DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE OU PARTIELLE DES DEUX 1RES DE LA SEPTIÈME PAIRE. Par C. DA VAINE, Docteur en médecine, membre de la Société de biologie. MÉMOIRE COURONNÉ PAR L INSTITUT. PARIS. — IMPRIMÉ PAR X, THUNOT ET C% RUE RACINE, 28. A MONSIEUR RAYER, Médecin ordinaire de S. M. l’Empereur, Médecin de l’hôpital de la Charité, membre de l’Institut, de l’Académie de médecine, officier de la Légion d’honneur, président perpétuel de la Société de biologie, etc. Son élève dévoué, DAVAINE. EXTRAIT de la Gazette Médicale de Paris. — Année 1852. MÉMOIRE SUR LA PARALYSIE GÉNÉRALE OU PARTIELLE DES DEUX NERFS DE IA SEPTIÈME PAIRE. Dans le courant de l’année 1851, ayant été à même d’observer un cas de paralysie des deux nerfs de la septième paire, j’en étudiai tous les phé- nomènes d’une manière aussi complète qu’il me fut possible. Pour m’é- clairer sur la nature, la marche et le traitement de cette singulière maladie, je consultai les mémoires publiés sur la paralysie faciale et les articles spé- ciaux consacrés à cette affection dans les traités de pathologie ou dans les dictionnaires de médecine et de chirurgie. Dans ces derniers, même dans les plus récemment publiés en France, la paralysie simultanée'des deux nerfs de la septième paire n’est pas même indiquée. Je recherchai alors, dans les ouvrages qui traitent spécialement des maladies du système ner- veux et dans les recueils périodiques de médecine et de chirurgie, s’il ne se trouvait pas de cas plus ou moins analogues à celui que je venais d’ob- server. Après de longues et laborieuses recherches, je suis arrivé à ras- sembler un certain nombre d’observations relatives à des paralysies gé- nérales ou partielles des deux nerfs de la septième paire, soit isolément, soit accompagnée de la paralysie d'autres nerfs, avec ou sans lésions céré- brales. On verra, dans le tableau que je présenterai de cette double paralysie fa ciale, que son expression symptomatique est si différente de celle de la pa- ralysie qui n’occupe qu’un des côtés de la face, qu’il n’est pas surprenant que son existence ait pu être quelquefois méconnue, et mentionnée alors sous un autre nom que celui qui doit lui être appliqué. Dans le cas de double paralysie faciale que j’ai observé et dans un assez grand nombre de cas de paralysie bornée à l’un des côtés de la face, je me suis aidé de l’action de l’électro-magnétisme pour déterminer l’état des nerfs ou le degré de paralysie des divers muscles de cette partie du corps ; enfin, à l’aide de quelques expériences sur les animaux, j’ai pu étudier la double paralysie que l’on produit chez eux par la section ou l’arracliement des deux nerfs de la septième paire. En publiant aujourd’hui ce travail, je ne m’en dissimule pas toutes les imperfections; toutefois j’ai cru qu’il y avait une utilité réelle à appeler l’attention sur une maladie à peine soupçonnée aujourd’hui de la plupart des médecins, et qui est probablement beaucoup moins rare qu’on ne serait porté à le penser, si l’on en juge par le petit nombre des cas publiés jus- qu’à ceJourl j m inois'infio s9n 0jj 89j}B 39j jfl0b ohivibai au \9rio Je diviserai ce travail en trois parties : . j0 fl0 9jqffl9x9 icq soi Dans la première, je rapporterai les observations de paralysie double de la face venues à ma connaissance; je les ferai suivre, lorsqu’il y aura lieu, de courtes remarques qui ne pourraient être convenablement placées ail- leurs. , _ ««g jrcpQaoT oJôi cl ab Jioib èlôo ol boEdp ,oàayt Je consacrerai la seconde partie à l’examen de quelques phénomènes qui n’ont point été observés dans la paralysie bornée à l’un des nerfs de la septième paire et qui rendent la paralysie double particulièrement inté- QafJ jnomooifiîioo Iibiüs sounod Je** Enfin, dans la troisième partie, j'exposerai d’une manière générale les causes, les symptômes, le traitement de la paralysie générale ou partielle des deux nerfs de la septième paire. 4 PREMIÈRE PARTIE. OBSERVATIONS PARTICULIÈRES. Je rapporterai d’abord les cas exempts de complication dans lesquels la paralysie des deux nerfs de la face n’occupait qu’une partie de leurs bran- ches ; viendront ensuite ceux dans lesquels la paralysie était générale on complexe. PARALYSIE DU MUSCLE PETIT SUS-MAXILLO-NASAL DE CHAQUE CÔTÉ CHEZ LE CHEVAL ; GÊNE DE LA RESPIRATION (1). Obs. I. — « Nous signalerons une paralysie locale que nous avons observée sur un cheval de cabriolet. Cette paralysie, dont nous ignorons la cause primi- tive, était limitée au muscle petit sus-maxillo-nasal (portion du transversal du nez) des deux côtés de la face. Ces muscles, qui sont destinés à soulever la fausse narine pendant l’inspiration, étaient paralysés; il en était résulté que les fausses narines s’aplatissaient sur la cloison cartilagineuse et s’opposaient à l'entrée de l’air dans les cavités nasales. Le cheval était dans l’impossibilité de trotter. Cette paralysie ne fut que temporaire. » Les rameaux de la septième paire (facial) qui sont destinés pour ces muscles étaient donc les seuls filets nerveux qui ne transmissent pas leur influence. » La paralysie du nerf facial chez l'homme, en abolissant les mouvements de l’ouverture des narines, ne produit pas autre chose ordinairement qu’une diminution dans la faculté de percevoir les odeurs ; cependant chez un individu dont les ailes du nez offriraient peu de résistance, chez les enfants, par exemple, on observerait probablement une gêne de la res- piration (autant qu’elle se ferait par les narines) dans les circonstances où celte fonction s’accélère. Ch. Bell rapporte que, chez un matelot affecté d’une paralysie faciale du côté gauche, « l’aile gauche du nez étant para- lysée, quand le côté droit de la tête reposait sur l’oreiller, le malade était forcé de tenir sa narine gauche ouverte avec les doigts pour respirer librement. » (Afpendix to thé papers of tue neuves, 1827; Journal des progrès, t. VI, p. 15). Si la paralysie faciale avait occupé les deux côtés, cet homme aurait certainement éprouvé une gêne marquée de la respiration dans les actes qui l’accélèrent. On verra que chez la malade de l’obs. 6 cette difficulté à respirer par les narines était très-notable dans les grandes inspirations. 5 CAS 1>E PARALYSIE DES BRANCHES EXTERNES DES DEUX NERFS DE LA FACE CHEZ L’HOMME (2). Ors. II et III. — « Dans deux cas qui se sont récemment présentés à mon (1) Goubaux (Armand), Mémoire sur les paralysies locales ou partielles (Bec. deméd. vêt. prat., 3e série, t. V, p. 229). (2) Romberg (M. IL), Lehrbuch per nerven krankheiten des meschen. Berlin, 1851, 3e partie, p. 35. observation, le visage n’offrait rien de particulier, les deux yeux étaient ou- verts ; toutefois le poli du front, l’absence de tout sillon, de toute ride dans le visage d’un homme de 43 ans, étaient on ne peut plus frappant ; mais un cas bien plus extraordinaire fut celui d’une jeune et jolie dame dont le visage et l’ex- pression restaient impassibles dans les conversations les plus gaies et les plus animées. 03 uo » L’un de mes malades s’en apercevait lui-même et se plaignait amèrement du sort qui le condamnait à ressentir la tristesse et la gaieté sans aucun chan- gement des traits du visage, sans que les autres hommes pussent s’en aperce- voir. » j | 1 | L ijj.'J» - [ r j . . - PARALYSIE DES BRANCHES EXTERNES DES DEUX NERFS DE LA SEPTIÈME PAIRE CHEZ UN JEUNE HOMME, SANS CAUSE CONNUE (l). Obs. IV. — « Un jeune homme, de taille moyenne, fut reçu à l’hôpital des fiévreux pour une légère attaque de fièvre inflammatoire continue, mais sans aucune trace particulière d’inflammation locale. Le quatorzième jour de la ma- ladie, il fut rapidement mieux après une sueur critique. Dans l’espace d’une seule nuit, le pouls tomba de 120 à 72. Rien ne vint interrompre sa convales- cence jusqu’à la fin de la quatrième semaine. Alors il se plaignit d’ulcères à la bouche pour lesquels on ordonna des lotions vinaigrées; Au bout de cinq jours néanmoins, l’homme continuant à se plaindre de sa bouche, on en fit un exa- men soigneux. Alors la morne immobilité de son visage attira l’attention : les lèvres étaient complètement paralysées et le malade ne pouvait pas les fermer ; les narines restaient sans mouvements, les paupières supérieures ne se fer- maient plus et le malade ne pouvait ni rire ni sifller ; en même temps les sensa- tions des parties affectées étaient parfaitement intactes. Ce jeune homme n’avait pas la plus petite fièvre, ni mal de tête, ni douleurs locales d’aucune espèce. 11 n’avait d’autre affection que les ulcères de la bouche, la sécheresse et l’ulcéra- ub sâîimse am ïmasiq stim ob èlaqqe nbahùra al) .« » Le régime fut ordonné. Des sangsues et des vésicatoires furent appliqués derrière les oreilles ; des laxatifs furent fréquemment administrés, mais sans le plus léger avantage. A la même époque, un autre malade affecté d’une paralysie du ;nei f moteur oculaire commun, ayant été guéri par l’effet du mercure, en ap- parence au mains, le même traitement fut appliqué dans ce cas et produisit une légère salivation qui se termina par une abondante éruption d’impétigo sur le vi- sage. Le malade, néanmoins, n’en retira pas le plus petit bénéfice ; toutes les parties animées par la portion de la septième paire de chaque côté de la face restèrent dans un état complet de paralysie. 6 (0 Cases of pahalysis of inbivibbai. nerves of iiie face, 1iy D' Cbristison H'he Conpon mepical gazette, *. XV, [>, (SO, armée 1835). » Apres avoir passe trois mois à l'hôpital, le malade fut renvoyé dans le même état, et je n’ai jamais pu, depuis lors, recevoir aucune information sur les pro- grès de la maladie. » ■ nioq on ao Inoiets an» omit; . . •; - FILLE ÂGÉE DE 16 ANS» SYPHILIS, PARALYSIE DU NERF FACIAL DU CÔTÉ GAUCHE, DIS- TORSION DES TRAITS ; HUIT JOURS APRÈS PARALYSIE FACIALE DU CÔTÉ DROIT, RE- DRESSEMENT DES TRAITS, CONSERVATION DELA SENSIBILITÉ DE LA FACE5 GUÉRISON après quatre mois de traitement. (Observée par Dupuytren) (1). « Le cas suivant est remarquable en ce que, sans aucune affectioü dépen- dante du cerveau et sans perte de la sensibilité de la face et des mouve- ments de la langue, les fonctions de la portion dure des nerfs de la sep- tième paire furent suspendues pendant quelque temps. L’état de cette fille offrait cela de remarquable qu’elle conservait sa bonne humeur et riait quelquefois de tout son cœur ; mais comme derrière un masque, ainsi que l’exprime avec justesse le uarrateur, le visage de cette fille restant grave et immobile pendant que l’on observait l’émotion on le bruit de la gaieté. Obs. V. — » Salle Saint-Jean, n° 12, une jeune fille âgée de 16 ans, grande, bien développée, réglée depuis plus de dix-huit mois, d’une bonne santé habi- tuelle, contracta une blennorrhagie vaginale et urétrale au commencement de novembre 1828. Elle ne fit aucun traitement et vint à Paris six semaines après, c’est-à-dire vers le 20 décembre. Elle portait à cette époque une tumeur peu volumineuse sur la région frontale gauche. Le surlendemain de son arrivée, pendant la nuit, sans douleur préalable, sans cause accidentelle, elle éprouva un engourdissement dans la joue gauche ; toute la face de ce côté était roide et insensible, et le matin elle s’aperçut que la bouche était fortement déviée à droite. La langue était un peu roide et la parole embarrassée. Il n’y avait du reste aucun autre symptôme. » Un médecin appelé de suite prescrit une saignée du bras ; on en pratique une seconde le soir du même jour; des sangsues sont appliquées à l’anus le lendemain, et le tout sans succès. Deux jours après, la malade est conduite à l’Hôtel-Dieu. A A • -ava •’fupi mi,} » L’écoulement blennorrhagique et l’exostose de la bosse frontale gauche sont constatés; la malade n’éprouve du reste aucun symptôme cérébral ou gas- trique. La langue est mobile, sans déviation, et on voit que la difficulté de parier résulte de l’immobilité de la joue et des lèvres. Deux jours de Suite on 7 , , . „ sij/Imeq si) Jslqmoa fcià nu anfib Jnoiôtes'i (l) Charles Bell, The nervous sïstem of thehuman body as explained in a SERIES OF PAPERS REA1) BEFOlIE THE ROYAL SOCIETY OF LONDON ; WITII AN APPEN- T)IX OF CASES ANO CONSULTATIONS ON NERVOUS DISEA5ES, p. 326 Lcmcfon, 18-36- 3* édition »•* "-h»» y*ftieC CONNUE ; DISTORSION DES TRAITS ; VINGT JOURS APRES, PARALYSIE DU NERF FA- CIAL DU CÔTÉ DROIT ; REDRESSEMENT DES TRAITS ; TRAITEMENT PAR LE GALVA- NISME; guérison. (Observée par M. Magendie) (i). Ors. VI.— « Mademoiselle X., âgée de 22 ans, d’un tempérament d’appàrence lymphatique, se présente le 2 avril 1840, à la consultation de M. Magendie. Sa taille est moyenne, ses cheveux blonds, ses traits peu colorés. Elle dit avoir 9 (1) Constantin James, Paralysie des deux nerfs de la septième faire. (GaÎ MÉD., 1841. p. 99/h) ‘ toujours joui d’uue sauté parfaite, lorsque, if y a quinze jours, elle éprouva, sans cause connue ni même appréciable, les premiers symptômes de la mala- die dont elle est maintenant affectée. Ces symptômes, je vais les énumérer en suivant l’ordre de leur apparition, de leur succession et de leurs progrès. » Je divise donc mon observation en quatre périodes. A chacune de ces pé- riodes correspondra un groupe particulier de symptômes, ainsi qu’une phase spéciale de la paralysie. » Première période. — Déviation des traits du côté droit ; paralysie de la septième paire gauche. — Le premier symptôme fut un léger embarras dans le jeu des paupières du côté gauche. Bientôt le front et la tempe de ce côté cessèrent de se mouvoir. Puis la moitié gauche des lèvres et du menton per- dirent leur contractilité et furent entraînés à droite. Jusque-là, la malade n’a- vait aucunement souffert. C’est alors qu’elle ressentit de l’engourdissement dans la moitié gauche de la langue, sans aucune gêne dans les mouvements de cet organe, en même temps qu’une exaltation vive de l’ouïe, à tel point que les moindres bruits provoquaient à l’intérieur de l’oreille gauche un pénible reten- tissement. Au bout de vingt-quatre heures, l’oreille et la langue avaient repris leur sensibilité normale; mais les signes de la paralysie faciale persistaient. Ils avaient acquis leur maximum de développement à l’époque où la malade vint consulter M. Magendie. » Ainsi, distorsion des traits, surtout de la bouche et du menton, du côté droit. Impossibilité de les redresser, de plisser le front, ni de rapprocher com- plètement l’une de l’autre les paupières gauches. La lèvre supérieure de ce côté est pendante et paraît plus longue que du côté droit; l’inférieure est également paralysée dans toute sa moitié gauche. L’intervalle de ces deux lèvres donne issue à un écoulement involontaire de salive. La joue gauche, tiraillée à droite, est tendue, lisse, appliquée sur les dents et les gencives. On la voit se gonfler dans l’expiration, s’affaisser dans l’inspiration. Pendant le repas, les aliments se portent et s’accumulent du côté gauche. Quand la malade parle, rit, com- munique quelque expression à ses traits, la difformité augmente. Ce sont donc bien là tous les signes d’une paralysie complète de la septième paire gauche. » M. Magendie prescrit le galvanisme et emploie le procédé qui lui a tant de fois réussi dans les affections de cette nature. Une aiguille est implantée dans la glande parotide gauche, une seconde aiguille est successivement placée aux trous sus-orbitaire, sous-orbitaire et mentonnier du même côté. Nous mettons ces aiguilles en rapport avec les conducteurs de la machine de Clarke, dont on tourne la roue lentement d’abord, puis ensuite un peu plus vite. Chaque commotion galvanique s’accompagne, dans tout le côté correspondant de la face, de douloureux élancements ; mais nous remarquons que les muscles se contractent très-faiblement. Ces séances sont continuées chaque jour de la même manière. Quelquefois M. Magendie n’emploie qu’une aiguille, celle de la 10 11 parotide, mais alors il remplace la seconde par le bouton d’un des conducteurs qu’il applique sur la membrane muqueuse de la joue et des lèvres. » Peu de changement'dans les premières séances. Les muscles se contrac- tent un peu mieux dans le moment de l’influence du galvanisme pour retomber ensuite dans leur immobilité. Quant à la sensibilité de tout ce côté de la face, elle est parfaitement intacte. » Vers la sixième séance (9 avril), il est survenu d’importants phénomènes qui sont le prélude de complications nouvelles dans la marche et le siège de la paralysie. 1,119 193a‘ ou îoî smoJqmp immaiq ad » Deuxième pékiode. — Redressement passif des traits; paralysie de la septième paire droite. — La déviation des traits diminue notablement. La bouche est moins tiraillée à droite, en un mot, la paralysie, au premier coup d’œii, semble être en voie de guérison. Maie est-ce là une amélioration bien réelle? Consultons les symptômes en les isolant. Les mouvements sont à peu prés aussi impossibles du côté gauche qu’ils l’étaient auparavant; de plus, ils sont devenus difficiles du côté droit, où ils étaient restés intacts jusqu’alors. Ainsi, de ce côté, l’œil se ferme à peine, le front ne se plisse presque plus, le sourcil devient tombant, tous phénomènes qui ont signalé le début de la pa- ralysie de la septième paire gauche. Il n’y a donc point amélioration ; c’est, au contraire, une paralysie nouvelle qui commence à envahir la septième paire du côté droit. « M. Magendie, dans l’espoir d’en arrêter les progrès, soumet ce côté de la face à l’action galvanique. Mais les muscles se contractent moins bien qu’à l’é- tat normal. Nul doute, par conséquent, que la septième paire du côté droit ne soit bien positivement compromise à son tour. Mêmes applications galvaniques du côté gauche. Les contractions sont plus prononcées de ce côté, ce qu’il faut en partie attribuer à ce que les muscles antagonistes opposent moins de résis- tance. » La malade a ressenti, dans la journée du 12 avril, cet engourdissement du côté droit de la langue et cette surexcitation de l’ouie que nous avions men- tionnés lors de l’invasion de la paralysie gauche. Ce sont donc littéralement les mêmes phénomènes pour la droite. » Malgré plusieurs séances successives, la paralysie de la septième paire droite continue à faire des progrès. Elle est maintenant (15 avril) aussi complète que celle de la septième paire gauche. A ce degré de la maladie, voici quel tiëâ flPôflt t»b loianoJnoni Js evetidio-emz ,evî£3ieho-sus suoiï » Il n’y a plus la moindre déviation des traits. Ceux-ci sont réguliers, mais immobiles, impassibles, à tel point que les sensations intérieures ne se tradui sent au dehors que par des changements dans la coloration du visage. Les yeux, largement ouverts, paraissent plus grands que de coutume. La malade essaye-t-elle de les fermer, elle ne le peut, et il reste entre les paupières un écartement assez considérable, qui laisse apercevoir la teinte blanchâtre de la conjonctive. Les larmes coulent involontairement sur les joues, le iront ne peut plus se plisser. Les sourcils, obéissant à leur poids, pendent au-dessus des or- bites, ce qui donne à la physionomie une effrayante expression. Affaissement des narines ; souvent, dans les fortes inspirations, elles se rapprochent de la cloison nasale au point de former soupape et d'intercepter complètement le passage de l’air. Les lèvres ont perdu toute faculté contractile, aussi le parler est-il devenu très-embarrassé, surtout pour la prononciation des mots où se trouvent des lettres labiales. A chaque mouvement respiratoire, les lèvres, comme deux voiles mobiles, sortent et rentrent, selon la direction du courant de l’air. La mastication est pareillement très-pénible, car les aliments se por- tent de chaque côté entre les gencives et les joues, et la malade est obligée de se servir du doigt pour les ramener sous les dents. Les joues sont flasques, pendantes, ce qui rend la ligure plus longue et la fait paraître vieillie. D’aprèS ces phénomènes, il est manifeste que, de chaque côté, les muscles soumis à l’influence de la septième paire ont perdu toute action qui leur soit propre pour ne plus remplir qu’un rôle exclusivement passif. On dirait presque une tète inanimée sur un corps vivant. Cependant la santé générale de la malade n’a point cessé un instant d’être parfaite. L’appétit est conservé, le sommeil calme, la tête est libre. La paralysie de la face est donc plutôt ici une incommodité qu’une maladie véritable. » M. Magendie galvanise à peu près tous les jours les deux septièmes paires. Les contractions musculaires deviennent de plus en plus marquées à gauche ; elles sont, au contraire, très-faibles du côté droit, c’est-à-dire du côté où la para- lysie s’est montrée en dernier lieu. » Troisième période. — Déviation des traits du côté gauche; guérison de la paralysie de la septième paire de ce côté. — Vers la douzième séance (18 avril), les traits commencent à se dévier à gauche. Légère d’abord, cette dévia- tion se prononce chaque jour davantage. La malade, qui en avait paru vivement affectée, reconnaît bientôt que ce qu’elle croyait être une nouvelle complication est un symptôme heureux qui coïncide avec le retour des mouvements dans tout le côte correspondant de la face. Ainsi, du côté gauche, elle peut déjà plisser les lèvres, rider le front, rapprocher les paupières, tandis que ces mêmes mouve- ments sont encore presque nuis du côté droit. *> C’est par le degré de déviation des traits que nous sommes avertis de l’amé- lioration de la paralysie gauche; de sorte que le même signe qui, dans la pre- mière période, nous indiquait le progrès de la maladie, nous indique dans celle- ci lé progrès de la guérison. Cette contradiction apparente des phénomènes est bien simple à expliquer. Dans le premier cas, les muscles du côté gauche deve- naient plus faibles; dans le second cas, ils deviennent plus forts. » A chaque application galvanique, nous obtenons’ùnc augmentation de la con- tractilité musculaire; aussi la face est-elle de plus en plus déviée du côté gau- ché'.'Si les muscles de te’côté recouvrent chaque jour quelque chose de leur ac- 12 tion, ceux du côté opposé ne restent pas stationnaires. Maintenant (24 avril) ils peuvent exécuter quelques mouvements par la seule volonté de la malade, et le galvanisme les fait se contracter bien plus fortement. Mais, qu’on me pardonne cette expression, ils sont en retard par rapport aux muscles du côté gauche. Ceux-ci étaient déjà en voie de guérison que ceux-là n’avaient éprouvé aucune amélioration sensible. De là prédominance des premiers sur les seconds. » Nous voici arrivés à la dix-huitième séance (28 avril). La déviation persiste, bien que de chaque côté les progrès continuent. Ils sont tels du côté gauche que les mouvements de ce côté paraissent être entièrement rétablis^ ” Quatrième période. — Redressement actif des traits; gzicrison de lapa ralysie de la septième paire droite. — Les muscles du côté droit se contractent de jour en jour davantage, et par suite la déviation des traits tend à s’effacer. Le redressement de la face n’est plus ici, comme dans la seconde période, l’in- dice dune double paralysie, mais, au contraire, d’une double guérison. Ainsi, au côté droit, les mouvements reviennent de la même manière qu’ils sont déjà îeveous du côté gauche. Les larmes et la salive ne s’écoulent plus involontaire- ment, la narine ne s’affaisse plus dans l’inspiration; la malade n’a plus besoin du secours des doigts pour ramener les aliments sous les dents ; en un mot, ce sont les mêmes symptômes d’amélioration que nous avons observés du côté gauche, alors que la paralysie de ce côté était près de disparaître# j nm. < » A la vingt-cinquième séance (8 mai), les traits paraissent redevenus réguliers, quand la face reste immobile; mais pour peu que la malade parle ou rie, on remarque encore une légère déviation du côté gauche. A la trentième séance (15 mai), la face a repris son expression normale. Tous ses mouvements sont libres, et dans quelque sens que la malade les exécute, on n’aperçoit plus que les traits se dévient d’aucun côté. La paralysie devait donc être regardée comme entièrement guérie, n’était encore un peu d’embarras dans la prononciation de certains mots qui exigent spécialement l’action des lèvres; par exemple, la ma- lade ne dira pas couramment papa, mais pa-pa, en mettant un petit intervalle entre les deux syllabes. Aussi M. Magendie juge-t-il quelques applications gali- vaniques encore nécessaires. Dans les séances qui ont suivi, les aiguilles ont été implantées directement dans les muscles dont les contractions n’étaient point tout à fait assez nettes. De cette manière ces muscles ont été plus vivementsti- mulés que quand les aiguilles étaient placées aux deux extrémités du nerf. 11 n’a plus fallu qu’un petit nombre de séances pour que la prononciation fût re- devenue aussi facile qu’avant l’invasion de la paralysie. .ibnisùon aboiion oiôim » Pendant les premiers jours qui ont suivi la guérison, les yeux sont restés un peu larmoyants par suite de l'action irritante que l’air avait exercée à leur surface alors que les paupières ne pouvaient se fermer. Le retour et la persistance des mouvements de clignement ont promptement fait cesser cette légère incom - modité. . ï •v.fcSM . ta *-riiTetirtt * !ilît‘ir*i » Depuis cette époque, mademoiselle X... n’a plus éprouvé la moindre gêne 13 dans les mouvements de la face. Ses traits ont repris toute leur vivacité, toute leur expression, et il ne reste aujourd’hui aucune trace des deux paralysies. » HOMME DE 34 ANS; PARALYSIE GÉNÉRALE INCOMPLÈTE DES DEUX NERFS DE LA SEP- TIÈME PAIRE, SANS CAUSE CONNUE; MUSCLÉS 1)E LA FACE PEU EXCITABLES; DYSPHA- GIE LÉGÈRE, NASONNEMENT, DIFFICULTÉ A PRONONCER LÉS LETTRES LINGUALES; TRAITEMENT PAR L’ÉLÈCTRO-MAGNÉTISMÈ ; INSUCCÈS. Obs. VII. —Dans le courant de l’année 1851, je lus consulté parM. le baron’"". La singularité et l’obscurité du cas m’engagèrent à réclamer l’avis de mon ami M. Claude Bernard qui a constaté comme moi les phénomènes dont je donnerai la relation. M. le baron *** me remit la note suivante ; « J’ai 34 ans. Mon père est très-sain ; il souffre seulement de glaires. Ma mère jouissait aussi d’une bonne santé, mais elie était sujette à un rhume presque constant. A part l’affec- tion dont je parlerai, je suis très-bien portant et je n’ai jamais fait de grandes maladies ; je n’en ai pas eu de syphilitique; je n’ai eu que deux gonorrhées très- bénignes, qui ont été facilement guéries avant 1838, époque où ma maladie ac- tuelle s’est déclarée.,- 9fn 8072 no«r,n iiCL » En avril 1838, à l’Université de Saint-Pétersbourg, où je faisais mes études, un jour en discourant j’éprouvai tout à coup, et c’est encore le cas aujourd’hui, une difficulté à parler distinctement. Depuis lors j’ai toujours senti que le siège du mal était en arrière du nez, dans l’endroit ou les fosses nasales s’ouvrent dans le pharynx. Si un doigt pouvait y pénétrer, je pourrais dire très-précisément: C’est ici ! Néanmoins je n’y ai jamais senti la moindre douleur* 4k > » Voici les symptômes de mon mal : j’ai dit que le principal était de ne pou- voir parler distinctement. Ceci s’applique surtout à de certaines lettres et combinaisons de syllabes ; il m’est surtout difficile de prononcer PL; cependant je parle tout à fait distinctement en commençant. Lorsque je parle beaucoup, je sens que les parties malades s’irritent; je crache beaucoup, et quand mon langage devient indistinct après voir parlé quelque temps, je le rends de nouveau plus clair en expectorant, ne fût-ce qu’une fois. Plus ma maladie a empiré, moins j’ai eu de rhumes, lesquels étaient très-fréquents autrefois ; il m’arrive rarement de me moucher, en revanche j’éternue bien fréquemment et violem- ment. » Je sens aussi souvent une espèce de paralysie dans la langue, qui s’étend même quelquefois aux lèvres, de façon à ne pas pouvoir contenir l'eau quand je me gargarise; eu avalant des liquides, il en sort quelquefois par le nez, si je suis un peu penché en avant. J’ai aussi de la difficulté à avaler, mais ceci a surtout empiré depuis l’été 1850 ; cela m’a fait contracter l’habitude de mâcher très-soigneusement; mais souvent les plus petits morceaux, qui ne m’empêchent nullement de respirer, s’arrêtent dans le gosier, et je bois alors de l’eau pour les faire descendre. Ce symptôme est fait pour impressionner l’imagination, et il est possible, que j’avale mieux quand je n’y pense pas. 14 » 11 y a des époques, mais, cela ne m'arrive qu’en me couchant et avant de m’endormir, oii |é sens le sang se porter à la tête A moitié endormi, je m’éveille aussi quelquefois en sursau ayant le sentiment que l’air manque, et il n’en est rien; ceci ne date que de l’année 1849 ou 1850. Je souffre jusqu’à un certain degré de constipation, mais cela ne dure jamais plus de deux jours; c’est un symptôme très-variable. J’ai aussi quelquefois senti un rhumatisme dans un des pieds, du reste très-peu douloureux et passager. J’avais avant ma maladie une voix de ténor forte et haute qui s’est perdue; j’ai aussi souffert un peu des yeux plus ou moins depuis. b JnaiégBgno'm eaa «b àJhuoedo'f Je àJnefugnia ü » Je dois dire que tons ees symptômes sont très-variables, et que souvent les uns empirent, tandis que d’autres disparaissent. II y a aussi des époques où j’étais presque comme tout à fait rétabli, et elles ont duré quatre à six mois, mais alors même je n’aurais pu faire sans interruption une lecture à haute voix de trois à quatre pages; il est vrai que dans un mauvais état de santé, je puis à peine lire distinctement cinq à six lignes. Aucun climat n’a influé sur mon état, et j’ai vécu à Pétersbourg, en Égypte, en Perse et en Portugal. » J’ai remarqué qu’un gros rhume me rétablissait pour quatre à six semaines au moins. Telle a été aussi l’influence de grands voyages. J’étais parfaitement bien portant aussi longtemps qu’ils duraient, et l’effet s’en faisait sentir encore six semaines à deux mors après. J’ai été une fois violemment amoureux, et en conséquence tout à fait bien portant pendant plus d’une année. En général, quand j’ai mené une vie agitée et mondaine, je me suis mieux porté, tandis qu’une vie retirée a empiré mon mi l. Je m’en suis surtout aperçu pendant une année de deuil. J’ai aussi observé que mon état empirait considérablement en été et plus particulièrement dans les pays méridionaux, par exemple à Lisbonne et à Naples ; mais à part cela et malgré une observation constante, je n’ai jamais pu découvrir les causes qui me font parler distinctement aujourd’hui, indistinc- tement demain et qui produisent même des variations d’un moment à l’autre. » Je dirai maintenant ce que j’ai fait en treize ans pour me guérir. » 1838. Commencement de la maladie. Cautère au bras. Amélioration in- stantanée, mais qui n’a duré qu’autant que le cautère. » 1839. Un peu d’iode, mais comme essai seulement. Bains d’eau salée et chaude à Ischl. Aucun effet. » A Vienne, on déclare mon mal syphilitique, et l’on me fait faire la cure complète de mercure par voie de frottement. Pas d’effet. » 1840. A Berlin, quatre semaines de salsepareille ; puis en été deux mois de cure d’eau froide. Même état. » A Paris, on me touche les parties malades avec la pierre infernale, deux fois par semaine pendant quatre mois. Je me porte tout à fait bien, mais aussi longtemps seulement que dure cette opération. Gilet de flanelle pendant huit mois. 15 16 v> 1841. Cure d’eau froide pendant cinq mois. Je me rends ensuite à Naples, où je passe deux ans et demi. » 1842. Cure de rob Laffecteur, quarante jours, avec diète excessivement sé- vère. Bains d’ischia. Puis voyage de cinq mois en Orient, pendant lequel je me porte parfaitement bien. » Depuis lors jusqu’en 1849, je n’ai rien fait pour ma santé ; mais je me suis en général assez bien porté, et j’ai même pu me croire quelquefois tout à fait rétabli, car c’est dans cette période que tombent de fréquents et longs voyages, de même que la passion amoureuse dont j’ai parlé. » 1849. Mon mal étant attribué en partie à une fausse circulation du sang, je pris en été des bains et des eaux sulfureuses en Russie, mais à une source d’une efficacité médiocre. » 1850. A Naples, bains artificiels de soufre et eaux sulfureuses de Cas- tellamare. » 1851. Liq. cup. amm. de Kœchlin. » Pendant un séjour de deux ans à Naples, on m’a appliqué tous les quatre mois quelques sangsues à l’anus, et j’ai pris de temps en temps de la poudre de soufre avec de la crème de tartre pour agir contre la constipation- » On le voit, pour M. *** la maladie a eu longtemps son siège au voile du palais, dans le pharynx, et les accidents qu’i lie produisait consistaient principalement dans le nasonnement, dans la difficulté d’avaler et quelquefois de lire pendant un certain nombre de minutes d’une manière soutenue. D’un autre côte, on re- marquera que cette aflection nerveuse, quoique disparaissant quelquefois presque complètement sous l’influence de rhumes ou d’excitations physiques et morales, a été regardée comme grave par des médecins successivement consultés, les uns ayant conseillé l’application d’un cautère, d’autres un traitement antisyphi- litique, d’autres des cures d’eau minérale de diverse nature. Quant à l’expression de la face qui me frappa tout d’abord, et dont je vais parler, ni les médecins consultés ni le malade lui-même, avant que je lui eusse fait faire certains exercices des muscles faciaux, n’en avaient eu la plus légère idée. Pour moi, frappé de l’immobilité de sa figure et de la large ouverture de ses yeux, il me vint à la pensée d’examiner le jeu des principaux muscles de la face. J’engageai le malade à froncer les sourdis et à contracter les muscles du front, il ne put le faire que d’une manière très-incomplète ; je lui dis de mouvoir les ailes du nez, cela lui fut à peu près impossible; je lui demandai de siffler, il avança les lèvres et ne put produire qu’un son faible et nasonné, l’orifice de la bouche restant assez largement entr’ouvert. Enfin, ayant engagé M. le baron *** à essayer de grimacer, je fus de plus en plus frappé du peu de mobilité des traits de la face. Ayant été conduit de la sorte à examiner avec soin les divers phénomènes de l'affection de ce malade, je puis ajouter aux renseignements donnés par lui les détails suivants ; SL le baron *** parle en nasonnant, comme on l’observe pour une division ou une destruction du voile dupalais. Lorsqu’il lità haute voix, les premières phrases sont distinctes, les suivantes s’affaiblissent de plus en plus, en même temps que le nasonnement augmente et la lecture finit par une sorte d’épuisement. Lors- qu'il essaye de faire une gamme, le son s’éteint bientôt en se perdant dans les narines; il en est de même lorsqu’il siffle; mais si, dans ce cas, le malade se pince le nez, le nasonnement cesse, et le son peut être soutenu un certain temps avec un degré de force proportionné au peu d’énergie des lèvres ; une semblable épreuve aurait sans doute produit le même effet sur la voix, si l’occlusion com- plète des narines ne la rendait naturellement nasillarde. Quant àla prononciation des lettres, le nasonnement ne permet pas, en géné- ral, de bien juger de leur netteté. L’L et l’l\ sont surtout mal articulées ; aussi les mots où il entre plusieurs de ces linguales, Londres par exemple, sont quel- quefois inintelligibles. A la paresse de la déglutition s’ajoute une difficulté d'expulser les mucosités qui se forment dans l’arrière-gorge ; pour les en extraire et cracher, le malade jette fortement la tête en avant. Par l’inspection des parties, on constate que le voile du palais tombe directe- ment en bas, sans former la voûte qu’on lui connaît; la luette n’est point déviée. Dans le bâillement ou dans les efforts pour faire agir le voile du palais, cet or- gane reste dans une immobilité absolue ; mais les piliers se tendent et se con- tractent d’une manière bien évidente, sans cependant se porter en dedans aussi fortement que chez un homme sain.‘î0aP La langue est très-mobile et se porte avec facilité entre les arcades dentaires et les joues de chaque côté. Le malade la sort droite hors de la bouche sans pou- voir la porter très en avant. Hors de cette cavité, il peut lui faire exécuter divers mouvements, mais il ne peut la recourber en haut. Quelque effort qu’il fasse, la pointe de cet organe n’arrive jamais à recouvrir la lèvre supérieure ; lorsqu’il essaye de faire ce mouvement, la lèvre inférieure vient au secours de la langue dont elle soulève la pointe, néanmoins celle-tfl ne peut atteindre que le bord libre de la lèvre supérieure. Bien que les joues, les paupières, etc., puissent se mouvoir sous l’influence de la volonté, ces parties ne remplissent qu’imparfaitement leurs fonctions. La phy- sionomie est sérieuse, les lèvres font une saillie très-prononcée en avant et restent habituellement un peu ehtr’ouvertes, les joues sont amincies et semblent, lorsqu’on les touche, n’être formées que par la peau. Les aliments séjournent en partie entre elles et les arcades dentaires; pour les en retirer le malade se sert habituellement de la langue ou d’un cure-dent et quelquefois du doigt. M. *** ne peut nullement élargir les ailes du nez, il leur communique seulement un léger mouvement en bas. Les paupières se ferment naturellement, mais avec peu d’énergie. On les ouvre sans éprouver la moindre résistance pendant que le ma- lade s’efforce de les contracter fortement; même dans ce moment, lorsqu’on sou- 17 lève la paupière supérieure et qu’on la laisse retomber, elle s’arrête pour ainsi dire en chemin et ne recouvre pas complètement l'oeil. 11 y a, sous ce rapport, une différence entre les deux côtés. Les paupières de l’œil droit ont encore moins d’énergie que ceiles de l’œil gauche, et le malade ne peut les fermer en mainte- nant celles-ci ouvertes. Du côté des organes des sens, on ne constate rien de particulier. L’ouïe n’est point altérée, la vue est bonne; l’odorat et le goût paraîtraient également intacts, quoique sous ce rapport l’appréciation soit difficile. En effet, l’on n’a point ici pour terme de comparaison, comme dans l’affection bornée à un seul côté de la face, l’impression normale du côté resté sain. Un simple affaiblissement, sur- venu lentement dans la perception des odeurs et des saveurs, pourrait être diffi cilement apprécié par le malade; j’en dirai autant de la sensibilité cutanée de la face qui paraît normale. Les muscles masticateurs qui reçoivent l’influence nerveuse de la branche motrice de la cinquième paire, ont conservé toute leur énergie. Du reste, chez M. le baron ***, dont l’esprit est cultivé, les fonctions intellectuelles s’exécutent très-librement. 11 n’y a aucun indice de paralysie, soit dans les membres inférieurs, soit dans les membres supérieurs, soit dans tous les autres organes qui dépendent de la moelle épinière. Les fonctions de la circula- tion, de la respiration, s’exécutent avec une grande régularité. De sorte, qu’en résumé, le médecin ne peut constater chez lui qu’une para- lysie incomplète des deux côtés de la face, du pharynx, du voile du palais et de la langue. Cette paralysie m'a été démontrée en outre par le peu d’irritabilité des muscles de la face et du voile du palais, sous l’excitation électro-magnétique. Pour ne point avoir à me répéter sur ce sujet, j’en parlerai à propos du traitement. D’après l’inutilité de tous les traitements précédents, et la pensée que j’avais affaire à une paralysie des deux nerfs de la septième paire, j'eus recours immé- diatement à l’application de l’électro-magnétisme aux parties affectées, me fon- dant sur l’efficacité fréquente de ce moyen dans la paralysie de l’un des deux nerfs de la face. Chaque jour des excitateurs humides furent successivement portés sur les divers muscles de la face et sur le trajet des principales branches du facial. Pour le voile du palais et la langue, l’un des excitateurs étant appliqué sur les parties voisines du conduit auditif externe, l’autre excitateur (qui consis- tait en une tige métallique protégée par un tube de verre et terminée par une olive) était porté sur divers points du voile du palais ou de la langue. Pendant les premières applicatious de l’électro-magnétisme, les muscles de la face se contractaient très-faiblement sous un courant aussi énergique que la sensibilité des parties pouvait le permettre; il en était de-même du voile du palais qui ne se relevait pas. Lorsqu’on faisait passer le courant électro-magnétique exclusive- ment par le tronc du nerf facial, à la sortie du trou stylo-mastoïdien, l’on pro- duisait dans les muscles de la face des contractions aussi apparentes que lors- qu’on appliquait l’électricité à ces muscles eux-mêmes. L’on constatait ainsi que 18 be nerf facial n’avait pas perdu sa faculté conductrice, d’où l’on pouvait induire, comme je l’expliquerai ailleurs, que la cause de la paralysie résidait dans les centres nerveux. Après une dizaine de séances, l’irritabilité musculaire avait augmenté notable- ment ; le côté gauche surtout s’était amélioré sous ce rapport. Le voile du palais se relevait par l’excitation électro-magnétique, mais non volontairement. A par- tir de ce moment, les progrès furent très-lents ou nuis, et à la trente-cinquième séance, le malade présente l’état suivant. Les joues sont plus fermes au toucher et moins amaigries. La paupière supé- rieure gauche étant fermée offre plus de résistance au doigt lorsqu’on veut la soulever ; la droite n’a rien gagné. La langue se porte avec plus d’énergie entre les joues et les arcades dentaires pour en retirer les aliments qui s’y amassent ; le voile du palais, quoique plus excitable par l’électricité, ne paraît pas avoir éprouvé d’amélioration dans ses fonctions. Le traitement ayant été suspendu à cette époque n’a pas été repris depuis lors. FEMME DE 25 ANS, PARALYSIE DES DEUX NERFS DE LA SEPTIÈME PAIRE ET DES DEUX HYPOGLOSSES, PAR SUITE D’AFFECTION CÉRÉBRALE ; ABOLITION DE LA PAROLE ET DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES DES MUSCLES DE LA FACE ET DE LA LANGUE, AC- TIONS RÉFLEXES REMARQUABLES; MORT; AUTOPSIE (1). La malade dont il va être question a été vue par le docteur Magnus (de Berlin). L’observation se trouve dans Muller (Archiv. fur physiologie Heft, II, 1837); elle a été reproduite par le London medical gazette (vol. XX, année 1837, p. ù2). Nous l’avons empruntée à l’ouvrage de Rom- berg, où cette observation est plus détaillée et complétée par le résultat de l’autopsie faite par Froriep. Obs. Vlll. — « Une veute, âgée de 25 ans, avait éprouvé deux attaques apo- plectiques avec perte de la parole et paralysie du côté gauche ; la première étant en couches, à la suite d’un accouchement difficile et d’une cessation des lochies; la deuxième, après une suppression des règles par refroidissement. A la dernière, la paralysie des extrémités cessa, mais ia parole ne fut pas recouvrée, comme cela avait eu lieu à la première attaque. » La malade a le visage lisse, sans la moindre ride et la moindre expression. L’ensemble des muscles de la lace a perdu tout mouvement volontaire. La ma- lade ne peut mouvoir ni la peau du front ni les sourcils; elle ne peut relever les ailes du nez, ni agiter le menton et les joues; elle est hors d’état de fermer vo- 19 (1) Romberg et Marcus, Lehrbuch der nerven Krankheiten des meschen , t. I,p. 49. lontairement les paupières ; lui enjoint on de le taire, elle s’aide de ses doigts ou porte les regards à terre, ce qui dirige le globe de l’œil on bas, relâche l’éléva- teur des paupières et détermine la chute de la paupière supérieure. Cependant les paupières se ferment complètement aussitôt que l’on touche le voisinage des yeux de la malade avec les doigts ou qu’on les expose tout à coup à une lumière vive; ou bien dans l’éternument. Dans le sommeil, les paupières sont également fermées. » La malade ne peut ni ouvrir ni fermer les lèvres, de sorte que la bouche est généralement ouverte; il en coule une salive abondante qu’il est nécessaire d’enlever constamment avec un mouchoir. La mâchoire inférieure est mobile; la malade peut l’écarter ou la rapprocher de la supérieure. Cependant ces mouve- ments eux-mêmes ne sont pas tout à fait dans l’état normal, car la bouche ne peut être largement ouverte ; et même les mouvements rapides de la mâchoire inférieure contre la supérieure sont si peu possibles, que la malade ne peut faire frapper fortement une des rangées dentaires contre l’autre. » La langue n’obéit pas du tout à la volonté ; la malade ne peut ni la tenir en- tre les dents, ni la mouvoir en haut ou de côté. Elle repose sans mouvement, comme un coin, dans la cavité buccale, ce qui fait qu’une déglutition volontaire est impossible, et que la mastication est rendue difficile ; car si la malade a porté les aliments entre les dents, il lui faut ks porter encore avec les doigts çà et là, puisque la langue est immobile, et une fois mâchés, les reporter en arrière de la langue, toujours avec les doigts, jusque dans le pharynx; il s’ensuit une dégluti- tion involontaire accompagnée de tous les mouvements de la langue, qui peuvent se faire volontairement dans l’état normal. La même chose se montre dans la préhension des boissons. La tête doit être renversée et le liquide poussé dans le gosier, ou bien porté directement dans la gorge à l’aide d’une cuiller, sans quoi le liquide s’échappe de la bouche. De temps en temps aussi, sans qu’il y ait eu préhension d’alimenls, une déglutition involontaire de la salive sécrétée se fait ; la quantité de cette salive étant devenue peu à peu si grande qu’elle remplit la bouche comme un bol alimentaire. ■» Le sens du goût, ainsi que la sensibilité de la langue, sont conservés. » La parole est détruite; néanmoins il n’y a pas aphonie complète, car la ma- lade peut produire des sons inarticulés, mais elle ne peut leur donner des tons soit aigus, soit graves; aussi ce bruit n’est-il pas clairement vocal, mais bien un ang ou ong. Car cette femme ne peut pas, la bouche étant largement ouverte, dire clairement a et encore moins toute autre voyelle. » Le rire a encore lieu, qu’il soit excité par la lecture ou la parole. La malade rit et sourit, et possède tous les intermédiaires sans difficulté. Alors les lèvres, les joues, les ailes du nez font tous les mouvements qu’un homme sain peut faire Volontairement; mais, dans ce cas, ils sont tout à fait indépendants delà volonté de la malade. Aussi, quelque faible que soit une excitation extérieure, le pince- ment ou la piqûre des joues, ces mouvements sont excités. La malade produit 20 21 dans le rire des sons autres que ceux qui ont été dits plus haut. Ces sons sont encore inarticulés ; cependant ils sont, suivant la nuance de l’impression, modi- liés en acuité ou gravité. On reconnaît combien ces sons sont involontaires dans le rire tort; car alors on entend une sorte de bruit, de grognement d’animal, dont la malade rougit, et qu’elle voudrait faire cesser en cessant de rire. » La malade mourut dans l’épidémie du choléra de 1837. » A l’ouverture du corps, faite par Froriep, on trouva dans l’hémisphère droit du cerveau, au bord externe, là où le lobe antérieur et le moyen se confondent, un kyste hémorrhagique par lequel deux circonvolutions étaient détruites; sa cavité pouvait contenir une petite noix ; sa face interne était tapissée par une membrane jaune. Le septum lucidum était épaissi. Hypertrophie des parois du ventricule gauche du cœur. » Cette observation présente tin haut degré d’intérêt, non-seulement sous le rapport de la paralysie des deux nerfs de la septième paire, mais encore sous celui des mouvements réflexes qui accomplissaient certains actes sans et môme malgré la volonté de la malade. La paralysie paraît avoir été bornée aux deux nerfs de la septième paire et aux deux grands hypoglosses; en effet, tous les symplômes observés chez la malade peuvent être ramenés à ceux que produit la paralysie de ces deux nerfs; car, d’une part, il n’y avait pas absence dans la production de la voix; d’une autre part, la difficulté des mouvements rapides de la mâ- choire inférieure ne tenait pas à une paralysie de la cinquième paire, comme je vais essayer de le faire voir : la malade pouvait produire des sons, mais ce qu’elle ne pouvait pas faire, c’était d’articuler ces sons ou de les modifier à volonté. Or ces diverses modifications de la voix s’obtiennent non dans le larynx, mais par l’élévation ou l’abaissement de cet organe, par les mouvements de l’isthme du gosier, de la langue et des lèvres; mais les muscles qui élèvent l’os hyoïde, et par suite le larynx et l’isthme du go- sier, ceux qui donnent le mouvement aux joues, aux lèvres et à la langue, étant sous la dépendance des nerfs hypoglosse et facial, il en résulte que l’on peut expliquer chez cette femme les désordres de la voix par la para- lysie de ces deux nerfs, sans supposer, ce qui n’existait certainement pas, une paralysie des muscles intrinsèques du larynx. Quant au défaut de rapidité dans les mouvements de la mâchoire infé- rieure, il s’explique parfaitement par la paralysie du facial ; en effet, pour que les mouvements d’élévation de la mâchoire inférieure se succèdent ra- rapidement, il faut que la mâchoire inférieure soit rapidement abaissée. Ce mouvement d’abaissement, comme celui d’ouvrir fortement la bouche, est produit par le muscle digastrique dont le ventre postérieur reçoit un ra- meau du facial. La paralysie de ce nerf, et par suite d’une partie du mus- cle digastrique, explique suffisamment l’impossibilité d’ouvrir largement la bouche et la difficulté à exercer rapidement des mouvements de la mâchoire inférieure, sans paralysie de la cinquième paire. D’ailleurs, la conservation du goût, de la sensibilité cutanée de la face, l’intégrité de la vue, etc., viennent confirmer la pensée que la cinquième paire n’était pas affectée. Nous ne devons donc voir chez cette femme qu’une paralysie des deux nerfs de la septième paire, jointe à celle des deux hypoglosses ; celle-ci se manifestait par l’absence complète des mouvements volontaires de la langue. Il est à remanquer cependant que cet organe restait dans la cavité de la bouche, contrairement à ce que l’on observe sur des animaux auxquels on a coupé les deux hypoglosses, en laissant intacts les deux nerfs de la face, car, dans ce cas, la langne paralysée est pendante entre les lèvres. J’appellerai l’attention sur un autre fait digne de remarque, c’est que, quoique la face eût perdu tout mouvement d’expression volontaire, elle mugissait par une impression morale, phénomène observé également chez la malade de M. Magendie (obs. 6). Les mouvements réflexes par lesquels s’accomplissaient encore la déglu- tition et le clignement des paupières indiquaient que la paralysie n’avait pas sa cause sur le trajet des nerfs, mais dans les centres nerveux ; l’autopsie, tout en confirmant cette déduction, ne donne cependant point la raison de la localisation delà paralysie et des phénomènes remarquables qui l’accom- pagnaient. Plusieurs de ces phénomènes n’ont pas reçu d’explication satis- faisante. Voici quelques-unes des réflexions qui se trouvent à ce sujet dans le London mkdical gazette (t. XX, p. Û92) : « Que l’orbiculaire des paupières agisse involonlairemenl par action ré- flexe après qu’un stimulus a été porté au cerveau par le nerf optique, les observations de MM. Marshall-Hall et Müller l’ont prouvé clairement ; mais cela manquait de confirmation pathologique. » Que certaines affections de l’esprit puissent mettre en mouvement des muscles qui ne répondent pas actuellement à la volonté des malades (quoi- qu’ils y soient soumis à l’état normal), comme dans ce cas, ou pendant le rire, les muscles animés par la septième paire produisaient l’expression du visage propre à cet acte, mais étaient insensibles à tout autre stimulant : voilà ce qu’il faudrait expliquer. 22 » La seule manière d’y arriver est de supposer que les idées qui produi- sent le rire amenaient une plus forte action de volonté que ne le pouvait aucun autre stimulant ; ainsi, dans les cas de paralysie légère partielle, un grand effort peut produire quelques mouvements des muscles affectés. Celte opinion parait certainement la plus probable. Si elle est exacte, ce cas serait rangé sous ce rapport auprès de ceux où, sous l’influence de vives affections de l’esprit, des actes remarquables de force ont été produits par des malades qui ne pouvaient pas, avecun effort ordinairede volonté, faire la plus légère action. » Que la malade fût incapable d’arrêter son sourire ou les sons produits par le larynx dans le véritable rire, c’est la même chose que ce qui existe dans les paralysies incomplètes, où le malade ne peut pas arrêter le mouve- ment qu’il a commencé, celui qui emporte le bras, etc., par exemple. Il faut, dans tous les cas, autant de force de volonté pour arrêter le mouve- ment que pour lui donner naissance. » ** Ces explications, quoique très-ingénieuses, ne nous paraissent point justes. Pour nous, le rire, les bruits involontaires qui l’accompagnent, aussi bien que le bâillement, les sanglots, etc., sont des actions réflexes, que la volonté peut être impuissante à empêcher comme elle est impuissante à les produire ; seulement dans cet ordre d'actions réflexes l’excitation qui les produit naît dans le cerveau lui-même au lieu d’être transmise aux centres nerveux par un nerf. Un fait expérimental prouve qu’une excitation directe des centres nerveux peut produire des actions réflexes. C’est la production du sucre dans le foie par une excitation portée sur un point déterminé de la moelle allongée, de même que si l’excitation était portée sur le nerf pneumo-gastrique. Ici l’excitation, des centres nerveux qui pro- duit l'action réflexe est mécanique, tandis que pour le rire, les bruits in- volontaires du larynx, etc., l’excitation résulte d’un sentiment, d’une idée. HOMME DE 35 AXS ; COMMOTION VIOLENTE DU CRANE; LÉSION DES DEUX ROCHERS ; PERTE DE L’OUÏE; IMPERFECTION DE LA PAROLE; DIMINUTION DE L’ODORAT ET DU GOUT; PARALYSIE PARTIELLE DE LA LANGUE (i). Obs. IX. — « Un militaire sourd et muet, nommé Siivain Dubois, âgé de 35 ans, fourrier à l’ex 22* régiment d’infanterie de ligne, est rentré dans le courant de 1829 en France, venant de Russie, où il avait été conduit captif après la mé- morable bataille de Leipsick en 1813. Les malheurs qu’éprouva cette victime de nos désastres, durant les premières années de sou séjour dans ce pays, ont com- blé pour lui la coupe de l’adversité : le récit qu’il en fait est presque incroyable. 23 (!) Gama (J. P.), Traité des plaies de tète. 2* éd. Paris, 1835 ; p. 1611 Après avoir vu périr en grand nombre, dans des souffrances inouïes, les prison- niers avec lesquels il traversait Jes vastes déserts de l’empire moscovite, il ren- contra enfin, dans la province d’Astraean, une terre hospitalière. Ce fut de ce point éloigné qu’il entreprit seul, sans guide, muni d’une ardoise, interprète de ses besoins, et sur laquelle il dut savoir successivement écrire le russe, le polo- nais, l’allemand, qu’il entreprit, dis-je, de regagner le sol de la patrie. » En attendant des renseignements dont l’administration veut s’éclairer, il est envoyé au Val-de-Grâce ; il s’v présente portant encore son ardoise ; mais c’est dans sa langue maternelle qu’il s’exprime maintenant. » Je vais le laisser s’expliquer sur cet événement de sa vie longtemps agitée : « Le dernier jour de la bataille de Leipsick, 18 octobre 1813, au moment de » la plus terrible canonnade, deux boulets venus en sens opposé se heurtèrent » près de ma tête. Le choc de ces deux corps avait distinctement frappé mes » oreilles ; mais la révolution qui se fit subitement en moi bouleversa toutes mes » sensations et me laissa sans connaissance. Je ne fus retiré de cette léthargie » que par la douleur que me causèrent des cosaques qui vinrent me dépouiller. » Revenu insensiblement à moi, me soulevant à peine, quelle fut mon affliction » de me voir nu parmi les morts et les blessés dont la plaine était jonchée! Ju- » géant d’après le cours du soleil du temps que j’avais passé dans cet état voisin » de la mort, il me parut qu’il pouvait y avoir cinq ou six heures. Un spectacle n tout nouveau pour moi m’était offert par les soldats des armées ennemies, qui » s’agitaient de tous les côtés dans un effrayant silence, et dont quelques-uns » me maltraitaient sans paraître me parler. Je voulus leur parler moi-même, » me plaindre, mais, hélas ! ma langue, comme liée dans ma bouche, ne put » articuler un seul mot. L’état de mon âme dans ce fatal moment n’est pas à » décrire: il ne m’était que trop prouvé que je venais de perdre la parole et » l’ouïe. Du sang avait jailli de ma bouche, de mon nez, de mes oreilles; j’en » avais le corps couvert. Des caillots restés dans ma bouche obstruaient le pas- » sage de l’air et me menaçaient d’une nouvelle suffocation. Un officier des co- » saques, plus humain que ceux qu’il commandait, me fit jeter un vieux man- » tean dont je m’enveloppai, et je suivis la masse des prisonniers. On nous fit » traverser l’Allemagne, la Pologne, la Russie; de temps en temps, dans ce long » trajet, les blessés aux jambes montaient sur quelques voitures ; le plus sou- » vent nous étions tous obligés de marcher, et quoique je n’aie jamais obtenu » une place sur la plus mauvaise charrette, je pus supporter toutes ces fatigues » et résister aux accidents qui me survinrent. Je souffris beaucoup de la tête » qui a même été enflée ; j’éprouvai des tiraillements dans la poitrine, et surtout » des douleurs lancinantes dans l’intérieur des deux oreilles. Ces souffrances se » calmèrent peu à peu et cessèrent avec le temps fout à fait, à l’exception d’une » douleur de tête bien faible en comparaison et dont je suis encore souvent » tourmenté. Les ouvertures des oreilles ont fourni pendant dix-huit mois à peu » près une matière fétide, d’abord assez abondante, et qui a diminué insensi- 24 » blement, puis s’est arrêtée. Mais si mon accident a si fortement agi sur le phv- » sique, il n’a pas moins altéré les facultés mentales et principalement la mé- » moire. Ce n’est qu'avec beaucoup de peine que je me rappelle les choses qui •> m’ont autrefois intéressé : le passé est pour moi une espèce de chaos. Je n’ai » fait aucun traitement, et on ne m’a donné aucun soin dans le plus fort de mes *> maux. Ce ne fut que plus tard, pendant mon séjour dans la province d’As- » tracan, que les médecins de ce pays épuisèrent sur moi leurs talents sans pou- » voir changer ma position. Voici une partie des moyens que ces messieurs ont » employés : Premièrement, ils m’ont appliqué beaucoup de vésicatoires au cou » et aux bras, puis ils m’ont fait prendre an grand nombre de bains de vapeurs » sulfureuses. Après ces bains ils m’ont électrisé souvent, et m’ont introduit » différents instruments acoustiques dans les oreilles ; ils en ont varié les formes * à l’infini. J’ai pris intérieurement beaucoup de remèdes, tant liquides qu’en » pilules, entre autres l’extrait alcoolique de noix vomique. On m’a envoyé aux » eaux thermales de Kafschut, petit bourg à sept lieues sud-ouest d’Astracan; » ces eaux n’ont produit sur moi aucun effet. Après tous ces essais infructueux, » on m’a dit que j’avais les organes de la langue et ceux de l’ouïe paralysés. » » Mais l’abolition de l’ouïe est l’accident particulier qui assigne ici une place à cette observation, quoiqu’on ne puisse en séparer la perte de la parole. Ce double état pathologique a pu résulter de l’ébranlement que les parties osseuses ont communiqué à l’encéphale. Cependant si on examine l’état actuel des choses, après un long intervalle durant lequel elles auront pu éprouver diverses modi- fications, peut-être la paralysie de l’ouïe paraîtra-t-elle, non l’effet de l’impuis- sance de percevoir les sons, mais la suite du dérangement que l’accident ap- porta dans l’appareil acoustique. Ce qui donne quelque probabilité à celte opi- nion, c’est que si le blessé place le bout d’un tuyau métallique sur un forté- piano, tenant l’autre bout entre ses dents, il distingue faiblement l’air que l’on joue. La vibration des cordes de cet instrument est communiquée dans celte circonstance par le même mécanisme que le bruit particulier au mouvement d’une montre, qu’il sent aussi lorsque la montre est placée entre ses dents ; mais la perception distincte des sens, quoique faible, est une opération diffé- rente du cerveau, et fait penser que le nerf acoustique, soit encore dans l’oreille, soit au delà avant son insertion centrale, n’est pas assez altéré pour 11e pas recevoir quelques-unes des impressions sonores que lui transmet aussi le tuyau métallique. Les grands bruits, comme les violents coups de tonnerre, les détonations, etc., ne lui sont point perceptibles ; il n’enlend rien non plus avec les cornets acoustiques les plus forts. » Quant à l’appareil de la parole, la cause du désordre qu’il présente existe évidemment dans le cerveau. La langue ne peut dépasser le rebord des dents, mais ses mouvements sont assez libres dans l’intérieur de la bouche. Les lèvres n’ont rien perdu de leur mobilité, et cependant il est impossible au malade de prononcer une seule syllabe labiale, comme ma, per, pm, etc Fl produit, au 25 contraire, à volonté les sons gutturaux qu’il varie du grave a l’aigu, et parmi lesquels il l'ait entendre la différence qu’il sait exister entre les voyelles. Toute- fois cet exercice lui est pénible; le travail qu’il exige ne peut le dédommager en rien de la perte de la parole. » La perte simultanée de deux fonctions, exécutées autrefois avec aisance et régularité, n’est pas la seule lésion qui soit résultée du même accident chez ce sujet ; en le questionnant, en l’examinant, on en découvre d’autres dont il ne se plaint pas ordinairement, parce qu’elles l’affligent et le gênent moins. Déjà sa narration fait mention de l’affaiblissement de la mémoire ; une égale faiblesse paraît exister dans le goût et l’odorat. Les aliments ordinaires, tels que le pain, les légumes, le bœuf bouilli, etc., sont pour lui presque sans saveur. Les odeurs peu pénétrantes ne sont point distinguées; il ignore, par exemple, celle qu’exhalent les aliments chauds. Dans l’espoir de réveiller l’olfaction, il s’est habitué à l’usage du tabac, qui produit sur la muqueuse nasale l’impression qu’on lui connaît; cependant la sensibilité de cette membrane paraît diminuée, ainsi que celle des autres parties de la face. » Je crois devoir rapporter la plupart des phénomènes observés chez ce malade à une paralysie générale des deux nerfs de la septième paire, mais incomplète dans quelques-unes de leurs branches. Je vais exposer les rai- sons qui me font adopter cette opinion. Il y avait chez cet homme perte de l’ouïe, imperfection de la parole, diminution de l’odorat et du goût, intégrité de la vue, paralysie partielle de la langue. On ne peut admettre, avec M. Gama, que ces désordres pro- venaient d’une encéphalite : il suffît de lire la relation claire et lucide du malade pour se convaincre que cette affection n’a jamais existé chez lui. En effet, aussitôt après son accident, il a fait à pied, sans qu’il ait jamais obtenu une place sur la plus mauvaise charrette, le trajet de Leipsick à Astracan. La perte de l’ouïe a été causée évidemment par une lésion pro- fonde des deux rochers, les oreilles ayant fourni d’abord beaucoup de sang et pendant dix-huit mois une matière fétide et abondante. Peut-on suppo- ser que la commolion, la lésion des rochers aient laissé intacts la corde du tympan et le nerf facial ? Les désordres de diverses fonctions qui dépendent de ces nerfs sont d’accord avec le raisonnement pour prouver qu’il n’en a pas été ainsi. L’imperfection de la parole ne doit pas davantage être rap- portée à une lésion cérébrale, puisque les idées étaient rendues clairement par l’écriture, ni à une lésion du larynx ou de ses nerfs, puisque cet or- gane formait les sons à la volonté du malade. Ces sons même étaient mo- difiés par l’isthme du gosier, mais les articulations linguales et labiales manquaient, et, comme je l’ai fait remarquer à l’occasion de l’observation 26 précédente, ces articulations des sons se forment par les mouvements de diverses parties animées par le nerf facial. La diminution de l’odorat peut s’expliquer de même par la paralysie de ce nerf; car la faculté seule de flairer était détruite chez cet homme, puisque le tabac faisait sur la mu- queuse nasale son impression ordinaire ; d’un autre côté, la destruction probable de la corde du tympan suffit à expliquer la diminution du goût. Si le malade ignore l’odeur qu’exhalent les aliments chauds, il est sous ce rapport dans le même cas que les animaux auxquels on a coupé les deux nerfs de la septième paire qui n’éprouvent plus d’aversion pour aucun ali- ment. (Voy. Romberg, ouvr. cité, 3e partie, p. 36.) Les mouvements volontaires de la langue prouvent que les hypoglosses n’étaient point paralysés; mais comment expliquer l’impossibilité de sortir cet organe de la bouche ? Ce fait, comme je chercherai à l’établir dans la seconde partie de ce mémoire, trouve une explication satisfaisante dans la paralysie des élévateurs de la base de la langue qui reçoivent des rameaux du facial. Si l’on considère que l’intégrité de la vue, des mouvements de la mâchoire inférieure témoignent de l’intégrité de la cinquième paire (car la diminution légère de la sensibilité cutanée de la face, encore paraissait-elle douteuse chez ce soldat, peut se rencontrer dans les pa- ralysies anciennes de la septième paire), on verra, dans l’ensemble des phénomènes offerts par ce malade, l’effet d’une paralysie des deux nerfs de la face. On est donc porté à penser que dans ce cas, comme dans celui de l’obs. 7, il y avait une paralysie générale des deux nerfs de la septième paire, mais qui, étant incomplète dans leurs branches externes, n’a point été re- connue. 27 DEUXIÈME PARTIE. EXAMEN DE QUELQUES-UNS DES PHÉNOMÈNES DE LA PARALYSIE DES DEUX NERFS DE LA SEPTIÈME PAIRE. Les observations que nous venons de rapporter nous montrent que l’ex- pression symptomatique de la paralysie des deux nerfs de la septième paire est bien différente de celle de la paralysie bornée à l’un de ces nerfs. Dans l’une, en effet, la distorsion de la bouche, l’irrégularité des traits, le con- traste entre le côté gauche et le côté droit de la face frappent les yeux les moins attentifs; dans l’autre, au contraire, cette expression bizarre et ca- ractérislique est remplacée par la régularité de la face, la symétrie des traits, V immobilité de la physionomie; d’une autre part, le nasonnement, l’imperfection de la prononciation, la dysphagie, phénomènes de la para- lysie générale des deux nerfs de la face, n’existent pas ou passent fréquem- ment inaperçus dans la paralysie d'un seul de ces nerfs; en sorte que, soit que l’on considère les symptômes apparents du visage, soit que l’on consi- dère ceux qui proviennent du désordre de quelques fonctions relatives à la parole, ces deux affections semblent avoir une origine essentiellement diffé- rente. Il n’en est rien cependant : nos connaissances physiologiques sur les fonctions des nerfs de la septième paire donnent parfaitement la raison de la distorsion des traits dans un cas, de la régularité de la face dans l’autre, et pour trouver les symptômes extérieurs de la paralysie double d’après les phénomènes de la paralysie simple, il suffit, pour ainsi dire, de poser la question. Il en serait de même pour les phénomènes internes si les fonctions des branches internes des nerfs de la septième paire étaient aussi bien con- nues que celles des branches externes. Mais ici le flambeau de la physio- logie nous manque. L’action du facial sur le pharynx, sur le voile du palais, sur la langue est à peu près inconnue ; avant donc de donner, d’après les observations rapportées plus haut, une description générale de la paralysie des deux nerfs de la face, il faut déterminer quels sont les phénomènes qui, dans ces observations, appartiennent à la paralysie des nerfs de la septième paire. C’est à cela que cette seconde partie sera consacrée. Nous examinerons successivement si l’on doit quelquefois rapporter à la paralysie du nerf facial la dysphagie, le nasonnement, la difficulté à arti- culer certaines lettres. Ces dérangements fonctionnels ont été plus ou moins apparents dans trois de nos observations ; l’état de complication de l’un de ces cas, l’absence de détails suffisants dans un autre, ne nous per- mettront pas de les envisager toujours d’une manière générale. 28 § I«. — GÈNE DE LA DÉGLUTITION. Nous avons vu que le malade de l’observation 7 éprouvait une gêne plus ou moins marquée dans l’acte de la déglutition. La paralysie des rameaux du facial qui, s’anastomosant avec des branches du glosso-pharyngien, viennent avec ces derniers se rendre au pharynx, peut expliquer le trouble de la déglutition dans ce cas. On ne peut douter en effet que ces filets anastomotiques du facial (nerf moteur) ne se distribuent à quelques-uns des muscles du pharynx. Cette opinion, d’ailleurs, se trouve confirmée par une 29 pièce anatomique que M. Richet a déposée dans les collections du musée de la Faculté de médecine de Paris. Sur cette pièce, un rameau du facial va directement se distribuer aux muscles glosso-slaphylin et pharyngo-staphy- lin d’un côté sans contracter, comme dans l’état ordinaire, d’anastomose avec le glosso-pharyngien. Or, comme les fonctions distinctes dévolues à chaque nerf crânien ne permettent pas de croire qu’ils puissent se sup- pléer, il faut admettre que cette anomalie, quant aux connexions, n’en est pas une quant à la distribution ; les muscles glosso-staphylin et pharyngo- staphylin reçoivent donc normalement une influence du facial. Ce fait ana- tomique est d’accord avec le peu d’énergie observée dans les contractions des piliers du voile du palais et la gêne de la déglutition chez notre malade (obs. 7). Il ne sera pas hors de propos de rappeler ici qu’un muscle (comme M. Cl. Bernard l’a démontré par ses beaux travaux sur le spiual) peut rece- voir de différents nerfs des influences appropriées à des actes distincts. Je ne prétends donc pas que les muscles glosso-staphylin et pharyngo-staphy- lin, ou les autres faisceaux musculaires du pharynx animés par des ra- meaux anastomotiques du facial ne reçoivent de filets nerveux et d’influence motrice que du nerf de la septième paire exclusivement; je veux seulement dire que le pharynx, dans la paralysie du facial, a perdu une partie de ses mouvements d’où résulte la dysphagie. Une autre cause encore peut contribuer à la gêne de la déglutition, c’est la paralysie du ventre postérieur du digastrique et celle du stylo-hyoïdien qui reçoivent un rameau du facial. En effet, ces muscles, dans l’état sain, élèvent la base de la langue et aident ainsi aux mouvements de la déglu- tition. La dysphagie pourrait même quelquefois dépendre de la paralysie de l’un des nerfs de la septième paire ; c’est au moins ce qui semble résulter d’un fait rapporté par Descot, fait dans lequel il paraîtrait que le facial du côté paralysé était le seul nerf affecté. Voici, en extrait, cette observation : HOMME DE 46 ANS ; SUPPURATION DE L’OREILLE GAUCHE ; PARALYSIE FACIALE DU MÊME CÔTÉ ; DYSPHAGIE ; MORT; CARIE DU ROCHER ; DESTRUCTION DU NERF FACIAL. (Ob- servé par Bogros) (1). Obs. X. — Jean-Marie Loger, âgé 46 ans, était tourmenté depuis un an par (1) Descot (P. J.), Dissertation sur les affections locales des nerfs, 1825, p. 329. une toux opiniâtre. Il éprouvait de temps en temps une forte douleur de tête. A la Un d’août 1817 le malade s’aperçut qu’il s’écoulait du conduit auditif de l’oreille gauche une certaine quantité de pus ; peu de temps après, on lui fit apercevoir que la joue du même côté était paralysée. Loger entra à l’hôpital de la Pitié le 28|novembre 1817. La céphalalgie, devenue très-intense, était presque continuelle; il y avait immobilité presque complète de tous les muscles de la joue gauche, de ceux du pharynx du même côté. Le malade éprouvait de grandes difficultés soit pour articuler les sons, soit pour exécuter les mouve- ments de déglutition. On administra des pilules d’extrait de noix vomique de- puis un demi-grain et successivement jusqu’à la dose de trois grains, etc. L’em- ploi de ces moyens n’ayant point arrêté les progrès du mal, la fièvre hectique et la consomption terminèrent la maladie. Autopsie. — Les cellules mastoïdiennes et la cavité du tympan étaient rem- plies de pus. La carie avait altéré en plusieurs points la cavité du tympan; il y avait destruction presque totale du canal spiroïde, de la portion du nerf facial qui y est contenue, des osselets de l’ouïe et de la membrane du tympan. 30 § H. — NAS05NEMENT ; PARALYSIE Dü VOILE DU PALAIS. Chez trois des malades dont nous avons rapporté l’observation (obs. VII, VIII, IX), on a remarqué une altération plus ou moins profonde de la voix. Chez l’un de ces malades (obs. VII , dont l’affection paraissait plus simple, l’altération de la voix consistait dans un nasonnement très-prononcé ; or ce symptôme dépendait d’une paralysie des élévateurs du voile du palais, qui a été constatée par l’inspection des parties. Cette paralysie des élévateurs du voile du palais se rattachait-elle à l’affaiblissement que l’on remarquait en même temps aux paupières, aux joues, aux lèvres, etc., or- ganes qui reçoivent l’influence motrice du facial ? ou, pour poser la ques- tion d’une manière plus générale : la paralysie des élévateurs du voile du palais est-elle déterminée par la paralysie des nerfs de la septième paire? C’est ce que nous allons examiner. Malgré de nombreuses recherches, les anatomistes n’ont point décidé de quel nerf proviennent les filets qui se rendent aux muscles élévateurs du voile du palais. Les muscles péristaphylin interne et palato-staphylin, élévateurs du voile du palais, reçoivent des filets nerveux du ganglion de Meckel. Ce ganglion est lui-même en rapport avec le nerf facial par le grand nerf pétreux superficiel ; mais le nerf grand pétreux superficiel est-il un filet émané du facial qui, après avoir communiqué avec le ganglion de Meckel, se rend aux muscles élévateurs du voile du palais (Bidder, Cruveil- hier, etc.), ou n’est-il qu’un filet rétrograde émané de la cinquième paire qui, du ganglion de Meckel, vient s’unir au facial (Meckel, Bichat, etc.), ou qui, simplement accolé à ce nerf, s’en sépare ensuite pour former la corde du tympan (H. Gloquet, Hirzel, Ribes, etc.)? Toutes ces opinions ont été soutenues, mais aucune n’a été appuyée de preuves suffisantes. Bidder (Arch. de Muller, 1837) et M. Longet (Anat. et phts. du syst. nerveux, t. II) ont rendu très-vraisemblable la première de ces opinions par cette considération que, dans certains cas de paralysie de l’un des nerfs de la septième paire observée chez l’homme, il y avait en même temps une déviation de la luette. Il est, en effet, impossible d’expliquer la déviation de la luette avec la paralysie de l’un des nerfs de la septième paire, si le nerf grand pétreux superficiel n’émane pas du nerf facial. La question paraissait jugée, lorsque M. Debrou (Thèse inaugurale, lBùl) fit remarquer que la déviation de la luette est un fait assez commun chez des personnes saines et que, dans les cas d’hémiplégie faciale où cette déviation avait été observée, il pouvait n’y avoir eu qu’une simple coïnci- dence. Il sembla même résulter, d’expériences faites sur des chiens par M. Debrou, que la septième paire est totalement étrangère aux mouvements du voile du palais, qui seraient au contraire sous l’influence directe du nerf glosso-pharyngieD. Après avoir ouvert la cavité du crâne sur cinq chiens, et avoir mis à dé- couvert l’origine des nerfs que fournit la moelle allongée. M. Debrou ap- pliqua le galvanisme successivement au nerf facial et au nerf glosso-pha- ryngien dans la cavité même du crâne. Sur quatre de ces chiens, l’applica- tion du galvanisme au facial ne produisit aucun mouvement dans le voile du palais ; au contraire, sur tous ces animaux, l’excitation galvanique du glosso-pbaryngien provoqua des mouvements très-forts dans le voile du palais et dans ses piliers. Nous admettons, comme un fait acquis, que Yeacci talion directe des nerfs de la septième paire ne provoque point de mouvements dans le voile du palais. Quant à ceux qui ont été produits par l’excitation des nerfs glosso-pharyn- giens, ils trouveront leur explication ci-après. Nous ferons seulement re- marquer ici que, dans la relation de ses expériences, M. Debrou ne dit pas qu’il eût séparé de la moelle allongée le facial et le glosso-pharyngien. Nous pouvons assurer que M. Debrou ne l’a pas fait, car il eût ainsi rendu l’ap- plication du galvanisme à l’origine de ces nerfs beaucoup plus difficile, si- non impossible. De nouvelles connaissances, récemment acquises sur quelques propriétés des nerfs, nous ont permis d’envisager ces faits à un autre point de vue et 31 4’en tirer des conclusions différentes que nous avons confirmées par des expériences sur des animaux. Après les avoir exposées, nous rapporterons des cas de paralysie de l’un des nerfs de la septième paire par lesquels nous espérons établir que la déviation de la luette dans l’hémiplégie faciale n’est point une simple coïncidence, mais qu’elle est l’effet de la paralysie du nerf facial (la paralysie devant nécessairement exister alors sur le nerf facial avant la seconde partie de son trajet dans le canal de Fallope.) Pour faciliter l’intelligence des expériences que nous allons exposer, il sera utile de donner quelques explications préliminaires : des travaux ré- cents de M. Claude Bernard tendent à faire regarder comme une loi géné- rale que, dans ce genre de phénomènes auxquels on a donné le nom d’ac- tions réflexes, les actions ou les mouvements sont déterminés par une ex- citation directe des centres nerveux ou par une excitation communiquée au centre nerveux par un nerf de sensibilité ; mais jamais ces actions ou ces mouvements ne sont déterminés par l’excitation directe du nerf qui rap- porte l’excitation du centre nerveux aux parties. Ainsi, comme l’ont montré les expériences bien connues d’Herbert Mayo sur les nerf de l’oeil (Axât, and physiol. commentâmes, n° 2, 1823, p. 5), si l’on coupe le nèrf op- tique et si l’on excite le bout central (celui qui tient au cerveau), le nerf moteur oculaire commun étant intact, la pupille se rétrécit; mais si l’on porte l’excitation sur le bout central du nerf optique, après avoir coupé le nerf moteur oculaire commun, cette excitation ne produit plus aucun mou- vement dans la pupille. C’est donc le nerf moteur oculaire commun qui conduit l’excitation du cerveau à l’iris. Eh bien ! une irritation quelconque portée directement sur le nerf moteur oculaire commun ne produit aucun mouvement dans l’iris (1). Plusieurs faits analogues ont été mis dernière- ment en lumière par M. Claude Bernard, qui a déterminé en outre certaines conditions anatomiques des nerfs qui président à ces actions réflexes ; ainsi il existe toujours sur le trajet du filet nerveux qui ramène l’excitation du centre nerveux aux parties un ganglion du grand sympathique. En somme, l’on voit que i’excitalion directe d’un nerf est insuffisante pour faire juger de l’aptitude de ce nerf à produire des mouvements, lorsque ces mouve- 32 (1) D’après Herbert Mayo, l’excitation du nerf moteur oculaire commun pro- duirait le resserrement de la pupille chez le pigeon. Il est possible qu’il en soit ainsi chez les oiseaux ; mais chez les mammifères, l’excitation de ce nerf ne pro- duit aucun effet sur la pupille, lorsque l’on a garanti l’œil de tout tiraillement par la section des muscles animés par le moteur oculaire commun. ' ! ments rentrent dans la catégorie de ceux qu’on a désignés sous le nom de réflexes ; car ici, à l’inverse de ce qui se passe pour les nerfs de mouve- ments volontaires, l’excitation portée sur le nerf de sensibilité produit des mouvements; portée sur le nerf du mouvement, elle n’en produit aucun (les deux nerfs étant en communication avec les centres nerveux). Si l’on considère à ce point de vue et la nature des mouvements du voile du palais et les nerf qu’il reçoit, l’on remarquera, d’une part, que les fonc- tions de cet organe s’accomplissent sans la participation directe de la vo- lonté, par action réflexe ; d’autre part, l’on verra un filet nerveux qui, des muscles élévateurs de cet organe, se rend au nerf facial en communiquant avec un ganglion du grand sympathique. Il sera donc permis de présumer que le mécanisme, si l’on peut dire ainsi, par lequel s’accomplissent cer- tains mouvements du voile du palais, est analogue à celui par lequel s’ac- complissent certains mouvements de l’iris, c’est-à-dire que nous aurons un nerf de sensibilité (soit le glosso-pharyngien) agissant comme le nerf op- tique, en portant une excitation au centre nerveux et un nerf de mouve- ment (soit le nerf facial) communiquant avec un ganglion du grand sym- pathique (le ganglion de IVleckel) et rapportant l’excitation centrale aux parties, semblable en ces deux points au moteur oculaire commun. Les expériences suivantes, entreprises pour vérifier ces analogies, les ont pleinement confirmées. Exp. I. — Sur nn chien de forte taille, l’os hyoïde fut incisé dans sa partie moyenne et l’incision prolongée jusqu’au larynx, afin de mettre en évidence toute la face antérieure du voile du palais. Ensuite, le nerf glosso-pharyngien fut mis à découvert an cou, peu après sa sortie du trou déchiré postérieur, et l’animal fut tué par la section de la moelle épinière au-dessous de l’origine des nerfs crâniens. Cela fait, les pôh s d’une pile-furent mis en contact avec le nerf glosso-pharygien, des contractions violentes agitèrent le voile du palais, ses pi- liers et une partie du pharynx du même côté. Cette manœuvre ayant été ré- pétée à plusieurs reprises avec le même résultat, le nerf glosso-pharyngien fut coupé. Les pôles de la pile appliqués alors sur le bout périphérique, c’est-à-dire sur celui qui aboutissait au pharynx et au voile du palais, aucun mouvement ne se manifesta dans ces organes ; au contraire, le galvanisme ayant été porté sur le bout central du nerf glosso-pharygien, c'est-à-dire sur celui qui tenait à la moelle allongée, les contractions du voile du palais, de ses piliers et du pharynx furent tout aussi vivement excitées que lorsque le nerf était intact. Exp. II. —Un chien de forte taille ayant été préparé, comme dans l’expérience piécédente, pour laisser à découvert le voile du palais; la partie postérieure du crâne fut enlevée par un trait de seie. Le nerf facial du côté droit lut ensuite 33 34 coupé à son entrée dans le conduit auditif interne. On s’assura que la section avait bien porté sur ce nerf par la perte des mouvements de la face du même côté, et plus tard par l’autopsie. Le nerf facial gauche fut laissé intact. L’animal ayant été tué par la section de la moelle épinière, au-dessous de l’origine des nerfs crâniens, les nerfs pneumogastrique, glosso-pharyngien, grand hypoglosse et lingual furent mis rapidement à découvert de, chaque côté, peu après leur sor- tie de la base du crâne. Alors les pôles d’une pile furent portés sur le nerf glosso- pharyngien du côté droit (côté où le nerf facial était détruit), des mouvements se produisirent dans les piliers du voile du palais de ce côté et dans les parties voi- sines } mais le voile lui-même n’éprouvait que quelques légers mouvements pro- duits évidemment par le tiraillement des parties environnantes. Le galvanisme ayant été ensuite appliqué au, glosso-pharvngien du côté gauche (côté où le facial était intact), les mouvements du côté correspondant du voile du palais furent beaucoup plus forts et plus étendus que ceux qui avaient été produits de l’autre côté. Non-seulement les piliers étaient agités, mais le voile lui-mëme offrait des mouvements évidemment indépendants du tiraillement des parties voisines et qui se manifestaient par un froncement qui remontait très-haut sur la moitié du voile du palais correspondante au nerf excité. Le galvanismeappliquéaux nerfs pneumogastrique, grand hypoglosse et lingual de chaque côté ne produisit aucun mouvement dans le voile du palais ni dans ses piliers. *£*! gflCmtrtiKïfî aup'oiotnôxs.ati ioiQip,p La première expérience prouve que le nerf glosso-pharyngien n’est pas le nerf moteur du voile du palais, mais qu’il provoque des mouvements ré- flexes par l’excitation qu’il transmet au centre nerveux, excitation qui est ramenée aux parties par un autre nerf. La seconde expérience prouve que les mouvements réflexes du voile du palais provoqués par l’excitation du glosso-pharyngien, sont en partie transmis par le nerf facial, les mouvements des piliers de ce voile n’étant pas communiqués par ce nerf. Ces résultats, en mettant en lumière le mode d’action du glosso-pharyn- gien et du facial sur le voile du paiais, expliquent suffisamment les expé- riences de M. Debrou. Loin d’être en opposition avec les faits pathologi- ques observés chez l’homme, ils viennent plutôt les confirmer. Mais l’ex- périmentation sur le chien suffit-elle pour mettre à l’abri de toute contestation chez l’homme i’influence du facial sur le voile du palais? Mal- gré la forme un peu différente de cet organe et l’absence de la luette chez le chien, peut-on ici conclure par analogie de cet animal à l’homme ? Cela ne nous paraît point douteux. Néanmoins, afin de ne laisser aucune incer- titude sur ce sujet, nous rapporterons des faits d’hémiplégie faciale avec déviation de la luette, dans lesquels on ne pourrait invoquer une coïnci- dence, et qui montreront, au contraire, que le nerf facial a une action bien réelle sur les muscles élévateurs du voile du palais. Avant d’aller plus loin, nous ferons remarquer que la déviation de la luette que l’on observe normalement, chez un certain nombre de personnes, n’est en général, comme nous nous en sommes assuré, qu’une simple in- clinaison de cet appendice, inclinaison qui peut même varier avec les di- verses positions que l’on donne à la tête. En outre, dans cette déviation de la luette, le voile du palais reste parfaitement normal, et les arcades que for- ment ses piliers sont égales et régulières. Dans la paralysie du facial, ce n’est plus une simple déviation de la luette que l’on observe, mais une courbure en arc de cet appendice. Nous avons plusieurs fois constaté ce fait, et il a été indiqué par les observateurs qui sont entrés dans quelques détails sur ce sujet. Du côté du voile du palais, l’on observe en même temps des changements non moins notables : les arcades palatines ne sont plus bien symétriques ; elles n’ont plus une largeur et une hauteur égales pour cha- que côté, et le désaccord se fait surtout remarquer sur les piliers posté- rieurs. En voici un exemple que nous avons récemment observé à l’hôpital de la Charité. HOMME DE 29 ans; SYPHILIS; PARALYSIE FACIALE A DROITE; IRRÉGULARITÉ DU VOILE DU PALAIS ; COURBURE DE LA LUETTE ; NASONNEMENT ; TRAITEMENT ANTISYPHILITI- QUE ; ÉLECTRO-MAGNÉTISME ; AMÉLIORATION ; RETOUR DE LA RÉGULARITÉ DU VOILE DU PALAIS. Obs. XI. — Le nommé Arnoux (Édouard), âgé de 29 ans, commis, est entré à l’hôpital de la Charité le 17 février 1852; il est couché salle Saint-Michel, n° 27. 11 y a environ huit ans, il eut un chancre et ensuite deux blennorrhagies. Quatre ans après, il éprouva des douleurs nocturnes dans les membres. 11 y a sept ou huit mois, il ressentit des douleurs aiguës dans l’oreille droite, accompagnées de céphalalgie. Enfin, il y a trois mois, il s’aperçut d’une paralysie du côté droit de la face. De ce côté, il ne pouvait ni rider le front, ni fermer les paupières, ni con- tracter ses traits. L’angle des lèvres était pendant et la bouche tirée à gauche. Le malade ne pouvait siffler ni prononcer avec précision certaines lettres qui né- cessitent le resserrement des lèvres, comme p, b, m, ou une certaine résistance des joues, comme f, o, w. Cependant cette imperfection de la prononciation, très- apparente lorsque le malade articule une de ces lettres isolément, l’est beaucoup moins dans la conversation. A son entrée à l’hôpital, tous ces phénomènes per- sistent, et l’on constate en outre les suivants : l’ouïe, normale à gauche, est très- 35 dure de l’oreille droite ; le mouvement d’une montre, placée à i centimètre de cette oreille, n’est point perçu. Néanmoins, les sons forts ou aigus l’impression- nent douloureusement. Le malade assure que les sensations auditives qu’ils pro- duisent sont plus longues et plus persistantes du côté paralysé que du côté sain. L’odorat paraît ne point offrir de différence entre les deux côtés ; cependant la narine droite est moins ouverte que la gauche. Le goût, au contraire, est sensi- blement affaibli sur la moitié droite de la langue; l’impression causée sur cette partie par un courant électro-magnétique est aussi moins forte que de l’autre côté. Le malade peut porter la langue hors de la bouche, la recourber sur la lèvre supérieure, la diriger facilement à droite ou à gauche ; mais si, par un mou- vement forcé, il veut lui faire toucher le milieu du menton, elle se dévie con- stamment à gauche, c’est-à-dire du côté opposé à la paralysie. Le voile du palais n’est pas régulier ; l’arcade formée par le pilier antérieur droit est moins élevée que la gauche. Le pilier postérieur du même côté droit tombe directement en bas, sans s’incurver comme celui de l’autre côté.La luette est recourbée en arc; sa pointe est dirigée en avant et vers le côté paralysé, tan- dis que sa base est un peu portée vers le côté sain. La voix de ce malade est légèrement nasonnée. Ce nasonnement, qui n’est pas assez prononcé pour éveiller l’attention d’un étranger, a pu être apprécié par le malade lui-même et remarqué par ses parents et ses amis. Les mouve- ments de la mâchoire inférieure n’ont rien perdu de leur énergie; la sensibilité de la face est intacte. L’électro-magnétisme, appliqué aux muscles de la face du côté paralysé, pro- voque des contractions à peine appréciables ; un courant dirigé sur le nerf facial du même côté, à sa sortie du trou stylo-mastoïdien, laisse tous les muscles de la face dans la plus complète immobilité. Traitement. — Pendant les six semaines qui ont précédé l’entrée du malade à l’hôpital de la Charité, il a pris chaque jour de 1 à 3 grammes d’iodure de po- tassium. Depuis son entrée, on lui a prescrit des pilules de Sédillot et la tisane de Feltz. A dater du 5 mars, les parties paralysées ont été soumises tous les jours à un courant électro-magnétique, par les soins de M. le docteur Bonnefin. Aujourd’hui 25 mars, après dix-huit séances d’électro-magnétisme, le côté pa- ralyséoffre l’état suivant : les muscles se contractent sous le courant électrique; la paupière supérieure s’abaisse plus complètement ; les aliments séjournent moins entre la joue et les dents ; la bouche est moins déviée. Cependant les mou- vements volontaires des joues et du front ne sont pas encore possibles. La langue se dévie toujours à gauche. La luette offre encore une courbure à droite ; mais le voile du palais a repris sa régularité; les arcades formées par les piliers antérieurs sont égales des deux côtés; le pilier postérieur gauche est encore un peu tombant. Le nasonnement a diminué très-notablement. 36 L’irrégularité du voile du palais ; son retour à l’état normal, coïncidant avec une amélioration dans les phénomènes extérieurs de la paralysie ; la diminution de nasonnement, sont certainement d’un grand intérêt pour la question qui nous occupe. Il est à regretter que les observateurs n’aient pas accordé à l’examen du voile du palais la même attention qu’à celui de la luette, et que, même sous le rapport de cet organe, la plupart se soient bornés à indiquer simple- ment sa déviation , sans faire mentien de sa forme. Nous ne rappellerons pas ces observations incomplètes; les cas suivants, dans lesquels on a si- gnalé la courbure en arc ou une grande torsion de la luette, nous paraissent suffisamment concluants. HOMME DE 38 ASS; PARALYSIE FACIALE GAUCHE PAR IMPRESSION DU FROID} COURBURE DE LA LUETTE; GUÉRISON DE LA PARALYSIE; REDRESSEMENT DE LA LUETTE (1). 'Observé par Romberg, ainsi que les 3 cas suivants.) Obs. XII.— « Un homme de 38 ans, parfaitement sain, fut atteint, par suite d’un refroidissement subit, d’une paralysie de tout le nerf facial gauche. Il se plaignit en même temps d’une douleur dans l’oreille gauche, jointe à une diffi- culté d’entendre et à une sensation de sécheresse dans la partie gauche de la bouche. La luette était oblique, courbée en arc, la pointe tournée à gauche. Le siège de la maladie était évidemment dans le rocher. Contre mon attente, la gué- rison fut rapide ; elle s’opéra au bout de quinze jours, à la suite d’applications de sangsues derrière l’oreille gauche, de frictions avec l’onguent napolitain et d’une solution de sulfate de magnésie avec teinture de colchique. » La luette reprit sa position normale un peu plus tard que les muscles de la face. » 37 PARALYSIE FACIALE GAUCHE; COURBURE DE LA LUETTE (2). Obs. XIII. — « Le second malade présentait une paralysie complète du nerf facial gauche, consécutive à une affection de la base du cerveau et accompagnée d’une paralysie des nerfs voisins, cinquième et sixième paire -, l’acoustique et le nerf pneumo-gastrique avaient cependant conservé toutes leurs fonctions. Ici encore le voile du palais n’était pas dans sa position normale. La luette était oblique, courbée vers la partie gauche. » ci OTORRHÉE ; PARALYSIE FACIALE DROITE ; COURBURE DE LA LUETTE (3). Obs. XIV. — « A la suite d’une otorrhée, une fille de 13 ans, scrofuleuse, fut (1) Roniberg (M.H.), Lehrbuch der nerven krankheiten der menchen. Berlin 1851; 3* partie, p.45. (2) Romberg, ouvrage cité. $} Romberg, ouvrage cité. atteinte d’une paralysie du nerf facial droit, d’une surdité de l’oreille droite, avec hémiplégie du voile du palais. Courbure en arc de la luette et direction de sa pointe vers la partie droite. » OTORRHÉE ; PARALYSIE FACIALE GAUCHE; TORSION DE LA LUETTE (1). Obs. XV. — « Une fille de 8 ans est atteinte depuis son enfance d’une paraly- sie complète du nerf facial gauche. De profondes cicatrices au niveau du trou stylo-mastoïdien auraient pu aisément me conduire à admettre que là résidait la cause de la paralysie ; mais la grande torsion de la luette vers la partie gauche me lit soupçonner une cause cachée dans l’intérieur du rocher, et la décla- ration de la mère qui m’apprit qu’au septième mois l’enfant avait souffert d’une violente otorrhée de l’oreille gauche, qui avait laissé échapper de petits fragments d’os de forme spéciale, confirma pleinement mes soupçons. Lors de la présentation de cet enfant à la clinique, nous remarquâmes la bouche tournée à gauche, contrairement aux symptômes d’une paralysie du nerf facial gauche. La cause de ce phénomène était purement mécanique. Un gonflement scrofuleux de la joue droite avait refoulé la bouche vers la gauche. » Dans l’observation 12 on a constaté le redressement de la luette après la guérison de la paralysie faciale. Or ce retour de la luette à son état normal prouve de la manière la plus évidente l’intervention du nerf facial dans les mouvements de cet appendice. Un cas semblable a été observé par M. Di- day, qui en a suivi la marche avec beaucoup d’attention, dans la pensée que si le redressement de la luette s’opérait avec la guérison de la paralysie faciale, ce fait serait d’un grand poids dans la question qui nous occupe. En voici l’extrait : HOMME DE 25 ans; SYPHILIS; PARALYSIE FACIALE DU CÔTÉ GAUCHE ; DÉVIATION DE LA LUETTE; GUÉRISON DE LA PARALYSIE ; REDRESSEMENT DE LA LUETTE (2). Obs. XVI. — « Le nommé Fontaine, âgé de 25 ans, affecté de syphilis con- stitutionnelle, fut reçu dans le service de M. Ricord le 13 août 1842. Il se plai- gnait d’étourdissements et d’une surdité commençante ; il avait, en outre, une hémiplégie des plus caractérisées du côté gauche de la face ; diminution de l’otfïrat et du goût du même côté. La luette était un peu portée en avant et fortement déviée à droite, et elle se maintenait dans la même direction quels que fussent les mouvements du voile du palais que le malade exécutât pendant que la bouche demeurait ouverte. (Traitement : Sangsues, vésicatoires, iodure de potassium.) 38 (1) Romberg, ouvrage cité. (2) Gaïette Médicale de Paris, 1842, p. 833. » Le 13 septembre, après un mois de traitement, les caractères extérieurs de la paralysie faciale sont presque tous etfacés. La luette est droite et elle con- serve la rectitude dans tous les mouvements que le malade lui imprime. » A propos de ce dernier cas, nous ferons observer qu’il serait nécessaire, lorsqu’on parle du côlé vers lequel la luette est déviée,de spécifier s’il s’agit de sa pointe ou de sa base. C’est sans doute à cette omission que l’on doit attribuer le désaccord de quelques observations sur ce point. En résumé, ces observations de paralysie de l’un des nerfs de la septième paire, dont la cause existait sur le nerf avant sa sortie du trou stylo-mas- toïdien, nous ont offert soit une irrégularité du voile du palais, soit une courbure de la luette, soit une grande déviation de cet appendice. On doit surtout remarquer le retour de la régularité du voile du palais dans un cas, le redressement de la luette dans deux autres, coïncidant avec la guérison de l’hémiplégie faciale. On ne peut expliquer ces divers phénomènes ou leur succession, dans ces cas de paralysie de l’un des nerfs de la septième paire, par une simple coïncidence. Le défaut de symétrie du voile du palais ou de la luette dé- pend évidemment de la paralysie de quelques-uns des muscles de ces or- ganes d’un côté. C’est la répétition de ce qui se passe à l’extérieur pour les traits du visage. Ainsi la pathologie chez l’homme, l’expérimentation chez le chien, té- moignent de l’action du facial sur le voile du palais, et déterminent l’ori- gine des filets nerveux qui aboutissent aux muscles péristaphylin interne et palato-staphylin. Que fût-il arrivé dans ces cas de paralysie faciale d’un côté, avec dévia- tion du voile du palais ou de la luette, s’il était survenu une paralysie sem- blable du côté opposé? Évidemment un retour à la symétrie du voile du palais et de la luette, ainsi qu’on l’eût observé en même temps pour les traits du visage; mais alors, tout mouvement ayant été aboli dans les mus- cles péristaphylin interne et palato-staphylin des deux côtés, le voile du palais fût resté immobile et dans l’impossibilité de se relever : de là serait résulté le passage de l’air dans les narines pendant l’émission de la voix et le nasonnement symptomatique. C’est donc ù la paralysie des deux nerfs de la septième paire que nous devons rapporter ces divers phénomènes, qui ont été constatés dans notre obs. VII de paralysie générale de ces deux nerfs. C’est eucore à la paralysie des élévateurs du voile du palais, consé- cutive à celle de ces nerfs, qu’il faut rapporter le passage des liquides du pharynx dans les fosses nasales observé chez le même malade, et la diffi- 39 culté qu’il éprouvait à expulser hors du pharynx les mucosités qui s’y amassaient. En effet, c’est par une expiration brusque que l’on amène dans la bouche ces mucosités avec l’air expiré ; cet air se perdant en partie dans les narines lorsque le voile du palais ne le dirige plus vers la cavité buc- cale, l’effort doit être beaucoup plus considérable. 40 § III.— IMPERFECTION DE LA PRONONCIATION DES LETTRES LINGUALES; PARALYSIE PARTIELLE DE LA LANGUE. Les trois cas de paralysie générale des deux nerfs de la septième paire nous ont offert une imperfection plus ou moins grave dans la prononcia- tion des mots. Le malade de Pobs. VIII ne produisait que des sons inarti- culés ; celui de l’obs. IX ne produisait que des sons gutturaux. Bien que le premier cas fût complexe et que le second laissât à désirer sous le rapport des détails, on n’en doit pas moins remarquer que, chez l’un comme chez l’autre, il y avatt une imperfection dans l’articulation des sons qui portait aussi bien sur la prononciation des lettres linguales que sur celle des la- biales. Chez le malade de l’obs. VII, outre le nasonnement de la voix, il y avait une difficulté à articuler VI ou l'r, consonnes qui se prononcent en portant la pointe de la langue au palais, près des incisives supérieures. C’est encore à la paralysie de quelques-uns des rameaux des nerfs de la septième paire que nous croyons devoir rapporter ce défaut dans la prononciation des lettres linguales. Les détails anatomiques et physiologiques dans lesquels nous allons en- trer justifieront, j’espère, cette manière de voir. La langue et quelques-uns des muscles qui concourent à ses mouve- ments reçoivent des rameaux des nerfs de la septième paire. Ces rameaux sont évidemment moteurs, comme le nerf qui les fournit; néanmoins il en est deux (les cordes du tympan) sur l’origine et les fonctions desquels les anatomistes et les physiologistes sont encore aujourd’hui en dissidence, et dont nous ne nous occuperons pas (1). (l) Suivant M. Guarini (Gaz. Méd. de Paris, 1842, p. 508), la corde du tympan émane du facial, et se distribue principalement aux fibres du muscle lingual. En agissant sur ce muscle, elle soulève la pointe de la langue pour l’articulation de certaines consonnes. Les expériences sur lesquelles M. Guarini appuie son opi- nion ayant été faites avec beaucoup de soin et suffisamment multipliées, seraient concluantes si le mode d’expérimentation ne présentait une cause d’erreur ma- nifeste. En appliquant l’un des pôles de la pile aux nerfs de la langue et l’autre aux muscles de cet organe, M. Guarini n’a pas pris garde que ceux-ci, recevant Les rameaux du facial qui agissent soit médiàtement, soit immédiale- tement, sur les mouvements de la langue, sont : le rameau du ventre pos- térieur du digastrique ; celui du slylo-hyoldien, et enfin un rameau remar- quable qui se rend directement aux muscles intrinsèques de la langue, et que M. L. Hirschfeld a décrit avec soin dans son excellent ouvrage sur l’anatomie du système nerveux. « J’ai vu naître du facial, dit M. Hirschfeld (Névrol., ou descript. et iconog. dü syst. nerv., Paris, 1850, p. 108), et sortir par le trou stylo-mastoïdien, un rameau qui n’a pas encore fixé l’attention de tous les anatomistes, et qu’on pourrait appeler rameau lin- gual du facial. Il longe le côté externe et antérieur du muscle stylo-pha- ryngien, le traverse par quelques-uns de ses filets qui vont s’anastomoser avec le nerf glosso-pharyngien, se dirige vers la langue, entre le pilier antérieur et le pilier postérieur du voile du palais, sous l’amygdale, et se distribue aux fibres musculaires qui sont subjacentes à la mnqueuse papil- laire de la langue (muscle longitudinal supérieur ou superficiel de la lan- gue). » Ainsi le nerf facial fournit trois rameaux aux muscles intrinsèques ou extrinsèques de la langue. Les fonctions de ces muscles nous éclaireront sur les effets de la paraly- sie de ces trois rameaux du facial. D’après M. F.-G. Theile (Encyclop. anat., t. III, trad. par Jourdan, 1843), «quand le digastrique agit tout entier, l’hyoïde avec la base de la langue se trouve soulevé... Le ventre postérieur doit ramener cet os en arrière. » (P. 54.) « Le stylo-hyoïdien porte l’hyoïde en haut et un peu en arrière, ce qui fait qu’il soulève la base de la langue et rétrécit l’isthme du gosier. » (P. 81.) « Le muscle longitu- 41 l’influence directe du galvanisme, ont pu se contracter sans l’intervention du nerf. Il est vrai que la contre-épreuve, faite sur le trijumeau, le glosso-pharyn- gien et l’hypoglosse, a donné des résultats différents de ceux qu’avait produits l’application de l’électricité au facial, et c’est là ce qui justifie jusqu’à un certain point l’opinion de M. Guarini. Les expériences qui ont porté M. CI. Bernard (Thèse de Paris, 1842) à attri- buer à la corde du tympan la fonction de redresser les papilles de la langue dans la gustation, n’infirment point les résultats obtenus par M. Guarini. Il est pos- sible que quelques-uns des filets de la corde du tympan se distribuant au muscle lingual, aient pour fonction de porter en haut la pointe de la langue dans l’arti- culation de certains sons : ainsi la corde du tympan viendrait renforcer en quel- que sorte un rameau que le nerf facial envoie directement à la langue, et auquel nous attribuons la fonction de porter la pointe de cet organe en haut pour servir à l’articulation des consonnes linguales. dinal supérieur ou superficiel de la langue raccourcit la langue entière,dont il ramène aussi la pointe en haut et en arrière. » (P. 82.) La paralysie des rameaux de la septième paire qui animent ces muscles rendra donc incomplets ou impossibles : 1° le mouvement d’élévation de la base de la langue et le rétrécissement de l’isthme du gosier; 2° le mou- vement d’élévation de la pointe de la langue. Ces mouvements sont plus ou moins nécessaires pour porter la langue hors de la bouche pour articuler les lettres gutturales et les lettres linguales. Quelques observations d’hémiplégie faciale chez l’homme et l’expérimen- tation sur les animaux, en démontrant que les nerfs de la septième paire prennent une certaine part dans la production des mouvements de la langue, viennent confirmer ces déductions tirées de l’anatomie. Chez l’homme ( laissant pour le moment les cas de paralysie des deux nerfs de la septième paire), la déviation de la langue, observée dans certains cas de paralysie de l’un de ces nerfs, rend évideute l’action du facial sur cet organe. Cette déviation a été observée deux fois par P.-H. Bérard (Dict. de méd., t. XII, p. 607, 1836), et elle existait chez l’un de nos malades (obs. XI). On pourrait croire, d’après le petit nombre des cas dans lesquels on a constaté cet effet de la paralysie du facial, qu’il n’était qu’accidentel et qu’il pouvait tenir à une autre cause.; mais il est facile de se rendre compte de la rareté de ces observations : d'abord, les rameaux du facial destinés aux muscles intrinsèques ou extrinsèques de la langue se séparent très-haut du tronc du nerf, et ce n’est que lorsque la paralysie a sa cause dans la cavité du crâne ou dans le rocher que la déviatioo doit exister, En second lieu, cette déviation peut facilement passer inaperçue; car elle ne devient bien apparente que dans quelques mouvements exagérés de la langue, par exemple lorsque le malade veut porter la pointe de cet organe sur le milieu du menton (obs. XI). Dans les cas observés par P. Bérard comme dans le notre, la pointe de la langue se portait du côté opposé à la paralysie. L’expérimentation sur des animaux nous a donné des résultats ana- logues. Sur un assez grand nombre de lapins, nous avons entrepris des expé- riences qui nous ont montré que, lorsqu’on coupe chez ces animaux le nerf facial d’un côté, à sa sortie du trou stylo-mastoïdien, la langue est instan- tanément déviée. Après cette opération, si l’on introduit dans la bouche un instrument pour entr’ouvrir les mâchoires, on remarque que la pointe de la langue vient constamment frapper l’angle des lèvres du côté où le nerf a 42 ité coupé. La paralysie de quelques faisceaux musculaires de cet organe peut seule expliquer ce résultat. Vient-on ensuite à couper le nerf facial de l’autre côté, on voit, après avoir entr’ouvert les mâchoires, que la langue exécute encore des mouvements volontaires dans la cavité buccale ; mais cet organe ne se porte plus de préférence vers l’un des côtés de la bouche : il a repris sa rectitude. Or la seconde opération a-t-elle rendu à la langue ce que la première lui avait enlevé ? Non sans doute, mais elle a paralysé une quantité égale de faisceaux musculaires de chaque côté d’où est venu l’équilibre. Quels mouvements ou quelle étendue de mouvements la para- lysie de ces faisceaux musculaires a-t-elle abolis ? C’est ce qu’on ne peut préciser. Mais la paralysie ne pouvant atteindre que les muscles qui reçoi- vent des rameaux du facial, la connaissance de ces muscles et celle de leurs fonctions, dont nous avons donné l’exposé ci-dessus, peut suppléer à ce que l’expérience laisse à désirer. Toutefois on remarquera que, après la section des deux nerfs de la septième paire, la langue reste dans la louche, où elle exécute encore un certain nombre de mouvements. La paralysie des deux hypoglosses produit des effets bien différents : si, sur un chien, on coupe les deux nerfs grands hypoglosses, la langue parait avoir perdu ses mouvements volontaires; elle ne reste plus dans la bouche, mais elle tombe entre les dents où elle est mordue par les mou- vements de mastication de l’animal. Dans cette expérience la perte des mouvements est si considérable que la langue semble complètement paralysée; mais d’où vient qu’elle n’est plus contenue dans la cavité buccale? Évidemment parce que quelques-uns des muscles élévateurs de cet organe ont conservé leur action, tandis que leurs antagonistes ont perdu la leur; en effet, les muscles digastriques et stylo-hyoïdiens, qui élèvent la base de la langue, reçoivent des rameaux des nerfs de la septième paire qui, dans cette expérience, sont intacts. Les nerfs de la septième paire contribuent donc à élever la base de la langue et à faciliter la sortie de sa pointe hors de la bouche; la paralysie de ces nerfs produira l’effet inverse, c’est-à-dire la difficulté à soulever la base de la langue et à sortir la pointe de cet organe hors de la cavité buccale. Quant à l’influence du facial sur le mouvement par lequel on porte en haut ou l’on recourbe la pointe de la langue, mouvement nécessaire à la prononciation des lettres linguales, on ne peut, il est vrai, la déduire des faits d’hémiplégie faciale, ni des expériences que nous venons de rappor- ter ; mais elle est sulfisamment indiquée par la distribution anatomique du rameau lingual du facial. La paralysie de ce rameau de chaque côté aura 43 44 donc pour résultat une imperfection dans l'articulation des lettres linguales. Sans doute, dans la paralysie des branches linguales des deux nerfs de la face, l’extrémité de la langue pourra encore venir toucher la voûte pala- tine ; mais il ne suffit pas pour prononcer L ou R de porter la langue au palais, il faut encore en recourber la pointe, l’appuyer avec une certaine force, et par un mouvement rapide. On ne saurait contester que, pour obtenir ce résultat, l’intervention de la couche longitudinale supérieure du muscle lingual, à laquelle se distribue le rameau du facial, ne soit né- cessaire, et peut-être faut-il encore que la base delà langue soit maintenue à une certaine hauteur par ses élévateurs : Voyons maintenant si nos faits de paralysie générale des deux nerfs de la septième paire s’accordent avec ces conclusions, Dans l’observation 8, le malade ne produisait que des sons inarticulés, la langue restait dans la bouche ; mais la paralysie étant complexe on ne peut faire la part de la perte fonctionnelle attribuable au facial. Dans l’ob- servation 9, la langue ne pouvait être portée hors de la bouche, quoiqu’elle exécutât dans cette cavité des mouvements variés sous l’influence de la vo- lonté. Il y avait absence de toutes les articulations des sons, excepté des sons gutturaux (à la perte des consonnes linguales s’ajoutait celle des la- biales). Dans l’observation 7, la pointe de la langue ne pouvait être recour- bée sur le bord libre de la lèvre supérieure ; les lettres linguales étaient difficilement ou indistinctement prononcées. Ainsi, la paralysie générale des deux nerfs de la septième paire entraîne la paralysie partielle du pharynx, du voile du palais et de la langue, d’où résultent la gêne de la déglutition, le nasonnemént, la difficulté à articuler les linguales. Il semble que ces phénomènes devraient être toujours apparents, à un moindre degré, il est vrai, dans la paralysie de l’un des nerfs de la septième paire, dont la cause se trouverait dans l’encéphale ou le rocher. Pour le nasonnement, l’observation i 1 prouve qu’il existe quelquefois, mais qu’il pourrait échapper au médecin inattentif, parce qu’il est très-peu prononcé. Cependant on concevra que ces différents symptômes puissent ne pas exis- ter dans la paralysie bornée à l’un des nerfs de la face, si l’on considère que, pour le voile du palais comme pour la langue, il n’y a pas indépen- dance absolue dans les mouvements de chaque moitié. Le côté resté sain entraîne dans son élévation le côté paralysé, et favorise ainsi l’accomplis- sement de ses fonctions. 45 TROISIÈME PARTIE. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SLR LA PARALYSIE DES DEUX NERFS DE LA SEPTIÈME PAIRE, Après avoir établi que les phénomènes de la paralysie des deux nerfs de la septième paire ne sont pas toujours bornés à l’extérieur de la face, mais qu’ils apparaissent encore dans les désordres de plusieurs fonctions internes, nous allons essayer, parle rapprochement des divers faits contenus dans ce mémoire, de tracer une histoire générale de la maladie. Causes. — Par l’analyse des observations que nous avons rapportées, on peut assigner à cette double paralysie trois ordres de causes : 1° celles qui ont leur siège dans les centres nerveux ; 2° celles qui portent leur action sur les rochers; 3° enfin celles qui agissent directement sur les rameaux périphériques des nerfs de la face. Au premier ordre de causes se rapportent les lésions des centres ner- veux, comme épanchements de sang, ramollissement, etc., dont les phé- nomènes paralytiques seraient limités aux deux nerfs de la septième paire; mais en l’état actuel de nos connaissances sur le système nerveux, il ne nous est pas possible d’expliquer par les lésions cadavériques la localisation de la paralysie dans ces cas (obs. VIII). La seconde catégorie comprend les affections qui, par les altérations qu’elles déterminent dans le rocher, compriment ou détruisent consécuti- vement le nerf facial, et l’on conçoit comment une cause morbide ou une affection qui porte ordinairement ses effets sur plusieurs organes à la fois, et spécialement sur les os, comme la syphilis, les scrofules, est plus propre qu’aucune autre à produire une lésion simultanée des deux rochers (obs.V). Il en doit être de même d’une violente commotion du crâne qui peut frac- turer en même temps les deux temporaux (obs. IX). A la troisième catégorie, on doit rapporter l’impression prolongée d’un vent froid sur la face, et pour les enfants nouveau-nés, la compression exer- cée par le forceps. Ces causes si fréquentes de l’hémiplégie faciale pour- ront aussi occasionner la paralysie des deux nerfs de la septième paire. Il n’est pas toujours possible de distinguer par les symptômes si la cause de la paralysie a son siège dans l’encéphale ou sur le trajet des nerfs; une remarque de Marshall-Hall que nous avons vérifiée plusieurs fois pourra fournir souvent des renseignements précis pour cette détermination et utiles pour le traitement; la voici : lorsque la cause de la paralysie se trouve dans l’encéphale, la faculté conductrice des nerfs en général se conserve indéfiniment ; de sorte que si la paralysie du facial a sa cause dans le cer- veau, en appliquant le galvanisme au tronc ou aux principales branches de ce nerf, tous les muscles qui en reçoivent des rameaux entreront en con- traction, comme si l’on appliquait le galvanisme à ces muscles eux-mêmes (obs. VII) ; au contraire, lorsque la cause paralysante se trouve sur le trajet des nerfs, ils perdent très-promptement leur faculté conductrice. Ainsi, pour le facial, la lésion existe-t-elle dans le rocher, le galvanisme appliqué à ce nerf par deux conducteurs dont l’un serait placé au niveau du trou stylo-mastoïdien et l’autre en avant du col du condyle de la mâchoire in- férieure, ne produira de contractions ni dans les paupières, ni dans les joues, ni dans les lèvres (obs. XI). Enfin, on aura la certitude que la cause de la paralysie existe dans les centres nerveux, si l’on observe des mouvements réflexes dans les muscles paralysés (obs. VIII). Symptômes. — La paralysie des deux nerfs de la septième paire a une expression symptomatique variable, suivant qu’elle est générale ou par- tielle, complète ou incomplète. Dans la paralysie générale et complète, la face n’a rien perdu de sa régularité, mais elle est immobile, et les impressions de l’âme ne s’y tradui- sent plus que par des changements de coloration (obs. VI, VIII); c’est un masque inanimé derrière lequel le malade rit et pleure (obs. V) ; le front n’a pas de rides, les sourcils tombent, les paupières sont largement ou- vertes et ne se ferment plus; l’inférieure, à demi renversée, laisse écouler les larmes; les narines rétrécies s’affaissent pendant l’inspiration (obs. I, VI); les lèvres pendantes, entr’ouverles, agitées par le souffle de la respiration (obs. V, VI), ne retiennent plus la salive qui s’écoule incessamment de la bouche; les joues flasques laissent dans la mastication les aliments s’accu- muler entre elles et les mâchoires. Le malade ne peut volontairement con- tracter aucun des muscles de la face, ni cracher, ni siffler, ni prononcer certaines voyelles, comme l’o et l’w, ni articuler les consonnes labiales, eomme le p, l’m, etc. (obs. V, VI); il ne peut non plus prononcer les lin- guales, comme l'l et l’r (obs. VII), La voix est nasonnée (obs. VII, XI), la déglutition difficile (obs. VII, VIII, X), la succion impossible; le voile du palais est symétrique, mais il ne se relève point (obs. VII) ; la langue ne peut plus être portée facilement hors de la bouche, ni la pointe être recour- 46 47 bée en haut (obs. VII, VIII, IX); la faculté de percevoir les odeurs et le» saveurs a diminué; néanmoins les mouvements de mastication exercés par la mâchoire inférieure, la sensibilité de la face, sont conservés (obs. IV, V et suiv.). Nous ne possédons qu’une seule observation d’une paralysie aussi com- plète de toutes les branches du facial (obs. VIII), et chez la malade qui en était atteinte, certaines fonctions s’accomplissaient encore par action ré- flexe. L’obs. VII noos offre un autre exemple d’une paralysie faciale générale, mais moins complète, et l’on conçoit que les symptômes de la paralysie incomplète de deux nerfs de la septième paire doivent varier suivant que telle ou telle branche aura perdu plus ou moins de son énergie ; si les branches externes sont moins paralysées que les internes, par exem- ple, on observera le nasonnement, la difficulté de la déglutition, de la pro- nonciation des lettres linguales, l’absence de certains mouvements du voile du palais et de la langue; néanmoins la face conservera sa régularité et jus- qu’à un certain point ses mouvements; le malade aura les traits sans ex- pression, les yeux très-ouverts et saillants, les lèvres proéminentes et en- trouvertes; elles ne feront, comme les joues, qu’imparfaitement leurs fonctions, l’action de siffler, de contracter les traits de diverses manières, sera très-incomplète et les paupières n’opposeront aucune résistance au doigt qui les soulèvera, lorsque le malade pensera les fermer avec énergie (obs. VII). La paralysie partielle des deux nerfs de la septième paire peut n’oc- cuper qu’un petit nombre de leurs rameaux (obs. I) ; mais plus souvent elle porte sur tout un système de leurs branches (obs. II, III, IV, V, VI). Dans l’un et l’autre cas, nous l’avons toujours observée sur les parties ho- mologues, c’est-à-dire qu’elle a toujours été symétrique. Ce n’est que dans les cas où la paralysie de la face s’est présentée comme épiphénomène d’une maladie plus générale, d’une affection grave des centres nerveux, qu’elle nous a paru perdre cet accord. La paralysie bornée à l’un des ra- meaux des deux nerfs de la septième paire n’a point été observée chez l’homme, à notre connaissance (1). Nous avons rapporté un cas remar- (1) Nous n’avons pas rapporté à la paralysie partielle des deux nerfs de la face certains cas de paralysie du voile du palais, avec nasonnement et retour des liquides par les narines, observée chez les enfants par MM. Trousseau et Lasègue (Union médicale, n® 119, l»5t), et chez les adultes par M. Morisseau, quable de paralysie limitée aux naseaux chez le cheval, fait observé par M. Goubaux. C’est la paralysie simultanée des branches temporo et cervico- faciales de chaque côté qui nous a fourni le plus grand nombre d’exemples de paralysie double de la face. Dans ces cas, la faculté de contracter les muscles des oreilles (1), du front, des paupières, du nez, des joues, des lèvres étant abolie, la face prend cette expression d’immobilité, celte appa- rence de masque dont nous avons parlé plus haul. Alors les yeux restent ouverts, les narines sont immobiles dans l’acte de la respiration et de l’ol- faction ; les joues gardent les aliments et les lèvres, impuissantes à retenir les liquides dans la bouche, ont aussi perdu la faculté d’imprimer aux sons certaines modifications. En même temps les fonctions du voile du palais et de la langue sont intactes, la face a conservé sa sensibilité et les mâchoires leur énergie. Nous ferons néanmoins remarquer que, dans certains cas, les mouve- ments d’abaissement de la mâchoire inférieure étant moins faciles et moins 48 médecin de l’hôpi' al de la Flèche (Union médicale, n° 126, 1851). La plupart de ces cas sont complexes. Quant à ceux dans lesquels la paralysie paraîtrait avoir porté plus spécialement sur le voile du palais, il aurait pu se faire que la perte des mouvements ne dépendît que d’une anesthésie de cette partie, ainsi que nous l’expliquerons à l’article Diagnostic. Il y aurait même à cette manière de voir une raison assez plausible; car dans la plupart des cas rapportés par les observateurs cités ci-dessus, la perte des mouvements était consécutive à une angine simple ou couenneuse ; or n’est-il pas présumable que, dans cette affec- tion, les filets du nerf glosso-pharyngien, répartis dans la membrane muqueuse, ont dû être plus fortement atteints que les filets moteurs sous-jacents à cette membrane? (1) La paralysie spontanée des muscles de Voreille externe a été observée sur un âne (Joürn. des vétér. du Midi, t. V, 1842). Cette paralysie, comme celle que l’on produit expérimentalement chez ces animaux ou chez les lapins par la section du nerf facial, a une expression très-remarquable. Chez l’homme, la paralysie des muscies de l’oreille externe n’est pas appréciable, parce que les mouvements de cette partie sont très-bornés ou nuis. Néanmoins il en serait autrement chez quelques personnes, chez certains sourds, par exemple, qui ont acquis la faculté de mouvoir volontairement le pavillon de l’oreille. Astley Cooper (QEuv. chir., trad., Paris 1835, p. 582) rapporte que chez un homme sourd, le pavillon de l’oreille avait acquis un mouvement très-distinct en haut et en arrière, mouvement que l’on observait toutes les fois que cet homme prê- tait l’attention à quelque chose qu’il n’entendait pas distinctement. Il pouvait aussi à volonté élever son oreille ou la tirer en arrière. prompts, par la paralysie du ventre postérieur du muscle digastrique qui re- çoit un rameau du facial, le malade pourra éprouver une certaine difficulté à exercer rapidement des mouvements de mastication (obs. VIII). D’un autre côté, lorsque la paralysie sera très-ancienne, l’on pourra observer, avec l’amaigrissement des parties, une diminution de la sensibilité de la face. Mais cette anesthésie sera toujours assez légère et il sera facile, d’ail- leurs, de constater l’intégrité des autres fonctions des nerfs de la cinquième paire. 49 INFLUENCE DE LA PARALYSIE DE LA SEPTIÈME PAIRE SUR DIVERSES FONCTIONS. La paralysie de l’un des nerfs de la face s’accompagne souvent de trou- bles dans les fonctions de V audition, de Vol faction et de la gustation; il en doit être de même pour celle des deux nerfs, seulement il sera quelque- fois plus difficile de les constater. Physionomie. — La paralysie des deux nerfs de la septième paire, abo- lissant tout mouvement de la face, les traits n’expriment plus aucun senti- ment ; mais il est remarquable que les changements de coloration se pro- duisent encore suivant les impressions de l’âme (obs. VI, VIII). Les deux observations dans lesquelles ce fait a été noté suffisent pour prouver que la rougeur ou la pâleur de la face dans les émotions ne sont point sous la dé- pendance de la septième paire. D’un autre côté, dans les divers cas de pa- ralysie de la cinquième paire, dont nous avons pu prendre connaissance, les auteurs n’ont point fait mention de l’existence ou de l’absence de cet effet des impressions de l’âme sur les joues; cette circonstance et les expé- riences récentes de M. Cl. Bernard sur les fonctions de quelques parties du grand sympathique nous portent à penser que c’est par l’action de ce der- nier nerf que se produisent les changements de coloration de la face. (Cl. Bernard, Influence du grand sympathique sur la sensibilité et sur la coloration. Comptes rendus de la Société de biologie, 1851, p. 163.) Parole. — La voix, produite dans le larynx, peut éprouver des modifi- cations variées dans son passage à travers l’isthme du gosier et la cavité de la bouche. C’est par le moyen de ces modifications qu’elle devient la pa- role ; or, dans la paralysie générale et complète des deux nerfs de la sep- tième paire, la voix n’est plus dirigée dans la bouche et nasonne; en outre, elle perd en grande partie les modifications diverses que lui impriment la langue, les joues et les lèvres ; la parole est donc imparfaite, inintelligible., ou plutôt elle n’existe plus. Enfin, la déglutition est difficile, la succion, la sputation deviennent laborieuses ou impossibles par la paralysie des deux nerfs de la septième paire. Marche, durée, terminaison. — La paralysie des deux nerfs de la face étant le résultat de lésions organiques très-diverses, il n’est pas possible de rien dire de général sur sa marche, sa durée et sa terminaison. Elle suivra nécessairement quelques-unes des phases de l’affection qui l’aura produite ; mais elle pourra lui survivre, si l’altération consécutive des nerfs a été très- profonde, ou si le traitement n’a pas été convenablement appliqué. La pa- ralysie des deux nerfs survient quelquefois simultanément, mais elle peut être aussi successive et paraître d’un côté de la face, lorsque l’autre est déjà paralysé depuis un certain temps (obs. Y, VI). Elle varie aussi dans son intensité. Le plus ordinairement elle ne parvient que graduellement à son plus haut degré et suit une marche inverse pour arriver à la guérison. Dans un grand nombre de cas, les parties conservent une sorte de tonicité qpi dépend probablement d’un reste d’influx nerveux. Complications. — Nous avons vu la paralysie des deux nerfs de la sep- tième paire compliquée de celle des hypoglosses (obs. VIII). Nous n’avons pas d’exemple de la complication de cette affection avec la paralysie des nerfs de la cinquième paire. Lorsque la paralysie des deux nerfs de la face se rencontre avec celle d’un assez grand nombre d’autres nerfs, elle ne peut plus être considérée que comme l’un des phénomènes d’une affection grave des centres nerveux, et alors, chose digne de remarque, la paralysie des deux nerfs de la septième paire a perdu en partie l’expression sympto- matique qui la caractérise ordinairement lorsqu’elle est isolée. Le plus sou- vent, en effet, dans le premier cas, l’on voit les branches cervico-faciales paralysées indépendamment des branches temporo-faciales, ou réciproque- ment ; en même temps que les lèvres restent pendantes et que les joues se gonflent par l’expiration, les paupières n’ont rien perdu de leurs mouve- ments spontanés; ou bien, la paralysie du moteur oculaire commun coïn- cidant avec celle du facial, les yeux ne sont plus ouverts, mais ils restent habituellement fermés. Diagnostic. — La paralysie générale des deux nerfs de la face se dis- tinguera par la limitation de l’affection aux muscles qui reçoivent l’in- fluence de ces nerfs. A moins de complication, la mâchoire inférieure con- servera l’énergie de ses mouvements, et la face sa sensibilité. Si cette para- lysie est incomplète, les traits pourront paraître naturels, et la physionomie n’attirera l’attention ni par une déviation caractéristique, ni par une im- 50 mobilité complète; mais le nasonnement et la prononciation imparfaite mettront le médecin sur la voie. Lorsque la paralysie sera partielle, la perte locale du mouvement avec conservation du sentiment ou le trouble fonctionnel caractérisera suffisamment la maladie. Néanmoins, dans un cas de paralysie bornée au voile du palais, il pourrait être difficile de déterminer si l’on a affaire à une paralysie des rameaux du facial qui se rendent aux muscles élévateurs de ce voile, ou si l’on doit rap- porter l’absence des mouvements à une paralysie du glosso-pharyngien. En effet, nous avons vu, par les expériences rapportées dans la deuxième partie de ce mémoire, que l’excitation du glosso-pharygien provoque des mouve- ments dans le voile du palais, mais que ces mouvements sont produits par action réflexe, c’est-à-dire à la suite d’une impression communiquée au centre nerveux par le nerf glosso-pharyngien et rapportée aux élévateurs du voile du palais par le nerf facial. Il devrait donc arriver, dans une paralysie du nerf glosso-pharyngien, que les excitations portées sur ce nerf, ou sur la membrane muqueuse à laquelle il se distribue, n’étant plus transmises aux centres nerveux, ne seraient plus suivies des mouvements qu’on ob- serve à l’état normal.Ce ne serait point ici une paralysie du mouvement, mais une absence de mouvements consécutive à une paralysie du sentiment. Ce qui pourrait faire distinguer dans ce cas la paralysie du glosso-pharyngien de celle du facial, ce serait, d’une part, la perte de sensibilité des parties ; d’une autre part, la persistance de certains mouvements indépendants des excitations du nerf glosso-pharyngien, de mouvements qui se produiraient encore dans certains actes spontanés des centres nerveux, et analogues aux actions réflexes, dans le bâillement, par exemple (voy. obs. VIII). Mais les faits seuls, étudiés à ce point de vue des actions réflexes, pourront déter- miner les conditions précises du diagnostic dans la paralysie isolée du voile du palais. Nous avons déjà eu l’occasion de faire remarquer, dans le cours de ce travail, que, dans les cas de paralysie double de la face, les phénomènes paralytiques se montrent quelquefois d’une manière successive ; dans ces cas, l’on observe le redressement graduel des traits, et l’on pourrait croire à une guérison de l’hémiplégie faciale, si l’on n’observait que les deux yeux ne se ferment plus, que les fonctions des joues et des lèvres sont abolies (obs. V, VI). Lorsqu’un état spasmodique des muscles d’un des côtés de la face vient à succéder à un état paralytique des mêmes organes, les changements qui en résultent dans la physionomie pourraient conduire à penser que la para- 51 lysie a quitté le côté primitivement affecté pour se porter du côté opposé. Une observation de Marshall-Hall prouvé que cette méprisea été commise. Voici le fait. 52 FEMME ; IMPRESSION DU FROID, PARALYSIE DE LA FACE DU CÔTÉ DROIT, PUIS ÉTAT SPASMODIQUE DU MÊME CÔTÉ (1). Obs. XVII. — « Lady S , après avoir été exposée à un froid violent, fut atteinte d’une paralysie du côté droit du visage ; elle ne pouvait fermer les pau- pières de l’œil droit, les traits étaient tirés à gauche; les aliments restaient dans le’côté droit de la bouche pendant la mastication, et la salive coulait de l’angle des lèvres de ce côté. Avec le temps, tout changea, les paupières, d’a- bord paralysées, se fermaient non-seulement par un acte de la volonté, mais d’une manière spasmodique. Le visage fut tiré à droite, surtout pendant le rire et pendant la mastication, et il se forma une fossette sur le côté droit de la ligne moyenne du menton. » On supposa que cette maladie avait attaqué successivement les deux côtés de la face, qu’il y avait eu d’abord paralysie du nerf facial droit, et ensuite du nerf facial gauche ; cependant l’état de la paupière indiquait suffisamment que le changement ne s’était pas fait d’un côté à l’autre, mais qu’à une paralysie de la face du côté droit avait succédé un spasme du même côté. C’étaient toujours les paupières de l’œil droit qui étaient affectées ; celles du côté gauche étaient restées à l’état normal. Les paupières à droite ne pouvaient être fermées com- plètement, et l’effort pour y parvenir produisait une action spasmodique des muscles de ce côté de la face. Ce cas ayant été mal diagnostiqué, les remèdes urent appliqués sur le côté non affecté du visage. » Bien que la méprise ait été commise dans ce cas, je m’empresse d’ajouter qu’avec un peu d’attention on aurait pu facilement l’éviter. Ce qui peut l’excuser jusqu’à un certain point, c’est que les cas d’état spasmodique des muscles delà face, succédant à leur état paralytique, n’ont pasété mentionnés d’une manière spéciale par les auteurs qui ont écrit sur la paralysie delà septième paire. Pronostic. — Relativement au pronostic, la paralysie des deux nerls de la septième paire doit èlre envisagée en elle-même et par rapport aux conséquences qu’entraîne l’abolition de certaines fonctions. Considérée en elle-même, la paralysie des deux nerfs de la face sera sub- ordonnée, quant à sa gravité, au degré d’altération des nerfs eux-mêmes (1) On THE D1SEASES AND DERANGEMENTS OF THE NERVOÜS SYSTEM ; 1>V Marshall- Hall. London, 1851, p. 8/i7. 53 ou à la nature de l’affection dont elle sera le symptôme. Si les nerfs ont été détruits ou profondément altérés, si leur lésion dépend d’une affection in- curable des centres nerveux ou du rocher, la paralysie sera également in- curable. Mais si la cause est transitoire, comme l’impression d’un vent froid, si l’affection primitive est curable comme la syphilis (et ces causes paraissent être les plus fréquentes), la paralysie des deux nerfs de la face pourra être guérie, et parfois dans un espace de temps assez court. Quant aux conséquences de cette affection envers certains organes ou certaines fonctions, je ne m’occuperai ici, avec quelques détails, que de celles qui résultent de la non-occlusion des paupières et de l’imperfection dans la préhension des aliments. On a dit que la paralysie de la septième paire détermine une affection grave de l'œil. Dans nos observations, nous n’avons rien vu de semblable, et cependant, dans quelques-unes, l’œil ne s’était pas fermé spontanément depuis plus de trois .mois. Sur des lapins que j’ai conservés longtemps après leur avoir arraché l’un des nerfs de la septième paire, l’œil n’a jamais offert la moindre altération. M. Magendie a prouvé qu’il en était tout autrement de la paralysie de la cinquième paire, qui produit au bout de peu de jours l’inflammation de la conjonctive, le ramollissement de la cornée et la perte de l’œil. Outre les inconvénients sérieux qui résultent de la perte presque com- plète de la parole et de l’écoulement inévitable de la salive hors de la bou- che, la paralysie générale des deux nerfs de la face, par l’abandon qu’elle fait des aliments dans la cavité buccale, par la difficulté consécutive de la déglutition, doit être considérée comme une maladie grave et dont les con- séquences ne se borneront pas à la perte de quelques fonctions. En effet, les substances alimentaires n’étant ni retenues par les lèvres, ni ramenées incessamment entre les dents par les joues, ne subissent point une tritu- ration et une insalivation nécessaires au plus grand nombre. De là résulte- ront des digestions imparfaites ou laborieuses; de là la nécessité de soins particuliers et continuels, dont la privation aurait les plus fâcheuses con- séquences pour l’entretien de la santé générale et même de la vie. Afin d’apprécier jusqu’à un certain point la gravité de cette affection, j’ai fait quelques expériences sur des lapins, et j’ai vu que ceux auxquels j’a- vais arraché l’un des nerfs de la face continuaient à vivre, tandis que ceux auxquels les deux nerfs avaient été enlevés par le même procédé succom- baient. J’ai trouvé alors constamment dans leur bouche des aliments qui n’avaient pu en être expulsés. Le pharynx et l’œsophage n’en contenaient pas. L’estomac en renfermait une petite quantité. (On sait que les lapins qu’on a laissés mourir de faim ont encore une certaine quantité d’aliments dans l’estomac, qui ne peut jamais se vider complètement chez ces ani- maux.) (ClaudeBernard, Comptes rendus de la Société de biologie, 1852.) Quoique les lèvres et les joues, chez le lapin, n’aient qu’une action assez limitée sur la préhension et sur la trituration des aliments la paralysie de ces organes, chez cet animal, est cependant très-grave. La paralysie, même bornée à quelques rameaux des deux nerfs de la septième paire, ne le serait pas moins chez certains animaux dont les organes qui saisissent les sub- stances alimentaires ou qui les portent à la bouche, sont sous la dépendance de ces nerfs ; pour le cheval en particulier, chez qui la paralysie des lèvres a été quelquefois observée, cette affection ainsi limitée paraît pouvoir occa- sionner la mort. (Raynard, Extrait des Comptes rendus de l’École vé- térinaire de Lyon, 183/1-1835.) Traitement. — Avant tout, l’on devra déterminer si ia paralysie est idiopathique ou si elle tient à une lésion cérébrale ou à une affection des deux rochers, etc., et lorsque les symptômes seront insuffisants pour ar- river à cette détermination, l’application de l’électricité pourra donner des indications précieuses, comme nous l’avons dit à l’article des causes de cette maladie. On sera ainsi amené à partager ces affections en deux groupes, par rap- port aux indications thérapeutiques qui leur sont applicables. Dans l’un se rangeront tous les cas où la paralysie faciale est symptomatique de quelque lésion, soit du cerveau, soit du rocher, etc. C’est contre l’affection de ces organes que le traitement devra être dirigé. Parmi ces affections, il en est qui, comme une carie scrofuleuse, entraînent fréquemment la destruction des nerfs (obs. X) et rendent tout traitement superflu ; d’autres, comme les affections syphilitiques, n’occasionnant d’abord qu’une compression du tronc nerveux et étant facilement modifiées par un traitement spécifique, laissent beaucoup d’espoir d’arriver à une cure complète de la paralysie. Il en pourrait être de même de quelques cas de paralysie faciale symptoma- tique d’une affection cérébrale. Mais, dans ces différents cas, le traitement doit il être dirigé exclusivement contre l’affection primitive, et la paralysie ne présente-t-elle aucune indication par elle-même? C’est une question que nous examinerons plus loin avec quelques développements. Dans l’autre groupe se rangeront tous les cas dans lesquels la cause ayant agi directement sur le nerf et n’ayant pas produit de désordres or- ganiques graves, la paralysie peut être considérée comme idiopathique, ici 54 encore la connaissance de la cause pourra donner quelques indications particulières, et les phénomènes concomitants devront aussi être pris eu considération dans l’administration du traitement. Si le début de la para- lysie est marqué par des symptômes généraux, de la fièvre, des douleurs à l’origine ou sur le trajet des nerfs, etc., on aura recours à des émissions sanguines générales ou locales, à des applications topiques émollientes ; plus tard, d’autres moyens, comme des révulsifs cutanés, quelques exci- tants locaux pourront être aussi utilement employés; mais lorsqu’on aura obtenu la résolution du mouvement fluxionnaire qui s’était établi dans la continuité des nerfs ou dans les parties voisines, il faudra se hâter de re- courir à un moyen généralement efficace, et d’autant plus efficace que la paralysie est moins ancienne. Je veux parler de l’application locale de l’é- lectricité. Quelle que soit la source de l’électricité, quel que soit son mode d’appli- cation, c’est le moyen le plus généralement utile dans les paralysies idio- pathiques des nerfs de la septième paire ; néanmoins, l’électricité dévelop- pée par les appareils électro-magnétiques, doit être préférée pour le traite- ment de la paralysie faciale. Outre la simplicité et la facilité de sa produc- tion, le fluide développé par l’induction magnétique paraît avoir une action moins irritante ou moins désorganisatrice sur les tissus, tout en conservant ses facultés excitatrices sur les nerfs et sur les muscles. Quant au mode d’application du fluide électro-magnétique aux parties affectées, des éponges humides mises en communication avec les pôles de l’appareil per- mettent au fluide de pénétrer jusqu’aux nerfset aux muscles avec facilité et sans causer beaucoup de douleur. Pour l’extérieur de la face, ces conduc- teurs humides devront être appliqués successivement sur le trajet des di- verses branches des nerfs paralysés ou sur les muscles de la face, en évitant toutefois les trous sus et sous-orbitaire et mentonnier où, par l’accumula- tion des branches de la cinquième paire, l’on causerait des douleurs inutiles. Pour l’application de l’électricité au voile du palais, l’on pourra mettre en communication l’un des deux pôles de l’appareil avec une tige métallique contenue dans un tube de verre et terminée par une olive. Ce conducteur sera porté sur différents points du voile du palais pendant que l’autre sera appliqué au niveau de l’apophyse mastoîde ou au voisinage du conduit au- ditif externe. La durée du traitement par l’électro-magnétisme sera nécessairement très-variable. Dans une paralysie idiopathique et récente, la guérison pourra être obtenue en un mois environ (obs. VI). Pour une paralysie an- 55 cienne, dans laquelle les muscles auront perdu leur irritabilité et les nerfs leur pouvoir conducteur, la durée du traitement sera beaucoup plus longue. Les effets obtenus après quelques applications pourront donner des pré- somptions à cet égard, la guérison sera d’autant plus assurée et plus pro- chaine que l’on obtiendra plus tôt une amélioration dans les phénomènes paralytiques. Mais l’application de l’électricité doit-elle être restreinte aux cas de para- lysie faciale idiopathique? Non sans doute. Dans la plupart des cas de para- lysie symptomatique des nerfs de la septième paire, après la guérison de l’affection primitive du cerveau ou du rocher, les changements survenus dans l’irritabilité ou dans la nutrition des nerfs et des muscles ne permet- tent plus à ces organes de reprendre spontanément leurs fonctions ; l’ap- plication de l’électricité aux parties paralysées est alors le meilleur et sou- vent le seul moyen de leur rendre ces fonctions. Enfin, nous pensons que, dans tous les cas où l’on pourra espérer la guérison de l’affection des centres nerveux ou du rocher d’où dépend la paralysie faciale, l’électro-magnétisme trouvera encore une application utile, avant même la guérison de l’affection primitive. On n’aura pas sans doute pour but d’obtenir une guérison immédiate, mais on aura l’avantage, en soumettant de temps en temps à un courant électro-magnétique les muscles paralysés, d’entretenir la nutrition et l’irritabilité de ces organes qui conserveront leur aptitude à recevoir l’influx nerveux et pourront re- prendre leurs fonctions aussitôt que la communication sera rétablie entre ces parties et l’organe de la volonté. 56 PROPOSITIONS PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES. L'étude de la paralysie des deux nerfs de la septième paire conduit aux déductions suivantes : 1° Par ses branches externes, le facial fait mouvoir les différents mus- cles de la face, et communique aux traits l’expression de la pensée; mais les changements de coloration de la face qui suivent les impressions de l’âme sont indépendants de ce nerf. 2° Par ses branches internes, le nerf facial agit sur le pharynx, sur le voile du palais et sur la langue. a Par son action sur le pharynx, il aide aux mouvements de la déglu- tition ; b Par son action sur le voile du palais, il en détermine le soulèvement 57 pour l’accomplissement de certains actes, et principalement pour diriger la voix dans la bouche ; c Par son action sur la langue, d’une part, il produit le soulèvement de la base de cet organe et en facilite la sortie hors de la bouche ; d’uue autre part, il en recourbe la pointe en haut pour l’articulation des linguales. 3° Par ses branches internes et externes à la fois, il dirige les sons dans la bouche et leur imprime les modifications diverses qui constituent la parole. 6°La paralysie peut occuper les deux nerfs de la septième paire ensemble, et indépendamment de celle d’aucun autre nerf. 5° Cette paralysie peut être générale ou bornée à un petit nombre de rameaux. Dans le plus grand nombre des cas, elle occupe à la fois et ex- clusivement les branches lemporo et cervico-faciales de chaque côté. 8° Elle esl ordinairement complète, mais elle peut aussi varier dans son degré. 9° Quand elle n’est pas l’un des symptômes d’une affection grave des centres nerveux, elle existe ordinairement de chaque côté de la face sur les parties homologues. 10” La paralysie des branches externes se reconnaît à l’absence des mouvements de la face. Celle des branches internes à la dysphagie, au nasonnement, à la difficulté de prononcer les lettres linguales. 11° Lorsque la paralysie des deux nerfs de la septième paire dépend d’une affection grave des centres nerveux ou des rochers, elle est presque toujours incurable ; lorsqu’elle dépend d’une cause spécifique, elle peut être guérie par un traitement spécifique. L’électro-magnétisme est, dans tous les cas, l’agent thérapeutique le plus généralement utile. FIN.