DU NERF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRK COM MR AGENT EXCITATEUR DU NERF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRÉ COMME AGENT EXCITATEUR RT COMME AGENT COORDINATEUR DES CONTRACTIONS ŒSOPHAGIENNES DANS L’ACTE DE LA DÉGLUTITION Par A. CHAUVEAU L’étude de la coordination des mouvements est aujourd’hui plus que jamais à l’ordre du jour, grâce aux travaux remar- quables qui ont été publiés sur l’ataxie musculaire dans ces dernières années. Les présentes recherches auront donc au moins un intérêt d’actualité. J’ai voulu, par ces recherches, dé- terminer la part qui revient aux agents nerveux périphériques dans l’excitation et la coordination d’un des mouvements les moins complexes de l’économie, la déglutition œsophagienne : mouvement très-simple, sans doute, mais mouvement dont l’admirable coordination est cependant tout aussi difficile à comprendre que celle des actes musculaires si compliqués qui concourent à la station ou à la marche. C’est la grande facilité qu’on a, chez la plupart des grands mammifères domestiques, d’observer directement ces contrac- tions simples de l’œsophage, et d’agir sur ses cordons nerveux, DU NEUF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRÉ COMME AGENT, ETC. 191 qui m’a engagé à choisir ce conduit musculaire comme objet de mes recherches. J’entamerai de suite l’exposition de ces recherches, laissant de côté toute étude critique sur la question de la coordination considérée d’une manière générale. Plus tard, l’occasion se présentera d’aborder ce sujet, et alors je discuterai les travaux relatifs à cette question. PREMIÈRE PARTIE. SOURCE DES NERFS MOTEURS DE l’ûëSOPHAGE. Le premier point sur lequel devait se porter mon attention, c’était la détermination expérimentale de l’origine ou de la source des nerfs moteurs qui animent la membrane musculaire du conduit œsophagien. Tous les nerfs de l’œsophage viennent du pneumogastrique; et, d’après les données actuelles de l’anatomie et de la physio- logie, chez tous les mammifères, la portion du conduit qui s’é- tend du pharynx à la base du cœur recevrait ses nerfs moteurs des récurrents, tandis que l’autre portion, celle qui termine l’œsophage, serait animée par des filets moteurs émanant di- rectement des cordons que forme la dixième paire au delà des plexus broncho-pulmonaires. Sans discuter la question desavoir si c’est à tort ou à raison, constatons qu’il y a unanimité entre les auteurs pour assigner aux nerfs de l’œsophage cette origine immédiate. Mais la même unanimité n’existe plus au sujet de l’origine première de ces filets nerveux : l’œsophage les emprunte au pneumogastrique, voilà qui est incontestable; mais de quelle source le pneumogastrique les tire-t-il? c’est un point encore fortement discuté aujourd’hui. Sont-ils compris, en tout ou en partie, dans les racines propres du pneumogastrique? Ou bien, ces racines propres de la dixième paire seraient-elles exclusi- vement ou à peu près exclusivement sensitives, et les nerfs moteurs de la membrane charnue de l’œsophage viendraient-ils des troncs moteurs, facial, spinal, hypoglosse, sympathique, glosso-pharyngien, ajouterai-je, avec lesquels le pneumogas- trique contracte des anastomoses? Dans l’état actuel de la science, la réponse à ces questions m’ayant semblé impossible, à cause 192 de la contradiction qui existe dans les résultats des expérien- ces tentées par divers physiologistes, et surtout à cause de l'insuffisance de ces expériences, qui ont porté plus spéciale- ment sur la contraction des muscles pharyngiens et laryngiens, j’ai cru devoir chercher une solution dans une série d’expé- riences nouvelles. Avant de raconter en particulier chacune de ces expériences, je vais indiquer, d’une manière générale, l’esprit qui a présidé à leur institution, et les conditions dans lesquelles je les ai exécutées. Deux procédés sont mis en usage, dans les expériences phy- siologiques, pour découvrir les propriétés et les fonctions des nerfs moteurs : 1° la section transversale, qui paralyse les orga- nes contractiles auxquels ces nerfs se distribuent; 2° l’excitation, qui, au contraire, provoque la mise en action de ces organes, c’est-à-dire qui les fait contracter. Le premier de ces procédés n’est pas certain, car on sait déjà, et ce mémoire confirmera sur ce point les faits acquis à la science par d’autres travaux, flue la section des fibres nerveuses sensitives ou centripètes d’un muscle peut déterminer des phénomènes de paralysie tout aussi complète que la section des fibres centrifuges ou motrices. Comme ce procédé est, du reste, difficilement praticable dans les cas semblables à celui où j’aurais eu à l’appliquer, je l’ai tout à fait laissé de côté. Quant au second, il est absolument sûr, dans certaines conditions, faciles à réaliser, du reste ; aussi c’est à lui que j’ai eu recours. Donc, étant donnés tous les élé- ments qui concourent ou sont supposés concourir à la consti- tution du pneumogastrique (racines propres ou ganglionnaires du nerf, racines bulbaires du spinal, racines du facial, du glosso-pharyngien, de l’hypoglosse, filets sympathiques en communication sur divers points avec le nerf vague), pour dé- terminer ceux de ces éléments qui représentent les nerfs mo- teurs de l’œsophage, je n’avais qu’à appliquer sur chacun d’eux les irritants ordinairement employés quand on veut mettre en jeu l’excitabilité des troncs nerveux, à observer le conduit œsophagien, et à noter le moment où il entre en con- traction. Ce procédé, comme je viens de le dire, est absolument sûr; mais il faut, pour avoir ce caractère, qu’il soit appliqué dans des conditions particulières. Ainsi, de même que la section MÉMOIRES ORIGINAUX. d’un nerf purement sensitif peut déterminer des phénomènes de paralysie musculaire, l’excitation de ce nerf peut provoquer des contractions aussi énergiques que dans le cas où l’on irrite un nerf moteur. L’excitation agit alors par action ré- flexe. Les conditions à réaliser dans les expériences doivent donc avoir pour objet de supprimer cette action réflexe. Quand on y a réussi, on peut être sûr que les contractions obtenues par l’excitation d’un filet nerveux tiennent à une action directe du filet nerveux sur le muscle qui se contracte, c’est-à-dire que le filet excité est le nerf moteur de l’organe musculaire. Longet et beaucoup d’autres réalisaient cette suppression de l’action réflexe en séparant de l’axe nerveux central les racines nerveuses* dans lesquelles ils voulaient rechercher, par la méthode de l’excitation, la propriété motrice. Mais c’est un ar- tifice qu’il n’est pas nécessaire de mettre en usage. Il suffit d’employer, comme sujets d’expériences, des animaux récem- ment tués, et non pas des animaux vivants. En effet, le pouvoir réflexe ou excito-moteur ne survit pas au dernier battement du cœur chez les mammifères adultes (1) : si donc on excite, sur un animal qui vient d’être tué, soit par hémorragie rapide, soit par asphyxie, des filets nerveux sensitifs ou centripètes, peut-être pourront-ils encore être impressionnés par l’irrita- tion et la conduire à l’axe cérébro-spinal, mais celui-ci aura perdu la faculté de la réfléchir sur les nerfs moteurs, et l’exci- tation restera absolument négative dans ses résultats; tandis que les nerfs mo.teurs, excités directement, provoqueront encore pendant un certain temps, très-court, il est vrai, d’énergiques contractions musculaires. Le plus grand nombre des physiologistes qui se sont oc- cupés de cette question ont fait aussi leurs expériences sur des animaux récemment tués, mais pas pour le motif qui vient d’être indiqué. Ils n’avaient d’autre but que celui d’agir plus commodément; aussi pensaient-ils à se mettre à l’abri des effets de l’action réflexe en séparant des centres les racines nerveuses, absolument comme si les animaux avaient été vivants. C’était alors une précaution inutile, fort nuisible même, en ce sens que, chez les animaux morts, les racines de la plupart des nerfs encé- phaliques moteurs coupées à leur origine perdent leur excitabi- DU NERF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRÉ COMME AGENT, ETC. 193 (1) Voir ce que j’ai écrit à ce sujet dans le Journal de laphysiologie, année 1861, n<> de juillet, page 341. 194 MÉMOIRES ORIGINAUX. iité avec une rapidité extraordinaire ; ce qui fait qu’on a à peine le temps de constater, dans ces conditions, les phénomènes qui résultent de la mise enjeu de cette excitabilité. J’ai, du reste, dans un certain nombre d’expériences, employé moi-même cette précaution de luxe pour prévenir jusqu’aux objections les moins probables. C’est sur le cheval ou les autres grands solipèdes domesti- ques que j’ai exécuté mes expériences. Ce choix, comme pour mes recherches sur la moelle épinière, m’était commandé par la nécessité de localiser parfaitement les excitations. Très-dé- licate sur de petits animaux comme le lapin ou même le chien, cette localisation est, chez le cheval, extrêmement facile, non- seulement pour chacune des paires nerveuses à irriter, mais encore pour chaque faisceau de racines de ces différents nerfs. Voici comment on dispose l’animal pour l’exécution de ces excitations localisées des racines nerveuses encéphaliques qui sont censées concourir à la formation du tronc du pneumo- gastrique : On le couche sur une table, soit à droite, soit à gauche, et on le tue rapidement, en ouvrant largement une ou plusieurs grosses artères. La mort arrivée, après avoir incisé la peau, on enlève immédiatement la partie de la calotte crânienne for- mée par l’occipital et le pariétal, au moyen d’un trait de scie, qui passe un peu au-dessus du conduit auditif, en rasant les condyles de l’occipital. L’opération est pratiquée en quelques secondes avec une scie sans dos, à lame très-longue, très-large, très-forte, manœuvrée avec rapidité. On retranche ainsi, avec la calotte crânienne, presque tout le cervelet, ainsi que les lobes postérieurs des hémisphères cérébraux. La face postérieure de la moelle allongée apparaît alors parfaitement découverte dans presque toute son étendue, et l’on distingue sur les côtés du bulbe : 1° les racines du facial et de l’acoustique ; 2° les racines du glosso-pharyngien ; 3° les racines propres du pneumogas- trique; h° les racines bulbaires du spinal; 5° les racines mé- dullaires les plus supérieures de ce dernier nerf et le tronc qu’il forme avant de s’engager dans le trou déchiré; 6° les racines motrices et sensitives les plus supérieures de la première paire cervicale. Toutes ces parties ne sont pas également en évidence des deux côtés : le bulbe, entraîné par son propre poids, repose sur la paroi latérale de sa cavité de réception du côté où est Dü NERF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRÉ COMME AGENT, ETC. 195 couché l’animal; il en résulte que les racines nerveuses de ce côté sont cachées, en partie au moins, et qu’il faut, pour bien les voir, relever légèrement la moelle allongée. Mais celles du côté opposé n’en apparaissent que plus nettement et se prêtent ainsi beaucoup mieux aux explorations; elles se montrent toutes parfaitement distinctes, légèrement tendues, parce qu’elles sont obligées de franchir un certain espace pour aller du bulbe rachidien à leurs trous de sortie; et cette disposi- tion favorise singulièrement la pratique des excitations; aussi est-ce surtout sur les racines de ce côté qu’on doit agir. Les excitations peuvent être mécaniques ou électriques. L’excitation mécanique, exécutée au moyen d’une pince très- fine à mors plats, entre lesquels on serre les racines que l’on veut irriter, cette excitation est un procédé qui permet une localisation d’action parfaite. Mais elle a deux inconvénients : premièrement elle ne peut être graduée avec précision; en se- cond lieu, la compression quelle exerce détermine toujours, là où elle est appliquée, une altération de texture des tubes ner- veux , qui perdent ainsi rapidement leur excitabilité, en ce point d’abord, puis au delà. J’ai beaucoup plus souvent employé l’électricité comme agent excitateur, et avec des avantages très-marqués sur l’exci- tation mécanique. D’abord, avec un appareil à induction con- venablement construit, on peut graduer à volonté l’irritation et la faire passer en quelques secondes par tous les degrés d’intensité. Ensuite, l’excitation électrique n’altère pas la structure des tubes nerveux, l’application des fils métalliques capillaires au moyen desquels on porte l’électricité sur les nerfs pouvant se faire avec toute la légèreté possible : il ne résulte donc de cette application aucune compression, ni, par- tant, par suite aucun trouble d’excitabilité d’altération de texture. Le passage de l’électricité dans les nerfs peut, il est vrai, déterminer à lui seul des modifications d’excitabilité très- sensibles, mais c’est quand l’électricité circule à l’état de cou- rant voltaïque. A l’état de courant induit ou de décharge sta- tique, l’électricité, ne développant alors que très-peu d’action chimique, ne produit plus (je l’ai déjà indiqué ailleurs) que des phénomènes à'électrotonus presque insensibles et tout à fait négligeables. Enfin, ajouterai-je au sujet de ces avantages de l’excitation électrique sur l’action mécanique, la première peut 196 MÉMOIRES ORIGINAUX. être aussi bien localisée que la seconde ; mais la démonstration de ce point exige quelques développements. Pratiquant, comme je le fais, les excitations sans séparer les racines nerveuses de l’axe cérébro-spinal, il semble impossible, au premier abord, que l’action de l’électricité puisse être exac- tement localisée sur les faisceaux de racines mis en contact avec les excitateurs. En effet, soit un des faisceaux radiculaires du pneumogastrique isolé de ses voisins par la destruction des adhérences cellulo-vasculaires, et tendu, comme cela a été indi- qué plus haut, par l’abaissement spontané du bulbe rachidien. Les excitateurs, distants l’un de l’autre de cinq millimètres, sont appliqués sur la partie moyenne du faisceau, l’un du côté du trou déchiré, l’autre du côté du bulbe. Cette partie moyenne comprise entre les excitateurs est traversée par les cou- rants; mais ceux-ci, en vertu des lois de dérivation, circulent encore dans les deux parties terminales du faisceau, et arrivent, d’unepart, dans le bulbe, où ils se dispersent dans tous les sens, d’autre part, au trou déchiré, où ils subissent la même diffusion. Ainsi, l’électricité ne se répand pas exclusivement dans le fais- ceau mis en contact avec les électrodes ; elle agit encore et sur le bulbe rachidien lui-même, et sur l’origine du tronc nerveux engagé dans le trou déchiré ; de plus, les racines voisines du faisceau excité faisant partie du circuit de dérivation, pour la portion des courants qui subit la diffusion après être arrivée aux extrémités du faisceau, ces racines éprouvent aussi l’action de l’électricité. Certes, voilà des conditions qui paraissent aussi défavorables que possible à une localisation exacte; mais ce n’est là qu’une apparence. Il faut se rappeler, en effet, que l’action excitatrice produite par les courants électriques sur l’organisme animal est en raison directe de leur densité, et que cette action est com- plètement annulée au-dessous d’un certain degré de condensa- tion. Or, dans le cas présent, le bulbe rachidien, le tronc du pneumogastrique et les racines voisines du faisceau excité, par- ties irritables placées dans le circuit de dérivation, ne peuvent guère être impressionnés par l’électricité, celle-ci circulant dans toutes ces parties à l’état de diffusion extrême. Au con- traire, le mince faisceau nerveux, mis en contact avec les exci- tateurs, est dans les meilleures conditions pour subir l’action excitatrice des courants : d’abord, parce que, faisant partie à DU NERF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRÉ COMME AGENT, ETC. 197 la fois du circuit de dérivation et du circuit partiel, il est par- couru par la quantité totale d’électricité que développe la machine; en second lieu, parce que, eu égard au très-petit diamètre du faisceau, cette quantité d’électricité s’y trouve énormément condensée, au moins relativement à l’état de l’é- lectricité qui circule dans les autres points du circuit de déri- vation. 11 résulte de ceci que, en graduant les courants au minimum nécessaire, on est toujours sûr d’exciter d’une ma- nière très-bien localisée les racines nerveuses sur lesquelles on veut faire agir l’électricité. Ce ne serait que dans le cas où les courants seraient employés trop forts que la localisation ne serait plus possible. J’ajouterai qu’il est un moyen d’exciter les racines nerveuses qui naissent du bulbe rachidien sans produire de courants dérivés : il suffit, pour cela, d’appliquer les excitateurs, qu’on rapproche alors beaucoup l’un de l’autre, sur le bulbe rachi- dien, en embrassant entre eux l’origine du faisceau radiculaire que l’on veut exciter. L’électricité agit alors, il est vrai, sur le bulbe rachidien et sur le nerf, et de plus les fibres de celui-ci sont parcourues transversalement par l’électricité; mais ceci est assez indifférent, malgré les apparences contraires. En effet, la diffusion immédiate de l’électricité dans l’épaisseur du bulbe rachidien l’empêche d’agir, je ne dirai pas sur le tissu de cet organe, qui n’est plus excitable (1), mais sur l’origine profonde des racines voisines du faisceau excité. D’un autre côté, les courants transversaux irritent, sans doute, les nerfs moins énergiquement que les courants longitudinaux, mais ils les irritent néanmoins assez pour provoquer des phénomènes de réaction, malgrél’opinion contraire si universellement répandue. Je terminerai ici ces indications générales sur les procédés que j’ai employés pour déterminer, par la méthode des excita- tions, la source des nerfs moteurs de l’œsophage. Plusieurs détails qui ont été omis à dessein trouveront leur place dans l’histoire particulière de chaque expérience. Expériences relatives à l’excitation des racines propres du pneumo- gastrique. Exp. I. (3 novembre 1861.) — Mule vigoureuse, à jeun. — L’animal (1) Voir, dans le présent numéro, le Mémoire sur VOrigine des nerfs encépha- liques. 198 est couché sur le côté gauche. Immédiatement après la mort, on ouvre l’abdomen et la poitrine pour mettre à nu l’estomac, qui est tout à fait vide, et la portion terminale de l’œsophage. La portion cervicale de ce conduit est observée à travers les tissus, pour ne pas exposer le pneumo- gastrique à se dessécher sur une trop grande étendue de son parcours. Après l’excision du sommet du crâne, on constate qu’il reue encore assez de cervelet pour cacher les racines du pneumo-gastrique : on achève avec le scalpel l’excision de l’organe. Voici les expériences pratiquées : 1° Excitation électrique des racines du pneumo-gastrique droit : con- tractions extrêmement énergiques de tout le tube œsophagien; contractions de l’estomac. Ces dernières, de même que celles de la portion terminale de l’œsophage, ne paraissent pas suivre immédiatement l’excitation. L’œso- phage, dans le reste de son étendue, se contracte, au contraire, autant qu’on en peut juger, au moment même où les excitateurs touchent les racines du nerf, comme cela a lieu pour les muscles de la vie animale. ‘2° Excitation des racines du pneumogastrique gauche : mêmes effets; seulement les contractions du cardia et de l’estomac semblent moins éner- giques. 3° Excitation de la substance propre du bulbe profondément et super- ficiellement, aux environs des racines de la dixième paire : ni l’œsophage, ni l’estomac n’exécutent le moindre mouvement. Tout incomplète qu’elle soit, cette expérience présente un incontestable intérêt. En effet : 1° Elle prouve, à elle seule, que les racines propres du pneu- mogastrique, ces racines fusionnées avec le ganglion jugulaire, et, pour cette raison, considérées comme sensitives, possèdent aussi la propriété motrice, ou mieux qu’il en est parmi elles qui jouissent de cette propriété. C’est une preuve à ajouter à celles données par Bischoff, Reid, Valentin, Cl. Bernard, etc. 2° On voit, dans cette expérience (et le fait a été signalé assez rarement pour être remarqué), la mise en jeu de l’exci- tabilité des racines du pneumogastrique produire la contrac- tion de l’estomac et de la partie terminale de l’œsophage. Jus- qu’à présent, l’influence motrice des racines propres du nerf vague n’était considérée comme bien démontrée, par les faits d’excitabilité, que sur le larynx, le pharynx et la partie supé- rieure de l’œsophage. Je ne signalerai, quant à présent, que ces deux enseigne- ments de ma première expérience, ayant hâte de combler une des principales lacunes qu’elle présente. En effet, dans cette expérience, les excitations furent pratiquées sur toutes les ra- cines du nerf à la fois, ce qui ne permit pas de distinguer pré- cisément, d’une part, celles qui possèdent la propriété mo- MÉMOIRES ORIGINAUX. trice, d’autre part, celles qui, parmi ces dernières, agissent sur l’œsophage, objet particulier de la présente étude. Voici les expériences exécutées en vue d’éclairer ce point important. Exp. II. (24 janvier 1862.) — Vieux cheval très-débile. — Saignée aux artères fémorales. Avant de découvrir la moelle allongée, on met à nu le pharynx et la portion cervicale de l’œsophage. La portion thoracique du conduit est observée à l’aide du toucher, par un aide qui a introduit son bras dans la cavité abdominale, et de là, en traversant le diaphragme, dans l’intérieur de la poitrine. L’animal étant couché sur le côté droit, ce sont les nerfs du côté gauche qui sont en évidence. Les racines du pneumogastrique constituent trois faisceaux: un antérieur, très-grêle; un postérieur, plus gros; un moyen, le plus volumineux des trois. Les racines bulbaires du spinal se distinguent très-nettement de celles du pneumogastrique, principalement par leur di- rection : on les voit se porter en haut et en dehors, et passer un peu en avant (1) des racines propres du pneumogastrique, qu’elles croisent très- obliquement, pour aller s’engager dans un orifice particulier du trou dé- chiré postérieur. On pratique l’excitation mécanique isolément et successivement sur chacun des trois faisceaux de racines du nerf vague : 1° Pincement du faisceau supérieur : contraction pharyngienne et œso- phagienne. La contraction est très-vive dans l’œsophage. Au pharynx, on la remarque particulièrement dans le constricteur inférieur, qui abaisse l’organe en le tirant de côté. 2° Pincement du faisceau moyen : constriction très-énergique du pha- rynx, constriction directe sans déplacement en haut ou en bas; l’œsophage se contracte aussi dans toute sa longueur, mais plus faiblement que dans le cas d’excitation du faisceau supérieur. 3° Pincement du faisceau inférieur : constriction énergique du pharynx, qui est vigoureusement tiré en haut par l’action du constricteur supérieur; même contraction de l’œsophage, mais encore plus faible que dans le cas précédent. Toutes ces excitations furent ensuite exécutées avec l’électricité : on obtint des résultats absolument identiques, qui purent être mieux et plus complètement observés, parce que les contractions, au lieu d’être instan- tanées, avaient une durée égale au temps pendant lequel on maintenait les excitateurs en contact avec les racines nerveuses. On constata alors très- nettement que les contractions éclataient immédiatement dans les muscles du pharynx et dans la portion trachéale de l’œsophage jusqu’à la base du cœur. Il y avait tétanisation brusque et permanente de ces parties, tétani- sation qui cessait aussitôt que les excitateurs ne touchaient plus les racines nerveuses. Quant à la région terminale de l’œsophage, sa contraction n’avait plus les mêmes caractères : plus de tétanisation brusque et perma- nente; c’était une série de mouvements vermiculaires, très-énergiques du reste, commençant un peu après le début de l’excitation. DU NERF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRÉ COMME AGENT, ETC. 199 (1) La tête de l’animal est supposée dans l’attitude de la tête de l’homme. 200 Exp. llï. (22 janvier 1862.) — Vieux cheval. — L’œsophage est rapi- dement découvert dans toute sa longueur, ainsi que l’estomac; celui-ci est presque vide. Ce n’est qu’après cette opération qu’on excise le sommet du crâne pour mettre à nu les racines du pneumogastrique. L’animal étant couché sur le côté gauche, ce sont les racines du nerf droit que l’on excite, en employant immédiatement l’électricité. Ces racines, comme sur le pré- cédent sujet, sont encore disposées en trois faisceaux, dont le supérieur est tout à fait grêle. L’excitation de ces trois faisceaux détermine des phénomènes si com- plètement semblables à ceux de l’expérience ci-dessus, qu’il serait tout à fait inutile de décrire de nouveau ces phénomènes. Il n’y a qu’à signaler en plus les contractions de l’estomac, contractions vermiculaires éner- giques, suivant toujours celles de la portion terminale de l’œsophage. MÉMOIRES ORIGINAUX. D’après ces deux expériences, les filets radiculaires moteurs du pneumogastrique ne formeraient point un faisceau à part, mais se trouveraient intimement mélangés avec les racines sensitives ou centripètes; en sorte qu’il n’est point possible d’appliquer un excitant sur les origines du pneumogastrique sans provoquer des contractions dans l’appareil musculaire auquel le nerf distribue ses filets. Voilà un premier point. Un second point sur lequel ces expériences fournissent des renseignements intéressants, c’est le mode de distribution de ces filets radiculaires moteurs propres au nerf vague. Ainsi, l’estomac et l’œsopbage tirent leurs filets nerveux moteurs de tous les faisceaux de racines du pneumogastrique, mais beau- coup plus des racines supérieures que des racines inférieures. En ce qui regarde le pharynx, on voit le constricteur inférieur animé surtout par le faisceau supérieur, le moyen par les ra- cines moyennes, et le supérieur par le faisceau inférieur. Dis- tribution singulière, qui fait voir une opposition remarquable entre la situation des racines du nerf vague et celle des organes contractiles auxquels sont destinés les filets moteurs contenus dans ces racines, les filets inférieurs allant aux organes supé- rieurs, et vice versa; distribution constante, du reste, car je l’ai rencontrée non-seulement dans les deux expériences qui viennent d’ètre racontées, mais encore dans un grand nombre d’autres. De ce qui précède, il ressort clairement que l’œsophage, ainsi que le pharynx et l’estomac, reçoit des nerfs moteurs dont les filets sont compris dans les racines propres du pneumogas- trique ; mais il n’en résulte pas que ces racines soient la source DU NERF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRÉ COMME AGENT, ETC. 201 exclusive des nerfs centrifuges chargés d’animer ces trois or- ganes. Pour se fixer sur ce dernier point, il fallait agir, non- seulement sur les racines propres de la dixième paire, mais encore sur celles des autres nerfs qui contractent des anasto- moses avec elle. Les nouvelles expériences qui vont être racon- tées ont été instituées dans ce sens. Expériences relatives à l'excitation comparée des racines du pneumo- gastrique et des racines bulbaires du spinal. Les racines propres du pneumogastrique ne se distinguent pas toujours facilement des racines bulbaires du spinal, à cause de leur grand rapprochement. Aussi ne sera-t-il pas inutile de donner ici quelques détails sur la manière dont ces racines différentes se comportent, et sur les moyens d’éviter entre elles toute confusion. Chez les Solipèdes, les racines du pneumogastrique ne nais- sent pas toutes sur la même ligne. Elles sont implantées sur le bord du bulbe rachidien, les unes plus en avant, les autres plus en arrière (l’animal est toujours supposé porter la tête dans la même attitude que l’homme), toutes, le plus souvent, en un point un peu plus rapproché du corps rétiforme que le point d’émergence des racines du spinal et du glosso-pharyn- gien. Des vaisseaux artériels et veineux se montrent entremêlés à ces racines propres du nerf vague. Le nombre des faisceaux qu’elles forment est toujours-fort variable. Assez souvent, on en compte trois seulement, mais on peut en trouver jusqu’à huit ou dix, unis seulement les uns aux autres par des vaisseaux ou des tractus de tissu conjonc- tif. Quelquefois, quand le nombre des faisceaux est peu consi- dérable, on les décompose assez facilement en fascicules secon- daires plus ou moins déliés. Dans tous les cas, ces faisceaux de racines, une fois formés, restent indépendants les uns des au- tres et ne contractent point entre eux d’anastomoses. Ils se di- rigent directement en dehors, en convergeant légèrement et en affectant une disposition rectiligne, gagnent le trou déchiré postérieur et s’y engagent, soit en masse, soit isolément, par autant d’orifices distincts et très-rapprochés, percés dans la substance cartilagineuse, qui, dans les animaux solipèdes, bouche le vaste hiatus osseux destiné à la formation des deux 202 trous déchirés. Ces racines vont ainsi se jeter dans le ganglion jugulaire. Les racines bulbaires du spinal sont implantées comme il vient d’être dit, sur une ligne généralement plus rapprochée du faisceau olivaire. Mais ce caractère, souvent peu marqué, est parfois tout à fait absent. On ne trouve que peu de vaisseaux au milieu d’elles; et il arrive assez communément qu’une grosse veine les sépare des racines du pneumogastrique; mais cette dernière disposi- tion, signalée déjà chez les chiens par Cl. Bernard, est loin, malheureusement, d’être constante. Elles forment toujours un assez grand nombre de faisceaux, dix ou douze, très-déliés, remarquables par leur trajet très-légèrement ondulé, et sur- tout par les anastomoses qui se font de l’un à l’autre, particu- lièrement entre les plus inférieurs. Les faisceaux les plus su- périeurs affectent à peu près la même direction transversale que les racines du pneumogastrique ; les inférieurs, plus longs, suivent une direction plus ou moins oblique en remontant vers le trou déchiré. Parmi ces racines, celles qui se trouvent les plus rapprochées des racines médullaires sont les seules qui se réunissent au tronc du spinal; les autres, c’est-à-dire la ma- jeure partie, se fusionnent en un faisceau commun indépendant, qui arrive au trou déchiré en se plaçant un peu en avant des racines propres du pneumogastrique, et, partant, en croisant légèrement la direction de ces dernières. Ce faisceau sort gé- néralement du crâne par un petit pertuis particulier, s’accole au ganglion jugulaire, à la face inférieure duquel il adhère intimement, et se perd dans le tronc du nerf vague. C’est là la branche interne du spinal, laquelle, en raison de cette indépen- dance qu’elle présente chez les solipèdes, pourrait être aussi bien rattachée au pneumogastrique lui - même qu’à son nerf accessoire. En tenant compte des indications qui se déduisent naturelle- ment de cette description, il est, le plus souvent, possible d’éviter toute confusion entre les racines propres du nerf vague et les racines bulbaires du spinal. Il est cependant quelquefois assez difficile de dire précisément où commencent les unes et où finissent les autres ; cette difficulté se présente, du moins, à l’expérimentateur, qui, forcé d’agir avec la plus grande rapi- dité, ne pourrait, sans s’exposer à laisser s’altérer l’excitabilité MÉMOIRES ORIGINAUX. DU NERF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRÉ COMME AGENT, ETC. 203 des tubes nerveux, se livrer aux dissections délicates auxquelles on est alors obligé d’avoir recours pour sortir d’embarras. Mais, dans la pratique, ce cas se rencontre assez rarement pour qu’on n’ait pas à s’en préoccuper. Exp. IY. (2 décembre 1861). — Vieux cheval entier très-bien con- servé. — Animal couché sur le côté droit. Excitations pratiquées à gauche. A. Pincement du spinal au niveau du point où il s’accole aux racines bulbaires inférieures : très-forte contraction dans le trapèze et le sterno- cléido-mastoïdien ; mouvement des pièces laryngiennes; rien dans le pharynx, l’œsophage ou l’estomac. B. Pincement en masse des racines bulbaires supérieures : resserre- ment de la glotte, avec tension de la corde vocale gauche; élévation en masse du larynx, par la contraction de la partie la plus élevée du premier constricteur du pharynx; rien dans les muscles animés par la branche externe du spinal; rien dans l’estomac ; rien dans l’œsophage; rien dans les constricteurs inférieur et moyen de la cavité pharyngienne. C. Pincement en masse des racines propres du pneumogastrique : immo- bilité de la glotte et de l’appareil musculaire animés par la branche externe du spinal ; mais tous les muscles du pharynx et la membrane charnue de l’œsophage se contractent avec une grande énergie. D. A ces excitations mécaniques, pratiquées très-rapidement, avec les précautions nécessaires pour ne pas contusionner trop fortement les racines nerveuses, on fait succéder les excitations électriques. Les mêmes faits se reproduisent; on en constate même de nouveaux. Ainsi, on remarque que la contraction partielle du constricteur supérieur du pharynx, due à l’ir- ritation des racines bulbaires du spinal, ne se manifeste que si les excita- teurs touchent les faisceaux les plus rapprochés des racines du pneumo- gastrique. On constate de plus, mais très-fugitivement, la contraction de l’estomac pendant l’excitation de ces dernières, contraction non observée au moment de l’irritation mécanique. Exp. Y. (2 décembre 1861.) — Vieux cheval hongre, petit, peu éner- gique.— Couché sur le côté gauche : racines excitées à droite. On n’observe que le larynx, le pharynx et la portion cervicale de l’œsophage. Les exci- tations sont commencées seulement sept minutes après la mort. 1° Pincement du premier faisceau des racines du pneumogastrique (faisceau supérieur, extrêmement grêle) : rien dans le larynx ; contractions pharyngiennes et œsophagiennes. 2° Pincement d’un deuxième faisceau, également très-grêle: mêmes résultats. 3° Pincement d’un troisième faisceau très-volumineux : encore les mêmes résultats, avec cette particularité que les contractions pharyngiennes et œsophagiennes sont de la plus grande énergie. 4° Pincement des racines bulbaires supérieures du spinal : le doigt, in- troduit dans le larynx, par un trou de la membrane crico-thyroïdienne, sent un mouvement énergique du cartilage arythénoïde et de la corde 204 MÉMOIRES ORIGINAUX. vocale ; l’organe est tiré en haut et en avant, par une contraction, constatée de visu, du faisceau le plus supérieur du premier constricteur pharyn- gien. bien dans les autres parties du pharynx ou dans l’œsophage. 5° Pincement des racines bulbaires moyennes : contractions laryngiennes seulement. Il ne se manifeste absolument rien dans le pharynx. 6U Pincement des racines bulbaires les plus rapprochées des racines mé- dullaires du nerf spinal : cette excitation ne provoque que la contraction du sterno-mastoïdien. 7° Mêmes excitations par l’électricité : mêmes résultats. Pendant ces nou- velles explorations, la glotte était observée directement, le larynx ayant été tiré au dehors par une incision faite à la membrane thvro-hyoïdienne. On vit alors que le crico-thyroïdien n’entrait pas en contraction avec les autres muscles du larynx quand on excitait les racines bulbaires du spinal ; mais cette contraction était fort nettement obtenue lorsque les électrodes tou- chaient le deuxième faisceau de racines du pneumogastrique ; il se mani- festait en même temps une légère contraction du constricteur inférieur et de la membrane charnue de l’œsophage. Vingt-deux minutes après la mort de l’animal, ces racines du spinal et du pneumogastrique jouissent encore manifestement de l’excitabilité, malgré la série d’irritations pratiquées sur elles. C’est à peine s'il en reste des traces dans le nerf masticateur, qui est cependant, de tous les nerfs encé- phaliques, celui où l’excitabilité persiste habituellement le plus longtemps; tous les autres nerfs moteurs explorés (hypoglosse, facial, pathétique, mo- teur oculaire commun) l’ont complètement perdue (1). Exp. VI. (21 janvier 1862.) — Vieux cheval. — Animal couché sur le côté droit : on agit sur les racines gauches. La distinction entre celles du (1) Dans les nombreuses expériences que j’ai faites sur l’excitabilité des racines des nerfs moteurs crâniens, j’ai remarqué que la persistance de cette propriété, après la mort, présente les plus grandes différences suivant les nerfs. Dans le pa- thétique, l’excitabilité est si fugitive qu’il m’a été souvent impossible, en agissant immédiatement après la mort, de provoquer la contraction du grand oblique de l’œil par l’excitation de la partie intra-crânienne du nerf. Après le pathétique, le facial est, parmi les nerfs encéphaliques, celui qui perd le plus rapidement son excitabilité. Puis viennent le moteur oculaire commun, l’hypoglosse, le moteur ocu- laire externe, le spinal, le pneumogastrique, le nerf masticateur ou racine motrice du trijumeau. A cette énumération on doit ajouter le glosso-pharyngien, qui lui aussi possède des fibres motrices (on le verra par quelques-unes des expériences racontées dans ce mémoire) ; mais c’est un nerf qui perd si vite son excitabilité, dans ses racines, que je comprends parfaitement comment elle a échappé à la plu- part des physiologistes. Cette classification des nerfs crâniens moteurs au poiut de vue de leur aptitude à conserver l’excitabilité après la mort, quoique comportant plusieurs exceptions, a néanmoins un certain caractère absolu. Ainsi, le pathétique et le glosso-pharyngien seront toujours des nerfs à excitabilité extrêmement fugi- tive; le facial, un nerf à excitabilité faiblement persistante; le moteur oculaire commun et l’hypoglosse, des nerfs à excitabilité moyennement persistante; le mo- teur oculaire externe, le spinal, le pneumogastrique, le masticateur, des nerfs à excitabilité tenace. Seulement le rang assigné à chaque nerf dans chacune de ces quatre catégories sera exposé à varier suivant les sujets ; c’est ainsi que, dans l’expérience qui a été l’occasion de cette note, le trijumeau a perdu plus rapide- ment son excitabilité que le spinal et le pneumogastrique. DU NERF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRÉ COMME AGENT, ETC. 205 pneumogastrique et celles du spinal est assez difficile : il existe un faisceau- limite qu’on jie sait trop à quel nerf rapporter. Les excitations sont prati- quées avec l’électricité. L’excitation des racines bulbaires appartenant manifestement au spinal ne provoque absolument que des contractions laryngiennes. Celle du faisceau limite détermine les mêmes contractions, et une éléva- tion du larynx causée par la contraction de la partie supérieure du pre- mier constricteur pharyngien. Celle des racines du pneumogastrique, pratiquée en masse, suscite les fortes contractions pharyngiennes et œsophagiennes que l’on constate ha- bituellement; de plus, au moment de cette excitation , on croit saisir dans le muscle crico-arythénoïdien postérieur, qui avait été mis à nu, un mou- vement non équivoque. Exp. VIL (21 janvier 1862.) — Vieux cheval. — On a oublié de noter le côté sur lequel l’animal a été couché, et, par conséquent, si les excita- tions ont été pratiquées à droite ou à gauche. Les racines du pneumogastrique sont disposées en faisceaux multiples peu volumineux. Leur électrisation provoque dans le pharynx, l’œsophage et l’estomac, les contractions ordinairement observées. Elle agit aussi sur les muscles du larynx : ainsi, quand les excitateurs touchent le deuxième faisceau (en comptant de haut en bas), on voit se contracter énergiquement le muscle crico-thvroïdien ; les faisceaux internes du muscle crico-arythé- noïdien postérieur entrent aussi en contraction, mais plus faiblement. Ce dernier muscle avait été entièrement découvert. Lorsqu’on électrise les racines bulbaires supérieures du spinal, il n’v a aucun mouvement dans le pharynx ou l’œsophage ; mais tous les muscles intrinsèques du larynx, à l’exception du crico-thyroïdien, sont énergique- ment tétanisés. L’électrisation des racines bulbaires situées plus bas pro- voque les mêmes contractions laryngiennes, et de plus, chose curieuse, la tétanisation partielle du constricteur supérieur du pharynx, tétanisation habituellement produite par l’électrisation des racines supérieures. L’excitation comparée des racines du spinal et des racines du pneumogastrique m’ayant très-particulièrement occupé pendant l’hiver qui vient de s’écouler, je pourrais joindre un assez grand nombre d’expériences aux cinq qui viennent d’être racontées ; mais cela n’est pas nécessaire, parce que, dans celles que j’ai eu soin de choisir, se retrouvent tous les faits intéres- sants relatifs à la question spéciale qu’il s’agit de résoudre. Résumons ces faits maintenant : 1° L’estomac se contracte quand on excite les racines du pneumogastrique; — il ne se contracte jamais quand on excite les racines bulbaires du spinal. 2° L’œsophage se contracte dans toute sa longueur quand on excite les racines du pneumogastrique; — il ne se contracte jamais quand on excite les racines bulbaires du spinal. 206 MÉMOIRES ORIGINAUX. 3° Tous les muscles du pharynx se contractent quand on excite les racines du pneumogastrique. — Seule, la bandelette la plus supérieure du.premier constricteur du pharynx entre en contraction lorsqu’on excite les racines du spinal, et c’est pres- que toujours quand on touche les premières racines, celles qui confinent aux racines du pneumogastrique dont l’action mo- trice s’exerce particulièrement sur ce même muscle constricteur supérieur. Il0 Tous les muscles intrinsèques du larynx, à l’exception du crico-thyroïdien, entrent en contraction si l’on excite les ra- cines bulbaires du spinal. — Si l’excitation est pratiquée sur les racines propres du pneumogastrique, le crico-thyroïdien est le seul muscle laryngien qui se contracte avec énergie; mais on peut observer aussi, dans le crico-arythénoïdien postérieur, de très-légères contractions, qui sont, du reste, bien loin d’être constantes. Ces deux phénomènes se montrent quand les exci- tateurs sont appliqués aux racines les plus supérieures, c’est-à- dire les plus éloignées des racines bulbaires du spinal (1). Il résulte de ces faits : — en premier lieu, que les racines du pneumogastrique envoient des filets moteurs, non-seulement au pharynx, à l’œsophage, à l’estomac, mais encore à deux muscles du larynx, le crico-thyroïdien, exclusivement animé par eux, et le crico-arythénoïdien postérieur, où ces filets, tou- jours très-rares, paraissent manquer assez souvent (2); — en (1) J'omets de faire entrer dans ce résumé plusieurs faits accessoires, parce qu’ils sont trop étrangers à la question qui est ici en discussion. Mais je crois de- voir appeler l’attention sur les contractions du sterno-mastoïdien qui apparaissent quand on excite les racines bulbaires les plus inférieures du spinal. Ainsi, toutes les racines bulbaires ne concourent pas, chez le cheval, à former ce que l’on est convenu d’appeler la branche interne du spinal ; quelques-unes de ces racines passent dans la branche externe : la physiologie est d’accord sur ce point avec l’anatomie. Il résulte de ceci qu’un animal sur lequel on a coupé la moelle épi- nière et le tronc médullaire du spinal, au niveau du premier espace intervertébral, peut encore exécuter des contractions réflexes avec son sterno-mastoïdien, quand on excite les cordons postérieurs de la moelle épinière au-dessus de la section, l’excitation se réfléchissant fort bien sur les racines bulbaires du spinal. Il n’y a que le trapèze qui ait alors perdu la faculté de se contracter par effet réflexe. Je suis surtout entraîné à faire cette remarque par le désir de rectifier une er- reur commise dans le récit d’une de mes expériences sur la moelle épinière. (Voir le Journal de la Physiologie, 1861, n° de janvier, pages 57 et58.) Les effets de l’exci- tation du tronc du spinal ont été probablement rapportés à l’excitation de la moelle, et réciproquement. (2) J’ai excité les racines du pneumogastrique, en observant les muscles du larynx sur 30 à 40 animaux peut-être, et je n’ai constaté que deux fois bien posi- tivement la contraction du crico-arythénoïdien postérieur (Exp. VI et VII). DU NERF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRÉ COMME AGENT, ETC. 207 deuxième lieu, que les racines bulbaires du spinal (branche interne du nerf) distribuent des fibres motrices à tous les muscles intrinsèques du larynx, le crico-thyroïdien excepté, et au faisceau le plus supérieur du premier constricteur du pharynx, mais que les autres muscles de ce dernier organe, l’œsophage et l’estomac, ne reçoivent rien de ces racines du spinal. Ces conclusions sont en désaccord avec l’opinion des physio- logistes qui, déniant aux racines propres du pneumogastrique toute propriété motrice, font venir les filets moteurs pharyn- giens, œsophagiens et gastriques des nerfs anastomosés avec le vague, particulièrement du spinal. Cette opinion s’appuie ce- pendant, elle aussi, sur l’expérimentation. Longet, qui en est le principal soutien et le plus actif propagateur, a cherché, sur des chiens et sur des chevaux, à exciter isolément, dans le crâne, les racines propres du pneumogastrique et les racines bulbaires du spinal. Or, il a vu que l’excitation des premières est sans action sur les muscles animés par les branches du nerf vague, tandis que l’excitation des secondes .suscite les contrac- tions les plus évidentes, non-seulement dans le larynx, mais encore dans le pharynx et la partie supérieure de l’œsophage. Rien de plus facile à expliquer que ces résultats contradic- toires. Longet nous apprend en effet (1) que, dans ses expé- riences, pour éviter tout mouvement réflexe et toute dériva- tion de courant (il agissait avec l’électricité) sur le spinal, il séparait du bulbe les racines du pneumogastrique avant de les exciter, celles du spinal restant en communication avec la moelle allongée. Or, par le seul fait de leur isolement du bulbe, les racines du pneumogastrique perdant leur excitabi- lité avec une extraordinaire rapidité, il serait étonnant que Longet, dont les expériences étaient faites avec des précau- tions minutieuses exigeant nécessairement beaucoup de temps, eût pu provoquer des contractions pharyngiennes, œsopha- giennes ou stomacales, en appliquant l’électricité à ces racines. Celles du spinal, au contraire, restées intactes et conservant ainsi longtemps leur excitabilité, peuvent provoquer, au mo- ment où on les excite, de vives contractions musculaires, (1) Anatomie et physiologie du système nerveux, t. n, page 265, Traité de phy- siologie, t. n, 2e édition, page 500. 208 MÉMOIRES ORIGINAUX. même dans la tunique charnue de l’œsophage, comme l’a vu Longet, si l’on n’a pas fait exactement la distinction des raci- nes appartenant à chacun des deux nerfs, et qu’on ait (ce qui peut arriver aux expérimentateurs les plus exercés) laissé in- tacts, avec les filets bulbaires du spinal, quelques filets des ra- cines propres du pneumogastrique. J’ai plusieurs fois pratiqué, selon la méthode de Longet, l’excitation comparée des racines du vague et du spinal, et, le plus souvent, les choses se sont passées comme il l’indique. 11 n’y a donc point eu erreur d’observation de la part de l’éminent physiologiste, ou même exécution défectueuse des excitations ; il a seulement agi dans de mauvaises conditions physiologiques. C’est là ce qui entache d’erreur ses expériences sur l’origine des filets moteurs du pneumogastrique ; et cela ne permet pas d’accorder à ces expé- riences la même importance qu’à celles exécutées par le même auteur, avec tant de succès, sur les propriétés et les fonctions des diverses branches émises par le tronc du nerf. Cette contradiction n’existe plus, au contraire, quand on compare mes expériences sur la source des filets moteurs de l’estomac et de l’œsophage à celles que Cl. Bernard a entre- prises sur le même sujet. Tout le monde connaît l’admirable étude du spinal faite par l’éminent professeur. On sait com- ment il y démontre que les nerfs moteurs de la plupart des muscles pharyngiens, de l’œsophage et de l’estomac, ne vien- nent pas des racines du spinal. Or, cette démonstration, établie sur les phénomènes produits par la suppression du spinal, concorde de tous points avec celle qui résulte de mes expé- riences à'excitation du nerf; et cette concordance se manifeste non-seulement dans le fait principal, mais encore dans les plus petits détails. Ainsi : 1° Y arrachement du spinal laisse subsis- ter, dans toute leur intégrité, les contractions péristaltiques ré- gulières de l’œsophage et de l’estomac ; et Y excitation des racines du nerf ne provoque aucun mouvement dans la mem- brane charnue de ces [deux organes; — 2° après Y arrache- ment du spinal, la déglutition pharyngienne, quoique s’exécu- tant avec énergie, est manifestement gênée; or, Y excitation des racines du nerf démontre justement qu’un des constricteurs pharyngiens, le supérieur, reçoit de ces racines un certain nombre de libres motrices; — 3° quand on a pratiqué Y arra- chement du spinal, le larynx, absolument paralysé comme organe vocal, ne l’est pas complètement comme organe respi- ratoire, car les lèvres de la glotte, au lieu de s’affaisser, restent sensiblement écartées, ce qui indique une certaine persistance d’action du muscle crico-arythénoïdien postérieur; et la mé- thode des excitations enseigne qu’il existe, parmi les racines du pneumogastrique, un faisceau qui envoie des filets moteurs à ce muscle dilatateur de la glotte. Cl. Bernard a aussi cherché, dans les résultats de l’excita- tion pratiquée sur les origines du pneumogastrique et du spinal, la confirmation des résultats de ses expériences sur l’arrachement de ce dernier nerf; mais ses recherches sont loin d’être aussi concluantes que les miennes. DU NERF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRÉ COMME AGENT, ETC. 209 Expériences relatives à l’excitation comparée des racines du pneumogastrique et du glosso-pharyngien. Exp. VIII. — Cheval de l'expérience VI. — Sur cet animal, l’excitation des racines du pneumogastrique suscitait les contractions pharyngiennes et œsophagiennes habituellement observées. Quand on faisait agir l’électricité sur le faisceau de racines du glosso-pharyngien, il ne se manifestait rien dans l’œsophage, ni dans les constricteurs inférieur et moyen du pharynx ; mais on constatait de fortes contractions dans la partie antérieure et supé- rieure du premier constricteur. Exp. IX. — Cheval de l’expérience VII. — Au moment de l’excitation du glosso-pharyngien : contraction de cette même partie antéro-supérieure du constricteur supérieur, et probablement des muscles du voile du palais ; rien dans les autres régions du pharynx, ni dans l’œsophage, ni dans l’estomac. Conclusion : l’œsophage et l’estomac n’empruntent aucun de leurs filets moteurs au glosso-pharyngien, nerf qui a cepen- dant des fibres motrices dans ses racines, comme le prouvent les expériences ci-dessus, très-nettement confirmatives, en ce point, des expériences analogues déjà connues. Expérience sur l’excitation comparée des racines du pneumogastrique et des racines du facial. Exp. X. (3 décembre 1861.) — Très-grand âne, d’une vigueur excep- tionnelle, quoiqu’il soit très-vieux. — Animal couché sur le côté gauche. Les excitations sont commencées quatre minutes après la mort. 1* On pince le facial : contraction énergique des muscles de la face et de l’oreille, ainsi que du digastrique; rien dans le voile du palais, le pha- rynx, le larynx, l’œsophage. 210 2“ On pince en masse les racines du pneumogastrique, à l’exception d’un très-petit faisceau inférieur : contraction énergique dans le pharynx et l’oesophage. 3° On pince ce petit faisceau : encore contraction pharyngienne et œso- phagienne, mais très-faible. 4° On pince en masse le spinal près du trou déchiré : contraction des muscles trapèze et sterno-cléido-mastoïdien, resserrement de la glotte, élévation du larynx. 5° Mômes excitations pratiquées avec l’électricité six minutes après la mort : mômes résultats, plus accentués et plus facilement observés. L’es- tomac se contracte faiblement quand on touche les racines du pneumogas- trique avec les excitateurs; il reste absolument imtnobile lorsqu’on agit sur les autres nerfs. Dix minutes après la mort, l’excitabilité est sur le point de disparaître des racines du facial. Dix-huit minutes après la mort, cette propriété n’existe plus dans le spinal, ni dans l’hypoglosse, tandis que le pneumogastrique et le nerf masticateur répondent toujours avec énergie aux excitations. MÉMOIRES ORIGINAUX. D’après cette expérience, et plusieurs autres ayant donné des résultats analogues, aucun des filets moteurs de l’œso- phage ne vient des racines du facial : conclusions qui concordent avec les données antérieures de l’anatomie et de la physiologie, prouvant que, dans le gros rameau anastomotique étendu entre les nerfs facial et pneumogastrique, les filets nerveux vont de celui-ci à celui-là. Expérience sur l’excitation comparée des racines du pneumogastrique et des racines de l’hypoglosse. Exp. XI. — Mulet vigoureux. — Les racines du pneumogastrique et du spinal sont coupées en travers, afin de pouvoir exciter plus commodément celles de l’hypoglosse. C’est avec l’électricité qu’on pratique l’excitation : on obtient les plus vifs mouvements de la langue, mais l’œsophage n’est le siège d’aucune contraction. Ce conduit se tétanise avec énergie quand on applique les excitateurs sur le bout périphérique des racines du pneumo- gastrique. Rien ne se manifeste quand on excite le bout central de ces mêmes racines. On voit diminuer très-rapidement, et disparaître bientôt, la vive excitabilité constatée dans le bout périphérique. De cette expérience, type et résumé de beaucoup d’autres semblables, résulte cette conclusion que les racines de l’hypo- glosse ne concourent pas à former les nerfs moteurs de l'oeso- phage. DU NERF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRÉ COMME AGENT, ETC. 211 Expériences sur l'excitation comparée des racines du pneumo- gastrique et du grand sympathique. J’ai, dans la même journée, excité comparativement sur cinq chevaux, d’une part, les racines du pneumogastrique; d’autre part, les ganglions cervicaux du grand sympathique, ainsi que le cordon cervical et l’origine de la chaîne dorsale de ce dernier nerf : je n’ai jamais vu, au moment de ces der- nières excitations, survenir de contraction dans le pharynx, l’œsophage ou l’estomac, lesquels, au contraire, se sont tou- jours contractés avec énergie sous l’influence de l’excitation des racines propres du pneumogastrique (1). RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS DE LA PREMIÈRE PARTIE. I. L’excitation du nerf sympathique, dans les points où il paraît fournir des filets au pneumogastrique, ne provoque aucune contraction de l’œsophage ou de l’estomac. II. L’excitation des racines de l’hypoglosse fait contracter violemment les muscles de la langue, mais n’a aucune action sur l’estomac ou le tube œsophagien. III. L’excitation des racines du facial n’agit ni sur les mus- cles staphvlins, ni sur les muscles pharyngiens, ni sur l’œso- phage ou l’estomac; elle n’a d’effet que sur les muscles faciaux, auriculaires, et sur ceux des muscles sus-hyoïdiens où l’on peut suivre, par la dissection, les diverses divisions du nerf. IV. L’excitation des racines du glosso-pharyngien fait con- tracter la partie antéro-supérieure du constricteur pharyngien supérieur et, probablement, une partie des muscles staphy- lins (2) ; mais elle n’exerce aucune influence sur les autres parties contractiles de l’appareil digestif. (1) Ces animaux, tués le matin avant l’heure du premier repas, n’avaient cepen- dant pas l’estomac tout à fait vide. Celui-ci contenait beaucoup de salive et de mu- cosités pharyngiennes, avec une certaine quantité de paille (paille de la litière). Les contractions du viscère provoquées par l’excitation des racines du pneumo- gastrique ne se montraient que quand celles-ci avaient toute leur excitabilité, c’est-à-dire tout à fait au début. (2) Je crois pouvoir affirmer, d’après mes souvenirs, que les muscles du voile, et particulièrement le pharyngo-staphylin, se sont aussi montrés, dans mes ex- périences, sous la dépendance des racines les plus inférieures du pneumogas- trique. Malheureusement, je n’ai retrouvé aucune trace écrite de ce fait dans les notes volumineuses que j’ai prises sur les résultats de mes recherches; et je ne suis pas, au moment où j’écris ces lignes, en mesure de le vérifier par de nouvelles expériences. 212 MÉMOIRES ORIGINAUX. V. L’excitation des racines bulbaires du spinal agit, comme celle du glosso-pharyngien, sur la partie antéro-supérieure du premier constricteur pharyngien et sur tous les muscles intrin- sèques du larynx, le crico-thyroïdien excepté. Elle ne déter- mine aucun mouvement dans l’estomac, l’œsophage ou les constricteurs inférieur et moyen du pharynx. Ce sont habituel- lement les racines les plus rapprochées du pneumogastrique qui provoquent la contraction du constricteur pharyngien supé- rieur. Les racines les plus inférieures n’exercent souvent leur influence que sur le muscle sterno-m’astoïdien. VI. L’excitation des racines propres du pneumogastrique fait éclater les plus vives contractions dans tous les muscles du pharynx, l’œsophage, l’estomac, le crico-thyroïdien, et parfois des contractions légères dans le muscle crico- arythénoïdien postérieur, tous les autres muscles du larynx restant en repos. — L’excitation des racines inférieures (les plus rapprochées des racines du spinal) agit plus particu- lièrement sur le constricteur supérieur; celle des racines moyennes, sur le constricteur moyen , celle des racines supé- rieures, sur le constricteur inférieur, les muscles crico-thy- roïdien et crico-arythénoïdien postérieur.— L’œsophage et l’es- tomac se contractent toujours, quel que soit le faisceau des racines qui soit excité ; mais cette contraction est d’autant plus forte, surtout dans la région trachéale de l’œsophage, que l’ex- citation est pratiquée sur des racines plus supérieures. — Dans la portion trachéale de l’œsophage, l’effet de l’excitation conti- nue est une tétanisation brusque, permanente, tout à fait sem- blable à celle des muscles de la vie animale. Dans la portion terminale ou sous-bronchique, c’est une série de mouvements ondulatoires, vermiculaires, très-puissants, tardant toujours un peu à se manifester. De ces faits résulte cette conclusion dernière, que la mem- brane charnue de l’œsophage tire exclusivement ses nerls moteurs des racines propres du pneumogastrique. DU NERF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRÉ COMME AGENT, ETC. 213 DEUXIÈME PARTIE DISTRIBUTION DES NERFS MOTEURS DE u’OESOPIIAGE Que deviennent les filets moteurs de l’œsophage une fois entrés dans le tronc du nerf pneumogastrique? Dans quelles branches passent-ils pour aborder l’organe auquel ils sont destinés? L’examen de ces questions va me fournir l’occasion de faire connaître, pour la première fois, un fait anatomique et physiologique d’une importance majeure, fait qui, jusqu’à présent, a échappé (je ne sais trop comment) aux investiga- tions si multipliées des physiologistes sur le nerf vague. D’après les opinions unanimement acceptées aujourd’hui, la portion de l’œsophage étendue du pharynx à l’origine des bronches recevrait tous ses nerfs des laryngés inférieurs ou récurrents, la portion étendue des bronches à l’estomac em- prunterait directement les siens aux cordons par lesquels les pneumogastriques se prolongent dans la cavité abdominale. C’est à la vérification de cette manière de voir qu’ont été con- sacrées les expériences suivantes. Excitation comparée des racines et de la portion cervicale du tronc du nerf pneumogastrique. Exp. XII (16 décembre 1861). — Jument jeune, très-vif)oureuse. — Animal couché du côté droit. Immédiatement après la mort (1), on dé- couvre le pneumogastrique et l’œsophage, depuis la base du crâne jusqu’au diaphragme; puis on scie l’occipital pour mettre à nu les racines du nerf. Les excitations sont pratiquées à l'aide de l’électricité, avec la machine faible que j’emploie habituellement pour l’irritation localisée des racines nerveuses. On donne à cette machine son maximum d’action, et on ap- plique les excitateurs sur le tronc du nerf, près de l’entrée de la poitrine : seule, la portion terminale ou sous-bronchique de l’œsophage éprouve une contraction légère, la contraction vermiculaire habituellement observée : quant à la portion trachéale, elle n’exécute pas le moindre mouvement. Cependant, l’application des excitateurs sur les racines tétanise cette por- tion cervicale avec la plus grande énergie, en même temps qu’elle provoque les contractions ondulatoires de la portion terminale, même quand on rend dix à quinze fois moins forts les courants développés par la machine. J’avoue avoir éprouvé une grande surprise en présence d’un (1) Toutes les expériences de cette deuxième série ont été exécutées dans les mêmes conditions que les premières, c’est-à-dire sur des animaux récemment tués. 214 MÉMOIRES ORIGINAUX. pareil résultat, car je ne m’attendais pas du tout à constater cette impossibilité absolue d’obtenir, en excitant le tronc du pneumogastrique dans la région cervicale, les contractions de la portion trachéale de l’œsophage. Mon premier mouvement m’a porté à conclure que les fibres du pneumogastrique ne jouissaient pas de la même excitabilité sur tous les points de leur trajet, et que cette excitabilité décroissait, selon la loi générale, de l’origine à la terminaison, mais décroissait d’une manière exceptionnellement rapide. L’expérience suivante parut me donner raison. Exp. XIII (17 décembre 1861). — Mulet méchant et vigoureux. — Animal couché sur le côté droit. On met à nu le pneumogastrique et l’œso- phage jusqu’à la base du cœur, après avoir enlevé la calotte crânienne. Excitations électriques toujours pratiquées avec la môme machine faible graduée au maximum. 1° Excitation du tronc du nerf près de l’entrée de la poitrine : rien dans l’œsophage (la portion terminale n’était pas observée). 2° Excitation vers le milieu de la région cervicale : mêmes résultats négatifs. 3° Excitation du nerf au niveau de l’origine du laryngé supérieur : très- faible contraction de l’œsophage dans toute l’étendue de la région cer- vicale. 4° Excitation pratiquée au-dessus de l’origine du nerf pharyngien : téta- nisation plus forte de l’œsophage. 5° Excitation des racines propres du nerf : tétanisation encore plus énergique du conduit œsophagien. Cette expérience, ainsi que je viens de le dire, semble dé- montrer que la vive excitabilité constatée dans les racines propres du pneumogastrique décroît avec une rapidité ex- traordinaire, au fur et à mesure que les fibres motrices œsopha- giennes s’éloignent de leur point d’origine, en sorte que, à partir de la naissance du laryngé supérieur, cette excitabilité ne pourrait plus être mise en jeu parles excitations modérées usuelles. Mais cette expérience pouvait bien aussi signifier autre chose : c’est que les fibres motrices destinées à la portion trachéale de l’œsophage ne suivent pas la voie qu’on leur at- tribue unanimement, et qu’elles s’échappent du tronc du nerf en un point supérieur à l’origine du récurrent. Cette supposi- tion n’était, il est vrai, justifiée par aucune des données ac- tuelles de l’anatomie. Je crus cependant devoir chercher à en vérifier l’exactitude par l’expérience suivante. DU NERF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRÉ COMME AGENT, ETC. 215 Excitation comparée de l’origine du pneumogastrique avant et après la section du nerf au milieu de la région cervicale. Exp. XIV. (Décembre 1861). — Ane en bon état. — On avait, sur cet animal, coupé la moelle dans l’espace atloïdo-axoïdien, et mis en œuvre la respiration artificielle, pour une expérience sur l’excitabilité de la moelle allongée. L’insufflation pulmonaire est arrêtée : l’animal s’asphyxie. Quand le cœur a cessé de battre, l’œsophage est mis à nu du côté gauche, depuis son origine jusqu’à la base du cœur. On électrise les racines propres du nerf pneumogastrique : forte tétani- sation de la partie trachéale de l’œsophage. Même électrisation, après la section transversale du pneumogastrique, pratiquée au milieu du cou : la tétanisation œsophagienne survient comme avant la section. Le nerf est coupé une seconde fois au niveau de la glande thyroïde, et une nouvelle électrisation des racines provoque encore la même tétani- sation. On fait enfin une troisième section au-dessus du point d’émergence du nerf pharyngien : c’est alors seulement que l’électrisation cesse d’exciter la tétanisation de l’œsophage. ' D’après cette expérience, répétée bon nombre de fois, tou- jours avec les mêmes résultats, ce ne sont donc pas les récur- rents qui, chez les Solipèdes, distribuent les fibres nerveuses motrices à la portion cervicale de l’œsophage. Les notions fournies par l’anatomie sur ce point étaient tout à fait erro- nées. L’expérimentation physiologique prouve que ces fibres nerveuses naissent de la partie supérieure du pneumogastrique, au-dessus de l’origine du nerf laryngé supérieur, et au-des- sous du point d’émergence du nerf pharyngien. C’est ce qui résulte, de la manière la plus catégorique, de cette expé- rience XIV. Il fallait alors chercher par la dissection, dans l’es- pace compris entre les deux points qui viennent d’être signa- lés, l’origine des rameaux nerveux qui distribuent les fibres motrices à la portion trachéale de l’œsophage. C’est ce que je fis immédiatement. Voici le résultat de mes investigations, en- treprises comparativement chez le cheval, l’âne et le mulet, et qui, du reste, m’ont donné, dans tous les cas, des résultats identiques. Trois nerfs seulement se détachent de la région précitée du pneumogastrique, le pharyngien, le laryngé supérieur, le la- ryngé externe. Le nerf pharyngien, en arrivant sur le pharynx, se divise en 216 MÉMOIRES ORIGINAUX. plusieurs rameaux divergents, qui se dirigent les uns en avant, les autres sur le côté, et les derniers en arrière. Parmi ceux-ci, se trouve une branche assez volumineuse qui gagne l’origine de l’œsophage, s’accole intimement à sa membrane charnue, et descend ainsi sur le côté du conduit, en émettant de distance en distance des divisions plexiformes; elle se prolonge jusque dans la poitrine, où la gracilité de ce rameau empêche de le poursuivre au delà du niveau de la deuxième côte. Le nerf laryngé supérieur se porte en entier au larynx : il n’envoie absolument rien à l’œsophage. Le nerf laryngé externe, qui, chez l’homme et plusieurs animaux, procède du précédent, naît, chez les Solipèdes, le plus souvent directement du pneumogastrique, au point même d’où se détache le laryngé supérieur. Il descend sur le pharynx, donne un filet au muscle crico-thyroïdien, plusieurs ramus- cules au constricteur inférieur, et se prolonge sur le côté de l’œsophage sous forme d’un cordon très-grêle que l’on peut suivre, à côté du cordon émané du pharyngien, jusqu’à une distance de 15 à 20 centimètres. Ses divisions contractent des anastomoses avec celles de ce dernier cordon. 11 paraît se fu- sionner, là où l’on cesse de pouvoir le suivre, soit avec celui-ci, soit avec un de ses principaux rameaux. Quant au laryngé inférieur, on le voit fournir, surtout dans sa portion thoracique, de rares fdets collatéraux ascendants, très-longs, très-grêles ; mais ces fdets sont plus particulière- ment destinés à la trachée. L’œsophage reçoit cependant de ces blets quelques divisions ténues, plus visibles dans la moitié infé- rieure de la région trachéale que dans la moitié supérieure. Ces divisions s’anastomosent manifestement avec celles qui sont fournies par les nerfs pharyngien et laryngé externe. Telles sont, d’une manière sommaire, les particularités que j’ai signalées dans les dissections auxquelles je me suis livré pour éclaircir la question de l’origine des nerfs moteurs de la portion trachéale de l’œsophage. Il résulte de ces dissections que trois nerfs fournissent des blets à cette portion du conduit œsophagien : le récurrent, le laryngé externe et le pharyngien. Les blets du premier ne sont assurément pas moteurs, d’après les expériences précédentes. Ceux des deux autres nerfs doi- vent-ils être considérés comme tels? Vraisemblablement oui. toujours d’après les mêmes expériences ; et cette vraisemblance DU NERF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRÉ COMME AGENT, ETC. 217 va être changée en certitude complète par les nouveaux faits physiologiques dont il va être maintenant rendu compte. Excitation comparée des nerfs pharyngien, laryngé externe, laryngé supérieur, laryngé inférieur et du tronc du pneumogastrique. Exp. XV. (19 décembre 1861). — Vieux cheval aveugle, solide.— Animal couché sur le côté gauche. L'œsophage est rapidement mis à nu dans toute sa longueur, du côté droit, ainsi que le pneumogastrique et scs principales branches collatérales. La portion trachéale du conduit est abso- lument immobile; la portion sous-bronchique exécute, pour peu qu’on la touche, de vifs mouvements vermiculaires. 1° Électrisation du nerf pneumogastrique à sa sortie du trou déchiré : tétanisation du pharynx et de toute la longueur de l’œsophage, tétanisation imparfaite pour la portion terminale, qui exécute pendant l’excitation de violentes contractions vermiculaires. 2° Électrisation du nerf pharyngien : mêmes résultats, y compris les mouvements vermiculaires de la portion terminale; seulement, ces mou- vements tardent un peu pluS à se manifester. 3° Électrisation du nerf laryngé supérieur : rien. 4° Électrisation du nerf laryngé externe : vive tétanisation du crico- thyroïdien et du constricteur inférieur du pharynx; l’œsophage se tétanise aussi, plus faiblement, mais, du reste, dans toute l’étendue de sa partie trachéale ; quelquefois aussi, légers mouvements vermiculaires dans la partie terminale. 5° Électrisation du pneumogastrique au milieu du cou : rien au pharynx, rien à la portion cervicale de l’œsophage; la portion terminale exécute des mouvements vermiculaires, et les muscles du larynx se tétanisent instan- tanément. 6° Électrisation du récurrent près de son origine : tétanisation des muscles du larynx; aucun autre effet. 7° On électrise une seconde fois les nerfs pharyngien et laryngé externe : la tétanisation de la portion cervicale de l’œsophage est toujours obtenue avec les mômes caractères, mais la portion terminale n’exécute plus de mouvements vermiculaires. Exp. XVI. (21 décembre 1861). — Cheval entier très-vigoureux, ré- formé pour une luxation de Varticulation métacarpo-phalangienne. — Animal couché sur le côté droit. L’œsophage a été découvert, du côté gauche, dans toute sa longueur. La portion terminale du conduit se con- tracte pendant quelques instants avec énergie, soit spontanément, soit sous la pression des doigts, tandis que le reste de l’œsophage reste flasque et immobile. 1° On recherche les deux branches fournies à l’œsophage par le pha- ryngien et le laryngé externe, et on les coupe en travers à leur origine. Ainsi séparées du tronc du nerf pneumogastrique, si on les électrise, on provoque, comme dans l’expérience XV, la tétanisation, forte ou faible, suivant le nerf excité, de toute la portion trachéale de l’œsophage; de plus, 218 MÉMOIRES ORIGINAUX. pendant cette tétanisation, la portion terminale du conduit exécute souvent des mouvements vermiculaires. 2° On découvre la branche œsophagienne du pharyngien un peu au- dessus du milieu de la région cervicale, et on la coupe en travers. L’élec- trisation du bout central provoque seulement une contraction locale en regard du point excité : il se fait là, dans l'œsophage, un rétrécissement très-prononcé. L’électrisation du bout périphérique excite la tétanisation instantanée de la membrane charnue du conduit, depuis le point qui répond à la section jusqu’auprès de la base du cœur, avec de faibles mouvements vermiculaires de la portion terminale, se manifestant un peu tardivement. 3° Le nerf pneumogastrique étant isolé et coupé en travers au milieu du cou, on électrise son bout périphérique : aucun mouvement ne se mani- feste dans l’œsophage depuis son origine jusqu’à l’entrée de la poitrine; c’est la portion thoracique qui seule se contracte, non pas seulement depuis la base du cœur, mais à partir d’un point situé 7 ou 8 centimètres en deçà. 4° On provoque des contractions vermiculaires de cette portion termi- nale du conduit œsophagien, en électrisant à diverses hauteurs les cordons formés par le pneumogastrique au delà des bronches. On trouve dans ces deux expériences tous les éléments né- cessaires pour résoudre définitivement la question qui est ici en discussion. Ainsi, la partie de l’œsophage qui présente la couleur rouge foncé et ne contient, par conséquent, que des fibres muscu- laires striées, c’est-à-dire toute la portion trachéale du con- duit, reçoit ses fibres nerveuses motrices par l’intermédiaire de deux branches spéciales, non signalées jusqu’à ce jour, à ma connaissance du moins, branches émanées des nerfs pharyn- gien et laryngé externe. Quant à la portion terminale ou sous-bronchique du conduit, formée en grande partie de faisceaux pâles à fibres lisses, elle semblerait, d’après les deux expériences signalées ci-des- sus, recevoir ses fibres motrices à la fois et de ces deux bran- ches œsophagiennes supérieures, et de rameaux émanés directe- ment des cordons sous-bronchiques du nerf vague, puisqu’on provoque la contraction de la membrane charnue, dans cette région de l’œsophage, en excitant, soit les branches œsopha- giennes précitées, soit lesdits cordons sous-bronchiques du nerf vague. C’est une conclusion qui ne ressort pas cependant nécessairement de ces faits. D’après d’autres faits qui seront exposés plus loin, on verra que la contraction provoquée dans la portion terminale de l’œsophage, par l’excitation des nerfs DU NEUF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRÉ COMME AGENT, ETC. 219 œsophagiens supérieurs, doit être considérée, non comme un effet direct, immédiat, de l’excitation, mais comme un effet consécutif, comme le résultat de l’ébranlement communiqué aux fibres de cette portion inférieure du conduit par la tétani- sation de la portion supérieure. 11 ne faut pas oublier, en effet, que l’appareil œsophagien, à partir de la base du cœur, se comporte, soit au point de vue de la constitution anatomique, soit surtout au point de vue phy- siologique, comme un organe contractile de la vie organique. Or, tout le monde sait que les membranes charnues formées de libres lisses, quand on les excite en un seul point, se contrac- tent encore énergiquement, en exécutant des mouvements d’en- semble vermiculaires, lors bien même qu’elles sont tout à fait isolées de leurs nerfs. Ainsi, un morceau d’intestin long de 30 à AO centimètres étant enlevé sur une bête vivante ou très-ré- cemment tuée, si on le pose sur une table, il ne tardera pas à rester tout à fait immobile après s’être contracté pendant quel- ques instants d’une manière énergique. Qu’on le pince alors à l’un de ses bouts, et l’on réveillera aussitôt ses contractions, lesquelles se propageront très-nettement et successivement du bout excité à l’autre extrémité. Il ne se passe pas autre chose dans la portion terminale de l’œsophage, quand elle se met à exécuter des mouvements vermiculaires pendant l’électrisation des nerfs œsophagiens supérieurs : la tétanisation de la portion foncée du conduit constitue, pour l’extrémité supérieure de la portion pâle, une excitation mécanique qui se transmet ensuite par voisinage et successivement jusqu’à l’extrémité stomacale, en provoquant ainsi une véritable contraction péristaltique. En résumé, il est prouvé, par ce qui précède, que les fibres motrices de la portion trachéale de l’œsophage viennent du pharyngien et du laryngé externe, celles de la portion termi- nale, des cordons sous-bronchiques du nerf vague, celles de la région limite, située entre ces deux portions du conduit, de l’une et de l’autre source. Distribution des nerfs œsophagiens moteurs chez les animaux autres que les Solipèdes. Cette distribution des fibres motrices œsophagiennes se J'ait- elle de la même manière dans toutes les espèces animales? Voilà ce qu’il s’agit de résoudre maintenant. Mes recherches, 220 MÉMOIRES ORIGINAUX. au moment où j’écris ces lignes, n’ont encore porté que sur le lapin, le chien, le mouton, le bœuf, et sur trois espèces d’oi- seaux, pigeons, coqs et canards. Lapin. — J’ai disséqué- le pneumogastrique sur plusieurs gros lapins avec un soin tout particulier, et j’ai pu constater : 1° que les pneumogastriques, dans leur portion gutturale, n’envoient pas le moindre filet sur les côtés de l’œsophage; *2° que les récurrents, qui sont relativement volumineux, dis- tribuent, sur leur trajet, un grand nombre de rameaux à la tuni- que charnue de toute la portion trachéale du conduit. Anato- miquement, j’ai donc retrouvé, chez le lapin, le mode de distribution qui est généralement attribué aux nerfs œsopha- giens. Voici maintenant ce que m’a enseigné l’expérimentation physiologique. Exp. XVII. (26 décembre 1861 ). — Très-gros lapin, tué par une saignée à l’artère fémorale. — On met immédiatement à nu l’œsophage dans toute son étendue, du côté gauche. 1° Électrisation du pneumogastrique au milieu du oou ; vive tétanisation de tout l’œsophage, avec mouvements vermiculaires de l’extrémité ter- minale. 2° Électrisation du récurrent vers l’extrémité inférieure du cou : forte tétanisation de la portion de l’œsophage située au-dessus du point excité. Le constricteur inférieur du pharynx paraît aussi se tétaniser. 3° Électrisation du récurrent droit tout à fait à son point de naissance : mômes effets. Exp. XVIII. (29 décembre 1861). —Gros lapin disposé comme le pré- cédent. — 1° Électrisation du pneumogastrique gauche, à sa sortie du trou déchiré : tétanisation du pharynx et de l’œsophage. 2° Môme électrisation après la section transversale du nerf au milieu du cou : on n’observe plus le moindre mouvement dans l’œsophage, mais les contractions pharyngiennes persistent toujours. 3° On électrise le bout périphérique du nerf : la tétanisation de l’œso- phage reparaît. 4° L’électrisation du bout périphérique est pratiquée après une section transverse du récurrent faite vers le tiers inférieur du cou : l’extrémité supérieure de l’œsophage ne se tétanise plus ; il n’y a que la portion du conduit, située au-dessous de la section, que l’on voit se contracter. 5° Électrisation du bout supérieur du récurrent : contraction de la partie supérieure de l’œsophage; le reste du conduit garde l’immobilité. 6° On essaye de refaire cette série d’excitations sur le pneumogastrique droit; mais l’excitabilité du nerf ayant considérablement diminué, les résultats manquent de netteté (1). (1) L’excitabilité sur de petits mammifères, comme le lapin, se modifie bien plus rapidement que sur les grands animaux, comme le cheval, DU NERF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRÉ COMME AGENT, ETC. 221 Ainsi, chez le lapin, la distribution des nerfs moteurs de l’œsophage ne se fait plus comme dans les Solipèdes, au moins en ce qui regarde la portion trachéale du conduit : toutes les fibres nerveuses destinées à cette portion trachéale lui sont distribuées par les récurrents ; elle ne reçoit absolument rien des nerfs qui s’échappent du pneumogastrique dans la région gutturale. Chien. — Distribution anatomique des nerfs œsophagiens à peu près identique à celle qu’on observe chez les Solipèdes. Le nerf œsophagien supérieur fourni à la portion trachéale du conduit par le pharyngien est relativement volumineux. Exp. XIX. (4 janvier 1862). — Très-gros chien braque, tué par une saignée à l’artère fémorale. — On met à nu l’œsophage et le pneumo- gastrique, du côté gauche, dans toute leur étendue, et l’on pratique les excitations suivantes : 1« Électrisation du pneumogastrique un peu au-dessus de l’origine du récurrent : vive contraction de la portion thoracique de l’œsophage, à partir du deuxième espace intercostal jusqu’à l’estomac; la portion cervi- cale du conduit œsophagien n’éprouve aucun effet. 2° Électrisation du pneumogastrique au-dessus du point d’origine du pharyngien : contraction totale de l’œsophage, avec les contractions pha- ryngiennes. 3° Même électrisation, le pneumogastrique étant coupé en travers au milieu du cou : la contraction de l’œsophage ne se manifeste que dans la région trachéale jusqu’au niveau du deuxième espace intercostal. 4° Électrisation de l’origine du récurrent : contraction locale de l’œso- phage au niveau de la base du cœur. 5° Électrisation de la branche œsophagienne supérieure vers le milieu du cou : rien dans l’extrémité supérieure de l’œsophage, mais contraction vive de toute la portion du conduit comprise entre le point excité et le deuxième espace intercostal. D’où l’on conclut que, chez le chien, les fibres motrices de l’œsophage son| distribuées à la région cervico-trachéale par les nerfs pharyngien et laryngé externe, à la région thoraco- abdominale par le récurrent et les cordons terminaux du nerl vague; c’est-à-dire que, chez le chien, les choses sont à peu près comme elles se présentent dans les animaux solipèdes. Mouton. — Chez cet animal encore, la disposition anato- mique des nerfs œsophagiens est analogue à celle qu’on ob- serve sur le cheval. C’est le pharyngien et le laryngé externe qui fournissent à la portion trachéale du conduit la plus grande partie de leurs nerfs. 222 MÉMOIRES ORIGINAUX. a. Le nerf pharyngien se dirige en arrière, en décrivant une courbe à convexité inférieure. De cette convexité se détachent des rameaux divergents pour le pharynx. Arrivé sur le côté de l’origine de l’œsophage, le nerf forme un plexus avec le récurrent, au niveau de la glande thyroïde, et il se prolonge ensuite, très-amoindri, le long du conduit œsophagien. b. Quant au nerf laryngé externe, il fournit un mince filet anastomotique au nerf principal émané du pharyngien. Je ne suis pas en mesure, malheureusement, d’ajouter une seule expérience physiologique à cette description anatomique tronquée. Boeuf. — Gomme chez les Solipèdes, il existe aussi sur cet animal un rameau œsophagien spécial pour la portion trachéale de l’œsophage, rameau à la formation duquel concourt plus particulièrement le nerf pharyngien, et qui renferme toutes les fibres motrices de cette portion trachéale, comme le prouve l’expérience suivante : Exp. XX. — Vache très-maigre, tuée par effusion de sang. — Le nerf pneumogastrique gauche avait été, sur cette bète, coupé en travers, pendant la vie, en bas du cou. On électrise le bout central du nerf : rien. On électrise le bout périphérique : contractions laryngiennes ; rien dans la portion cervicale de l’œsophage. Môme électrisation du bout périphérique avec une puissante machine : les résultats obtenus sont analogues, c’est-à-dire qu’on ne parvient pas à provoquer des contractions dans la partie cervicale de l’œsophage ; mais il y en a probablement de très-fortes dans la région thoracique, car on sent, à chaque excitation, un flot de liquide repoussé dans la portion cer- vicale du conduit; de plus, on constate, à travers les parois abdominales, que le rumen se contracte avec énergie. Électrisation légère du nerf pharyngien : très-énergique tétanisation de la portion cervicale de l’œsophage. • Oiseaux. — Dans les trois espèces d’oiseaux que j’ai été à même d’examiner (coq, canard, pigeon), j’ai trouvé une forte branche pharyngo-œsophagienne, naissant du pneumogas- trique, aune petite distance de la base du crâne, et descendant le long de l’œsophage jusqu’en bas du cou, où elle se termine sur la face supérieure du jabot, chez les animaux pourvus de ce renflement. Le gésier, le ventricule succenturié, la ré- gion inférieure de l’œsophage et du jabot reçoivent directe- ment leurs nerfs du tronc du pneumogastrique. Cette dispo- DU NERF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRÉ COMME AGENT, ETC. 223 sition rappelle, comme on le voit, celle des animaux solipèdes. C’est sur des animaux vivants que j’ai fait les expériences physiologiques nécessaires pour rechercher, dans le système du pneumogastrique, les nerfs moteurs de l’œsophage. Sur les oiseaux récemment tués, l’excitabilité des nerfs se perd trop vite pour qu’on puisse avoir le temps d’observer convenable- ment les phénomènes produits par la mise en jeu de cette excitabilité. Exp. XXI. (25 mars 1862). — Poule. — On met à nu le pneumogas- trique et le nerf pharyngo-œsophagien du côté gauche. L’œsophage est aussi découvert jusqu’au jabot, qui contient quelques grains d’avoine et de maïs. 1° Section du pneumogastrique au-dessous du point d’émergence du nerf pharyngo-œsophagien ; électrisation légère du bout périphérique : l’œsophage n’exécute aucun mouvement. 2° Section du nerf pharyngo-œsophagien; électrisation légère du bout périphérique : contraction énergique de l’œsophage et du jabot; ces or- ganes ne restent pas tétanisés d’une manière permanente; ils exécutent des ondulations vermiculaires péristaltiques et antipéristaltiques. J’ai eu soin, dans cette expérience, de couper les nerfs et d’agir seule- ment sur le bout périphérique, parce que, l’animal étant vivant, l’excita- tion du nerf non interrompu dans sa continuité aurait pu se propager aux centres nerveux et provoquer des mouvements réflexes impossibles à dis- tinguer des contractions directement provoquées par la propagation cen- trifuge de l’irritation. Exp. XXII. — Canard mâle. — L’œsophage, le pneumogastrique et le nerf pharyngo-œsophagien sont mis à nu du côté gauche. L’œsophage est le siège de très-légers mouvements vermiculaires spontanés. On divise le pneumogastrique : ces mouvements deviennent plus énergiques dans le premier moment. L’électrisation du bout périphérique du nerf est sans action sur eux. Le nerf pharyngo-œsophagien est divisé à son tour, et son bout périphérique électrisé : les mouvements vermiculaires de l’œso- phage prennent la plus grande énergie; point de tétanisation. Exp. XXIII. — Pigeon. — L’œsophage, mis à nu du côté gauche, reste tout à fait immobile. 1° Section transverse du pneumogastrique, électrisation légère du bout périphérique : le doigt introduit dans l’abdomen sent le gésier se con- tracter; rien dans l’œsophage; 2° Section transverse du nerf pharyngo-œsophagien; électrisation du bout périphérique : le gésier ne bouge pas, mais l’œsophage exécute de vifs mouvements vermiculaires ; rien d’appréciable ne se manifeste dans le jabot. » Ces expériences ne sont certainement pas aussi complètes que je l’aurais désiré, mais elles ont néanmoins un incontes- 224 MÉMOIRES ORIGINAUX. table intérêt, en ce qu’elles prouvent très-catégoriquement que la région cervicale de l’œsophage reçoit, chez les oiseaux comme chez le cheval, ses fibres nerveuses motrices d’une branche œsophagienne descendante, tout à fait particulière, naissant du nerf pharyngien. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS DE LA DEUXIEME PARTIE Faits anatomiques. — A. Dans tous les mammifères (1), la distribution des filets nerveux se fait à l’œsophage par deux ordres de rameaux : les uns destinés à la portion supérieure du conduit, celle qui est en rapport avec la trachée et qui s’étend jusqu’à la base du cœur; les autres se jetant dans la partie inférieure, celle qui va de la base du cœur à l’estomac. B. Chez le lapin, les nerfs de la région supérieure sont tous fournis par les récurrents ; ceux de la région inférieure vien- nent directement des cordons terminaux des pneumogastri- ques. C’est une disposition analogue à celle que l’on observe chez l’homme. C. Dans les autres espèces (cheval, âne, chien, mouton, bœuf), la portion inférieure de l’œsophage reçoit ses nerfs de la même source que chez le lapin ; mais la portion supérieure ou trachéale n’emprunte aux récurrents que quelques fdets très-grêles. Le nerf principal de cette région du conduit œso- phagien est un très-long rameau non encore décrit, émané du nerf pharyngien, lequel rameau, renforcé par un filet du laryngé externe, descend sur la face latérale de l’œsophage en s’incrustant dans la membrane charnue, et se prolonge jusque dans la poitrine, en envoyant, à des distances rapprochées, autour du conduit, de nombreuses divisions plexiformes. D. Chez les oiseaux, la portion cervicale de l’œsophage reçoit ses nerfs d’une branche pharyngo-œsophagienne ana- logue à celle des mammifères et descendant jusque sur le jabot. Faits physiologiques. — A. Dans le cheval, la portion tra- chéale de l’œsophage n’exécute aucun mouvement quand on excite, soit les récurrents, soit le tronc du pneumogastrique à (1) Je ne parle bien entendu que des espèces qui m’ont fourni des sujets d'expé- rience. DU NERF PNEUMOGASTRIQUE CONSIDÉRÉ COMME AGENT, ETC. 225 la région cervicale, au-dessous du point d’émergence du nerf laryngé externe. — Elle se tétanise, au contraire, quand on électrise le nerf vague au-dessus de l’origine du nerf pharyn- gien, tétanisation qui se manifeste môme après qu’on a coupé le pneumogastrique en travers au-dessous du laryngé externe. — Cette tétanisation est obtenue également par l’électrisation directe du nerf pharyngien et, plus faiblement, par celle du laryngé externe. — On la fait naître encore, mais seulement au-dessous du point excité, en électrisant, sur un point quel- conque, la branche œsophagienne descendante fournie par ces deux derniers nerfs. Chez les autres mammifères, le lapin excepté, les mêmes phénomènes se reproduisent sous l’influence des mêmes exci- tations. Dans les Oiseaux, c’est seulement par l’électrisation du nerf descendant analogue à celui des Solipèdes, situé sur le côté de l’œsophage, que la portion trachéale du conduit se contracte, non plus en se tétanisant d’une manière permanente, mais en exécutant des mouvements vermiculaires péristaltiques et antipéristaltiques. Chez le lapin, l’électrisation de l’origine du pneumogastrique, après la section du nerf au milieu du cou, ne provoque pas la tétanisation de la portion supérieure de l’œsophage, tétanisa- tion qui survient, au contraire, quand on excite le bout péri- phérique du nerf ou l’origine des récurrents. D’où l’on conclut que, de tous les animaux examinés dans ce travail, le lapin est le seul chez lequel la portion trachéale de l’œsophage reçoive ses fibres motrices des nerfs récurrents. Dans les autres animaux, ces fibres nerveuses sont exclusi- vement distribuées par le rameau œsophagien qui descend du pharyngien : le récurrent ne participe en rien à cette dis- tribution. B. La portion terminale de l’œsophage se contracte (con- traction vermiculaire) quand on électrise, soit les filets œso- phagiens qui se détachent directement du pneumogastrique au delà de l’origine du récurrent, soit le tronc du nerf vague au-dessus de cette origine. C’est donc par ces filets que les fibres nerveuses motrices arrivent à la partie de l’œsophage qui s’étend de la base du cœur à l’estomac. L’électrisation des nerfs œsophagiens supérieurs, pratiquée 226 près de leur origine, dans la région gutturale, provoque aussi quelquefois, chez le cheval, les mouvements vermiculaires de la portion inférieure du conduit; mais ceci ne prouve pas que ces nerfs envoient des fibres motrices jusque sur la région termi- nale de l’œsophage : les contractions sont alors produites par l’ébranlement que la tétanisation de la portion supérieure communique à l’origine de la portion inférieure du conduit. MÉMOIRES ORIGINAUX. (La fin au prochain numéro.)