DÉVELOPPEMENT DE LA MOELLE EPINIERE ♦ DES RACINES ET GANGLI0NS1RACHIDIENS / PAR / P : : - K LE D" CAMPANA Extraits du Dictionnaire encyclopédique des Sciences Médicales (2* série t. VIII, p. 330 et 3e série t. I, p. 712) PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRE DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE place de l'école de médecine 18 74 DEVELOPPEMENT DE LA MOELLE ÉPINIÈRE DES RACINES ET GANGLIONS RACHIDIENS La formation de la moelle est comprise dans le groupe des formations axiles de l’embryon. Ces formations, les premières de toutes en date, peuvent être considérées comme les plus importantes dans la hiérarchie des caractères organiques, telle que la conçoivent les zoologistes par rapport à la classi- lication naturelle : ce sont elles, en effet, qui confèrent au nouvel être son rang de Vertébré. Les formations axiles qui, sans compter la corde dorsale, comprennent les axes osseux et nerveux céphalo-rachidiens et leurs dépen- dances, se trouvent d’abord confondues ensemble, sans distinction possible de parties, en une masse unique de substance blastodermique. Après quelque temps d’existence commune et confuse, l’état d’indivision prend fin, et une part de substance embryonnaire est attribuée en propre à chacune des formations axiles. Elles acquièrent ainsi une situation, une forme, et bientôt une struc- ture, qui empêche de jamais les confondre l’une avec l’autre. Mais néanmoins ni la forme, ni la composition élémentaire, ni la composition histologique, ni la structure, ni rien, en un mot, de la constitution anatomique olferte en ces pre- miers temps par les organes céphalo-rachidiens, n’est identique à ce qui sera plus tard, à ce qui, par une suite de modifications évolutives et involutivcs, deviendra la constitution anatomique permanente ou parfaite. 11 s’en faut de beaucoup mal- heureusement que nous connaissions la série complète de ces transformations successives; et, même en réunissant les observations faites sur l’homme'ct sur différents animaux vertébrés, nous ne pourrons établir, sans de nombreuses lacunes, l’histoire du développement de la moelle. Ses origines blastodermiques, la manière dont elle s’isole et acquiert, au point de vue morphologique, une exis- tence indépendante, les premiers changements de forme et de rapports, repré- sentent peut-être la partie la plus satisfaisante de nos connaissances sur un sujet si difficile. Leur rapide exposition formera la première partie de cet article ; dans MOELLE (développement). une seconde, nous suivrons les changements qui se produisent dans la moelle spinale depuis le moment où elle a acquis sa complète indépendance, relativement à toutes les formations environnantes, jusqu’à celui où s’achève l'élaboration de la constitulion histologique. Enfin nous terminerons en disant quelques mots du développement de ses enveloppes et de son appareil vasculaire. I. Les observations sur le développement de la moelle recueillies à des épo- ques correspondantes, chez des embryons de mammifères et chez l’embryon du poulet, ont permis de constater que le processus évolutif est au fond le môme de part et d’autre. On peut donc pour l’élude des origines blastodermiques de la moelle, étude qui se confond pendant quelque temps avec celle des origines des formations axiles, suppléer aux lacunes de l’embryologie humaine par l’embryologie du poulet, avec la présomption qu’à ce point de vue elles 11e diffèrent pas essentiellement l’une de l’autre. Nous rappelons donc que la cicatricule ou blastoderme de l’œuf de la poule se montre composée de trois feuillets superposés, après les premières heures d’incubation ; que la portion centrale des deux feuillets supérieurs s’épais- sit en forme de bouclier, et que cet épaississement scutiforme est la première délimitation ou la première ébauche du corps del’embryon. Si 011 examine le bou- clier embryonnaire dans la direction de celui de ses diamètres qui est perpendicu- laire au grand axe de l’œuf, 011 constate que ce diamètre devient le siège d un dépôt ou d une accumulation de substance plastique sur toute son étendue, à l’exception d’une partie assez courte en bas, et d’une autre plus longue en haut. Il en ré- sulte encore un épaississement suivant la portion moyenne-inférieure de ce* dia- mètre, qu’on peut considérer dès à présent comme l’axe du corps de l’embryon ; et il faut remarquer qu’en cet endroit, les feuillets supérieurs et moyens, seuls com- piisdans l’épaississement partiel de l’axe, s’agglutinent ensemble, se soudent en un seul tout, et forment une partie complexe, qui est la bandelette primitive. Ainsi Information du bouclier blastodermique, ébauche primordiale et purement délimitatrve du corps de l’embryon, est immédiatement suivie par l’apparition de la bandelette primitive ; et comme celle-ci n’est autre chose que l’équivalent blas- todermique des formations axiles, ou voit que les premières parties organiques apparues sur le germe sont les parties céphalo-rachidiennes, ou, comme nous le disions plus haut, les parties organiques caractéristiques par excellence du ver- tébré. La bandelette axile est donc produite par une prolifération localisée des deux feuillets supérieurs avec coalescence des parties proliférantes. Mais à peine réali- sée, et par un processus inverse à celui de coalescence, la bandelette se segmente' ou sc décompose en une série de parties, ces parties représentant les divers or- ganes qui étaient en quelque sorte renfermés et confondus dans sa substance. Lesdeux feuillets supérieurs, d’abord unis sur une certaine étendue de l’axe em- bryonnaire, se désunissent maintenant, et il en résulte que la bandelette de l’axe se sépare eu deux couches distinctes, superposées, se continuant parleur pourtour dans les feuillets correspondants, c’est-à-dire dans les feuillets supérieuret moyen. Puis cette continuité de la bandelette avec les feuillets se trouve détruite à sou tour, mais par une voie plus longue et moins directe, et le résultat final est l’in- dépendance, par isolement latéral ou périphérique, des deux couches ou lames superposées de la bandelette axile. Mais déjà, par le fait delà première segmenta- tion effectuée parallèlement à la surface, l’organe dont nous étudions le dévelop- pement peut être distingué de ce qui l’entoure. En effet, la couche supérieure de la bandelette axile représente la portion de substance blastodermique dévolue MOELLE (développement). 5 à la moelle. Celte couche blaslodermique a déjà subi une première élaboration spéciale, au moment de la coalescence avec le feuillet moyeu, et désormais elle s’appellera la bandelette médullaire. Quant à la couche ou bandelette intérieure, nous n’avons pas à nous en occuper ici, et il nous suffit de savoir qu’elle est des- tinée à la production de la corde dorsale et de ces parties très-complexes que nous avons désignées sous le nom de masses vertébrales primitives (voy. Dkv. de l’abdomen, t. I, p. 92 et suiv.). La bandelette médullaire est donc la forme la plus primitive, la plus rudi- mentaire, sous laquelle nous puissions reconnaître et déliminer la moelle. La torme subséquente, dont nous avons maintenant à examiner la production, nous montrera la moelle devenue périphériquement distincte du feuillet supérieur du blastoderme (feuillet corné de llemak, feuillet séreux des anciens auteurs), dont elle n’est en ce moment qu’une partie intégrante, mais déjà spécifiquement mo- difiée. Cette deuxième forme est celle d’un tube cylindrique. L’isolement de Ja bandelette médullaire, sa transformation en tube médullaire se fout simultané- ment, et, au point de vue morphologique, par le procédé de Vinvolution, que sa fréquence rend si familier aux embryologistes. La bandelette médullaire est d a- bord plane, et même légèrement convexe à sa face libre ou dorsale. Mais pendant qu’elle s’accroît, elle semble se ployer suivant son axe longitudinal, de manière à figurer les deux moitiés d’un livre entr’ouvert, ou les deux faces d’un angle dièdre. Le sinus de l’angle est tourné du côté dorsal, et l’arête en est marquée par un léger sillon, qu’on nomme le sillon primitif. La coupe transversale de la moelle représente en ce moment un V à branches très-écarlées ; puis ces branches se courbent légèrement, et la bandelette médullaire, de plane ou légèrement convexe qu’elle était, devient concave et plus ou moins semblable à une gout- tière. Par un mouvement de courbure incessant, les bords de la gouttière s’élèvent au-dessus du niveau du sillon primitif ; et comme ces bords ne sont autre chose que la circonférence même de la bandelette médullaire et son lien de continuité avec le feuillet corné, on conçoit qu’ils doivent entraîner ce dernier dans leur ascension. Les mouvements d’ascension et de courbure se prolongeant au delà du temps où la bandelette est transformée en une gouttière hémi-cylindrique, produisant par leur combinaison le rapprochement des bords de la bandelette et des deux moitiés atte- nantes du feuillet corné. Le rapprochement amène le contact, puis, après le contact, la soudureetla conversion de la gouttière en un cylindre. La ligne desoudure,ou ligne dorsale, comprend naturellement, outre les bords de la gouttière médullaire, les deux moitiés, également soudées l’une à l’autre, du feuillet corné. Ce dernier forme donc, pour la seconde fois, une membrane de surface continue, mais pas- sant en arrière delà moelle et n’ayant plus avec elle qu’une simple ligne d’adhé- rence, d’ailleurs destinée à une prompte disparition. Celle-ci effectuée, la moelle a terminé la première partie de son évolution, et, morphologiquement parlant, elle a acquis une existence indépendante, de manière à pouvoir compter pour un organe distinct. Le procédé suivant lequel se forme le cylindre médullaire nous est maintenant connu dans ce qu’il y a de général et d’essentiel, mais certaines circonstances de cette formation offrent trop d’intérêt pour que nous puissions les passer entièrement sous silence. Par exemple, l’occlusion du tube médullaire se fait dans un ordre dé- terminé, et il ne suffit pas de dire qu’elle a lieu d’une manière progressive et lente, pendant les deuxième et troisième jours de l’incubation chez le poulet. Elle débute, MOELLE ( développement). en effet, sur un point très-élevé de l’axe rachidien, et s’étend de là peu à peu vers les régions inférieures. Quel est au juste ce point initial de la soudure progressive de la fente dorsale du cylindre médullaire? 11 s’est produit, sur cette question, des erreurs considérables qui trouvent leur explication dans la disproportion des ré- gions du rachis entre elles chez l’embryon, par rapport au type proportionnel de ces mêmes régions chez l’animal complètement développé. La solution du pro- blème est aujourd’hui facile à trouver : il suffit, pour cela, d’étudier l’ordre d’ap- parition des masses vertébrales primitives, et par suite des vertèbres elles-mêmes; puis de les faire servir comme points de repère dans la délimitation des diverses ré- gions du rachis. Les masses vertébrales n’apparaissent pas simultanément, et leur apparition proeèdede haut en bas, sans aucune irrégularité ou discontinuité. On en conclut que les premières masses vertébrales qui se montrent à l’observateur ne sont autres que les" premières cervicales, et qu’elles répondent aux vertèbres cervicales les plus élevées. Il paraît d’abord surprenant que de semblables ver- tèbres occupent justement le milieu de la région rachidienne de l’embryon, et que par suite de cette situation elles soient autre chose que les représentants des vertèbres dorsales; mais la seule conclusion qu’il soit légitime d’en tirer c’est que la région céphalique, à cette époque primitive du développement, est d’une lon- gueur extrêmement considérable, et qu’elle occupe à elle seule près delà moitié de la hauleu jtotale de l’embryon. La région cervicale étant ainsi repérée, il de- vient facile de se convaincre que le point de départ de l’occlusion dorsale de la moelle occupe l’extrémité supérieure de cette dernière, et que de là elle se pro- page vers l'extrémité inférieure, sans autre discontinuité que celle qui existe d’une façon permanente dans la région pelvienne, au niveau de ce qu’on appelle en ornithotomie le sinus rhomboïdal de la moelle. Une autre circonstance digne d’être mentionnée est le changement de proportion apparente qui se produit entre les longueurs de la moelle et de la cavité rachidienne depuis le moment de l’apparition des vertèbres jusqu’au terme de leur développement embryonnaire. Même chez l’homme, dès que l’apparition successive des vertèbres est terminée, on voit la moelle remplir complètement et d’un bout à l’autre la cavité rachi- dienne, y compris les régions lombaire et sacrée. Jusqu’au quatrième mois de la vie intra-utérine, l’accroissement en longueur demeure égal pour la moelle et pour la cavité rachidienne. Mais à partir du quatrième mois, l’allongement du rachis, à ne consulter que l’apparence, devient prédominant, et il en résulte que l’extrémité inférieure de la moelle semble remonter d’on mouvement continu dans l’intérieur de la cavité de latige vertébrale. L’ascension est fort lente; au sixième mois, on trouve encore la moelle dans le canal sacré : à la naissance, elle atteint seulement le niveau de la troisième vertèbre lombaire ; elle ne parvient à sa posi- tion définitive, en regard de la première vertèbre lombaire, qu’un certain temps après le terme de la vie fœtale. Nous reviendrons plus bas sur ce point, qui a un intérêt embryologique spécial. 11. Abordons présentement la seconde partie de notre exposition : cherchons à reconnaître la série des modifications et des additions qui permettent au tube médul- laire, don! la constitution est actuellement, très simple, de devenir un organe d’une structure éminemment complexe, comme c’est le cas pour la moelle, à la fin du développement embryonnaire. Danscette étude, nous ne serons pas dans l’obligation d’insister sur les observations fournies par l’embryon de poulet, et nous pourrons mettreà profit divers travaux entrepris sur des embryons de mammifères,ou même sur des embryo n humains. Biddcr et Kupfer, dans un mémoire très-estirné (Unter- ftlOELLE (développement). 7 suchungen über die Textur des Rückenrnarks und die Entwickelung seiner For- melemente, Leipzig, 1857), ont examiné, au point de vue de révolution du tube médullaire, une série d’embryons de brebis, dont la longueur a varié depuis 7 à 8 jusqu’à 27 millimètres. Le même examen a été pratiqué par Kolliker sur des embryons humains, âgés d’un mois à deux mois et demi (Entwickl, d. Menschen u. d. hôheren Thiere, Leipzig, 1861). C’est principalement à ces auteurs que nous emprunterons le fond de notre description, tout en ne renonçant pas à uti- liser des recherches plus récentes, mais qui se rapportent principalement à l’histologie et à l’histogénèse des centres nerveux. Le tube médullaire, examiné dans le temps où s’opèrent le contact et la soudure des bords de la fente dorsale, se montre composé d’une substance translucide, d’une matière protoplasmatique, an premier coup d’œil dépourvue de structure. L’actiou des agents coagulants révèle pourtant que cette substance, de même nature en tous ses points, consiste en un tissu de cellules embryonnaires, sem- blables entre elles, pourvues de noyaux, légèrement allongées, très-régulièrement posées les unes à côté des autres, et disposées en ordre rayonnant, suivant les rayons mêmes du tube médullaire. Franz Boll a récemment étudié la formation de la substance des hémisphères cérébraux, sur des embryons de poulet, du troi- sième au quatrième jour de l’incubation, époque qui ne s’éloigne pas beaucoup de celle qui nous intéresse en ce moment pour la moelle. lia trouvé,au tissu ner- veux naissant, une structure plus compliquée et plus significative que celle que nous venons d’indiquer; et je désire brièvement la faire connaître ici, parce qu’il ne me semble guère possible de supposer qu’il existe aucune différence bien importante entre le tissu nerveux du cerveau et celui de la moelle, dans la période initiale de leur formation. Suivant Boll (Die Histiologie und llistiogenese der nervôsen Cen- tralorgane, 8"; Berlin, 4875, p. 106, tig. 15), la substance encéphalique eu voie de développement, à laquelle, pour ma part, je crois pouvoir joindre la substance du cylindre médullaire (fig. 1, a), se compose de trois éléments histologiques dis- tincts : des cellules, des noyaux, et une masse fondamentale intermédiaire. En raison de la grande importance du sujet, nous allons suivre séparément l’évolution de ces trois éléments. 1° Au point de vue fonctionnel, l’élément le plus important est le premier; il représente en effet, sous une forme primitive, les cellules nerveuses de la sub- stance grise. Aux troisième et quatrième jours de l’incubation, chez l’embryon de poulet, elles ont un contour arrondi, très-régulier et très-net; leurs noyaux sont très-gros et pourvus d’un nucléole presque invariablement unique. Au septième jour, il n’y a guère de changé aux cellules que la forme du contour : elle est deve- nue irrégulière ou même déjà polygonale. Puis les angles appaéaissent plus aigus, s’effilent en s’éloignantdu centre de la cellule, et produisent finalement ces pro* longements bien connus des cellules nerveuses, en tout semblables aux cyihiorca- axes des fibres nerveuses. Après le quatorzième jour, toutes les cellules nerveuses possèdent deux ou plus encore de ces prolongements, munis de varicosités, sans ramifications visibles, se terminant par des extrémités libres, dénués de structure (ibrillaire, et, sous tous les rapports, identiques entre eux. Boll n’a pu suivre leui développement ultérieur ; en sorte que la distinction faite entre les prolonge- ments des cellules nerveuses par Deiters (Untersuchungen über Gehirn und Ruckenmark d. Menschen, u. d. Saiigethiere, hrsg. v. M. Sciioltze; Bransehw., 1865, 8°, p. 55 et suiv.), et consistant en ce que l’un de ces prolongements, d’abord extrêmement fin, puis augmentant de volume, mais demeurant toujours MOELLE (développement). indivis, et devenant le cylindre-axe d’un véritable tube nerveux des racines anté- rieures, tandis que les autres prolongements offrent des ramifications successives nombreuses, n’est pas encore du domaine des faits accessibles à l’analyse embryo- logique. Il en est de même pour le réseau de fibres nerveuses fines, qui résulte des subdivisions et des anastomoses réciproques des prolongements ramifiés des cellules nerveuses,réseau découvert par Gerlach, comme on sait, et décrit par lui comme une des parties constituantes principales delà substance grise centrale de la moelle (Handbucli d. Lelire v. d. Geweben d. Menschen u. d. Thiere, lisrg : v. Stricker. Leipsig, 1870, IV Lief., p. 683). On doit de nombreuses observations sur l’origine et l’évolution des cellules nerveuses au professeur Ch. Robin. Elles ont été recueillies en grande partie sur des embryons de batraciens anoures et modèles, mais non à l’exclusion, pour un cer- tain nombre de points intéressants, des embryons soit de mammifères, soit de l’homme Nous tenons à les résumer à cette place, pour faire connaître la doctrine de leur auteur et pour combler, autant que possible, les lacunes que laisse subsister le travail d’histogenèse précédemment cité. Suivant Ch. Robin (Anatomieetpliysiologie cellulaires, etc., 1875, Paris, art. vii, p. 329et suiv.), les cellules multipolaires ne sont autre chose, à l’origine, que des myélocytes. Les myélocytes sont de simples noyaux libres, d’origine blastodermique ou vitel- line ; ils proviennent de la multiplication, par scission, des noyaux de certaines cellules embryonnaires, appartenant à cette portion du feuillet blastodermique superficiel qui, par son involution longitudinale, produit la gouttière et le cylindre creux, formes initiales du système nerveux central. Toutes les cellules du névraxe creux primitif, sauf celles de la superficie soit interne, soit externe, sont de nature nerveuse, et destinées à fournir des myélocytes. Le noyau de chacune d’elles, par une série continue de scissions en deux, fournit, chez les embryons de batraciens, de vingt à vingt-cinq myélocytes. Ceux- ci deviennent alors des éléments indépendants, grossissent pendant quelque temps, puis se segmentent à leur tour, absolument comme l’avait fait précédem- ment le noyau de la cellule b astodermique dont ils dérivent. La multiplication des myélocytes est alors achevée. Ils pâlissent, deviennent sphériques, et entrent dans une nouvelle phase de leur évolution, phase caractérisée par la production d’un mince et pâle filament à l’un de leurs pôles, ou à deux pôles opposés. La substance des filaments offre les memes caractères que la substance des cylindres- axes. Ils deviennent longs de un à plusieurs dixièmes de millimètre, présentent des varicosités sur leur trajet, et se bifurquent ou même se trifnrquent à quelque distance de leur point de contact avec le myélocyte. Plusieurs se rendent direc- tement d’un myélocyte à un myélocyte voisin, et les relient entre eux. Pour com- pléter la formation de la cellule nerveuse, il manque seulement un corps de cellule qui vienne envelopper le myélocyte : car celui-ci est destiné à devenir le noyau de l’élément cellulo-nerveux parfait. La production de ce corps de cellule a lieu par la simple extension, autour du myélocyte, de la portion du filament en contact avec lui, cette extension résultant uniquement, bien entendu, de la genèse continue de la substance du filament autour du pôle que représente le point de contact du myélocyte avec le filament. Plusieurs des particularités qui viennent d’être relatées ont été retrouvées par Ch. Robiu sur divers embryons de mammifères. Sur un embryon humain, long de 8 millimètres, et dont, par suite, 1 âge peut être estimé à trois semaines, il a vu que les cellules nerveuses du cylindre médu faire, de même structure que celles du cerveau,cl disposées en groupes ou MOELLE (développement). 9 faisceaux assez serrés, consistaient chacune en un myélocyte grisâtre, finement granuleux, ovoïde ou arrondi, long en moyenne de 7 millièmes de millimètre, et muni à ses deux pôles d’un mince filament cylindriqne, variqueux, très-pâle, et large de 1 millième de millimètre. Entre les deux filaments, nul corps de cellule ne recouvrait encore la surlace du myélocyte, c’est-à-dire du noyau du futur élément cellulo-nerveux complet. Je noterai, comme une circonstance digne d’attention, qu’il a été constaté par W. Ilis (Untersucli. ub. d. erste Anlage d. Wirbelthier- leibes, 4°, 1868, Leipzig, p. 117) que, chez les embryons de poulet, le cylindre médullaire, vers le commencement du troisièmejour de l’incubation, est.formé de cellules dont le noyau sert de centre à un fin réseau de minces filaments qui traversent en tous sens le corps ou protoplasma de la cellule. 2° Dans la substance nerveuse en voie de développement, chez l’embryon de poulet, Fr. Boll a remarqué, en dehors des cellules nerveuses en voie de forma- tion, des éléments d’une tout autre nature, disséminés en très-grand nombre au milieu d’elles. Ce sont plutôt des noyaux que des cellules. Ils sont sensiblement plus petits que les cellules nerveuses primitives, telles que les admet Boll; tou- jours nucléoclés, ils contiennent presque invariablement plusieurs nucléoles ; ils sont limités par un double contour, caraclere distinctif très-net ; enfin leur aspect, leurs dimensions paraissent à peu près invariables aux diverses périodes du développement, comme on peut s’en convaincre en comparant ceux du troi- sième jour de l’incubation à ceux du huitième jour. Au point de vue morpholo- gique, ces noyaux seraient l’élément essentiel de la névroglie ou substance con- jonctive spéciale des centres nerveux ; cette dernière résulterait de la confluence des corps de cellules de tissu conjonctif, dont les éléments actuellement en ques- tion seraient les noyaux. 5° La substance fondamentale, intermédiaire aux éléments figurés, de nature conjonctive spéciale, et dont je viens de relater l’origine possible, sinon démon- trée, est le troisième et dernier élément histologique rencontré par Boll dans le cylindre médullaire. C’est une substance de nature albuminoïde, ayant exacte- ment la structure et les caractères du protoplasma, tels qu’on peut les étudier sur les corpuscules du pus. Dès que la substance du névraxe devient vasculaire, et qu’elle reçoit des vaisseaux venus de la pie-mère, c’est-à-dire vers le commen- cement de la deuxième semaine de l’incubation, elle présente deux phénomènes importants et dont la durée est notablement longue. Le premier de ces phéno- mènes consiste dans une tendance très-manifeste des granulations répandues dans la substance fondamentale intermédiaire à se ranger en séries linéaires, de manière à produire plus ou moins l’aspect d’une fine striation de la substance fondamentale elle-même. Le second phénomène est simplement l’augmentation rapide et progressive, proportionnellement aux éléments figurés, de la substance fondamentale. Déjà sensible dès le commencement de la seconde semaine de l’in- cubation, l’augmentation devient tout à fait prédominante du douzième au qua- torzième jour, et ou en peut juger par l’écartement très-considérable des éléments figurés entre eux. Enfin, la transformation des séries linéaires en véritables fibrilles donne à ia masse fondamentale l’aspect que revêt définitivement le tissu conjonctif dans la substance grise des centres nerveux, et qui, dans le cerveau, constituerait, paraît-il, une grande partie de l’écorce des hémisphères. La substance fondamentale intermédiaire, dont il vient d’être question, est la même qui a donné lieu à tant de discussions, sous les noms de névroglie (Vir- chow, 1856), de. substance conjonctive réticulaire (Kôlliker), ou conjonctive MOELLE (développement). spongieuse (M. Sclmllze). Ch. Robin, de même que plus tard Henle et Mcckel, a beaucoup et justement insisté sur les caractères de toute nature qui différen- cient la névroglie des substances connectives. Pour lui, la névroglie, ou plutôt la substance amorphe cérébro-spinale, se distingue essentiellement des substances conjonctives, même par l’origine embryonnaire et par la genèse, c’est-à-dire par le côté qui nous intéresse essentiellement ici. Il n’existerait, en effet, dans la portion nerveuse du névraxe creux, à l’époque où se termine la formation de la première série de myélocytes, rien autre chose que ces myélocytes eux-mêmes. Leur scission amène la formation de la seconde [série de myélocytes, de ceux qui entrent à titre de noyaux permanents dans la constitution des cellules nerveuses; et c’est entre ces myélocytes définitifs, au moment où leur formation arrive à terme et où le névraxe commence à se vasculariser, qu’apparaîtrait, pour la pre- mière fois, par une genèse directe sur place, la substance amorphe intermédiaire spéciale aux centres nerveux. On voit que la différence essentielle entre cette doc- trine et celle de Coll, gît surtout dans l’admission, par ce dernier auteur, d’un élément de cellule spécial, rapporté au noyau des cellules conjonctives, et dont le corps, ou protoplasma, confondu avec celui des noyaux voisins, constituerait d’abord la névroglie sous son état amorphe, et, au terme d’évolution de ce pre- mier état,le tissu connectif spécial, tissu d’une structure encore trop discutée, qui appartient en propre aux centres nerveux. D’après ce qui précède, le lecteur aura pu comprendre que la partie la pre- mière formée de la moelle, partie configurée en un cylindre creux, représente à peu près exclusivement la masse de substance grise de l’organe parvenu à son entier développement. Il me semble même pouvoir émettre cette opinion ; qu’au point de vue morphologique, cette première forme tubaire, sous laquelle le névraxe se rend distinct de la masse consti- tutive commune, est rigoureusement assimilable au canal de i’épendyme, dont la cavité, développée au summum , pendant la vie embryonnaire et la genèse des tissus spéciaux de la moelle, subirait ensuite une atrophie progressive, de manière à ne plus laisser que le vestige de son existence dans l’organe com- plètement. développé. Bien- des circonstances me paraissent venir à l’appui d’une semblable interprétation : ainsi la substance blanche, comme nous le montrerons dans un instant, est une formation purement secondaire, consistant principalement, peut-être exclusivement, dans l’accession ou le raccord du système nerveux périphérique aux centres nerveux. L’anatomie comparée montre que l’accession de substance blanche aux parties essentielles de la moelle, se fait à des degrés très-variables. L’existence, chez certains animaux (insectivores, chéiroptères), d’une queue de cheval très-longue, avec une moelle en apparence très-courte, s’expliquerait, suivant moi, très-facilement par le défaut de jonction et par la simple juxtaposition des parties correspondantes, blanche et grise, de la région inférieure delà moelle. Obligé de me restreindre autant que possible aux faits d’ordre embryogénique, je me contente d’alléguer, à l’appui de mes opinions, Fig. 1*. 1 Fig. 1. Coupe transversale de la portion cervicale de la moelle d’un embryon humain, vers la fin du px'emier mois de gestation. a, Revêtement épithéliforme de la cavité centrale ; b, substance grise ; e, noyau plus dense de substance grise, placé dans la corne antérieure, et servant d’origine à la racine antérieure; d, faisceau postérieur de la substance blanche, en voie de développement ; e, cavité du canal de l’épendyme ; f, faisceau antéro-latéral de la substance blanche, dans lequel la portion antérieure est seule apparue en ce moment. .MOELLE (développement). que l’inégalité de croissance en.long, entre le rachis et la moelle, à un moment donné delà vie embryonnaire, inégalité qui succède à une période initiale de parfaite égalité, n’est en somme qu’une pure apparence. Le filet terminal de la pie-mère, en effet, n’est pas exclusivement constitué par la pie-mère, comme beaucoup le croient à tort : il comprend, dans son épaisseur, l’extrémité inférieure du cylindre médul- laire, et chez l’adulte, la terminaison du canal de l’épendyme dans son état normal d’atrophie plus ou moins complète. En sorte que la moelle, sinon au j oint de vue de la constitution histologique, du moins au point de vue purement orga- nique et embryogénique, et dès lors qu’on la restreint à sa partie morphologique essentielle, qui me paraît être le canal de l’épendyme, possède la même longueur que la dure-mère et la cavité rachidienne. Mais abandonnons cet ordre de considérations purement doctrinal, pour re- prendre l’étude des changements que subit, au fur et à mesure de son évolution, le tube médullaire, que nous connaissons présentement dans ses origines blasto- dermiques, son mode producteur, et sa composition en éléments anatomiques. D’après les observations recueillies sur les embryons de poulet, le tube médullaire a pour section normale une ellipse médiocrement allongée. Sa paroi est épaisse, notamment sur les côtés, et, par suite, la cavité est circonscrite par une deuxième ellipse plus allongée que celle du contour externe. Les premières modifications imprimées à cette forme par les progrès de l’évolution ont pu être constatées sur des embryons humains, d’un mois et au delà, par Kôlliker, ou sur des embryons de brebis de 7 jusqu’à 12 millimètres de long (voij. lîg. 2), par Bidder etlvupfer; dans les deux cas, ces modifications étaient très-analogues. La cavité ne montrait aucune tendance au rapprochement de ses parois dans le sens antéro-postérieur ; dans le sens latéral au contraire, le rappi ochement était assez prononcé pour acheminer la cavité à dégénérer en une simple fente. Simultanément la substance de la paroi, ou substance grise, faisait presque défaut aux extrémités du diamètre antéro-postérieur pour s’accumuler le long des faces latérales. L’accumulation sur ces faces était en outre fort inégale, très-médiocre en arrière, très-eonsidé- dérable en avant, en sorte que la coupe affectait une figure ovale ou plutôt pyri- forme, à grosse extrémité tournée en avant. On pouvait voir aussi que la sub- stance grise était répartie en quatre amas de forme olivaire, continus entre eux, mais pourtant nettement distincts, les deux plus considérables situés en avant. Ces amas reproduisaient par leur ensemble un premier vestige de la forme qua- drangulaire de la substance grise, à l’époque du développement complet, avec la prédominance en volume des cornes antérieures. 11 semble que le rétrécissement en sens latéral de la cavité centrale ait lieu en conséquence du dévelopjiement de ces quatres masses de substance grise placées sur ses côtés, et les comprimant en sens opposé : conception purement imaginaire, mais qui retrace d’autant mieux les phénomènes morphologiques que précisément au centre de ces masses, c’est-à- dire au niveau du point de leur moindre développement, la cavité centrale offre un élargissement losangique remarquable (voy. fig. 1 et fig. 2, b), qui ne se montre que secondairement : chez les embryons de brebis, par exemple, seu- lement lorsqu’ils ont dépassé la longueur de 7 à 8 millimètres. En sus des changements survenus dans la configuration et les dimensions de la cavité centrale et de la paroi du tube médullaire, nous avons à examiner l’appa- rition de parties entièrement nouvelles, dont les unes semblent venir s’ajouter, comme couches de dépôt, à la périphérie du tube, tandis que Ls autres surgissent dans la continuité de sa masse, comme par simple différentiation histologique 12 MOELLE (développement). Les premières deœes parties ne sont autre chose que les faisceaux de substance blanche de la moelle ; les secondes comprennent la couche épithéliale de l'épen- dyme, la commissure antérieure, et le groupe des grandes cellules nerveuses, destinées à entrer en connexion, dans la corne antérieure, avec les fibres des ra- cines motrices. Déjà dans les embryons de brebis qui ont atteint 7 à 8 millimètres de longueur, ces grandes cellules forment un petit amas arrondi qui, sur les coupes, se distingue de la subtance grise environnante par sa coloration plus loncée. On les voit également bien sur les embryons humains, vers la fin du pre- mier mois de la conception (fig. 1, c), et, dans les deux cas, on peut constater au milieu d’elles la présence d’un faisceau de fibres nerveuses, continues avec celles des racines antérieures. A la même époque, les cellules qui avoisinent im- médiatement la cavité centrale du névrave commencent à se distinguar de celles qui en sont plus éloignées ; leur diamètre s’allonge dans le sens perpendiculaire à Taxe de la cavité, et elles revêtent peu à peu l’aspect d’une couche d’épithélium prismatique, composée de trois à quatre rangées de cellules. Peu de temps après, c’est-à-dire chez les embryons de brebis, de 9 à 10 millimètres de long, ou chez des embryons humains de la sixième semaine, on voit nettement passer au devant du canal de l’épendyme une couche de fibres nerveuses horizontales transversesqui, à mes yeuxdu moins,représentent exactement la couche fibro-nerveuse antérieure de la commissure grise. L’épithélium du canal central confine immédiatement à ces libres, en avant, c’est-à-dire au niveau du futur sillon antérieur delà moelle ; tandis qu’en arrière, l’épithélium épendvmaire n’est recouvert par aucune partie nerveuse, et se montre à nu sur la ligne où plus tard .existera le fond du sillon postérieur. C’est une circonstance qui vaut la peine d’être notée, parce que le peu de résistance de la paroi de la cavité centrale sur celte ligne dorsale, où elle n’est pas soutenue par le tissu nerveux, occasionne une facile déchirure pendant les manipulations anatomiques. La déchirure demeure facilement inaperçue et là est le point de départ de l’erreur accréditée depuis Tiedemann (Bildungsgeschichte des Gehirns) : que le névraxe, chez l'homme, demeure ouvert sur la ligne pos- térieure, jusque veis le milieu de la vie fœtale. Un peu [dus tard seulement, par exemple sur des embryons de brebis de il à 12 millimètres de long, apparaissent les faisceaux de substance blanche ; à cette époque, non-seulement les racines et les ganglions rachidiens, mais encore la par- tie initiale des nerfs spinaux existent déjà. Les faisceaux antéro-latéraux naissent avant les autres. C’est tout à fait en avant, à l’endroit où les fibres antérieures de la commissure grise plongent dans les cornes anté- rieures de la substance grise, qu’on les aperçoit tout d’a- bord, sous l’aspect de minces bandelettes, circonscrivant les côtés du sillon antérieur, pour ainsi dire à l’état nais- sant, de la moelle (fig. 2, e). Le faisceau postérieur de la substance blanche se montre ensuite, longeant la ligne médiane postérieure (fig. % g). L’accroissement des faisceaux de substance blanche produit, comme résultat principal, une sorte à'enveloppement pro- gressif du tube médullaire. Cette couche périphérique ou corticale blanche est Fig. 2 •. Fig. 2. Coupe de la moelle d'un embryon de brebis, long de i 1 à 12 millimètres. a, Paroi épithéliale du canal central ; b, élargissement losangique de la cavité centrale; c, cornes delà substance grise ; d, faisceau des fibres antérieures de la commissure grise; e, faisceau antéro-latéral de la substance blanche de la moelle dure-mère; rj, faisceau MOELLE (développement). d’une épaisseur minime d’abord, mais plus tard, elle devient prédominante, à la surface du névraxe primitif représenté seulement par la substance grise. Pendant que le faisceau postérieur s’étend, en sens transversal, de la ligne médiane postérieure à la ligne médiane antérieure, le faisceau antéro-latéral s’é- tend pareillement et, avec une vitesse plus grande, de la ligne médiane antérieure à la ligne médiane postérieure. Par suite de ce double mouvement en sens inverse, la rencontre et la soudure réciproque des faisceaux doit nécessairement se pro- duire, sur les côtés de la moelle, à un moment donné. Cela arrive, en effet, sans qu’on ait observé aucun indice d’une production séparée de substance blanche ner- veuse pour le faisceau latéral. Celui-ci, au point de vue embryologique, demeure totalement indistinct du faisceau antérieur, d’après les observations de Bidder et Kupfer, confirmées par celles de Kôlliker, et contrairement à l’opinion admise sur ce point par Bemak. Chez les embryons de brebis qui atteignent de 16 à 18 millimètres de long, le cordon antéro-latéral, dans son mouvement tournant, a déjà dépassé la ligne d’émission des racine antérieures, et s’approche très-près de la ligne d’émission des racines postérieures. Les progrès du faisceau postérieur sont bien plus lents, et à la même époque, il n’a pas encore atteint la ligne d’é- mission des racines postérieures. Sur les embryons humains, un semblable état des faisceaux peut-être constaté vers la fin de la sixième semaine après la concep- tion. Enfin, sur les embryons de brebis de 50 millimètres de long, ou sur les em- bryons humains de 9 à 10 semaines, la formation des cordons de la future sub- stance blanche est complète, en ce sens du moins qu’ils forment une ceinture non-interrompue au névraxe gris. Examinés dans le sens longitudinal, on les voit s’arrêter bien au-dessus de l’extrémité inférieure du tube médullaire primitif, et se termine par un sommet effilé: forme et situation qu’ils conservent d’une manière permanente. Nous ne connaissons le développement histologique de la substance blanche de la moelle que d’une manière bien incertaine. Nous essayerons néanmoins de donner une idée de l’état où les recherches les plus récentes ont porté cette partie de la science. I ne nous est pas possible d’exposer un ensemble doctrinal de faits in- contestables ; mais en profitant de toutes les notions définitivement acquises en histologie et en embryologie, et en acceptant quelques données hypothétiques à titre complémentaire, on peut parvenir à une conception à peu près complète du sujet, ce qui est préférable à un amas non-coordonné de détails que rien ne relie entre eux, et que l’esprit a par suite plus de peine à saisir et à retenir. D’après Remak (Untersucliung über die Entwickelung der Wirbelthiere, 1855 ; p. 89), le tube médullaire- chez l’embryon de poulet se compose de deux couches concen- triques, au cinquième jour de l’incubation: l’interne, de nature celluleuse, de- viendrait à la fois l’épithélium du canal central et la substance grise de la moelle-, l’externe, fibro-nerveuse, serait une couche spéciale, dont nous n’avons point parlé jusqu’à présent, et qui deviendrait l’aboutissant des racines des nerfs et des commissures; enfin, les cordons médullaires se développeraient en dernier lieu, comme une troisième et dernière couche de l’organe en voie de formation. L’exis- tence de cette couche particulière de fibres nerveuses transversalement situées, qui d’après Remak, viendrait s'interposer à la substance grise et aux fibres longitu- postérieur; /<, racine postérieure ; i, ganglion rachidien ; j, racine postérieure au delà du ganglion ; h, racine antérieure, en communication avec l’amas des grandes cellules nerveuses de la corne antérieure ; I, mcmbrana rcuniens superior de Rathke, ou arc vertébral à l’état membraneux. 14 MOELLE (développement). (linales des cordons, modifierait sensiblement la conception du développement histologique de la moelle ; mais les recherches de Bidder et Kupfer, confirmées par celles de Kolliker, en autorisent le rejet. Nous admettons, par conséquent, que le développement des cordons a lieu au contact immédiat de la substance grise, et, de cette manière, l’origine des connexions qui existent entre les cordons et la substance grise, au terme du développement, devient plus facile à comprendre. Les embryologistes qui viennent d’être cités conçoivent absolument de la même ma- nière la structure primitive des cordons naissants de la moelle {voy. fig. 2) ; ils consistent alors en une masse de substance homogène, incolore, diaphane, presque vitriforme, traversée par des faisceaux, tous longitudinaux et parallèles, défibrés très-fines. Par suite de la présence de ces fibres, dans toutes les coupes longitu- dinales la substance intermédiaire fondamentale paraît finement striée en long, tandis que sur les coupes transversales elle paraît simplement ponctuée. Ces fibres sont des cylindres-axes, et on peut assez facilement les obtenir isolées Quant à la substance fondamentale, les auteurs précités ne savent au juste ni quel est son rôle, ni à quoi elle répond ; ils déclarent seulement qu’elle ne renferme ja- mais soit des cellules, soit des noyaux. Enfin, ils supposent que les cylindres- axes des faisceaux de substance blanche en voie de formation ne sont que la con- tinuation des prolongements des cellules nerveuses de la substance grise. En recourant aux travaux les plus récemment consacrés à l’étude de la genèse de la substance blanche de Y encéphale o\\ des nerfs périphériques, et en essayant de suppléer par ce moyen au défaut de recherches directes sur le développement des cordons delà moelle, il me semble possible d’augmenter les notions, évidemment insuffisantes, que nous venons d’exposer. On pourra objecter qu’il y a inconvénientde transporter à un organe des connaissances acquises sur un autre ; mais l’incon- vénient ne me paraît nullement grave dans le cas actuel, attendu qu’il est par trop invraisemblable, quoi qu’on ait pu eu dire, que la production de substance blanche diffère d’une manière essentielle dans les deux centres nerveux et même dans les nerfs. En procédant de la sorte, je me trouve conduit à admettre que les cordons de la substance blanche médullaire ne sont pas histologiquement consti- tués, au moment de leur apparition, comme il a été dit ci-dessus. Ils ne consis- tent pas alors, d’une manière exclusive, eu un faisceau de cylindres-axes engagés dans une masse de substance fondamentale-intermédiaire. Franz Boll, en effet, a vu chez l’embryon de poulet, au quatrième jour de l’incubation, que la future substance blanche encéphalique est uniquement composée de cellules Celles-ci sont de deux espèces: les unes arrondies ou légèrement anguleuses, les autres fusiformes. Il n’y a point mélange, mais parfaite séparation entre elles. Les cel- lules fusiformes sont rangées en faisceaux parallèles, juxtaposées et orientées de manière à ce que leur grand axe soit parallèle à l’axe des faisceaux ; les cellules arrondies se suivent en séries linéaires simples ou complexes, interposées aux fais- ceaux fusiformes ; enfin, les faisceaux et les séries se succèdent alternativement, un par un, avec la plusgrande régularité, de manièrequ’un faisceau est séparé du faisceau suivant par une série cellulaire et réciproquement. Du quatrième au sixième jour de l’incubation, on voit les extrémités effilées des cellules fusiformes se comporter absolument comme les angles des cellules nerveuses primitives de la substance grise : elles se convertissent en longs filaments variqueux, présentant tous les caractères des véritables cylindres-axes. On ne peut s’empêcher d’être frappé de la concordance de ces observations avec d’autres que l’on doit au profes- seur Ch. Robin, et qui sont relatives à la genèse des tubes nerveux périphériques. MOELLE (développement). 15 Le point essentiel de cette concordance, abstraction faite des dissidences d’inter- prétation, gît pour moi dans ces deux faits : que les nerfs en voie de formation sont composés d’éléments fusiformes juxtaposés, fasciculés, tous parallèles et orientés de même, et que les faisceaux d’éléments fusiformes se convertissent directement en faisceaux de fibres ou de tubes nerveux (anat. et phys. cellulaires, p. 414). A partir du sixième jour de l’incubation, cliez le poulet, on ne trouve plus trace d éléments fusiformes dans les faisceaux des cylindres-axes. Ces faisceaux ont alors la meme structure que celle décrite plus liant, d’après Remak et ses successeurs, comme structure primitive des cordons médullaires. Les séries li- néaires de cellules arrondies, que nous avons dit être régulièrement interposées aux faisceaux de cylindres-axes, ne présentent que des modifications insensibles pendant presque toute la durée de la vie embryonnaire. On peut à peine douter qu’elles représentent les éléments cellulaires de la névroglie de la moelle, c’est- à-dire la portion centrale des cellules de Deiters. On sait, en effet, que les innom- brables septa, qui subdivisent la substance blanche de la moelle, de même que sa substance grise, sont exclusivement composées, en dehors des vaisseaux et de la légère couche de tissu fibrillaire conjonctif qui les accompagne, de cellules de Deiters et d’un peu de substance granuleuse. Or, précisément, les noyaux de ces cellules de Deiters, placés dans les lignes d’intersection des cloisons, se succèdent en séries linéaires, parfaitement analogues à celles que nous avons décrites à propos de la formation des faisceaux de la moelle. La production de myéline, à laquelle la substance blanche nerveuse doit prin- cipalement son aspect si différent de la substance grise, est le dernier phénomène, suivant l’ordre chronologique, dont nous ayons à parler, à propos de la formation de la substance blanche. 11 ne commence, chez le poulet, que le troisième ou le quatrième jouravant l’éclosion, pourcontinuer encore deux ou trois jours au delà. Dès le seizième jour de l’incubation, la substance fondamentale, intermédiaire, au sein de laquelle sont plongés les cylindres-axes, perd de son homogénéité; elle tend à s’infiltrer de granulations fines, douées des qualités réfringentes pro- pres aux substances grasses. Cet aspect se prononce davantage les jours suivants par suite de l’apparition de nouvelles granulations semblables aux premières, et de l’augmentation de volume de celles qui existaient déjà. Au moment del’éclosion la plupart des cylindres-axes apparaissent comme entourés d’une mince enveloppe formée de ces grains de myéline. La gaîne blanche des fibres nerveuses se trouve ainsi ébauchée ; elle se complète par la continuation, pendant les deux premiers jours de la naissance, de la multiplication et du grossissement de ces grains, jus- qu’à ce qu’ils arrivent à une confluence parfaite. Il semble que la myéline résulte de la combinaison d’une certaine proportion de principes gras avec la substance fondamentale-intermédiaire primitive des cordons de la moelle. La composition immédiate de la myéline est effectivement très-complexe, et elle ne renferme que de 22 à25p. 100 de principes graisseux proprement dits. Ces principes graisseux naissent-ils sur place, ou bien sont-ils élaborés ailleurs, pour être consécutive- ment acheminés à leur véritable destination? Franz Boll a observé que l’appari- tion des premières granulations graisseuses est accompagnée de cellules particu- lières infiltrées de ces mômes granulations. Étudiées sur une platine de microscope convenablement chauffée, ces cellules se montrent animées de mouvements amœ- boïdes assez énergiques pour effectuer une réelle locomotion à travers la masse de lasubstance blanche. Leur nombre lui a semblé énorme pendant les deux der- 16 MOELLE (développement). niers jours de l’incubation, c’est-à-dire à l’époque où la formation de myéline est le plus active, tandis qu’après le deuxième jour de la naissance elles ont à peu près disparu. Dans l’opinion de l’observateur que nous venons de citer, la myé- line serait élaborée dans le sang ou ailleurs, et amenée par les cellules amœ- boïdes jusque dans les interstices des cylindres-axes. III. Il y a bien peu de choses à dire touchant la formation du système vascu- laire de la moelle, mais il est bon de noter combien cette formation est tardive. Remak n’a pu découvrir aucun vaisseau dans la moelle de l’embryon de poulet avant le neuvième jour de l’incubation, et, néanmoins, la pie-mère était formée depuis longtemps, c’est-à-dire depuis le quatrième jour. Du reste, il n’a pu être décidé par Remak si les vaisseaux, par lui observés au neuvième jour dans la moelle, naissaient sur place ou procédaient de l’extérieur. La genèse des mé- ninges rachidiennes n’a pas été non plus longuement étudiée. Suivant Kolliker, leur origine blastodermique serait différente de celle de la moelle. Elles provien- draient non de a bandelette médullaire, mais de la bandelette des masses verté- brales primitives, c’est-à-dire de la coucbe profonde de segmentation de la ban- delette axile. Des trois membranes méningiennes c’est la pie-mère qui se montre la première. On peut la reconnaître sur les embryons de poulet dès le quatrième jour de l'incubation. La pie-mère ne partage pas le mouvement d’ascension appa- rente qui, à partir du quatrième mois de la gestation pour les embryons hu- mains, éloigne l’extrémité inférieure de la moelle de l’extrémité inférieure de la cavité rachidienne: elle produit à ce moment le filet terminal. En réalité, le fdet terminal contient la partie embryologique essentielle de la moelle, c’est-à- dire la terminaison du canal de l’épendyme. Chez l’homme adulte, le filet ren- ferme encore des traces du canal central de la moelle, et même il se conserve dans toute son intégrité chez beaucoup d’animaux. Bidder et Kupfer ont pu constater l’existence de la dure-mère sur des embryons de" brebis, longs de 7 à 8 centimètres; c’était alors une membrane extrêmement mince, exclusivement composée de cellules fusiformes. La dure-mère a été également vue par Kolliker sur des embryons humains de six semaines. On ignore à peu près complètement suivant quel mode se forme l'arachnoïde. Nous devons seulement noter, à propros de cette séreuse, que l’intervalle compris, chez l’adulte, entre la moelle et la paroi du canal osseux qui la renferme, n’existe à aucun degré pendant une première et assez longue période de la vie embryonnaire ; ainsi l’espace sous-arachnoïdien et le liquide dont il est rempli 'doivent être considérés comme des formations secondaires, et probablement assez tardives. RACINES ET GANGLIONS RACHIDIENS Développement. On pensait autrefois que les racines tics nerfs, et que tous les nerfs en général, procédaient originairement des centres nerveux. Issus du cerveau ou de la moelle dans les premiers temps de la vie embryon- naire, ils parvenaient consécutivement, et grâce à un allongement progressif, dans les divers organes et jusqu’à la périphérie du corps. Tiedemann soutenait encore celte doctrine en 1827 (Zeitschr. f. Physiol. III, I, p. 25). Mais, vers la même époque, Baer émettait à ce sujet une opinion plus plausible ; il sou- tenait que les nerfs se développaient sur place, par simple différenciation histo- logique, et qu’ils ne procédaient pas d’une partie vers une autre, de manière à l’atteindre et à se mettre en connexion avec elle (Ueb. Entw. d. Thiere ; I p. 110, 1828; II, p. 102, 1857). Pourtant la meilleure hypothèse relative au mode suivant lequel se développent les nerls , avait été publiée par Serres, quelques années auparavant (Anat. comp. du cerveau, Paris, 1824; p. 249 et suiv., et passim). Serres proposait la doctrine du développement sur place des nerfs, et en même temps il avançait que les connexions avec les centres nerveux n’existaient pas dès le principe, et ne s’établissaient qu’à une époque plus ou moins éloignée de la première apparition des nerfs. Nous devons d’ailleurs ne pas dissi- muler que, malgré tous leurs efforts, les embryologistes qui ont étudié récemment et par voie expérimentale cet important et très-dilficile sujet de la genèse des nerfs, n’y ont encore fait la lumière que d’une manière insuffisante. Depuis Remak qui, le premier, a fait œuvre de science positive sur la question de l'origine des racines et ganglions rachidiens, la science n’a guère enregistré que de simples confirma- tions ou de pures critiques de ce qu’il a dit. C’est donc de la doctrine de Remak que nous devons d’abord entretenir le lecteur. Les racines et ganglions rachidiens font partie des foi mations axiles : en d’autres termes, ils dérivent de la couche inférieure de la bandelette axïle (voy. Développe- ment de la moelle). Cette couche produit sur la ligne médiane la corde dorsale, et de chaque côté de la corde dorsale, une série de petites masses cubiques, longi- tudinalement superposées, plus obscures que les pai ties environnantes, et qui ne sont autre chose que les masses vertébrales primitives. Celles-ci représentent des formations embryonnaires dont l’équivalence organique est très-complexe, car elle comprend des os, des ligaments, des muscles, des ganglions nerveux et des nerfs (voy. Développement de l’ardomen, t. I, p. 92 et suiv.). 11 faut donc s’attendre à les voir se segmenter en parties distinctes, à chacune desquelles soit dévolue une at- tribution organique Suivant Remak, ces parties ou segments sont au nombre de trois, et voici par quel processus ils prennent existence. Chaque masse vertébrale est d’abord un tout complètement solide, exclusivement composé decellules. Dès le second jour de l’incubation, chez l’embryon de poulet, elles possèdent une petite ca- vité centrale, suffisamment développée le jour suivant pour leur donner l’apparence de capsides à parois assez minces. La paroi supérieure ou dorsale de ces capsules se détache complètement d’elles, et il en résulte une série longitudinale de petites pla- ques légèrement courbes, qui sont les lames musculaires de Remak, ou les chevrons musculaires de Cu. Robin, line prolifération des éléments de la paroi inférieure des capsules, très-active surtout au côté interne de cette paroi, vient combler leurs 18 RACINES ET GANGLIONS RACHIDIENS. cavités; de nouveau il existe une série de petites, masses solides, longitudinalement rangées de chaque côté du tube médullaire et de la corde dorsale. Croissanten forme d’arc sur les côtés de chacun de ces deux organes, les petites masses de droite arrivent au contact des petites masses de gauche, sur le plan médian longitudinal, en des points diamétralement opposés, c’est-à dire au-dessus delà moelle et autour de la corde dorsale. Autour de cette dernière, elles fournissent les corps des ver- tèbres et leur appareil ligamenteux ; sur les côtés et au-dessus de la moelle, elles deviennent la membrana reuniens superior de Rathke, dès le quatrième jour de l’incubation, chez l’embryon de poulet. Il se produit ensuite une différenciation histologique dans cette membrane au niveau de chacun des corps vertébraux ; lu zone correspondant à la moitié postérieure du corps vertébral devient un arc vertébro-cartilagineux , la demi-zone antérieure produit un ganglion rachidien d’abord, et bientôt après les deux racines nerveuses correspondantes, sensible et motrice. Dans la pensée de Remak, tous les ganglions cérébro-spinaux et môme sympa- thiques procèdent, en définitive, du feuillet moyen du blastoderme, par l’intermé- diaire des masses vertébrales-primitives. 11 ne fait pas doute pour Kôlliker que les ganglions rachidiens soient autre chose à l’origine qu’une partie de ces masses (Entivicklungsgesch. d. Menschen, etc. ; Leipzig, 1861 ; p. *366). Dans un travail plus récent et d’une sérieuse importance, W. Dis regarde néanmoins celte origine, en tant qu’elle est donnée pour fondamentale et exclusive, comme inad- missible ; il fait dériver du feuillet supérieur du blastoderme la partie sensible et originelle des ganglions spinaux (Untersuch. üb. d. erste Anlage d. Wirbelthier- leibes; Leipzig, 1868 ; p. 117 et 118). Quoi qu’il en soit, un fait important, toujours confirmé depuis Remak, demeure acquis à la science, à savoir : que les ganglions spinaux des nerfs se forment d’une manière indépendante, et n’ont primitivement aucune connexion avec la moelle. 11 est certain aussi que les gan- glions rachidiens sont antérieurs aux racines, et particulièrement aux racines sen- sibles, et qu’ils précèdent également l’apparition des cordons de la substance blanche de la moelle. Ridder et Kupfer ont constaté que les ganglions rachidiens peuvent déjà s’apercevoir sur des embryons de brebis, longs de 7 à 8 millimètres (Untersuch. üb. d. Text. d. Rückenmarks u. d. Entwickl. s. Formelemente; Leipzig, 1857). Ils consistent chacun alors en un amas arrondi, mais sans contour bien net, de petites cellules médiocrement serrées. Ces amas celluleux se délimi- tent nettement un peu plus tard, par suite de la production de l’enveloppe fibreuse du ganglion, mais elle n’a lieu chez les embryons de brebis que lorsqu’ils atteignent 10 millimètres de longueur. Enfin, les fibres nerveuses n’apparaissent au milieu des cellules ganglionnaires que sur les embryons de 16 à 17 millimètres. A ce moment, le ganglion possède un volume considérable, disproportionné relativement au volume définitif; il s’est aussi un peu avancé d’arrière en avant, et sa situation est devenue tout à fait latérale à la moelle. Nous devons au professeur Ch. Robin quelques observations intéressantes sur la genèse élémentaire des ganglions sympa- thiques et spinaux. Suivant lui, ils sont exclusivement composés, dans les premiers temps de leur formation de noyaux simples, de myélocytes nucléaires. Ces myélo- cytes naissent spontanément et n’ont aucune filiation avec des éléments blastodei ini- ques préformés quelconques. Au cours du développement, ils augmentent à la fois de volume et de nombre. L’augmentation de volume est principalement due à l’enve- loppement de chacun des myélocytes nucléaires par une masse ou corps de cellule, laquelle niasse se montre immédiatement pourvue, dès qu’elle est perceptible, de RACINES ET GANGLIONS RACHIDIENS. 19 deux ou plusieurs prolongements effilés, origines d’un pareil nombre de cylindres- axes. Quant à l’augmentation du nombre des myélocytes nucléaires, on ne saurait la rapporter à la segmentation ou à la gemmation prolifiante des myélocytes cellu- laires préexistants ; ils doivent leur origine à la continuation de la genèse spontanée qui a produit les premiers myélocytes nucléaires (Anat. et physiol. cellulaires; Paris, 1875 ; p. 411 et 412). Suivant W. Ihs, chaque ganglion rachidien, chez l’embryon de poulet, n’est d’abord qu’un petit amas prismatique de cellules détaché par segmentation d’une région spéciale du feuillet superficiel, laquelle s’étend le long de la région latérale supérieure de la moelle. Plus tard, les cellules ganglionnaires deviennent en général fusiformes, et sont reliées par une substance intermédiaire réticulée (loc. cit., p. 117 et 169). Il paraît évident que l’apparition de l’aspect fusiforme des éléments ganglionnaires relevée par IIis, répond à la transformation des myélocytes nucléaires en myélocytes cellulaires à prolongements effilés observés par Ch. Robin. On ne saurait douter, nous l’avons déjà dit, que l’apparition du ganglion ra- chidien ne précède celle de la racine postérieure. Elle précéderait même celle de la racine antérieure, d’après His ; mais ce doit être alors, à mon avis, d’un bien court intervalle. Quoiqu’il en soit, Bidder et Kupfer sur des em- bryons de brebis, longs de 7 à 8 millimètres, et Kolliker sur des embryons humains d’un mois, ont constaté l’existence delà racine antérieure, pendant que la racine postérieure faisait absolument défaut. Us ont vu, à la même époque, que la racine antérieure était composée de fibres fines, parallèles entre elles, véritables cylindres-axes en communication avec un amas parti- culier de cellules nerveuses, situé dans la corne antérieure, et représentant les grandes cellules motrices que l’on rencontre dans la même région de la moelle, au terme de l’évolution embryonnaire. De ces observations ils concluent, non pourtant sans quelque hésitation, que la racine antérieure a une origine centrale et qu’elle procède de la moelle : ce qui est en contradiction avec la doctrine de Remak. Kolliker avoue que l’origine centrale de la racine antérieure, tout en expliquant parfaitement la constitution purement fibrillaire dès le principe de la racine antérieure, laisse néanmoins dans un grand embarras pour rendre compte des noyaux dont est parsemée la gaine des fibres nerveuses, dans les nerfs complè- tement développés. Mais j’ai déjà eu occasion, à propos du développement de la substance blanche de la moelle, de faire observer que la structure entièrement fibrillaire, à une certaine période embryologique, de la substance blanche nerveuse, était tout au moins précédée d’une autre structure où les cellules étaient l’élément dominant, sinon exclusif. Nous possédons même quelques observations intéressantes du professeur Ch. Robin qui mettent cette première structure hors de doute, au moins en ce qui concerne la racine spinale postérieure (Anat. et physiol. cell., p. 412, fîg. 77). D’ailleurs, je répugne à admettre, pour ma part, un développe- ment exclusivement centripète ou centrifuge, non-seulement pour les nerfs pris en masse, mais encore pourchacun de leurs éléments, y compris les cylindres-axes. Je crois que ces derniers ne subissent, pendant leur développement, aucun allon- gement réel ni dans un sens ni dans un autre ; mais que chacune de leurs parties se produit sur place, par différenciation histologiquecomme le comprenaient Serres et Baer. Seulement les travaux accomplis par Remak et ses successeurs me permet- tent de modifier la conception de ces deux embryologistes en un point important, à savoir: que la différenciation histologique d’où résulte le cylindre-axe, n’est pas simultanée sur le parcours entier de celui-ci, mais régulièrement progressive à 20 RACINES ET GANGLIONS RACHIDIENS. partir île certains points qui, dès lors, ont l’apparence de foyers de production, tout en n’étant en somme, et si importante que puisse en être la raison, que des points premiers d’apparition. Je n’hésite pas à admettre que les points de pre- mière apparition des cylindres-axes delà racine antérieure se trouvent dans l’amas de cellules observé dans la future corne antérieure de la substance grise de la moelle, sur les embryons de brebis longs de 7 à 8 millimètres, ou sur les embryons humains de la quatrième semaine après la conception (voy. Développement de la moelle, fiy. 1 et 2). J’ajouterai enfin, pour émettre une vue personnelle qui con- cilierait bien des contradictions et peut inciter à de nouvelles recherches, que pro- bablement la racine antérieure n’est pas exclusivement composée du faisceau de cylindres-axes qui procède de la corne antérieure, et qu’il s’y ajoute consécutive- ment d’autres cylindres-axes procédant d’un point périphérique, et se développant dans une direction inverse de celle des précédents. La racine postérieure ne se développe qu’après la racine antérieure, et sensi- blement plus tard que le ganglion rachidien. 11 est intéressantde noter qu’à l’époque où paraît la racine postérieure, non-seulement le cordon médullaire antéro-latéral, mais encore le cordon postérieur, ont déjà commencé à se développer : la racine postérieure se distingue essentiellement en cela de la racine antérieure. Didder et Kupfer ont constaté l’existence de la racine postérieure sur des embryons de brebis longs de 11 millimètres. Kollieer l’a vue sur un embryon humain de six semaines, mais elle n’existait pas sur un autre de quatre semaines, bien que le cordon médullaire postérieur y fût en voie de formation. W. His a pu apercevoir les premiers vestiges des cylindres-axes dans l'intérieur du ganglion rachidien, chez l’embryon de poulet, à une époque où il ne pouvait encore découvrir (race de la racine postérieure elle-même. Aucun de ces auteurs néanmoins n’ose décider, à l’exemplede Remak, que la racine postérieure procède du ganglion vers la moelle. Nous ne pourrions émettre à ce sujet, pour notre compte, que des opinions analogues à celles que nous avons fait connaître pour la racine antérieure, opi- nions de nature plausible, mais purement hypothétique. Les connexions de la partie périphérique de la racine sensible avec la racine motrice n’ont été con- statées par Bidder et Kupfer que sur des embryons de brebis déjà longs de 16 à 19 millimètres. Primitivement, les racines des nerfs sont toutes émises par la moelle* à angle droit ; leur trajet vers les trous de conjugaison est entièrement horizontal, pendant la première période de leur développement. Lorsque, à partir du troisième mois, chez l’embryon humain, la moelle cesse d’occuper toute la hauteur du canal rachidien, et que son extrémité inférieure semble prendre un mouvement ascen- dant vers la seconde vertèbre lombaire, qu’elle n’atteint d’ailleurs qu’après la naissance, les racines inférieures commencent à s’allonger bien plus rapidement que celles d’un rang plus élevé. Leur trajet vers les parois du rachis devient promptement de plus en plus oblique, et on voit progressivement se former alors la queue de cheval (Cauda equina). t'ARÎS. — IMF. SIMON RAÇOM ET COMP., Il PE D'EKFURTlt, i.