a89 TRANSFORMATIONS ALLOGENES DU PNEUMOCOQUE HARRIETT EPHRUSSI-TAYLOR avec la collaboration technique de Mme. L. GOLDSTEIN Institut de Génétique du C. N. R.S. et Institut de Biologie Physico-Chimique, Paris, France Recu le 3 Février, 1951 Lorsgu'on fait agir, dans des conditions qui seront rappelées plus bas, un extrait de pneumocoques A capsule sur une culture de pnheumocoques sans capsule, on y induit l'apparition de bactéries semblables a celles de la souche utilisée pour la préparation de l’extrait. Ces expériences, réalisées par Griffith (4) et Avery, MacLeod et McCarty (1), montrent que chaque type de pnecumocoque 4 capsule renferme un agent responsable de la for- mation et de la spécificité du polysaccharide capsulaire. L’étude chimique de ces agents (« transforming principles» ou « TP» de Avery) indique qu'ils sont composés uniquement d’acide désoxyribonucléique (ADN). Leurs propriétés biologiques suggérent d’autre part qu'ils représentent des unités génétiques, responsables de leur propre propagation dans la hactérie, aussi bien que de la formation d’un polysaccharide capsulaire spécifique. On reconnait, 4 I’heure actuelle, plus de 70 types différents d’antigénes capsu- laires ct il faut supposer qu’il y a autant de TP spécifiques, bien qu’on n’en ait isolé que trois sous forme purifiée (11). La diversité des types de pneumocoques peut étre attribuée A des mutations du TP au cours de I’évolution. Cependant on n‘a jamais enregistré dans les conditions expérimentales l'apparition d’une mutation conduisant 4 la formation d’un nouveau polysaccharide. Les nombreux mutants observés chez les pneumocoques de plusieurs fypes sont caractérisés par des modifications quantitatives. Des mutants 4 capsule réduite on a pu extraire des TP capables d’induire chez les pneu- mocoques sans capsule la formation d’une capsule semblable a celle de la souche qui a fourni le TP. Chacun de ces mutants contient done un TP muté. Quoique ces mutations du TP ne se manifestent*au niveau du phéno- type que par des changements apparemment quantitatifs, tout changement de l'activité biologique d'un TP reléve nécessairement d’une altération de sa structure dont les détails inconnus seraient intéressants A connaitre. Ce sont ces considérations qui nous ont conduit 4 poursuivre l'étude des TP mutés commencée il y a quelques années et dont, en guise d’introduction, il est utile de rappeler ici l’essentiel. 590 A, Ephrussi-Taylor Notre étude porte sur des mutants du pneumocoque du Type III. Toys les mutants étudiés appartiennent 4 l'une de deux classes distinctes, carac. térisées par le degré de réduction de la synthése capsulaire (15). Nous les appellerons SIII-1 et SIH-2 (voir tableau I). La capsule des bactéries go la classe SIII-1 est si réduite que celles-ci ne se comportent pas, dans Jes réactions sérologiques classiques, comme des bactéries 4 capsule typiques, Les bactéries SIJI-2 possédent au contraire une véritable capsule, mais celle-ci est encore considérablement réduite par comparaison avec la cap- sule des pneumocoques normaux (SIII-N). La présence d'une capsule compl¢te semble constituer une entrave 4 |g transformation d’une bactérie. C’est pourquoi nous ne pourrons étudiey que les transformations des pneumocoques sans capsule (R) et des pneu- mocoques SIII-1 qui ne secrétent qu’une capsule rudimentaire. Il est possible de réaliser en deux étapes la transformation suivante: bactéries — SIH-N bactéries — SIT-1 bactéries R TP SITI-1 TP SILI-N et on peut montrer que les bactéries SIII-N ainsi produites ne renferment que l’agent capsulaire SIII-N. Ceci conduit & Ja conclusion qu’un pneu- mocoque ne peut contenir qu’un seul TP capsulaire, et que l’agent SIII-1 est remplacé au cours de la deuxiéme étape par l’'agent normal, inducteur de la deuxiéme transformation (15). Tandis que le phénoméne décrit suggére que la transformation consiste en un remplacement de l’agent contenu dans la bactérie par agent introduit sous forme purifiée dans le milieu de culture, les résultats «d'autres expé- riences ne sont pas compatibles avec une telle interprétation. Ainsi, la souche SIIJ-1 transformée par le TP de la souche SIII-2 donne deux sortes de bactéries: des pneumocoques SIII-2, enticrement semblables aux bac- téries qui ont fourni le TP, et des pneumocoques SIII-N, & capsule normale. Ces derniers ont un phénotype qui ne correspond ni au TP de la souche soumise & l’action du TP, ni & celui de la souche ayant fourni celui-ci. On peut done distinguer dans ce cas deux sortes (activités du TP SIII-2: unc action autogéne, qui donne naissance aux bactéries SIII-2, et une action allogéne, qui est 4 orgine des bactéries 4 phénotype nouveau. Cette double transformation peut étre représentée par le schéma suivant: Bactéries SITI-2> (transformation autogéne) Bactéries SIII--N (transformation allogéne) Bactéries TP SII-1i —-— SII[-2 —~--—< Transformations du Pneumocoque 591 j/activité autogéne peut bien s’expliquer par un simple remplacement du TP SIII-1 par le TP SII-2. L’activité allogéne requiert au contraire une autre explication et nous a conduit 4 supposer que les transformations allogenes sont dues A la reconstitution d’un agent transformant normal , partir des deux agents mutés: celui se trouvant dans les pneumocoques (SII-1) et celui introduit dans le milieu de culture (SHI-2), On verra que le présent travail, qui porte sur plusicurs sortes de trans- formations allogénes, fournit des données en faveur d’une telle interpré- tation et montre que les nouveaux agents, résultats des transformations allo- genes, peuvent étre soit normaux, soit mutés, selon les propriétés spécifiques des deux agents impliqués dans leurs formation. MATERIEL ET METHODES Souches de pneumocoques. La plupart des souches employées dans ce travail sont les mémes que celles qui ont servi dans les études des transformations induites réali- sées au laboratoire de Avery, A l'Institut Rockefeller de New York. Certaines autres sont des lignées mutantes isolées A partir des souches de Avery. La liste compltte comporte, outre les races indiquées dans le tableau I, la souche R3GA, lignée ¢« rough » TABLEAU I Liste des souches de Pneumocoques normaux et mutés Type IEE Phénotype SIT-1 SHI-2 SIT-N (mutée) (mutée) (normale) Morphologie coloniale ................ « rough » «smooth » «smooth ® (mucoide) Formation de précipitine du type III .. + bet tee Réaction de Neufeld .................. — + + | Antigenes somatiques.........-....... exposés couverts couverts Souches ....... 20.000. c cc cece cece ees SIIL-13 SIIL-12 AG6 SIIT-1a? SV-TIL SIT-1bt SHIL-1¢? Origine des mutants: ~ ' Mutation spontanée de AG6, ? Mutation spontanée de SV-III. * Mutation spontanée de Vagent transformant de la souche A66, pendant ou aprés la trans- formation de la souche sans capsule, R36A (voir Taylor, 1949). 392 HT. Ephrussi-Taylor dérivée de la souche a capsule du Type II, D39. On trouvera dans le tableau Voriging de chaque-souche, aussi bien que ses propriétés sérologiques. En ce qui concerne Ces derniéres, on se rappellera que les souches qui ont une véritable capsule ne sont Pas agglutinées par les anticorps dirigés contre les antigénes somatiques, Ainsi, Jes souches SIII-N et SIII-2 ne sont agglutinées que par des anticorps contre le poly. saccharide capsulaire du Type III. Les souches de la catégorie SIII-1 sont, au eon- traire, agglutinées par des immunserums anti-rough ou anti-Type III smooth, ce guj indique que la surface de ces bactérics n’est pas enti¢rement couverte par une couche de polysaccharide capsulaire. On se rappellera d’autre part que le polysaccharide capsulaire des pneumocoques est soluble dans eau. En conséquence, l’aggluting. tion des souches qui en font une sécrétion active n’a licu qu’en présence de grandes quantités d’anticorps spécifiques, une partie de ces derniers étant neutralisée par Je polysaccharide en solution. Les titrations d’agglutination des divers mutants mon- trent que, plus la sécrétion capsulaire est réduite, plus les anticorps capsulaires sont efficaces. Le groupement de plusieurs souches mutantes dans la méme catégorie SITI-1 est justifié par des titrations d’agglutination identiques. Il est bien entendu que l’on ne peut considérer les quantités de polysaccharide formées par les divers mutants comme semblables qu’aux erreurs prés de la méthode de titration utilisée. La mé thode employée ne permettrait évidemment pas de déceler de trés faibles différences entre les quantités de polysaccharides capsulaires de ces diverses souches. On ignore 4 l’heure actuelle si les pneumocoques SIII-1 et SITI-2 synthétisent des polysaccharides strictement identiques au polysaccharide du Type III normal et par conséquent si la synthése de polysaccharide par ces mutants est affectée qualita- tivement aussi bien que quantitativement. Des données décrites dans une publication antérieure ont rendu peu probable lV’existence de différences qualitatives, mais la question ne pourra étre considérée comme résoluc tant qu’un travail beaucoup plus étendu n’aura pas été effectué. Récemment, nous avons isolé une petite quantité de polysaccharide de la souche SIII-2. Ce polysaccharide permet de précipiter tous les anticorps du Type III d’un immunserum anti-SIII-N. Ce fait exclut l’existence d’une différence de structure entre ce polysaccharide et celui de la souche normale SIUI-N, mais n’exclut pas )’existence des différences dans le degré de polymérisation des deux polysaccharides en question. Milieux. Deux milieux liquides et un milieu solide sont employés dans ces études. 1) Pour isoler les agents transformants 4 partir des diverses souches, les pneumo- coques sont cultivés dans le milieu suivant: 30 g neopeptone (Difco), 12 g d’extrait de levure (Difco), 26 g Cl Na et 3 litres d’eau distillée. Cette quantité de milieu est répartie dans deux fioles de 3 litres, et stérilisée & 120° C. pendant 30 minutes. Au moment de l’ensemencement des cultures, 1 cm? d’une solution stérile de glucose 4 25 p. 100 est ajouté 4 chaque fiole. 2) Pour ’étude de la morphologie coloniale, ce méme milieu additionné de gélose sert comme base d’un milieu solide 4 sang de lapin. La concentration de glucose est doublée. Avant de verser le milieu dans les boites Petri, le milieu gélosé fondu est refroidi 4 45° C. et additionné de 2,5 p. 100 de sang de lapin défibriné. Transformations du Pneumocoque 593 3) Pour Ie maintien des souches et pour les études des transformations, un milieu plus complexe est requis. Ce milieu, également & base de neopeptone et d’extrait de levure, contient de plus un extrait de sérum de boeuf préparé comme suit: Du sang entier est recueilli dans des bouteilles vaselinées. Aprés la formation du caillot, le sérum est décanté et additionné d’un volume égal d’eau distillée. Le mé- jange est chauffé dans un bain-marie 4 90° C. pendant 25 4 30 minutes. On sépare alors les protéines coagulées par filtration sur un grand Buchner. Afin de précipiter davantage les protéines dénaturées, le liquide trouble est acidifié avec de l’acide chlorhydrique jusqu’a pH 5. Le précipité qui se forme est séparé par filtration sur du «Filter Cel» (kaolin). Le pH est ensuite ramené 4 7-7.2. L’extrait est réparti dans des flacons et stérilisé pendant 20 minutes 4 120° C. Cet extrait peut étre gardé au moins un an sans perdre son activité. Le milieu 3 a la composition suivante: 100 cc extrait de sérum de beeuf, 10 g neopeptone, 4,3 g PO, HiNa,, 0,26 g PO, H2K, 0,25 g SO, Mg, 0,010 g Cl, Ca, 3,0 g CIK, 1 litre d’eau distillée. La solution subit un traitement avec 10 g de charbon, 4 pH 3. Le pH est ensuite ramené a 7,6 et le milieu est autoclavé pendant 20 minutes 4 120°C. Il se forme un précipité qui est enlevé par filtration. Des quantités mesurées du milieu sont dis- tribuées dans des fioles et stérilisées A 120° C. pendant 20 minutes. I] se forme tou- jours un deuxiéme précipité qui se dissout au bout de quelques jours. Avant Pemploi, on ajoute, pour 100 cm? de milieu, 0,1 cm? de glucose A 25 p. 100 stérile et 4 cm? dune solution d’extrait de levure 4 10 p. 100, préalablement traitée avec du charbon a pH 3 et stérilisée par filtration. Dans ce milieu, la population maxima est d’environ 108 pneumocoques par cm}; la durée de génération est de 28 minutes 4 37° C. pour la souche R3G6A. La croissance est limitée par le glucose, dont la concentration ne permet pas la baisse du pH au- dessous de 6,7. Technique des transformations. Les détails de la technique des transformations ont été décrits antéricurement (15). Rappelons simplement que les transformations ont lieu dans des cultures en pleine croissance, en présence de substances accessoires (12) et d’un agent transformant. La préparation des agents transformants. La technique de préparation des agents transformants employée ici est essentiellement celle décrite par MacLeod et Krauss (10). Elle consiste A obtenir une trés forte croissance dans un volume limité de milieu nutritif et a la faire suivre par la lyse des bactéries dans le milieu de culture méme, Aprés la lyse induite par du désoxycholate de sodium en présence de citrate de sodium (11), acide nucléique est précipité par l'alcool. Le précipité est remis en solution et déprotéinisé. L’extrait bactérien déprotéinisé subit alors un fractionne- ment selon une nouvelle technique qui permet la séparation de la grande partie, sinon de la totalité, de l’acide ribonucléique dans une premiére fraction, de l’acide désoxyribonucléique dans une seconde et du polysaccharide capsulaire dans une troisitme. Les détails de ce fractionnement seront résumés plus ba’. Les étapes de la préparation d’un agent transformant seront résumées d’abord. 1) On prépare une culture dans le milieu 1, ensemencé avec des bactéries jeunes ayant proliféré dans le milieu 3 additionné d’un peu de sang de lapin. 2) Le iendemain, on ajoute a cette culture 35 cm? de glucose et du rouge de phénol. a94 I, Ephrussi-Taylor TABLEAU IT Propriétés des trois fractions des extraits bactériens déprotéinisés. Fraction A Fraction B Fraction C Viscosité .... 0.0.2 ee ee eee eee faible forte forte Réactions: de Bial ...........0. 20. eee, trés forte faible de Dische ..........-....00-. faible ou absente forte faible avec les anticorps du Type III négative positive? trés forte! \ Maximum d’absorption ......... 258 mu forte 258-260 my forte 258-260 mu. faible Principal constituant ........... acide ribonuclé- acide désoxyribo- polysaccharide ique nucléique La croissance reprend et l’acide produit est neutralisé, au fur et & mesure de sa forma- tion, par addition de NaOH IN. Au bout de 3 4 4 heures, ce qui correspond 4 I’aq- dition de 75 cm? de soude, la population s’éléve a 2,5 x 10!° bactéries par cm}, 3) On ajoute alors du citrate de sodium pour rendre le milieu 0,1 normal, puis on induit la lyse par addition de 10 cm? d’une solution de désoxycholate de sodium 4 10 p. 100 par litre de milieu. La lyse, effectuéc 4 37° C., est compléte en 15 minutes, 4) Aussitét aprés la lyse, on ajoute lentement 0,55 volumes d’alcool, tout en agitant le milicu. Quelquefois l’acide nucléique se précipite sous forme de fibres que l’on peut enrouler sur un agitateur. Plus souvent le précipité est recueilli par centri- fugation. . 5) Le précipité est suspendu dans 100-200 cm’ de NaCl 4 0,85 p. 100 et les pro- téines sont séparées par la technique de Sevag (13). Cette étape est considérablement facilitée par Paddition a la suspension, au cours des premitres extractions, de quel- ques gouttes de désoxycholate de sodium 4 10 p. 100. Aprés 6 4 10 traitements par le chloroforme et l’alcool amylique on ne peut d’habitude plus extraire de protéines. La solution limpide et visqueuse est alors additionnée de MgCl, jusqu’a une con- centration finale de 1 p. 100 pour effectuer le fractionnement a l’alcool éthylique. Celui-ci est ajouté goutte A goutte pendant qu’on remue vigoureusement. Lorsque la concentration d’alcool atteint 20 p. 100, la solution se trouble, puis un précipité se forme lentement. Aprés 24 heures 4 froid, on sépare celui-ci par centri- fugation 4 3000 tours pendant 30 minutes. II constitue la fraction A. La fraction suivante est obtenue en portant la concentration d’alcool A 26 p. 100 (0,35 volumes d’alcool ajouté): des fibres se séparent brusquement. On Iles enroule immédiatement sur un agitateur (Fraction B). Enfin, 4 cette méme concentration d’alcool, on voit se former plus lentement un ‘ Pour les préparations faites 4 partir des souches Type III. Transformations du. Pneumocoque 595 q précipité floconneux qui correspond 4 la grande partie du polysaccharide capsulaire (F fraction C). Les vitesses différentes de formation des deux précipités, ainsi que la nature ‘phy sique différente de ceux-ci, permettent la séparation de l’acide désoxyribo- pucléique du gros de polysaccharide. Jusquwici les fractionnements ont été pratiqués sur de petites quantités de matériel el étude détaillée de la composition de chaque fraction n’a pas été entreprise. Toutes jes données recucillics 4 ce sujet sont résumées dans le tableau II. On peut dire en plus que la fraction A, qui renferme de l’acide ribonucléique, peut étre rendue entiére- ment négative a la réaction de Dische (pour le désoxyribose) par une deuxiéme preé- cipitation. La forte absorption de Pacide ribonucléique a4 258 my a permis de con- stater dans une expérience que 93 p. 100 de la substance absorbante ne dialyse pas. Néanmoins, il est trés probable que, contrairement a l’acide désoxyribonucléique, yacide ribonucléique est dépolymérisé pendant la lyse et on peut se demander si le succes du fractionnement ne repose pas sur cette différence dans l’état de polymérisa- tion. La méthode de séparation des deux acides nucléiques qui vient d’étre décrite est plus douce que Jes méthodes couramment employées, mais la pureté des deux frac- tions reste 4 déterminer (1). Lorsqu’il s’agit de préparations faites A partir de pneumocoques du Type IL, la fraction B, qui contient la presque totalité de Vacide désoxyribonucléique, donne une réaction sérologique due a la présence de polysaccharide capsulaire. On peut la débarasser de toute activité sérologique en répétant le fractionnement 4 ou 5 fois, mais on perd toujours un peu d’acide désoxyribonucléique. C’est pourquoi nous navons d’habitude pas purifié de cette fagon Jes extraits employés au cours du présent travail. RESULTATS EXPERIMENTAUX I—Les diverses transformations allogénes. Les expériences suivantes ont été entreprises pour savoir si l'interaction entre toute paire de TP mutés peut conduire 4 une transformation allogéne. Des isolements des TP capsulaires ayant été effectués 4 partir de chacune des souches énumé- rées dans Je tableau I, nous avons testé l'activité de chacun de ces agents sur toutes les souches capables d’étre transformées. Le tableau II résume les résultats obtenus. Il en ressort que: 1) Une souche ne donne jamais de transformation sous Vinfluence du TP isolé a partir d’elle-méme. 2) Plusieurs souches 4 TP capsulaire muté donnent des transformations allogenes lorsqu’elles sont traitées par un autre TP muté (cas indiqués en caractéres gras dans Je tableau II]). 3) Les TP SIIE-1, SUL-1a ct SII-1e, typiquement semblables, qui proviennent de souches phéno- activités transformantes nettement diffé- tentes et doivent par conséquent étre considérés comme différents. HL faut Supposer que chacun de ces ont des agents a muté d’une facon particuliére. 35— 513704 596 HH. Ephrussi-Taylor TABLEAU III Activité transformante des acides désoxyribonucléiques isolés 4 partir des souches du Type iH sur les diverses souches a phénotype SI{I-1 et la souche sans capsule, R36A. Les transforma. tions allogénes sont inscrites en caractéres gras. 0 indique l’absence de transformation, Souche TP dans Formes induites sous l’'action du TP traitée hacteries SHIL-1 Sl-la SU-1b — SII-1e = SII-2— STIX R36A 2 SEII-1 SIll-ta SIIL-1b = SIII-1e — SIIII-2 SHEN SIII-2 SIII-1 SIII-1 0 SHI-2. SHI-2 SHI-N et SILN SIII-N SIII-2 SIII-1a SllI-1a SIII-2 0 0 SIII-N et SULN | SHI-N | SIII-2 SILI-1b SIIL-ib SIII-2 0 0 SIII-N et SULN | SII-N SILI-2 SIll-1c SII-1c SUI-N SHI-N — SII-N 0 et SHEN SIII-N 4) Seuls les TP SIII-1a et SITI-1b paraissent étre identiques au point de vue de leur activité transformante. On peut donc supposer que les souches SIEH-1a et SIII-1b contiennent des agents transformants mutés ge la méme maniére. Ceci revient 4 admettre que la méme mutation spontanée a été décelée deux fois. 5) Des transformations réciproques donnent le méme résultat. Par ex- emple, la transformation de la souche SIII-1 par le TP SIII-1a, aussi bien que la transformation de la souche SIII-1a par le TP SIII-1, donnent lieu a l’apparition de pneumocoques A phénotype SHI-2. 6) Le fait que les transformations allogénes ne se limitent pas 4 la for- mation de pneumocoques SHI-N est également digne de remarque. Les transformations qui aboutissent 4 la formation de pneumocoques SIII-2 ne sont que des restitutions partielles du pouvoir de sécrétion du polysac- charide. 7) Enfin, on voit que le TP SIII-2 induit dans toutes les souches SIII-1 a la fois des transformations autogénes (en SIII-2) et des transformations allogenes (en SIII-N). On peut done se demander si le TP SIII-2 n’a pas Transformations du Pneumocoque 597 yne activité trés particuliére qui le distingue des TP SIII-1, SIII-la. Ces derniers induisent en effet, dans les souches SIII-1, seulement des transfor- mations allogénes, Cependant, il est évident que la transformation autogéne { gune souche SIII-1 par l’agent d’une autre souche A phénotype SIII-1 ne serait pas décelable par le simple examen de la morphologie coloniale. jl est tout a fait possible que les transformations allogénes sont toujours accompagnées de transformations autogénes, mais que celles-ci échappent A ' robservation car le phénotype des bactéries ayant subi cette sorte de trans- ' formation se confond avec celui des bactéries non transformécs. Cette premiére série d’expériences souléve trois questions qui seront abor- dées maintenant. I—Fréquence des transformations allogénes. On peut se demander si les diverses transformations allogénes se produisent avec des fréquences identi- ques. L’étude précise de ce probléme requicrt la mise au point de mé- thodes nouvelles. Cependant, quelques expériences préliminaires montrent dés A présent que les fréquences des diverses transformations allogénes d’une méme lignée sont extrémement différentes ct dépendent du TP employé pour induire la transformation. Des le début de la présente étude, il nous est paru évident que les transformations allogénes qui donnent naissance aux bactéries SIII-2 sont des événements beaucoup plus rares que toutes les autres transformations rencontrées. Afin de nous en assurer d'une facon plus objective, des titra- tions de l’activité transformante de deux TP ont été entreprises. Le tableau lV présente les résultats de ces titrations faites dans des conditions standard. Les titrations A et B ont été effectuées le méme jour avec la méme culture SUL-1, et la titration C quelques jours plus tard. La titration 4 montre qu’au moment de l’expérience, la souche SIII-1 était trés susceptible d’étre trans- formée par les TP SI[I-1c. La titration B indique qu'au méme moment cette souche ne donnait que trés difficilement des transformations allogénes (en SHI-2) sous influence de TP SIII-1a. Ceci ne peut étre attribué a lmactivité du TP SIII-1a, ear celui-ci s’est montré trés actif dans son ac- tion sur une souche différente (SIII-1c) pour donner des transformations en SHII-N (titration C). Il apparait done que les transformations allogénes tn SIIJ-N sont beaucoup plus fréquentes que celles en SIII-2. Cette con- clusion est confirmée par d’autres transformations allogénes en SIII-2. Ces premiers résultats semi-quantitatifs suggérent que les fréquences des ransformations allogénes dépendent dans une large mesure des propriétés des paires de TP. 598 Ht. Ephrussi-Taylor TaBLEAU IV Titrations de lactivité transformante des acides désoxyribonucléiques extraits a partir dey souches SIII-1e et SIII-1a et agissant sur les souches SIII-1 et SIIT-1c. Aprés 24 heures @incubation, une fraction de la culture traitée est étalée sur milicu gélosé. Les colonies 4 phénotype nouveau sont recherchées. 0: absence d’induction. +: Jes formes induites ne rp. présentent qu’une faible partie de la population. Les cultures témoins incubées sans acide nucléique sont dans tous les cas des cultures pures de la souche ensemencée. Souche Tests vg d’ADN de la souche SIfI-le par cm} traitée tuples 0,1 0,01 0,0033 «0,001 0,00033 a SIILN SHEN SIWEN SIHLNt SUEN* b SUN SHI-N SIU-N SUIENT 0 A SIIF-1 c SIH-N SIU-N SHI-N SHI-N 0 d SIH-N SIIEN SHI-N SILL-N* 0 e SILI-N SIII-N SII-N SHEN 0 vg @WADN de la souche SIII-la par cm’ 28 2,8 0,28 0,028 0,0093 0,0028 —0,00093 a 0 0 b 0 0 RB OSIH-1 ¢ 0 0 - Se d 0 0 e SILL-2T 0 a SIII-N SIII-N SIII-N 0 SIILN b SHI-N SIHI-N SIII-N 0 SIL-N CG SHI-1c ¢c SII-N SULN SHI-N SHEN 0 d SHI-N SIT-N SI-N = SIIL-N 0 e SUUI-N SILH-N SII-N — SILI-N 0 UI—Non-identité des TP SUI-2 et SIHI-2a. On pouvait se demander si a phénotvpe SIII-2 apparues au cours d’une transformation identiques avec les bactérics de la souche SHI-2 qui doit son des bactéries allogéne sont origine 4 une mutation spontanée. Nous avons étudié l’agglutination, par Jes anticorps du Type III, de deux clones, SIII-2a et SJII-2b provenant de transformations allogénes, et de la souche SIJJ-2 originale. Les résultats des titrations d’agglutination donnés dans le tableau V indiquent que les trois souches ‘comparées secre- tent approximativement la méme quantité de polysaccharide capsulaire. Aucune de ces souches n'est agglutinée par un immunserum antirough. Transformations du Pneumocoque 399 TABLEAU V | agglutination des souches SIII-2, SIII-2a et SIII-2b par un immunserum du Type III. 103 pactéries sont ensemencées dans le milieu nutritif qui renferme la quantité indiquée de sérum. ‘période dincubation: 20 heures. La souche SIII-2a provient d’une transformation de la souche | sfi-la par le TP SIIT-1; la souche SIII-2b dune transformation de la lignée SIII-Ib par le méme agent transformant. Souche Dilution de ’immunserum de cheval, anti-Type HI | ensemencée 1/20 1/40 1/80 1/160 1/320 1/640 1/1280 = Témoin SUI-2 +t + t+ + ++ + _ _ _ _ SII-2a tat ter ++ + — _ _ — SHI-2b “+ + + tat ++ + _ - — — +++: les bactéries sont presque entiérement sédimentées. ' ++: petits sédiments, grumeaux en suspension. +: grumeaux en suspension. —: pas d’agglutination. TABLEAU VI Test qualitatif de I’activité transformante d'un extrait de bactéries S{N-2a sur SIH-1, SIM-1a, SUII-tb et SIII-1e. Jes souches Souche , Tests quadruples Témoin . TP sans enserencce 1 2 3 _ of TP SHI-1 SUL2 SLU-2 SIHL-2 SHL-2 SHL-1 SUL-1a SUL-2a SIII-2 SIL-2 SII-2 SUL-2 SIl-ta SUI-1b SUL-2 SIL-2 SITI-2 SUL-2 SIIL-1b Tie { sui2 f sure f sire f sure erie SULN | SUEN | suEN [ SIILN Les méthodes d'agglutination ne permettent done pas une différentiation de ces lignées. Toujours en vue de trouver des différences entre les souches SIII-2 et SIHI-2a, nous avons étudié lactivité du TP isolé de cette derniére. On se souvient que la transformation des souches SHI-2 n’a jamais pu étre effec- mée (14, 15). Par conséquent, un test direct de l'activité transformante du TP SHII-2a sur des pneumocoques SIII-2 n’a pas pu étre fait. Des ex- périences de transformation a l'aide de ce TP de bactéries de la classe SIII-1 montrent que le TP SITI-2a différe du TP SIII-2. Le TP SILI-2 induit dans ioutes les lignées A phénotype SIII-1 a la fois des transformations allogénes autogénes. Or, comme le montre Je tableau VI, le TP SIII-2a n’induit 600 H. Ephrussi-Taylor des transformations allogénes que dans la souche SIII-ic. Dans toutes les autres, son activité se borne aux transformations autogénes. Ainsi, le TP SIII-2a est distinct du TP SIII-2 et on peut se demander si ses propriétés ne reflétent pas son origine. La lignée SIII-2a proviey d’une transformation de la souche SIII-1a par le TP SIII-1. Contiendraj. elle les TP de ces deux lignées? Ceci ne nous parait pas trés probable poy; les raisons suivantes: 1) En agissant sur la lignée R36A, le TP SIII-2a induit l’apparition qy bactéries SIII-2 avec une fréquence relativement grande. Or, s'il était yy mélange des TP SIII-1 et SIII-1a, les transformations en SIII-2 devraient étre extrémement rares, car elles requerraient l’intervention simultanée dy ces deux TP. 2) De méme, en agissant sur les lignées SIII-1, SHI-1a et SIII-1b, c¢ TP induit constamment des transformations en SIII-2. Or; si le TP SIif-9 était un mélange des TP SIII-1 et SITI[-1a, ces transformations devraicnt étre trés rares, comme toutes les transformations allogénes en SIII-2 3) En agissant sur la lignée SIII-ic, le TP SHI-2a induit constamment des transformations en SIII-2 et SIII-N. Or, si cet agent était un mélange des TP SIII-1 et SIII-1a, un tel résultat serait tres improbable; chacun de ces TP, lorsqu’ils agissent sur SIII-1c, induisent en effet des transformations en SIII-N. On s’attendrait donc plutét 4 ce qu’un mélange des TP SIII-1 et SIII-1a induise également des transformations en SIII-N lorsqu’il agit sur SIII-1c. Il parait par conséquent plus probable qu’au cours de la transformation qui a donné naissance 4 la souche SIII-2a, il s'est formé un nouvel agent transformant (SIII-2a). IV.—Nature de la transformation allogéne en SIII-N. La formation, dans certaines transformations allogénes, de bactéries 4 phénotype SIII-N, pose des problémes tout 4 fait analogues 4 ceux posés par lorigine de la souche SIII-2a. Ici encore le phénotype SIII-N pourrait étre di soit 4 ce que les bactéries SIH-N renferment deux TP mutés dont l’action combinée rétablit la sécrétion normale de polysaccharide, soit 4 ce qu'un agent capsulaire SIII-N a été reconstitué 4 partir de deux agents mutés. Quoique la premiére hypothése paraisse peu probable & la suite de l'étude de l’agent SIII-2a, nous avons, 4 titre de vérification, étudié l’agent capsulaire d’ une lignée SII-N résultant d’une transformation allogéne. Une lignée SIII-N apparue dans une expérience de transformation de 1a souche SIII-1a par l’agent transformant SIII-2 a été choisie pour cette étude. | Transformations du Pneumocoque 601 ce choix a été gouverné par les considérations suivantes. Les bactéries s{lJ-2 forment des colonies trés nettement distinctes des colonies R ou ith 1. Par conséquent, la présence de l’agent SIII-2 dans l’acide nucléique de Ja souche allogéne SIII-N serait facilement décelée sans l’application de techniques spéciales. Un clone de bactérie SIII-1a a été traité par le TP SII-2. Comme ia jours, ce traitement a abouti 4 la formation de pneumocoques SIII-2 s-N. Une colonie SIII-N a été isolée et a fondé le clone qui a servi A risolement de l’acide désoxyribonucléique. L’activité transformante de cette substance a été testée sur les souches R36A et SIII-1. Des pneumocoques siI-2 ne sont apparues dans aucun cas. La préparation utilisée s’est donc comportée comme toute préparation obtenue A partir de pneumocoques SHI-N. Elle parait par conséquent renfermer seulement un agent trans- formant capsulaire normal. Ainsi, les résultats de nos expériences suggérent que les transformations allogenes résultent de la reconstitution d’un agent capsulaire normal ou muté 4 partir de deux agents capsulaires mutés différents, le degré de re- constitution dépendant des propriétés spécifiques des deux agents qui ont participé a la reconstitution. ~ DISCUSSION On sait que la réduction de la capsule chez certains mutants du pneu- mocoque est le résultat de la mutation spontanée de l’agent capsulaire (TP) qu’ils contiennent (10, 14, 15). Nous venons de montrer que, lors- que des pneumocoques qui contiennent un TP muté sont traités par un TP muté différent, on observe des transformations allogénes, c’est-a-dire l’ap- parition de bactéries 4 synthése capsulaire entitrement ou partiellement ré- lablie, selon la paire de TP confrontés. Les expériences qui viennent d’étre décrites montrent que cette restitution intéresse non seulement le phénotype de la bactérie, mais aussi son TP. Ainsi, lorsqu’une transformation allo- - gene aboutit 4 la synthése capsulaire normale, on trouve dans la bac- trie un TP normal. Lorsque, au contraire, elle a pour résultat la res- litution partielle de la synthése capsulaire, on trouve dans la bactérie un TP nouveau, qui ne peut induire dans une bactérie « rough » que la forma- tion d'une capsule réduite. Autrement dit, tout se passe comme si le TP de la bactérie mutée était plus ou moins « normalisé » sous V’action du TP, &alement muté, introduit dans le milieu. Quelle que soit la paire de TP donnant naissance A un TP normal, sa formation est un événement relative- 602 H. Ephrussi-Taylor ment fréquent. La formation d'un TP particliement restitué est, au contraire, un événement rare. Les transformations allogénes ressemblent incontestablement aux recom. hinaisons décrites chez les bactériophages et le virus de Vinfluenza (2, 3, a, 6, 8, 9). Ces recombinaisons ont lieu quand une cellule est infectée simultanément par deux virus différents, mais ¢troitement apparentés. Jp fait, le cas le plus étudié est celui d’une série de bactériophages mutes, dérivés de la lignée T2 (5, 6). Trois sortes de recombinaisons ont été re. connues: particules de virus ayant des caractéres spécifiques des deux souches infectantes (2, 3, 6). b—Formation de virus normal a partir de deux particules de virus inae- tivés par irradiation (8, 9). c—Formation de virus normal 4 partir de paires de souches présentant le méme caractére muté et devant leur origine 4 des mutations spontanées indépendantes au sein de la méme souche. II s'agit dans ce cas des muta- tions r (lyse rapide des bactéries infectées) du bactériophage T2. Quatorze mutants indépendants ont été étudiés. Une bactérie infectée par n’importe quelle paire de ces mutants peut donner un virus normal, mais la fréquence des recombinaisons dépend de la paire employée (5, 6). Les recombinaisons de cette derniére sorte semblent présenter une ana- logie frappante avec les interactions entre TP au cours des transformations allogenes et il est tentant de chercher une base commune aux deux phéno- ménes. Dans ce qui suit, nous recommencerons par rappeler les hypo- théses proposées pour l’explication des recombinaisons chez les virus; nous examincrons ensuite la possibilité d’appliquer ces hypothéses aux trans- formations allogénes. Les hypothéses de Luria (8, 9) et de Hershey et Rotman (5, 6) ont en commun un postulat important, 4 savoir que le bactériophage est composé de plusieurs éléments génétiques distincts. Les auteurs cités admettent que les recombinaisons observées dans les bactéries infectées simultanément pear plus d'une sorte de phage sont dues & des réassociations des éléments géné- tiques de deux particules de virus différents. Les recombinaisons du type a sont expliquées par cette théorie sans autre hypothése. Les recombinaisons du type b s’expliquent si l'on suppose que chacune des deux particules irradiées contient une mutation léthale diffé- rente. Enfin, les recombinaisons c s’expliquent si l’on admet que le phéno- type r est di, dans chacune des lignées examinées, 4 la mutation d’un locus différent. Transformations du Pneumocoque 603 Ces hypotheses ressemblent beaucoup 4 la théorie du crossing-over des chromosomes dont les auteurs se sont inspirés et sont plausibles surtout parce que le bactériophage est relativement grand et doué de propriétés biologiques yariges: on connait des mutations qui affectent la nature de la lyse, la capa- cté d’étre adsorbé par un héte donné, lexigence des facteurs accessoires pour l'adsorption par la bactéric et la stabilité 4 la chaleur. Ainsi 'hypothése selon laquelle les bactériophages sont composés de plusieurs génes cadre bien avec les conceptions actuelles de I'étroite spécificité des génes. On peut se demander si une théorie analogue peut rendre compte des yansformations allogénes. yantes: {—Les TP capsulaires mutés du Type III n'ont apparemment qu’une seule activité phénotypique: l’induction de la synthése plus ou moins active de polysaccharide capsulaire du type HI. La spécificité de la catalyse de tous ces TP est la méme et il n’y a done pas de raison d’admettre que lagent capsulaire est composé de plusicurs éléments génétiques distincts. 2—Pour rendre compte des données déecrites dans ce travail par une théorie analogue a la théorie de crossing-over, il serait nécessaire de postuler au moins 6 génes lids. Ceci ne parait pas facile pour les raisons sui- Or, les propriétés chimiques et physicochimiques connues de l’agent capsulaire normal ne cadrent pas avec une telle idée. Comme nous l’avons indiqué plus haut, celui-ci semble étre composé uni- quement de PADN. Les études les plus récentes de lhistochimie des chro- mosomes montrent que ceux-ci doivent leur structure A une association des protéines et des acides ribonucléiques et désoxyribonucléiques. Aucune de ces trois classes de substances ne peut étre considérée comme seule respon- sable de la structure linéaire. D’un autre cété, les extraits qui renferment lagent capsulaire sont dépourvus de toute protéine décelable et ne renfer- ment pas d’uracile, composé caractéristique de l'acide ribonucléique (7). De plus, la nature chimique de I’agent transformant capsulaire est indiquée clairement par son extréme sensibilité & l’action de la désoxvribonucléase cristallisée. La ribonucléase ect la trvpsine ne I’attaquent pas. L’agent cap- , sulaire se déplace dans Vultra-centrifuge et dans l'appareil de Tiselius avec les molécules d’acide désoxyribonucléique. I n'y a aucune indication qu’il soit composé d’autres substances que l’acide désoxvribonucléique. IIL est done difficile de concilier les résultats de toutes les études chimique, phy- sicochimique et biochimique de l’'agent transformant avec Vidée quiil est un fragment de chromosome. II convient toutefois de remarquer que ces difficultés peuvent étre dues au fait que nos connaissances chimiques de la structure linéaire des chromosomes sont fondées sur des études de la struc- 604 H. Ephrussi-Taylor ture microscopique. A Véchelle macromoléculaire, nos connaissances des genes sont nulles et c’est pourquoi les spéculations sur l’identité de lagen, capsulaire avec un ou plusieurs génes ne peuvent pas étre fructueuses, On peut rendre compte des données relatives aux transformations allio. génes en admettant que les agents mutés different entre eux par des régions altérées le long d’une structure linéaire. 11 suffit de supposer: 1. Qu’une mutation du TP consiste en une altération localisée de sa struc. ture. 2. Que l’agent capsulaire ait une polarité. 3. Que toute altération de sa structure ait pour effet une diminution de ]g sécrétion de polysaccharide capsulaire. 4. Que les différences dans la sécrétion du polysaccharide soient en rapport avec l’étendue de la région altérée. On voit alors comment la combinaison de deux fragments d’agents cap- sulaires présentant des altérations dans des régions différentes peut permettre la reconstitution d’un TP normal; et comment les combinaisons de deux segments d’agents transformants a régions mutées qui se chevauchent ne peuvent conduire qu’a des reconstitutions partielles. La figure 1 donne une représentation schématique de cette interprétation. La région altérée de l’agent SIII-1 est placée arbitrairement. Celle de l’agent SIII-1a est placée de facon 4 chevaucher la région mutée SIII-1, puisque Vinteraction de ces deux agents ne donne que des reconstitutions partielles. Le TP SIII-Ic est représenté avec une région mutée qui lui est particuliére, parce qu'il donne des reconstitutions de agent normal aveg les deux pre- miers. Enfin, l’'agent SHI-2 est représenté avec une région mutée plus petite et en position différente des précédentes, parce qu'il donne des reconstitu- tions de |’agent normal avec n’importe lequel des autres agents mutés. On notera que l'hypothése présentée rend compte d’une caractéristique saillante du TP SIII-2a, celle notamment de ne pas donner de trans- formation allogéne par action sur Jes souches SIII-1 et SIII-1a. Le TP SHI-2a posséde, selon notre interprétation, la région mutée commune aux agents SII-1 et SIll-1a, & Vinteraction desquels il doit son origine. II ne peut donc pas, en se recombinant avec un de ceux-ci, mener a la formation d’un TP qui ne présente pas cette région altérée. Notre hypothése trouve en outre un appui important dans la rareté des transformations allogénes qui donnent naissance 4 des TP tels que SIII-2a. Ces transformations exigent en effet, selon notre schéma, des événements extrémement précis, a savoir des recombinaisons qui éliminent les régions mutées particuliéres a chacun nee ten nnn RMR eid Transformations du Pneumocoque 605 > @D Sm-2a A B Sm-N SI-] [Ee St -10 Ct 6 se“ eeeeeeees SIC i S0-2 Ee Sm-N SON —__—_—EEE Sm-N Sm-N Sm-N Fig. 1. Schéma des agents transformants mutés fondé sur les hypothéses décrites dans le texte. Les segments gris représentent les régions alterées par mutation spontanée. A gauche: agents transformants. A droite: restitution maxima 4 partir des fragments réunis de paires d’agents mutés. des TP participants. Elles doivent donc étre trés rares et on a vu qu’elles ) le sont. L'hypothése formulée traduit en termes géométriques les données obte- nues avec les divers agents capsulaires mutés. C’est peut-étre un tort de con- struire une image géométrique, parce que, si l'agent capsulaire n'est qu’une molécule d’acide désoxyribonucléique, comme on peut le penser, il est peu ' probable qu'une simple image géométrique décrive l'état réel des choses. | Mais, d’autre part, cette image suggére certaines expériences, telles que la techerche de pneumocoques contenant un agent A deux régions mutées, résultant aussi d’une transformation allogéne et dont la démonstration serait un argument en faveur de l’interprétation proposée. Toute spéculation mise A part, il est évident que l'agent capsulaire se ‘omporte comme un élément composé de sub-unités. Faute de données plus précises sur la nature chimique et physicochimique de l’agent capsulaire, 606 HH. Ephrussi-Taylor et dans Vignorance oti nous sommes de ce qu’est lautoreproduction d'une unité génétique, la définition de ces sub-unités est impossible 4 l'heure ac. tuelle. RESUME Les activités biologiques de cing agents transformants capsulaires muté, du Type III ont été étudi¢es. Ces agents apparticnnent deux catégories. ceux (SIII-1) qui induisent la synthése de l’antigéne capsulaire du Type lil en quantité insuffisante 4 la formation d’une capsule complete, et ceuy (SUI-2) qui induisent la formation d’une capsule du Type III complite, mais encore de dimensions réduites par comparaison avec la capsule de pneumocoques normaux. Chacun de ces agents isolés sous forme d’acide désoxyribonucléique in- duit, dans des bactéries sans capsule, la formation d’une capsule identique a celle du pneumocoque dont l’agent a été extrait. Ces inductions, tout 4 fait analogues aux transformations classiques, ént été appelées transforma. lions autogénes. On peut confronter deux agents mutés dans une seule bactérie, puisque la transformation des pneumocoques mutés de la catégorie SIII-1, qui secrétent trés peu de polysaccharide, est encore possible. Dans ce cas, on observe généralement l’'apparition de pneumocoques dont la synthése cap- sulaire est 4 la fois plus active que celle de la souche traitée et celle de la souche qui a fourni l’agent transformant. Ces inductions ont été appelées transformations allogénes. Le degré d’augmentation de la synthése capsulaire, qui résulte d’une trans- formation allogéne, dépend de la paire d’agents confrontés. Les diverses transformations allogénes n'ont pas lieu avec la méme facilité, certaines d’entre elles étant trés rares. Les transformations allogénes sont dues 4 la formation d’agents trans- formants dont l’activité, au point de vue de Ja synthése capsulaire, est accrue. Cette activité atteint, dans certains cas, celle des agents normauy. L’étude des transformations allogénes montre que les mutations spontanées et indépendantes de l’'agent capsulaire normal en agent SIII-1 ne sont pas nécessairement identiques. Parmi les quatre agents de cette catégoric étudiés, trois sont différents. __ Au sein d’une population, un méme agent muté peut induire simultané- ment des transformations autogénes et allogénes. , Un nouvel agent muté, résultat d’une transformation allogéne, a été identifié. Cet agent, qui confére aux pneumocoques un phénotype sem- 4 Transformations du Pneumocoque 607 plable au phénotype appelé SIII-2, présente des activités transformantes qui ui sont particuli¢res et représente donc un nouvel agent qui n’a jamais (té trouvé dans la nature. La structure possible de l’agent capsulaire est discutée A la lumiére des ysultats observés. LITTERATURE CITEE , AVERY O. T., MacLeon, C. M., et McCarty, M., J. Expil. Med., 79, 131 (1944). Burnet, F. M., Trans. N. Y. Acad. Sci., 13, 2 (1950). DELBRUCK, M., et BaILey, W. T., Jr., Cold Spring Harbor Symposia Quant. Biol., 11, 33 (1946). , GRIFFITH, F., J. Hyg., 27, 113 (1928). HERSHEY, A. D., et Rotman, R., Proc. Natl. Acad. 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