Extrait de ,,Archives Néerlandaises"’ T. U, 1867. DEUX INSTRUMENTS POUR LA MESURE DU TEMPS NECESSAIRE POUR LES ACTES PSYCHIQUES. PAR F. C DONDERS. Ces instruments ont été exhibés par moi dans une réunion de section de la Société d’Utrecht, tenue le 16 Octobre 1866. L’un d’eux, que je nomme noëmatachographe, sert à déterminer la durée d’opérations plus ou moins complexes de l’esprit. L’autre, qu’on peut appeler noëmatachomètre, mesure le minimum de temps nécessaire pour une idée simple 1). Le noëmatachographe se compose d’un cylindre, assez semblable à celui du phonautographe, sur lequel le temps est enregistré par les vibrations d’un diapason; à côté de ces vibrations s’inscrivent 1 °. l’instant où un stimulant agit, et 2°. l’instant où est donné le signal de perception. On peut faire usage de stimulants divers, tels qu’un choc d’in- duction à la rupture du courant, l’interruption ou le rétablisse- ment d’un courant constant, une étincelle ou un phénomène lu- mineux de plus grandes dimensions, des signes littéraux transparents derrière lesquels éclate une forte étincelle d’induction, enfin un son, soit d’un ressort frappé par une goupille faisant saillie sur le côté du cylindre, soit d’un diapason mis subitement, de ma- \ nière ou d’autre, en vibration et dont les vibrations s’enregistrent directement, soit enfin de la voix humaine, ou quelque autre son, enregistré par le phonautographe ou mieux par un appareil simplifié, se composant d’un stéthoscope de Kônig modifié, sur lequel est tendue une membrane élastique et qui communique par deux tubes de caoutchouc avec deux embouchures. 1 ) J’avais d’abord nommé ees instruments noëmatachomètre et noëmatacho- scope: mais je donne la préférence à noëmatachographe et noëmatachomètre, employés dans cette note. 2 F. C. DONDERS. MESURE DES ACTES PSYCHIQUES. A ces excitations il peut être répondu par des signaux variés : a. en pressant sur une clef on ferme un courant qui, par l’in- termédiaire d’un électro-aimant, met un doigt en mouvement (peu recommandable, à cause du retard variable); b. on fait vibrer un diapason, ou bien on émet un son vocal : ce signal est absolument nécessaire dans certaines expériences où, au milieu d’un grand nombre de stimulants, il faut en distinguer un seul; c. par un choc latéral on tourne de côté une pièce horizontale, attachée à une tige de bois verticale, dont l’extrémité supérieure porte un traçoir horizontal, qui écrit sur un cylindre et note l’instant où la tige de bois, par le déplacement de la pièce horizontale, a tourné sur son axe: en tenant la pièce horizontale entre deux doigts, on peut la faire tourner à volonté, soit à droite soit à gauche, sui- vant la réponse à faire, par exemple, à un dilemme posé Le noëmatachographe se prête aux épreuves suivantes: a. On peut déterminer le temps physiologique pour des impres- sions produites sur l’œil, sur l’oreille et à différents endroits de la peau. Le signal de réponse le plus simple et le plus exact est celui fourni par la tige de bois verticale. Eu excitant la peau en des points divers, et déterminant le temps physiologique, on acquiert des notions relativement à la vitesse de transmission par les nerfs; mais il y a à tenir compte, et de la force de l’excitation, et du chemin différent parcouru dans l’organe central. b. On peut chercher quel est le temps nécessaire pour résoudre un dilemme et donner le signal correspondant. Ce signal peut être conventionnel ou naturel; par l’exercice le premier peut prendre, plus ou moins, le caractère du second, et de cette ma- nière l’influence de l’exercice peut être étudiée. En guise de signal conventionnel, on peut: 1° faire tourner la tige de bois, à droite ou à gauche suivant que l’excitation a été reçue , en des points symétriques, à droite ou à gauche, suivant que de la lumière rouge ou blanche s’est montrée, suivant que les voyelles n ou o ont été vues ou entendues, etc.; 2°. fermer un courant en pressant, soit sur la clef tenue dans la main droite, soit sur celle de la main gauche, l’appareil étant d’ailleurs disposé de F. C. DOXDERS. MESURE DES ACTES PSYCHIQUES. 3 manière que le courant ne passe pas quand on appuie sur les deux clefs à la fois (Yoy. de Jauger, De physiologische lijd van psychische processen Diss. inaug. Utrecht, 1865). — Comme signal naturel, on a choisi la répétition d’une lettre entendue, une voyelle, précédée ou non d’une consonne explosive. — Comme signal d’exer- cice, on. a employé l’émission du son propre à un signe de voyelle rendu subitement apparent par une étincelle d’induction. Au même point de vue, on peut examiner l’influence de l’exercice appliqué aux signaux conventionnels cités plus haut. Il a été prouvé ainsi que la solution d’un dilemme, avec la réaction correspondante, exige plus de temps que la simple réac- tion suite d’une excitation; que la différence est beaucoup plus considérable pour les signaux conventionnels que pour les signaux naturels; et que l’influence exercée sur les premiers par l’exercice se fait sentir très promptement. La différence entre deux expé- riences, l’une avec, l’autre sans décision de dilemme, fait con- naître le temps nécessaire pour l’acte psychique de la distinction et de la volition distinctive. c. On peut, à l’aide du noëmatachographe, déterminer le temps exigé pour distinguer, parmi des excitations au nombre de plus de deux, une de ces excitations, et pour y répondre par un signal correspondant. On se sert surtout, à cet effet, de la reproduction du son vocal entendu (signal naturel), et de la prononciation du son d’un signe de voyelle subitement éclairé (signal conventionnel avec exercice). On peut aussi faire des expériences où des signaux conventionnels sans exercice répondent à une stimulation qu’il s’agit de distinguer entre des excitations au nombre de plus de deux, mais convenues d’avance. d. L’instrument peut encore être employé pour déterminer quel intervalle de temps il faut mettre entre deux stimulations pour qu’il soit possible de distinguer laquelle des deux a eu la priorité. A cet effet, deux ressorts, ayant une différence de ton d’une quinte, sont mis en vibration, quand on tourne le cylindre, par deux goupilles en saillie; on peut modifier la distance des goupilles et, par suite, l’inter- valle de temps. On peut aussi faire jaillir deux étincelles à côté du F. C. UONDERS. MESURE DES ACTES PSYCHIQUES. cylindre, et varier, à volonté, la durée de temps qui les sépare. Si de la comparaison des expériences décrites en a et b ou c on peut déduire, par la différence des temps trouvés, le temps nécessaire pour la double opération de distinguer une excita- tion de une ou plusieurs autres, et de réagir d’après la distinc- tion faite, d’un autre côté les expériences mentionnées en Rappren- nent quel est le temps exigé pour une perception ou une pensée isolée. Un inconvénient qui se rencontre dans ces dernières expériences, c’est que la rotation du cylindre ne s’opère pas chaque fois avec une vitesse absolument la même, de sorte qu’on ne peut pas, en réglant la distance des goupilles ou des interruptions qui produisent les étincelles, fixer d’avance, d’une manière absolue, l’intervalle de temps, mais qu’on n’apprend à le connaître qu’après l’expérience, au moyen des vibrations du clironoscope inscrites entre les deux goupilles. Pour ce motif d’abord, et — en outre, afin de pou- voir comparer, quant à la priorité, les impressions reçues par deux sens différents, j ’ai construit un second appareil, le noëmatacbomètre. Le Noëmatacbomètre se compose d’un prisme supportant un fer à cheval, et suspendu à un fil derrière une planche verticale; Par la combustion du fil, le système est abandonné à l’action de la pesanteur; dans sa chute le prisme ouvre sans bruit, en dépla- çant un petit levier en liège, un courant galvanique dont on voit l’étincelle, et un instant avant ou après il perd son fer à cheval, arrêté sur deux verges de cuivre, en produisant un choc dont on entend le son. Comme la partie où repose le fer à cheval, et la pointe qui met le levier en mouvement sont mobiles à la surface du prisme, on peut, connaissant exactement la vitesse que le prisme atteint dans sa chute au moment où il passe vis-à-vis de l’ouverture pratiquée dans la planche, régler avec une précision parfaite la durée qui s’écoulera entre la production du choc et celle de l’étincelle, ou vice-versa. En déterminant le temps nécessaire pour distinguer la priorité, je crois avoir trouvé le temps exigé pour une pensée simple. En donnant alternativement la priorité à l’une et à l’autre impression, on obtient en outre la différence des temps demandés pour amener un stimulus à la connaissance par la vue et par l’ouïe.