- ment propre , & que c’eft une raifon de plus pour dire que c’eil elle qui agit contre les obffacies quelle rencontre , plutôt que pour dire que ce font ces obf- tacies qui agiffent contre cette maffe. Une maffe ne peut pas fe mettre en mouvement d’elle même, ni fe réduire Chapitre 14. au repos d’elie-même lorfqu’elle efl en mouvement ; & s’il faut une force pour la mettre en mouvement, il en faudra encore une autre pour la réduire au re- pos ; & ii cette raaffe ne le divife pas, l’obftacle qui tendra à détruire fon mou- vement , aura à foutenir l’effort de toutes les parties qui la compofent, lefquelles exerceront toutes leurs avions en com- mun contre lui : par exemple , lorf- ■ qu’un boulet de canon rencontre une muraille , il la choque de la maniéré dont nous avons vu que le corps MN F Q (fig. Bme.8me. ) choque l’obftacle X; la muraille en foutenant l'effort de la par- tie d*j boulet qui lui eff immédiatement appliquée, fondent l’effort de toute la maffedu boulet, & même de l’air qui forme un tourbillon autour de lui , & fait partie de la maffe en mouvement. Peut-être penfera-t-on que dansl’ef- timation de la force d’un boulet de ca- non , on ne doit avoir aucun égard à Pair qui forme un tourbillon autour de lui, & qui fe meut d’un mouvement commun avec lui, & cela à caufe de la pefanteur du boulet, qui eff environ fix mille fois plus grande que celle d’un vo- lume d’air égal à celui du boulet ; mais il faudrait pour cela ignorer la force avec laquelle l’air condenfé dans un fufil à vent, eff capable de pouffer une balle ; il faudrait ne pas faire attention que le boulet lui-même doit toute fa force à la dilatation d’une vapeur ou à l’aêdon d’un air élaftique. Voyons maintenant en quoi confiffe la force d’une maffe qui fe meut circu- lairement , & de quelle maniéré cette maffe exerce fa force ; foit donc pre- mièrement une roue qui fe meut autour d’un effieu ; cette roue eff en repos re- lativement à elle-même , & n’a aucune Ejfai fur le Mouvement, force confidérée en elle-même ; mais fi cette roue rencontre un obftacle , elle exercerajuneforce contre liii,parcequ’eîle ell en mouvement par rapport à cet obs- tacle : fuppofons donc que cette roue a une partie Saillante qui rencontre un'obs- tacle invincible ; il eft clair que il cette roue n’efl pas mife en pièces , elle per- dra tout fon mouvement par la réfif- tance de Fobflacle ; & que fon action fera d’autant plus forte quelle aura plus de maffe & de viteffe , fans qu’on doive avoir égard au temps pendant lequel elle agit, temps qui ne peut êtrp que de la plus courte durée ; fi la maffe en mouvement étoit un fluide , ou fi elle étoit com- pofée de Solides & de fluides qui fe meu- vent enfembie d’un mouvement com- mun & circuîairement, elle ne perdroit pas fon mouvement, ni fi facilement, ni fi promptement ; fon a&ion pourrait donc être d’une plus longue durée. Avant d’ex-aminer ce dernier cas, con- fidérons une barque qui defcend libre- ment le long d’une riviere ; & voyons de quelle façon cette barque, que nous avons fi Souvent prife pour exemple. Se comportera fi elle rencontre un obfla- cle ; ' ippofons donc que cette barque rencontre une digue qui l’arrête ; il efl Chapitre 14• — JJ , . . ■ ' ? d’abord évident quelle choquera cette digue, ou qu’elle exercera contre elle une force vive , qui fera d’autant plus grande quelle aura plus de maffe & de vîteffe : lorfque la barque aura perdu toute fa vîteffe ou tout fon mouvement, elle agira encore contre la digue, & même Fanion qu’elle exercera pourra être regardée comme éternelle ; dans ce cas on n’auroit pas une juffe mefure de fa force , li on n’avoit pas égard à la durée de fon a£Hon ; mais cette aêîion ne fera plus évidemment qu’une fimple preffion ou une force morte; donc ce n’eft que dans l’eftimation de la force morte qu’il faut avoir égard à la durée de î’aélion. Effai fur le Mouvement, Suppofons maintenant ure maffe d’eau qui té meut circulairement dans une cuve ou dans le badin d’un jet d’eau & un corps flottant dans cette eau , & qui fe meut d’un mouvement commun avec elle ; fi ce corps rencontre ni obs- tacle qui Farr te , il exercera pre- mièrement cont e lui une force vive, qui fera d’autant plus grande qu’il aura plus de maffe & de vîteffe, & finira par le preflfer1 , ou par exercer contre lui une force morte , oui durera tout autant que durera le mouvement circu- la ire de la ma fie d’eau ; & il eff évident que par ce moyen , fi on fait abfiraéhon du frottement contre le parois & le tond du vaiffeau , fobfiacle détruira peu à peu tout le mouvement de cette maffe d’eau ; mais fi la maffe deau étoit infi- nie , fon mouvement ne feroit jamais détruit ; l’impulfion quelle exerceroit contre ce corps feroit éternelle ; & par conféquent la prefiîon que ce corpsexer- ceroit contre l’obffacle , feroit aufil éter- nelle ; je ne puis faire ufage de ces re- marques qu’après avoir établi de nou- veaux principes. Si M. de Léibnitz a eu de bonnes rati- fions pour faire la force vive ? celle dun corps en mouvement, égale au produit de fa maffe par le quarré de fa vîteffe ; ce Philofo he a été dans ferreur avec tous ceux qui l’ont précédé & ceux qui font venus après lui, lorfquil a fait la force morte , celle d’un corps qui agit par la feule pefanteur , égale au produit de fa maffe par fa vîteffe initiale, ou par fa v;teffe qn’ 1 tend à acquérir; laquelle ne doit pas entrer dans l’expreffion de la force , puifqii’elle n exiffe pas encore. Une quantité qui diminue continuel- lement devient enfin nulle ; & alors après l’avoir faite égale à zéro , on la Chapitre 14. rejette du calcul ; mais il feroit allez inutile de fuppofer infiniment petite ou égale à zéro , une quantité qui ed tou- jours & nécessairement nulle, puifque une pareille quantité ne doit entrer dans aucun calcul ; or telle ed la vîteffe des corps qui agiiîent par leur feule pefan- teur; elle ed toujours nulle, & par conféquent elle ne doit pas entrer dans Texpreilion de leur force ; cette vîteffe initiale, ou cette tendance des corps au mouvement , ed la caufe de leur poids ou de leur pefanteur , & par con- séquent ce feroit faire un double emploi d'une même cbofe , fi on la faifoit entrer l’exorefiion de leur force. Ejjai fur le Mouvement, Pour peu qu’on rènéchiffe fur la dif- férence qui! y a entre la prefiion &la percufiion des corps , on voit aifément que ces deux choies font incompara- bles ; mais ce n’ed pas parce que la vx- teffe dans la prefiion ed infiniment pe- tite , puifqu’alors même fon exprefiion & celle de la percufiion feroient des quantités homogènes , & par conséquent on pourroit les comparer enfemble ; c’ed parce que ces deux exprefiions font hé- térogènes ainfi qu’on le va voir, & qu’on pourroit même le conclure de ce qui précédé. Un corps qui preffe un autre corps n'a aucune vîteffe , il eff donc étrangg qu on ait voulu exprimer fa force par le produit de fa malle & de fa vîteffe : nous avons remarqué qu'un corps on une maffe pefanîe travaille continuel- lement ; par conféquènt la vraie ex- preffion de fa force doit être faite égale au produit de fa maffe par la durée de fon aêlion ; d’où l’on voit que l’on ne fauroit comparer enfemble la preffion avec la percuffion des corps, puifque cette derniere eff égale au produit de la maffe par une fon&ion de la vîteffe , & que l’une & l’autre peuvent être infinies chacune dans leur efpece. Quoique la preffion & la percufîion aient entr’elles beaucoup de rapport & paroiffent être de même nature, ces deux maniérés d’agir des corps différent en un point effentiel , qui eff la durée de leur aflion , ce qui fait que les effets qui en réfuîtent n’ont rien de commun entr'eux ; pour le comprendre , il fuffira de faire attention aux phénomènes qui arrivent dans le choc & la preffion des corps. Chapitrz 14, Soit donc une colonne de pierre éle- vée verticalement fur la baie fupérieure, de laquelle on frappera un coup de mar- teau ; Talion du marteau ne fe fera pas fentir par toute la maffe de la colonne , ainfi qu'il a été prouvé dans le chapitre fécond ; mais en revanche il eft évident que cette a&ion fe fera fentir par la bafe fupérieure de la colonne avec d autant plus de force, que le marteau aura plus de maffe & de vîtefîe , & cela pour deux raifons : la première , c’eff parce que le coup de marteau eff d’autant plus fort que fa vîteffe eff: grande; la fécondé, c’eff parce que le coup eff; diftribué àun nombre de parties d’autant plus petit que la vîtefle du marteau eff: grande ; ce qui fait voir que les Léibnitiens ont eu rai-, fon de faire la force vive ou la percuff lion , égale au produit de la maffe par le qiiarré de la vîteffe. L’aélion d une maffe pefante que Ton mettra fur la bafe fupérieure de la mê- me colonne, fera tonte différente ; elle Effai fur le Meuve ment, preffera cette bafe avec une force conf- iante , & qui durera autant de temps qu’on l’y laiffera ; elle parviendra mê- me, de la maniéré qui a été dite en par- lant de la preffion des corps , jufqu’à la bafe inférieure qu’elle preffera de même avec une force confiante , & qui durera pendant tout le temps qu’elle preffera la bafe fupérieure ; il eft donc évident que î’aclion de c tte maffe doit être faite égale au produit de la made par la durée de lon aélion. Chapitre 14. On déduit facilement, de ce qui pré- cédé , l’explication d’un phénomène très-commun , mais dont il me parolt qu’on n’a pas fait connoître la vraie cau- fe ; le voici ; li Ton pofe doucement un marteau fur la tête d’un clou à demi enfon- cé dans du bois , la preffion du marteau fera bientôt tranfmife du clou à la piece de bois, de la piece de bois au l'apport qui la fouîient, & du fupport à toute la malle de la terre ; de maniéré que li le clou n'a pas été enfoncé dans le premier inftant, il ne le fera pas dans les inflants fuivants ; mais fi on frappe le clou à coups de marteau, l’a&ion du marteau le fera entrer dans la piece de bois , non feulement parce quelle tll forte , mais encore parce quelle n ell que mo- mentanée , & que par ce moyen le clou fera choqué fans que la piece de bois éprouve l’a&ion du marteau , ou au moins , avant qu’elle l’éprouve. On a cherché long-temps, &on cher- che encore , un rapport entre la force vive &la force morte, mais on voit par ce qui précédé , que ceux - là perdent leur temps qui s’occupent de cette re- Ejjai fur h Mouvement, cherche , ils n’en trouveront jamais au» cun, la preflîon & la percufîion étant deux maniérés d’agir des corps qui dif- férent entr’elles elfentiellement : l’aftion d’un levier n’a rien de commun , ni dans fa maniéré d’agir, ni quant à Ces effets avec un coup de marteau ; l’aüion d’une pierre en mouvement, qui vient nous frapper à la tête , efî toute différente de celle d’une maffe pefante que nous por- tons fur les épaules, & qui nous accable par fon poids ; la pierre ne bleffe que la tête, la maffe pefante fe fait fentir juf- qu a la plante des pieds. CHAPITRE XV. Examen du principe général de L'équilibre, D Eux corps pefants étant fufpendus aux deux extrémités d’un levier , lequel eft foutenu dans fa partie moyenne par un point fixe, offrent plutieurs phéno- mènes qui méritent toute l’attention du phyficien ; premièrement, il eft prouvé par l’expérience que les corps A & B étant fufpendus aux extrémités A & B du levier A C B , ( fig. p ) le corp's A agit avec d’autant plus de force contre le Chapitre iJ>. corps B, que ie bras A C du levier eft plus long ; de forte que s’il ed en équili- bre avec le corps B, lorsqu’il ed placé en A , il l’emportera fur ce même corps & l’équilibre fera rompu s’il ed trans- porté en A ; & il en feroit de même du corps B ; la force qu’il exerce contre 1s corps A , augmenteroit s’il étoit tranf- porté en B : ce phénomène , qui ne me paroit pas avoir affez fixé l’attention des phydciens , ed fans doute bien capable de furprendre ceux qui admettent, fans redriéfion , le principe dont nous ayons par é plus haut ( corpus non agit in dif- tans ) & fait voir clairement que ce prin- cipe ne doit s’entendre que de la feule ac- tion immédiate des corps. Nous avons déjà remarqué qu’un corps pouvoir porter fon adion à de trs-gran- des didances, fans que cette a&ion fouf- frit la moindre diminution ; on voit ici quelque chofe de plus frappant encore, puifque dans le phénomène que nous confidérons, l’adion d’un corps contre un autre corps augmen e à proportion ' qu’il s’en éloigne : qui oferoit mainte- nant adurer que ce n’ed pas par une cau- fe méchanique que les adres agiffent les lins fur les autres. Un fécond phénomène qui mérité J .VJ ' d’être obfervé , eft celui - ci ; dans le cas d équilibré, le point fixe ne fout eut jamais qu’un poids égal à la fomme des poids des corps A & B, fcit que ces corps îoient proches , foit qu’ils foient éloi- gnés de ce point, quoiqu’il paroiffe que leur force augmente à proportion de leur éloignement de ce même point. Un troifieme phénomène qui mérite aufii beaucoup d’attention à caufe de fon utilité , ,eft que les corps A & B font équilibre toutes les fois que leurs maffes font en raifon inverfe de la longueur des bras A C , B C du levier auquel ils font fufpendus, c’efi-à-dire, toutes les fois qu’on a A multipliant A C égale B , mul- tipliant B C : c’efhlà le principe général de l’équilibre , dont il importe de cher- cher la caufe. E(fai fur h Mouvement, Pour l’explication de ce principe , les méchanicie s ont fuppofé la force ou la quantité d action des corps en équilibre, égale au produis de leur mafie par la vî- tefie qu’ils rendent: à acquérir, & qu’ils auroient, difenî-ils , s’ils étoient libres de fe mouvoir : ainfi en faifant la mafie du corps A égale M , fa vîtefie égale V ; la vîtefie du corps B égale M , fa vîtefie égale V ; ils ont EV, M V pour expri- mer la force de A, &M V pour expri- mer celle de G; & parce que, en temps égaux , les efpaces l'ont comme les vî- tefîés ils ont fubintué E, efpace que pareouroit le corps A, àfa vîteffe V , & E , efpace que pareouroit le corps S , à fa vîteffe V ; & ils ont E V pour l’expref- don des forces de A & de B , ME, M E refpe&ivem nt, & pour l exprcilion de l’équilibre M E égale M E. Quoique ce principe , qui fait le fon- dement de toute la méchanique , s’accor- de avec l’expérience, & foit, par cette raifon, fuffifante pour conduire un artif- te dans fes travaux, il n’en elf pas moins abfurde & digne d’occuper une place dans l’hidoire des erreurs de l’eOrit humain ; en effet, cette formule ed l’exprelîîon du phénomène , mais elle n’en fait pas con- noître la caufe , & ed, par cette raifon , bien éloignée de contenter un phyfi- cien ; car enfin ccd contre toute vrai- femblan e qu’on aiTure que deux corps en équilibre, tendent à acquérir des vi— tedés proportionnelles à la longueur des bras du levier auxquels ils font fufp n- dus, & que leurs vîtedes croient edeéli- vement dans ce rapnort s’ils étoient li- b es de fe mouvoir ; il ed manif.de que e’eft tout le-contraire, c’ed-à-dire, que ç’ed parce qu’ils ne font pas libres de Chaplin /i. fe mouvoir ; que leurs vîtefles font pro- portionnelles à la longueur des bras du levier auxquels ils font fufpenclns , Sc que s’ils n’étoient pas gênés par la cir- condance où ils fe trouvent, ou qu’ils fuffent entièrement libres de fe mou- voir , i’s auroient l’un Xautre une égale vîtede : d’ailleurs d la vîtede , de- voit entrer dans Fexpreffion de la force de ces corps, la charge du point fixe fe- roit plus grande que la fomme des poids de ces corps , ce qui ed contre l'expé- rience. Effai fur h Mouvement, Deux corps fufpendus aux deux extré- mités d’un levier , & en équilibre autour d’un point fixe, font dans Je même cas que s’ils étoient portés par un fupport, ils n’ont aucune vîteffe ; il feroit donc ridicule de fuppofer leur force égale au produit de leur malle par leur vîteffe ; nous avons vu que la vraie expreffion des corps qui agiffent par leur feule pe- fanteur, devoit être faite égale au pro- duit de leur maffe par la durée de leur aéîion ; & il eff aifé de voir, dans le cas préfent, que la durée de l’a&ion que ces corps exercent l'un fur l’autre, eff pro- portionnelle à la longueur des bras du levier auxquels ils font fufpendus ; pour s’en convaincre, qu’on faffe attention que l’a&ion que ces corps exercent, n’eft pas portée en un inflant jufqu’au point fixe qui foutient le levier, & que lors- qu'elle y eft parvenue, elle devient nulle relativement à ludion mutuelle qu’ils exercent l’un contre l’autre ; la durée de cette adion doit donc être comptée de- puis le moment qu’ils agiflent fur l’ex- trémité du levier auquel ils font fufpen- dus , jufqu’à celui auquel cette adion efl portée jufqu’au point fixe : d’où il fuit évidemment que cette durée efl propor- tionnelle à la longueur des bras du le- vier : donnons plus d’étendue à cette ex- plication. Les leviers doivent être confidérés comme des moyens ou des inflru- ments deflinés à porter l’adion d’un corps jufqu’à un autre corps ; il importe donc de connoître de quelle maniéré ils s’acquittent de cette fondion ; or, quoi- qu’on les fùppofe communément, pour plus de fimplicité, inflexibles & fans pe- fanteur, rien ne nous empêche de les fuppofer flexibles ; cela pofé, fl on fup- pofe aufil que l’adion de la pefanteur conlîfle dans des coups réitérés, dans des intervalles de temps égaux , il efl clair qu’à chaque coup dont la pefanteur frap- pera les corps À & B , les bras du levier Chapitre o. Ejjai fur h Mouvement auxquels ils font fufpendus, feront fléchis fuccefîlvement depuis leur extrémité juf- qu’au point fixe ; or quoique l’adion de la pefanteur foit continue, & que les bras du levier foient inflexibles , il eft évi- dent que les chofes ne peuvent pas fe palier d’une maniéré différente, car fi les corps A & B qui éprouvent cette ac- tion , la tranfmettoient en un mitant juf- qu’au point fixe , elle ne feroit pas fou- tenue par les divifions intermédiaires du levier , ce qui eft contraire à l’expé- rience. Voici donc la feule maniéré de con- cevoir de quelle façon les chofes fe paf- fent : Je poids ou l’adion du corps A, foutenue par le bras du levier AC, eft tranfmife au premier inflanî par la divi- sion i à la divifion 2 ; au fécond biffant, par la divifion 2 à la diviffon 3 ; au troi- fierae inftant, par la divifion 3à la di- vifion 4; au quatrième biffant, pa la divifion 4 au point fixe; & parce que cette adion fe renouvelle à chaque inf- tant , il eff clair qu’à chaque biffant , chaque diviffon du levier, aufix bien que le point fixe , doivent foutenir un poids égal au poids du co< ps A : pareillement l’adion du corps B , foutenue par le bras B C du levier, eff tranfmife au premier Chapitre inflant par îa divifion 6 à îa divifion 5 ; au fécond imfant, par la divifion 5 au , point fixe ; & par conféquent chaque divifion du levier B C & le point fixe doivent foutenir à chaque inflant un poids égal au poids du corps B ; donc le point fixe doit foutenir à chaque inflant un poids égal à la fornme des poids des corps A & B, fans que la charge de ce point puiffe augmenter , quelle que foit la longueur des bras du levier. A l’égard de'i’action mutuelle que ces corps exercent l’un contre l’autre, il faut faire attention qu’elle efl dirigée de bas en haut, ou que chacun de ces corps tend à fouîever celui qui lui efl oppofé ; cette aclion efl donc différente de celle qu’ils exercent contre le point fixe , la- quelle efl dirigés de haut en bas ; & par conféquent on ne doit pas être furpris fi elles ne dépandent pas d’une même cau- fe , ou mieux , fi cette caufe , qui efl la pefanteur , fe trouve différemment mo- difiée pour produire ces deux effets : l’ac- tion que ces cor as exercen t l’un fur l’au- tre efl donc vifibîement proportionnelle à leur poids , & à la durée de leur ac- tion , laquelle efl proportionnelle à la longueur des bras du levier auxquels ils font fufpendus ; parce que chacun de ces corps foutient l’adion de Fautre pen- dant tout le temps que cette adion met pour parvenir depuis l’extrémité du le- vier, auquel il eft fufpendu, jusqu'au point fixe; donc fi les poids de ces corps font en raifon inverfe des bras du levier auxquels ils font fufpendus , ils feront en équilibre. Les formules M V, égale M V, ou ME, égale ME, ne font donc que Fex- preflion du phénomène de l’équilibre , ainfi que nous l’avons dit ; elles nous apprennent feulement que, lorfque deux corps fufpendus aux deux extrémités d’un levier viennent à fe mouvoir , leurs vî- teffes font entr’elles comme la longueur des bras du levier auxquels ils font fuf- pendus, ou que les efpaces qu’ils parcou- rent font dans le même rapport ; mais elles ne font pas connoitre le moment, ou la quantité d’a&ion de ces corps ; pour exprimer cette quantité d’adion, il faut faire la durée de Fadion du corps A égale T ; la durée de Fadion du corps B égale T,leur quantité d’adion fera repréfentée refpedivement par M T, M T ; & Fexpreflion de l’équilibre fera M T, égale M T : formule qui ne doit furprendre perfonne , puifqu’on fait que dans le jeu des machines , on ne gagne Ejjai fur le Mouvement, Chapitre. iC. du côté de l’effet, qu a proportion que l’on perd du côté du temps, & qui fait voir quelle ed la raifon pour laquelle l’adion d’un corps qui agit fur un autre corps par le moyen d’un levier, aug- mente à proportion que la longueur du levier, ou la didance qui l’en fépare , augmente. CHAPITRE XVI. Réflexions fur le mouvement perpétuel. L’AMOUR de la gloire, le défit d’être utile àla fociété, & Jappas d’une ré- compenfe promife à celui qui feroit la découverte du mouvement perpétuel , ont engagé pludeurs phydciens à s’oc- cuper de cette recherche ; mais leurs tra- veaux fur cette matière ont été inutiles jufqu’ici, &le feront vraifemblablement toujours : ce n’ed pas que le mouvement perpétuel foit impofîible, nous en avons pludeurs exemples dans les deux ; maisl celui que l’on demande & qui confide- roit dans une machine méchanique qui pût fe mouvoir par elle-même éternelle-; ment, ed-il pofîible. Soit une fphere folide qui fe meut au- Ejjai fur le Mouvement tour d’un de fes axes, fi on fuppofolt qu’elle n’éprouve aucune efpece de té- liffance , il femble qu’elle devroit le mouvoir éternellement ;en effet, cette fphere eff en repos relativement à elle- même , & parce que chacune des parties qui la composent doit d’elle-même per- fé vérer éternellement dans l’état de repos où elle eff par rapport aux autres, on ne voit pas que cette fphere dût jamais cef- fer de fe mouvoir , & c’eff la raifon pour laquelle nous avons dit que le mouve- ment circulaire étoit éternel par fa natu- re ; mais cela n’eff vrai que dans la fpé- culation , il faut fuppofer que cette fphe- re n éprouve aucune efpece de réliffan- ce ;ce qui eff impofiible, parce qu’on ne peut pas fuppofer quelle fe meut dans le vnide , fon mouvement feroit alors imaginaire ; & li elle fe meut dans un milieu, tôt ou tard la réfiffance du milieu la réduira au repos. Soit une roue qui fe meut autour d’un effieu , & fuppofons qu’on ait trouvé le moyen de rendre nul l’effet du frotte- ment de l’effieu , contre les yeux de la chaffe , dans lefqueîs il tourne, auffi bien que la réfiffance de l’air & tous les obffacles qui peuvent détruire fon mou- vement 3 cette roue leroit alors un mou- vement perpétuel, mais qui ne feroit pas d’une aufîi grande utilité qu’on pourroit l’imaginer , dedinée à mouvoir d’autres corps ou des machines, elle en éprou- veroit une’réfidance oui la réduiroit bien- I # JL tôt au repos ; il faudroit donc , pour remplir les vœux de ceux qui afpirent à la découverte du mouvement perpétuel, trouver une machine qui eût en elle- même un principe moteur qui la mît en état de vaincre, non feulement la rédf- tance des obdacles qui peuvent s’oppofer à fon mouvement, mais encore qui la rendit capable de mouvoir d’autres corps ou d’autres machines, fans per- dre fon propre mouvement, ce qui feroit le fuprême degré de perfection de la mé- chanique, li toutes fois cette quedion. ed de fon reflbrt. Chapitre iC. Si le fydême folaire fe meut perpé- tuellement, ii la machine des animaux, qu’on peut regarder comme un mouve- ment perpétuel, ed dans le même cas, c’ed parce que ces corps ont en eux- mêmes un principe moteur, de la con- noidance duquel nous fommes fort éloi- gnés , & qui ed vraifemblablement ini- mitable ; quelque foit la maniéré d’agir de ce principe moteur , il en réfulte une production de mouvementt &; nous avons Ejjai fur le Mouvement, vu que la produ&ion du mouvement n’ap- partient qu’à Dieu feul. Nous devons donc renoncer à l’efpé- rance , non feulement de pouvoir attein- dre au degré de perfeftion que la nature met dans fes opérations, mais encore d’en approcher; & quoique nos con- noiffances foient très-bornées, & notre pouvoir limité , nous ne fommes pas en droit de nous plaindre , nous devons au contraire nous féliciter des fecours abon- dants que nous avons entre les mains : fans parler de notre propre force , celle des animaux & de tous les agents natu- rels font à nos ordres, il ne dépend que de nous d’en faire ufage : d’ailleurs le mouvement d’une roue qui tourne par l’impulfion de l’eau d’une rivière ou du vent, ne peut-elle pas être regardée com- me un mouvement perpétuel, n’en a-t- --elle pas tous les avantages. L’unique foin d’un Méchanicien doit fe borner à éviter ou diminuer les obf- tacles qui peuvent s’oppofer au mouve- ment des corps , & à l’effet des machi- nes dont il fait ufage pour parvenir à fes fins ; &- parce qu’on trouve dans les ouvrages de méchanique une foule de moyens pour cela, & que je ne fuis pas dans le deffein de donner un traité Chapitre iC, de méchaniqite ; je me contenterai de placer ici quelques réflexions. J’ai déjà prouvé que lapreffion & î’im- pulfion étoient des moyens plus conve- nables pour mettre un corps en mouve- ment , & fur-tout pour le conferver dans cet état, que le choc ou la percufîfion : ici il importe de remarquer qu’une im- pulfion uniforme qui rie différé pas de la prefîion , fuivant la définition que jj’en ai donnée, eit le meilleur moyen que bous ayons pour mouvoir une machine, & en même temps les corps que cette machine doit mettre en mouvement : on fait en effet que la vîteffe d’une roue de moulin qui fe meut par l’impulfion de l’eau s’accélère déplus en plus, & qu’elle ne devient uniforme que îorfque cette roue a fait quatre ou cinq tours ; d’où il fuit qu’il y a dans ce premier moment une partie de la force de l’eau qui eff en pure perte ; & il efl clair que fi l’aélion de l’eau étoit tantôt plus, tantôt moins grande, la vîteffe de la roue augmente- roit & diminueroit alternativement ; mais cette vîteffe après avoir diminué, ne pourroit pas augmenter fans qu’il y eût une partie de la fore© de l’eau de per- due , d’où il eft facile de conclure qu’une Effai fur h Mouvement 9 impulfion continue & uniforme eft la plus avantageufe de toutes. Cette perte de force effc fur-tout con- üdérable, lorfqu’on emploie des hom- mes pour mouvoir une machine, parce que leur aêlion ne fauroit être continue & encore moins uniforme ; c’eft pourquoi je confeilîerois de faire ufage de lim- puliion de l’eau toutes les fois que la chofe eft poùible, parce qu’il eft facile de maîtrifer fon mouvement & de le ren- dre uniforme ; dans les endroits où l’eau n’eft pas aiTez abondante , & dans ceux qui manquent d’eau vive , comme dans les lieux bas , où les rivières & les ruif- feaux ont peu de pente, on pourroit en- core faire ufage de l’impulfion de l’eau en s’y prenant de la maniéré fuivante : il fuffiroit pour cela d’avoir un bafîin plein d’eau, à laquelle , par le jeu des famés , on imprimeroit un mouvement circulaire, que l’on pourroit continuer tout auffi long-temps que Ton voudroit ; il ne# pas douteux que par ce moyen on pourroit donner à une malTe d’eau une vitefle uniforme & allez grande pour mouvoir des tours, des roues de mou- lin , &c. fur-tout li on donnoit au balîin la forme repréfentée ( hg. I0m=. )on voit aifément qu’il faudroit placer les Chapitre iCo roues dans les endroits les plus étroits en A A , & établir le jeu des rames en B B. Le mouvement d’une maflé d eau qui fe meut eirculairement dans un yaiiTeau dont les parois font bien unis , fe fon- dent très-long-temps ; ce qui prouve qu’elle perd peu de fa vîteffe par la ré- iidance que lui oppofent ces mêmes pa- rois ; & que tout fon mouvement feroit employé à mouvoir les machines que l’on expoferoit à fon a&ion : on voit aifément que ce méchanifme rénffirok mieux en grand qu’en petit : on pour- roit en faire l’eflai dans le badin d’un jet-d’eau. 244 Effai fur le Mouvement \ ' ■; CHAPITRE XVII. Proposition huitième. IL ex!(le dans la nature un fluide fuhtil capable de faire graviter les corps vers le t centre de la terre avec une force propor* ticnnelk à leur majfe. v No N feulement les corps fe meuvent dans des milieux , c’efl-à-dire, dans des maffes fluides, mais encore ils font pé- nétrés par un fluide fubtii qui occupe leurs pores , ou les interftices que laif- fent entr’elles les molécules qui les com- pose nt ; or tous ces fluides font nécef- fairement participants aux mouvements des corps, & réciproquement; mais pour avoir une jtifle idée du rôle qu’ils jouent, ou de la maniéré qu’ils fe comportent dans le mouvement des corps , il fau- drait connoître quelques-unes de leurs propriétés , & les diverfes efpeces de mouvement qui leur font propres ; & c’efl de cette recherche que je fuis dans le deffein de m’occuper dans la fuite, pour revenir enfuite fur mes pas , & trai- ter de rechef la plupart des queftions Chapitre iy. précédentes , qui n’ont pu l’être que très-imparfaitement par la difette de principes fuflifants : dans ce chapitre-ci , après avoir dit quelque chofe fur l’exif- tence d’un fluide qui pénétré tous les corps , je ferai connokre les effets dont cette feule propriété le rend capable. 11 feroit affez inutile de m’arrêter long- temps à prouver qu’il édifié dans la na- ture un fluide affez fubtil pour pénétrer tous les corps , puifque cette vérité a été reconnue dès la plus haute antiqui- té ; & que la préfence & l’énergie de ce fluide font atteffées par tous les phéno- mènes : s’il s’eff trouvé quelques Phyii- ciens qui l’ont regardé comme un agent inutile, il s’en eff vu d’autres qui font regardé comme un agent univerfel, & & qui avoit le plus de part à tous les phénomènes de la nature ; il eff vrai que fi ce fluide étoit aufil rare qu’on le prétend, il ne paroît pas qu’il pût pro- duire de grands effets ; mais cela feroit contraire à l’expérience, qui prouve que le tonnerre agit fouvent à la ma- niéré des folides, c’eff-à-dire, qu’il brife & renverfs tout ce qui fe trouve fur lon paffage ; mais le tonnerre n’eft autre chofe que ce même fluide; & il eff clair que fi la matière du tonnerre n’étoit Effal fur le Mouvement 1 • JJ J 7 qu’une matière extrêmement rare , en la multipliant par le quarré de fa viteffe,, laquelle ed peut-être moins grande que celle d’un boulet de canon , on n’auroit pas l’expredion d’une force capable de produire de pareils effets; on doit en dire autant de la matière éledrique, qui ed encore la même chofe que ce fluide ; la commotion & plulieurs autres phé- nomènes de l’éleélricité prouvent fa denfité en même temps que fon énergie. On a vu plulieurs Phyficiens attribuer àce fluide, excludvement à toute au- tre matière, le mouvement &la pefan- teur des corps mais ce na pu être qu’un foupçon de leur part ; ils ne connoif- foient pas affez la maniéré d’agir des flui- des en général, pour comprendre l’ef- ficacité de celui-ci. Tant qu’on a penfé que des fluides grofîlers , tels que l’eau & l’air agiffoient fur toutes les molé- cules d’une malle foumife à leur aêlioii, il nétoit pas podlble d’appercevoir la. vraie maniéré d’agir du fluide dont il ed ici quediort ; mais J’ai fait voir que des fluides affez greffiers, pour ne pas pénétrer dans l’intérieur d’une maffer n’exerçoient leur a&ion que fur la fur- f:ce de cette maffe, ou furies molécu- les qui composent cette iurface, ce qui fufHt pour faire voir l’avantage im- mense qu’a fur de tels fluides celui dont nous parlons ; puifqu il devient évident qu’en pénétrant intimément une malle, il peut exercer fon adion fur toutes les molécules qui la compofent. Si ce fluide peut exercer fon adion fur toutes les molécules qui compofent une rnafle , il efl clair qu’il peut la met- tre en mouvement, ou, li elle en efl; empêchée par un obftacle, lui donner une tendance au mouvement, & même que cette tendance doit être proportion- nelle à fa maffe ; par conféquent on ne doit pas chercher ailleurs la caufe de la pefanteur des corps : on fait affez que c’efl dans l’adion de ce fluide que M.Defcartes l’a voit cherchée; mais il n’étoitpas né- ceflaire pour cela de faire circuler ra- pidement autour de la terre, ou de.le fuppofer divifé en une infinité de petits tourbillons , ainfl que l’ont fait ce Phi- lofophe ou fes parafants ; il fiiflircit de lui fuppofer la même tendance le centre de la terre que v-~ v f,.. dans les corps pefams t«a-mêrne*s. On doit ici 'faire attention que ce fluide ne faufoit faire graviter les corps vers le centre de la terre avec une force proportionnelle à leur mafie , s’il ayoit Chapitre iy. Efai fur le Mouvement, iine vîtexTe acquife ; parce qu alors il ne fauroit exercer une force égale fur tou- tes les molécules qui compofent les corps pelants ; étant évident que les mo- lécules ftipérieures d’un corps pelant raîentiroient cette vitefle ; & par con- féquent qu’il agiroit avec moins de force fur les molécules inférieures que fur les fupérieures ; parce qu’il eft néceflaire que ce fluide éprouve de la r fiftance de la part du corps pefant, puifque fans cela il ne. féroit aucune impreffion fur lui. Il efl: vrai qu’en attribuant la pefan- teur des corps à un fluide fubtil , qui ne leur donne une tendance vers le cen- tre de k terre, que parce qu’il a lui»-- même une pareille tendance; on ne fait que transférer la difficulté, puifqu’il relie à faire connoître la caufe pour laquelle ce fluide a cette tendance ; quoiqu’il en fait , en attendant cette heureufe dé- couverte , voici des phénomènes qui me fontperfer que ceft ce fluide qui tend jweir*r -ement & principalement vers le rre ; ou , û l'on veut, qui eft r. erre* iQ. On fa’î' que le fluide éleélrique, qui efl: vraifemblablement la même chofe que la matière du tonnerre, tend à fe porter vers la terre ; mais le fluide dont nous parlons , ne différé pas, au moins fenflblement, du fluide éleclrique & de la matière du tonnerre ; donc il doit avoir la même tendance. Si on, fait at- tention que ce fluide, lorfqu’ü tft dif- feminé dans ratmofphere , doit être em- barrafle ou empâté par l’air, parce qu’il ne fauroit fe mouvoir fans I entraîner avec lui ; on comprendra qu’il doit fe porter vers les corps dans l’intér ’eur des- quels fon mouvement efl plus libre , & par conféquent fe porter vers le centre de la terre. Chapitre ly. 2°. Pour peu qu’on y faffe attention , il efl: aifé de s’appercevoir que dans les attrapions & réunifions , foit magnéti- ques , foit éleâriques ; le fluide qui for- me ratmofphere , ou qui efl: logé dans les pores de l’aiman ou des corps élec- trifés, efl: premièrement attiré ou repouf- fé; & que c’eft à l’a&ion qu’efl dû le mouvement des corps que l’on foumet à ces expériences ; donc , s’il efl permis d’en juger par l’analogie , c’efl; le fluide fubtil logé dans les pores des corps pe- {ants, qui efl attirerai- la terre, ou qui a une tendance veS fon centre. 3°. Nous avons remarqué , lorfqifil a étéqueftion de îapreflion des corps, pro- duite par la feulepefanteur que la prefliaii EJfai fur U Mouvement, des corps fupérieurs , A A H H ( flg. 6me.) n’étoit pas portée en un indant jufqu’au fupport X;& nous en avons conclu qu’elle n’y étoitpas portée par le moyen des corps folides intermédiaires , qui ne pouvant pas fe mouvoir féparément les uns des autres , étoient incapables de fe tranf- mettre cette aélion fucceflivement des uns aux autres ; & cela ed très-vrai, de quelque maniéré que l’on conçoive que la pefanteur agit; c’ed-à-dire, foitque fon adion confide dans des coups réi- térés à chaque indant, ou dans une im- puldon continue; il ne rede donc qua chercher la caufe de la pefanteur de la made P G dans le fluide qui en occupe les pores ; & pour cela , il fnflit de fup- pofer que A A HHCC DD. ... VV, repréfentent des tranches de ce fluide ; & on verra que les preflious des tran- ches fupérieures fe réuniront toutes à chaque indant dans la feule tranche V V, qui predera elle-même à chaque indant le fupport X avec un nombre de degrés de force égale au nombre des tranches, aind qu’il a été dit en parlant de la pref- flon des fluides. Il ed donc clair , que d la pefanteur des corps dépend de la caufe que je viens d’indiquer, elle doit être proportion» neîle à leur maffe ; & on voit fans peine qu’elle doit fuivre la raifon inverfe du quarrë des didances ; & que cette caiife peut étendre fon aftion jufqu’à la lune , dont la gravitation vers le centre de la terre me paroit venir d’une caufe dif- férente de celle qui fait graviter les pla- nettes vers le foleil : on peut voir ce que j’ai dit fur cet objet, chapitre 7me. On a obje&é contre l’explication des Carthéliens (a ) que ,Jî la pefauteur vp» nolt de t imputjion , elle fcroit égale à t ac- tion du fiuidc qui la produirait : or cejiurt fait dont les Carthéjîens conviennent, que les fluides agijfent en raifon des furfaces des corps qui leur font obflacle ; donc lu pefauteur ffl elle venait de Vimpulflon, fui- vroit la proportion des furfaces ; & une certaine majfe d'or ou de plomb pef croit plus étant divifée en petites parcelles , qu avant fa d. vif on , ce qui efl contraire à l expé- rience» Chapitre ty. Je ne m’arrêterai pas long-temps à réfu- ter cette obje&ion , qui fait voir que., ni les Carthédens , ni les Newtoniens n’ont jamais connu la vraie maniéré d’a- gir des fluides en général, & en par- ticulier de celui auquel j’attribue la pe- (fl) Inftit, neuf, de Sig. a. EJJaî fur h Mouvement, lanteur des corps : on voit rar tout ce qui précédé, que ce fluide exerce une force égale fur chacune des molécules qui compote nt une mafîé pelante , & qu’il exercera de même une for e égale fur chacune des molécules qui compo- feront les parcell s dans lefquelles on aura divile cette maffe ; donc cette maffe doit pefer autant, avant qu après avoir été divifée. Mais li cette maffe éprouvoit un chan- gement conlidérable dans le tiffu de fes parties , ou fi les principes qui la com- pofent étoient altérés au point qu’elle changeât de nature, il peurroit fe faire qu’elle donnât alors plus ou moins de prife à l’adion de la pefanteur, qu’elle n’en donnoit avant ce changement ; & par conféquent qu’elle pelât plus ou moins qu auparavant , fans qu’il y eût addition ou fouftraélion de matière ; l’exemple des chaux métalliques , qui pefent plus que le métail dont elles ont été tirées, lémblent en fournir une preuve. Pour l’explication de ce phénomène; on a dit que, pendant la calcination du métail, le phlogiflique en étoit préci- pité par l’air qui, en fe condenfant, s’u- niflbit àla chaux métallique, & s’y ao. Chapitre, ty. Ciimnloit en affez grande quantité pour en augmenter le poids ; mais cette aug- mentation de poids eff trop conffdéra- ble, & les expériences qu’on a faites, & qu’on apporte en preuve de cette af- fertion, ne font pas affez déciffves, pour ne pas permettre de douter des confé- quences qu’on a tirées. Ce qui fait qu’on cherche la caufe de l’augmentation de poids des métaux cal- cinés , dans une matière qui s’unit à leur chaux , c’eff parce qu’on penfe que dans tous les cas, la maffe ou la quan- tité de matière que contient un corps eff: proportionnelle à fon poids : par exem- ple , on eff perfuadé qu’il n’y a ni plus ni moins de matière dans une livre d’or que dans une livre d’eau, de cire , &c-. & que ff l’eau pefe moins que l’or, fous le même volume, c’eft parce que les mo- lécules d’une maffe d’or font plus rap- prochées que celles d’une maffe d’eau ; ce rapprochement des molécules dont eff compote un corps , eff ce qu’on ap- pelle fa denffté, qui ne peut être que relative , & eff exprimée par le rapport du poids au volume : par exemple, on fait qu’il faut un volume d’eau dix-neuf fois plus grand qu’un volume donné d’or, pour que le volume d’eau pefe autant ËJJai fur le Mouvement J que le volume d’or; donc fi on veut comparer la denfité de l’eau à celle de l’or, on trouvera, lorfque les poids font égaux , que la denfité de For efi à celle de l’eau en raifon inverfe de leur vo- lume , ou comme dix-neuf efi à un. Quoique ce principe foit générale- ment reçu par tous les Phyficiens , je crois avoir de fortes raifons pour le ré- voquer en doute ; & pour penfer que la cire , les gommes , les réfines, &c. con- tiennent beaucoup plus de matière qu’on ne pourroit le conclure par le rapport de leur poids à leur volume. Il mefem- ble que ce principe fuppofe l’homogé- néité de la matière ; car s’il exifie dans l’univers des matières hétérogènes, pour- quoi voudroit-on qu’elles biffent toutes également pelantes lorfqu’elles font en égale quantité , ou, ce qui efi la même chofe , pourquoi leur poids feroit-il la mefure de cette quantité : le poids d’une maffe nous apprend bien Ja quantité de matière propre quelle contient, mais non pas la quantité de matière en gé- néral qu’elle renferme : nous favons qu’une maffe d’or pefe dix fois plus que la dixième partie de cette maffe ; qu’une maffe d’eau pefe quinze fois plus que la quinzième partie de cette maffe;tuais nous ignorons fi une livre d’or contient plus , moins ou autant de matière qu’une livre de cire. Si le fluide dont nous parlons a beau- coup de part à tous les grands phéno- mènes de la nature , il participe de mê- me à toutes les fondions de l’écono- mie animale ; fous le nom de fluide nerveux ou d’efprits animaux , il femble que c’efl lui qui met en jeu tous les ref- forts qui compofent la machine des ani- maux ; il feroit donc bien intéreflant de connoître la maniéré d’agir, &de quelle façon il coopéré aux phénomè- nes que préfentent les animaux : je ne dirai qu’un mot fur cette matière. Je ne penfe pas qu’on doive regarder les nerfs comme des canaux dans lef- quels le fluide nerveux puifîe fe mou- voir ; je luis perfuadé que les gaines, les enveloppes & membranes qui pa- rodient être le réfultat du développe- ment des extrémités nerveufes, font des barrières que les efprits animaux ne pri- vent franchir, au moins avec facilité; parce que s’ils font d’une fubtilité éton- nante , ces produdions des nerfs font d’un tiflu extrêmement ferré , & cela efl: néceflaire pour aflujettir ces efprits à un mouvement réglé : je penfe d’ail** Chapun iy. EJJaI furie Mouvement, Ch, \y. leurs que les efprits animaux font par- tie de la maffe du fang & des humeurs auxquels il fert de véhicule , & avec lefquels il fe meut d’un mouvement com- mun ; de maniéré que le fang qui fe meut par rimpullion du cœur & des arteres î entraîne avec lai : mais d’un autre côté, ces efprits peuvent recevoir d’ailleurs une impulfion ; ils font fournis à la vo- lonté , & fe meuventauffi fou vent fans la participation de la volonté, à Foccalion d’une impreffion faite furies fens ; & alors ils peuvent folliciter le fang & les hu- meurs à fe mouvoir indépendamment de l’impiillion du cœur & des arteres : on voit aifément par ce qui a été dit fur fa maniéré d’agir combien fon ac- tion doit être efficace. FIN, ERRATA. Tag. llg. FAUTES. CORRECTIONS. yiij 18 à ajouter foi à ajouter. 1$ 30 ne le font pas toutes le font toutes; 24 22 cas, pnifqu’elle cas ; & puifqû’ellei 63 24. un courant infini un cours infini.. 89 8 unè qualité' une quantité'. 90 7 même force moindre force;] *81 14 ; *93 30 Fi g. qei Fig. 5 e; 194 12 1 203 14 tranche qui tranche VV qui,1 i bid. 21 de la tranche H de la tranche FF.' 23 6 9 M V égalé M V M V dgale m u. i bid. 10 M E e’gale M E M E e'gale m eJ ibid. 28 MT égalé MT MT e'gale rat; Dans les chapitre i z , 13 & iqe. il faut lire par* tout BB au lieu de H H. Les tranches du fluide, repréj,entées Fig- sc, font cenfées Jitu ees les unes au~dejjiis des autres j la tVÜJlçhe fc a ejlla plus haute ? u u la plus baffe*